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Refusons l’application de la nouvelle loi sur la psychiatrie !

jeudi 22 décembre 2011, par Courant Alternatif

Depuis le 1er août, la loi du 5 juillet 2011 relative « aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques... » est entrée en vigueur. La logique sécuritaire qui soustend cette loi fait l’amalgame entre maladie psychique et dangerosité. Le « programme de soins contraints », introduit un contrôle illimité des malades, dans la droite ligne des politiques sécuritaires. Les procédures d’admission en hospitalisation contrainte sont facilitées et les pouvoirs du préfet renforcés.

Le contrôle systématique du juge des libertés et de la détention (JLD) pour tout malade hospitalisé plus de 15 jours, contre sa volonté, constitue toutefois, une véritable avancée. Le psychiatre, le directeur, le préfet partagent désormais la responsabilité de décider d’une privation de liberté pour contraindre aux soins. Le patient est (enfin) une personne qui a des droits, notamment celui de ne pas être privé de liberté sur simple décision administrative comme c’était le cas dans la loi de 90. Cependant, les juges, amenés à prendre des milliers de décisions, n’ont pas reçu de moyens supplémentaires.


LES PROCÉDURES DE SOINS SOUS CONTRAINTE
Jusqu’à présent, en France, il y avait deux grands types de placement à l’hôpital : l’hospitalisation libre et celle sous contrainte, à la demande soit d’un tiers, soit du préfet ou du maire. Désormais, ce sont les soins qui peuvent être contraints. Dans le cas de ces décisions sans consentement, le juge doit désormais donner son accord au bout de deux semaines, et le réitérer tous les six mois. La loi crée une nouvelle hospitalisation pour péril imminent, signée par le directeur de l’hôpital. (voir encadré)

LA CRÉATION D’UN COLLÈGE DE SOIGNANTS : UN DISPOSITIF DE CONTRÔLE RENFORCÉ QUI TIENT COMPTE DES « PRÉCÉDENTS MÉDICAUX »
Un psychiatre, un membre de l’équipe pluridisciplinaire participant à la prise en charge du patient, et un psychiatre n’y participant pas, forme ce collège, dont l’avis est requis pour la demande de main levée de certains patients « présumés potentiellement dangereux ». Dans ces cas, les deux expertises ordonnées par le préfet doivent être concordantes à l’avis du collège médical pour que la décision de main levée soit prise.

La création d’une nouvelle catégorie de patients supposés dangereux sur leurs seuls antécédents, avec constitution d’un fichier informatique. Cette disposition ouvre la perspective d’un fichage national généralisé de toute personne bénéficiant de soins spécialisés. Elle fait l’amalgame entre « folie » et « dangerosité » justifiant ainsi la mise en place d’une politique de la peur, d’une société sous surveillance.

LE PROGRAMME DE « SOINS... CONTRAINTS » : UNE INTRUSION DANS LA VIE PRIVÉE DES PERSONNES QUI N’EST PAS LIMITÉE DANS LA DURÉE. LA CONTRAINTE ET LE CONTRÔLE SOCIAL SONT ÉRIGÉS COMME MODÈLES D’ORGANISATION DU SOIN
Toute entrée dans les « soins contraints » débute par une hospitalisation de 72 heures. Après cette période, les médecins proposent au directeur, ou au préfet pour les SDRE, la forme de la prise en charge : levée de toute forme de contrainte, poursuite de l’hospitalisation complète ou « programme de soins ambulatoires contraints ». Y sont définis, les modalités de soins imposées, leurs lieux d’exécution (hospitalisation à temps partiel, consultations, visites à domicile) et leur périodicité. Si le patient « n’honore » pas ses obligations, le psychiatre en informe le directeur, le cas échéant le préfet, et propose une ré hospitalisation complète.

Ce programme de « soins contraints », n’imposant pas une hospitalisation continue, n’est pas soumis au juge des libertés et de la détention. Ainsi un « programme de soins » fixé avant l’expiration des quinze jours d’hospitalisation complète, qui comprendrait 1 heure de sortie par jour, n’est pas considéré comme une privation de liberté suffisante pour nécessiter son contrôle par le JLD !

LE CONTRÔLE PAR LE JUGE EN AUDIENCE
Parce qu’elle est une mesure privative de liberté, le législateur est précis : le malade doit être conduit devant le JLD avant expiration d’un délai de quinze jours. Le JLD n’intervient pas là pour juger de la culpabilité d’une personne, il intervient en tiers comme garant de la liberté de cette personne. Il ne juge pas non plus, de la « folie » d’une personne il rend une ordonnance de maintien ou de mainlevée d’une procédurede privation de liberté. Le JLD, au vu de deux certificats médicaux vérifie si l’hospitalisation continue est toujours nécessaire. En cas de prolongation de l’hospitalisation, la saisine automatique du JLD se fait à nouveau à 6 mois, un an, etc...

Sachant que ce dispositif est lourd, le législateur autorise la visioconférence, ainsi que la justice dite foraine, c’est-à- dire le JLD se déplaçant à l’hôpital. « Vous imaginez un grand délirant se laisser filmer et parler devant une caméra », s’insurge le Collectif des 39 contre la nuit sécuritaire. « Nous sommes radicalement contre la visioconférence » annonce le Syndicat de la magistrature. Toutes les audiences sont publiques. Les ruptures du secret professionnel rendent publiques la souffrance des personnes déjà fragilisées. Bizarrement, le conseil de l’ordre des médecins se tait face à cette transgression inédite.

