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GAZA : La deuxième mort du judaïsme

jeudi 15 janvier 2009, par OCL St Nazaire


La prétention des courants sionistes a parler au « nom des juifs », est devenue quasi hégémonique dans la société française depuis la première Guerre du Golfe, à de remarquables exceptions près telle l’UJFP Ainsi le silence des militantEs, intellectuelLEs, personnalitéEs de France dès qu’il est question de critiquer l’Etat d’Israël et sa politique, contribue t-il pour une large part à la polarisation des analyses sur des thèmes tel « l’affrontement des civilisations », « les clivages communautaires », « la résurgence de l’antisémitisme »…, contrairement à ce qui se passe dans d’autres régions du monde comme l’Amérique du Nord

Le texte d’Eric Hazan que nous reprenons ici est un appel à inverser cette tendance à l’effacement du débat politique et de l’engagement, pour replacer l’analyse de la situation en Palestine sur le terrain des enjeux politiques, sociaux et éthique, comme le font nos camarades des anarchistes contre le mur au sein même de l’Etat d’Israël Puisse-t-il être entendu.

LA DEUXIÈME MORT DU JUDAÏSME

Les millions de juifs qui ont été exterminés par les nazis dans les plaines de Pologne avaient des traits communs qui permettent de parler d’un judaïsme européen. Ce n’était pas tant le sentiment d’appartenance à un peuple mythique, ni la religion car beaucoup d’entre eux s’en étaient détachés : c’étaient des éléments de culture commune. Elle ne se réduisait pas à des recettes de cuisine, ni à des histoires véhiculant le fameux humour juif, ni à une langue, car tous ne parlaient pas le yiddish. C’était quelque chose de plus profond, commun sous des formes diverses aux ouvriers des usines textiles de Lodz et aux polisseurs de diamants d¹Anvers, aux talmudistes de Vilna, aux marchands de légumes d’Odessa et jusqu’à certaines familles de banquiers comme celle d’Aby Warburg.

Ces gens-là n’étaient pas meilleurs que d’autres, mais ils n’avaient jamais exercé de souveraineté étatique et leurs conditions d’existence ne leur offraient comme issues que l’argent et l’étude. Ils méprisaient en tout cas la force brutale, dont ils avaient souvent eu l’occasion de sentir les effets. Beaucoup d’entre eux se sont rangés du côté des opprimés et ont participé aux mouvements de résistance et d’émancipation de la première moitié du siècle dernier : c’est cette culture qui a fourni son terreau au mouvement ouvrier juif, depuis le Bund polonais, fer de lance des révolutions de 1905 et 1917 dans l’empire tsariste, jusqu’aux syndicats parisiens des fourreurs et des casquettiers, dont les drapeaux portaient des devises en yiddish et qui ont donné, dans la MOI, bien des combattants contre l’occupant. Et c’est sur ce terrain qu’ont grandi les figures emblématiques du judaïsme européen, Rosa Luxembourg, Franz Kafka, Hannah Arendt, Albert Einstein. Après guerre, nombre des survivants et de leurs enfants soutiendront les luttes d’émancipation dans le monde, les Noirs américains, l’ANC en Afrique du Sud, les Algériens dans leur guerre de libération.

Tous ces gens sont morts et on ne les ressuscitera pas. Mais ce qui se passe en ce moment à Gaza les tue une seconde fois.

On dira que ce n’est pas la peine de s’énerver, qu’il y a tant de précédents, de Deir Yassin à Sabra et Chatila. Je pense au contraire que l’entrée de l¹armée israélienne dans le ghetto de Gaza marque un tournant fatal. D’abord par le degré de brutalité, le nombre d’enfants morts brûlés ou écrasés sous les décombres de leur maison : un cap est franchi, qui doit amener, qui amènera un jour le Premier ministre israélien, le ministre de la Défense et le chef d’État-major sur le banc des accusés de la Cour de justice internationale.

Mais le tournant n’est pas seulement celui de l’horreur et du massacre de masse des Palestiniens. Il y a deux points qui font des événements actuels ce qui est advenu de plus grave pour les juifs depuis Auschwitz.

