OCL - Organisation Communiste Libertaire

Accueil du site > 2. Courant Alternatif, Mensuel anarchiste-communiste > 197 Fevrier 2010 > Edito 197 Février 2010

Edito 197 Février 2010

mercredi 17 février 2010, par Courant Alternatif


Tout comme l’année 2009 avait démarré sous le signe de l’effondrement économique, 2010 s’amorce sous celui de la catastrophe naturelle. Une crise chasse l’autre, et la mobilisation humanitaire pour Haïti va faire oublier quelque temps la faillite de l’organisation financière du monde.
Car 2009 débutait avec des secousses sociales d’importance  : émeutes en Grèce, mobilisations antigouvernementales en Islande, grève générale en Guadeloupe, mouvements de solidarité internationale contre la guerre déclenchée par Israël à Gaza… Autant de faits qui ébranlaient quelque peu l’arrogance des maîtres de la planète.

Aujourd’hui, la mise en spectacle du drame humain qui se déroule dans les Caraïbes offre l’opportunité de polariser l’opinion publique internationale sur les vertus occidentales  : la charité orchestrée par les puissances militaires ; la générosité des populations qui se dédouanent par un petit don ; l’efficacité des Etats prompts à répondre aux urgences des situations et aux sinistres de la « fatalité » ; l’abnégation des ONG toujours prêtes à panser les plaies, faute d’y penser pour les prévenir ! Tout cela mis en musique sur une partition connue, qui rappelle à chacun qu’il serait indécent de se plaindre puisqu’on trouve toujours plus malheureux que soi !
Il y aura bien quelques esprits chagrins pour rappeler que la catastrophe humaine qui frappe à l’heure actuelle la population haïtienne doit davantage à trois siècles d’exploitation et de domination occidentale qu’à la dérive des continents… Que cela fait cinq ans que ce bout de terre est placé sous tutelle onusienne pour l’aider à se relever de sa place de pays le plus pauvre, sans que sa population ait vu l’once d’un changement dans sa situation… Qu’il y a bien davantage de temps que les ONG et leurs experts y délivrent leurs conseils en développement durable et en croissance raisonnée, sans autre conséquence qu’entretenir indéfiniment l’assistanat caritatif (p. 10)…

Mais ces petites voix dissidentes ont-elles seulement quelques chances d’être entendues dans le tintamarre des porte-voix de l’idéologie dominante ?
Qu’importe  ! Il est nécessaire de les relayer, pour faire connaître vaille que vaille d’autres réalités que celle que le pouvoir nous donne à voir, pour développer coûte que coûte d’autres perspectives que la barbarie capitaliste. C’est – encore et toujours – ce que nous tentons de faire dans ce numéro.

A propos de l’Iran, en ébullition depuis juin, et que l’on voudrait nous présenter comme un pays en phase de transition difficile entre deux courants prétendant au pouvoir, quand toute une société défie trente ans de tyrannie dont s’est toujours accommodé le capitalisme occidental, malgré la diabolisation officielle du régime islamiste (p. 4).

A propos de l’Afghanistan, que l’on prétend libérer les armes à la main, en massacrant sa population pour lui imposer la paix et la démocratie (p. 13).

A propos de l’Eglise catholique, grande normalisatrice des comportements dans ses fonctions de sauveuse d’âmes, mais finalement criminelle et perverse dans les faits, comme en Irlande (p. 28).

Il n’est pas que la distance par rapport aux situations qui rend ces décryptages nécessaires. Au-delà des questions internationales, bien plus près de notre quotidien ou de nos espaces, il est des réalités, des situations et des luttes qu’il convient d’analyser et de partager.

Faire connaître, au-delà des sphères concernées, la réalité de la répression au Pays Basque d’un mouvement politique et social en lutte contre les Etats français et Espagnols (p. 18).
Dévoiler le développement d’un arsenal répressif, juridique et policier toujours plus prompt à juguler toute forme de contestation du pouvoir en place (p. 20).

Informer des réalités du contrôle de plus en plus oppressant mis en œuvre avec les nouvelles technologies numériques, dignes d’un Big Brother (p. 16).

Comprendre comment la mise en avant des « compétences » à l’école contribue à l’isolement, l’atomisation des individus, et la mise en concurrence de tous contre tous sur le marché de l’emploi (p. 22).

Décrypter que, derrière les discours alarmistes sur la santé, ce qui se joue c’est d’abord les bénéfices des laboratoires pharmaceutiques, et nullement la protection de la population contre une épidémie virale (p. 26).

Se solidariser de la lutte de quelques dizaines de milliers d’habitants de Loire-Atlantique qui, depuis trente ans, résistent à l’Etat et aux potentats locaux résolus à leur imposer, au nom du progrès et du développement économique, un aéroport coûteux, nuisible et inutile, comme à Angers ou à Châlons-Vatry (p. 31)…

Par-delà le quotidien ou la proximité géographique, c’est aussi la mémoire qu’il faut défendre et préserver, pour ne pas se laisser abuser par l’histoire officielle des vainqueurs, et tirer les leçons des luttes qui nous ont précédés, comme celle de ces pieds-rouges d’Algérie (p. 15), pour ne pas être indéfiniment dans le camp des vaincus.

Ce travail d’information, d’analyse et de partage de la critique sociale se développe. En atteste la multiplication des livres, revues ou films comme ceux que nous évoquons ici (p. 24). C’est tant mieux, mais ce n’est pas suffisant.
C’est tant mieux, car relier les éléments épars d’une réalité faite d’asservissements, de mensonges et de massacres contribue à la perception du capitalisme comme système social global, qu’il faut détruire en tant que tel, dans sa triple dimension  : exploitation économique du travail et de la planète, domination politique et sociale des peuples et des cultures, aliénation idéologique et morale des individus.
Mais ce n’est pas suffisant, car ces germes de subversion que nous semons ne trouveront à éclore que dans les champs de révoltes sociales, de luttes politiques ancrées dans un processus de guerre de classe enfin comprise et assumée. Ces mouvements tardent à se développer, au moins ici, mais ce n’est que par leur généralisation que nous pourrons rompre avec ce système qui se prétend inéluctable et définitif, quand il n’est qu’une construction sociale historique dont nous pouvons précipiter la fin !.

L’année 2009 avait commencé avec la perspective des mobilisations syndicales du 29 janvier, qui, placées sous le signe d’une unité de circonstance, s’étaient avérées une réussite, confirmée en mars, puis défaite dans la démobilisation de mai faute de perspectives et de volonté combatives des appareils.

L’année 2010 commence par une débandade syndicale le 21 janvier dans la fonction publique, confirmée par une manifestation nationale de l’Education décevante à Paris ce 29 janvier. L’exaspération est pourtant partout palpable, et la colère sourde mais montante. Les appareils politiques et syndicaux maintiendront le couvercle sur la marmite au moins le temps des élections régionales de mars. Mais après ?

Le cours de l’histoire est continuellement à écrire, et ses débordements sont le plus souvent précipités et inattendus. Raison de plus pour y travailler, en aiguisant nos armes, en partageant leur maniement, les pieds résolument sur terre, déterminés à déconstruire ce monde pour en inventer un nôtre !

OCL Saint-Nazaire
Le 30 janvier 2010


Suivre la vie du site RSS 2.0 | Plan du site | Espace privé | SPIP | squelette