Cette loi prend des allures de véritable casse-tête pour ceux qui doivent l’appliquer
Depuis Août, l’inflation quotidienne des procédures administratives (près de 30 types de certificats médicaux à rédiger désormais selon les situations d’hospitalisation) desservent le temps et les moyens accordés aux soins réels des patients hospitalisés et suivis en ambulatoire.

Résister, désobéir pour ne pas devenir des auxiliaires de police
La dégradation continue des moyens en psychiatrie fait qu’aujourd’hui un nombre toujours plus important de personnes en souffrance psychique se retrouve à la rue sans soins, finit en prison sans même parfois savoir pourquoi, et a une espérance de vie largement diminuée par rapport au reste de la population. La loi du 5 juillet ne respecte pas le droit, en particulier les libertés individuelles et l’intimité de la vie privée. Des psychiatres, des Centres Médico Psychologique ont déja annoncé qu’ils n’appliqueraient pas la loi, mais sur le terrain la résistance a du mal à s’organiser.

Pour les personnels de santé, ce doit être l’occasion d’opposer leur rôle soignant à celui d’auxiliaire de police, ou de contrôle social ; de revendiquer les effectifs et la formation sacrifiés depuis vingt ans au détriment des conditions de soins et de travail ; de se préparer à la lutte contre le plan santé mentale annoncé par le gouvernement. Les équipes soignantes, psychiatres et paramédicaux peuvent refuser aux directeurs et préfets les informations leur permettant un fichage des « malades présumés potentiellement dangereux », mais au contraire informer les personnes hospitalisées, afin qu’elles ne tombent pas dans la trappe psychiatrique que cette loi organise, mais accèdent aux soins psychiques auxquels elles ont droit (et notamment le droit à être assisté par un avocat).

Psych’O


La loi prévoit 4 modalités d’entrée à l’hôpital en l’absence de consentement :
Soins à la Demande d’un Tiers (SDT) :
2 certificats médicaux dont un n’émanant pas d’un psychiatre exerçant dans l’établissement d’accueil, une demande de tiers, la décision du directeur.
Soins à la Demande d’un Tiers en Urgence (SDTU) : 1 seul certificat, émanant le cas échéant d’un psychiatre exerçant dans l’établissement, la demande d’un tiers, la décision du directeur.
Soins de Péril Imminent (SPI) : Un seul certificat émanant d’un psychiatre n’exerçant pas dans l’établissement, absence de tiers, décision du directeur. Soins sur Décision d’un Représentant le l’Etat (SDRE) : Un seul certificat médical d’un médecin n’exerçant pas dans l’établissement d’accueil, (la notoriété publique vient d’être supprimée), décision du préfet, du maire ou du commissaire de police à Paris. Pour ces derniers, au nom des « exigences liées à la sûreté des personnes et à l’ordre public », le préfet peut décider de modifier la forme de la prise en charge de la personne malade.
Il peut aussi maintenir une hospitalisation malgré la demande de main levée par le psychiatre et le directeur. Dans ce cas c’est le JLD qui arbitre le désaccord préfet/psychiatre.
La saisine du Juge de Liberté et Détention est faite par le directeur pour les SDT, SDTU et les SPI, et par le préfet pour les SDRE.


Les dérapages se succèdent depuis le 1er août, date de l’application sur les soins sans consentement en psychiatrie selon « Mediapart, les Contes de la folie ordinaire ». Opérations de police pour forcer des malades à se rendre à l’hôpital, ou au contraire, refus d’hospitalisation pour des personnes en très grande difficulté. C’est un système totalement emballé et absurde qui semble s’activer, au détriment des patients.
Une mère compte porter plainte contre l’opération de « police médicale » que sa fille schizophrène a subie. Cette jeune femme de 27 ans, sous le coup d’une obligation de soins, a prévenu l’hôpital qu’elle arrivait, pour faire une injection retard. A son arrivée à la gare, le train a été bloqué par une équipe de 10 personnes dont des policiers, infirmiers, ambulanciers afin de l’emmener de force à l’hôpital. La mère de la jeune femme ne conteste pas la nécessité d’une hospitalisation pour sa fille, mais ne peut accepter la méthode employée, totalement démesurée et traumatisante pour celle-ci.
A Lyon, une rue a été bloquée par un nombre impressionnant de policiers casqués pour « chercher » un patient qui ne voulait pas ouvrir sa porte.
A Marseille, Serge Partouche, un autiste de 48 ans est mort mercredi 21 septembre, à plat ventre, le visage en sang, menotté par 3 policiers dont l’un à genoux sur son dos. Les forces de l’ordre avaient été appelées par une voisine en conflit avec les parents. Serge n’avait jamais été violent ni menaçant.
A l’opposé, le 14 septembre, une mère de famille a perdu son fils qui s’est jeté sous un camion. Une demande d’hospitalisation en clinique lui avait été refusée quelques jours auparavant au service des urgences. Le motif donné par le CISS (Collectif Interassociatif Sur la Santé) : les dépressifs n’ont pas le choix de leur hôpital. Le jeune homme, demandeur d’une prise en charge en clinique ne voulait pas retourner à l’hôpital mais avait accepté de repartir avec des médicaments. Aucune ordonnance n’a été fournie par le médecin des urgences.


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