Le premier, c’est le cynisme, la manière ouverte de traiter les Palestiniens comme des sous-hommes ­ les tracts lâchés par des avions annonçant que les bombardements vont être encore plus meurtriers, alors que la population de Gaza ne peut pas s’enfuir, que toutes les issues sont fermées, qu’il n’y a plus qu’à attendre la mort dans le noir. Ce genre de plaisanterie rappelle de façon glaçante le traitement réservé aux juifs en Europe de l’Est pendant la guerre, et sur ce point j’attends sans crainte les hauts cris des belles âmes stipendiées.

L’autre nouveauté, c’est le silence de la majorité des juifs. En Israël, malgré le courage d’une poignée d’irréductibles, les manifestations de masse sont menées par des Palestiniens. En France, dans les manifestations du 3 et du 10 janvier, le prolétariat des quartiers populaires était là, mais des hurlements de colère d’intellectuels juifs, de syndicalistes, de politiciens juifs, je n’en ai pas entendu assez.

Au lieu de se satisfaire des âneries du gouvernement et du CRIF (« ne pas importer le conflit »), il est temps que les juifs viennent en masse manifester avec les « arabo-musulmans » contre l’inacceptable. Sinon, leurs enfants leur demanderont un jour « ce qu’ils faisaient pendant ce temps-là » et je n’aimerais pas être à leur place quand il leur faudra répondre.

Eric Hazan

2 Messages de forum

  • GAZA : La deuxième mort du judaïsme

    18 janvier 2009 16:33, par Manou

    Je trouve regrettable que vous laissiez passer ce texte.

    Le premier point critiquable c’est tout de même la notion très vague de "peuple juif". En fait Hazan pose la question du peuple Juif sans jamais y répondre. Ainsi la phrase C’était quelque chose de plus profond, commun sous des formes diverses aux ouvriers des usines textiles de Lodz et aux polisseurs de diamants d¹Anvers, aux talmudistes de Vilna, aux marchands de légumes d’Odessa et jusqu’à certaines familles de banquiers comme celle d’Aby Warburg.reste très vague. Il s’agit de "quelque chose"... quelque chose qui fait que des millions de personnes à travers le monde devrait se reconnaitre à travers la notion de "peuple" devrait être assez clair pour être défini par terme plus precis que "quelque chose".

    Ensuite vient le coté le plus gênant du texte : lorsqu’il parle de l’attitude d’un soi disant "peuple juif" sur le "peuple palestinien". Le peuple Juif traiterai donc les palestiniens comme des "sous hommes". De qui parle t on ? Des "anarchist against the Wall" ? Toute personne étant d’origine Juive serait donc un oppresseur en puissance ? Douteux... Et je ne parlerai pas de la comparaison peu valable avec le régime Nazie... En fait en appliquant au termes "Peuple Juif" toutes les personnes plus ou moins liés au Judaîsme Eric Hazan nous offre une analyse proche de celle admise par les étatistes à savoir "nous sommes tous en république, nous nous devons de suivre les lois definient par notre régime politique". Ainsi les juifs seraient tous liés par un sentiment de fraternité qui les mettraient à la botte de l’état sioniste. Confirmation à la fin du texte lorsque, sur de lui, l’auteur affirme la non présence du "peuple Juif" dans les manifestation parisienne. Là encore j’aimerai savoir comment il est arrivé à cette conclusion. Le peuple juif est il si reconnaissable dans une foule de 30 000 personnes ? Chaque juif à t il une caractéristique physique qui nous permette de le differencier d’un manifestant "arabo musulman" ? (D’ailleurs l’auteur n’évoque pas les cris de "mort à Israël, mort au Juifs" entendu chez les jeunes "prolétaires des quartiers populaires", mais visiblement ils avaient le même argumentaire, Israel= Juifs= Assassins)

    Sincerement j’ai du mal avec les idées de peuple. Faisons nous parti d’un "peuple français" ? Ou sommes nous une "peuplade chrétienne" ? J’accepterai cet argumentaire... encore faudrait il qu’Eric Hazan rédige un article de plus de 20 lignes... Très decevant de votre part. Je préfère quand vos articles sont rédigés par les simples militants.

    • GAZA : La deuxième mort du judaïsme 18 janvier 2009 20:19, par wiecha

      Bonjour,

      je partage ce que dit le précédent commentaire et je voudrais faire quelques ajouts.

      Quant on est sûr de son argumentation, on a pas besoin de faire parler les morts et encore moins pour dénaturer ce que fut leur vision du monde.

      Les militantEs du Bund ne se sont jamais reconnus dans une "judéité " qui aurait rassemblé le banquier et l’ouvrierBien au contraire, leur mouvement se crée sur la base de la lutte des classes et sur l’union de tous les exploités. Le constat de la nécessité d’une organisation spécifique des ouvriers "juifs" ne part d’une idée artificielle de la "culture juive" mais de deux constats pratiques : la nécessité de lutter contre l’antisémitisme, même au sein du monde ouvrier et le fait que la plupart des ouvriers juifs ne parlent que le yiddish, et qu’il convient donc de faire des journaux dans cette langue, de traduire les textes révolutionnaires... Mais les premières grandes grèves du Bund se font contre les patrons "juifs" et contre ce qui dans la culture de l’époque constitue une forme d’oppression. Et les talmudistes seront en face et non à côté d’eux dans les luttes.

      Même chose pour Rosa Luxembourg , qui ne s’est jamais que je sache reconnue dans une conception interclassiste de la la culture.

      Par ailleurs, ce texte est une sorte de chantage moral inacceptable : en quoi les "juifs " auraient-ils une responsabilité plus grande que les autres habitants de ce pays vis à vis de ce qui se déroule en Israel , à part évidemment s’ils soutiennent politiquement la guerre en cours, auquel cas ils ont la même que tous ceux qui s’en déclarent solidaires ? Pourquoi devraient-ils s’y opposer spécifiquement en tant que "juifs" s’ils ne se sentent aucun lien avec cet Etat ?

      Ce texte critique la logique communautariste du CRIF mais il adopte exactement le schéma de pensée que celui-ci, à l’envers : les "Juifs " de France sont liés à Israel qu’ils le veuillent ou non. Ca s’appelle de la concurrence entre communautaristes, chacun ayant sa définition du "bon juif " et de la bonne manière de l’être.

      Si l’on suit la pensée d’Hazan, alors l’anarchiste, le syndicaliste, le pacifiste, le communiste "juif" ou défini comme tel au nom de l’on en sait quels critères serait astreint pour être comptabilisé dans les "opposants "à la guerre, à ne pas le faire selon ses convictions, mais en tant que membre d’une communauté, éventuellement avec son patron.

      Pensée culpabilisatrice et identitaire qui n’est pas très étonnante de la part d’un membre des Indigènes de la République, qui aujourd’hui de la même manière tentent de faire passer l’idée selon laquelle la seule lutte valable contre le néo colonialisme consisterait à rejoindre le Grand Parti des Colonisés , évidemment lié aux associations religieuses et communautaires inter classistes.

      Mais je m’étonne de retrouver ce texte ici par contre : si Eric Hazan s’était contenté de dire "je" et d’expliquer une démarche personnelle, voire de proposer une option collective, il y aurait possibilité de débat.

      Mais là on est dans l’injonction morale, et assortie en plus de contre sens historiques dont on a du mal à croire qu’ils soient involontaires.

      Et ça me semble grave dans un moment ou tout est fait , par le pouvoir pour enfermer les habitants de ce pays dans des communautés bien compartimentées, de peur qu’il ne leur vienne à l’esprit de se battre ensemble.

      Ou les nationalistes de tous bords tentent de nous faire croire qu’il n’y a d’autre choix pour les prolos que de prendre parti pour une fraction ou une autre de la bourgeoisie dans les guerres en cours.

      Si les bombes de l’Etat d’Israel tombent à Gaza ou au Liban, et rendent difficiles et terriblement dangereux le combat de ceux qui là bas refusent d’abdiquer leur convictions anationalistes, féministes et leur combat de classe pour se ranger derrière les bannières du nationalisme religieux ou pas, il n’en reste pas moins que certains et certaines le font, au péril de leur vie. Et que dans la base même du Hamas ou du Hezbollah, beaucoup ne soient pas sur les positions de leur direction.

      Alors la moindre des solidarités ici, c’est d’abord de ne pas sombrer dans les amalgames douteux, dans les clichés mortifères des identités, de construire nos cultures de lutte, au lieu de se référer aux divisions artificielles que le pouvoir met en place.

      je ne sais pas si les "enfants " nous jugeront, la rhétorique sur les "enfants" d’auschwitz, de gaza , qu’on parle à leur place ou qu’on brandisse la photo de leurs cadavres est aussi un objet de débat urgent.

      Mais j’aimerias en tout cas qu’ils puissent grandir ensemble, sans être sans cesse ramenés à leurs origines réelles ou supposées.


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