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Le massacre de Suruç et l’offensive turque contre les Kurdes

Notre tristesse sera notre colère, Kobanê sera reconstruite

Mise à jour du : 4 août 2015

mercredi 5 août 2015, par WXYZ


Cet article a débuté le 21 juillet par la publication de la déclaration de Devrimci Anarşist Faaliyet (DAF – Action Révolutionnaire Anarchiste) sur l’attentat à la bombe contre le Centre culturel Amara de Suruç (Pîrsus).

Puis nous avons publié un communiqué du Congrès national du Kurdistan (KNK), ainsi que d’autres informations dont un article qui pointait la complicité de l’État turc et demandait pourquoi et comment ce massacre a pu être réalisé. Un article qui pose également la question de la nécessaire autodéfense du mouvement de libération kurde dans tous ses modes d’expression et de lutte.

Et puis, très vite, le cours de l’histoire présente s’est emballé et nous essayons de suivre, de savoir, de comprendre, de faire savoir...

Ce massacre a entrainé des mobilisations populaires massives dans toute la Turquie et des réactions répressives et bellicistes de l’appareil d’État turc. Les attaques de l’État turc contre le PKK en territoire du Kurdistan irakien sont en train de rouvrir un ancien front de guerre “interne” à la Turquie, mais dans un contexte totalement différent qu’au moment du cessez-le-feu (2012). Ce faisant, les rafles et la répression des manifestations en territoire turc, et les bombardements de grande ampleur sur les bases du PKK ouvrent un nouveau front dans la guerre régionale, menacent l’expérience de libération politique et sociale du Rojava et vont de toute évidence modifier substantiellement la situation politico-militaire déjà complexe de tout le Moyen-Orient.

Quatre jours après le massacre de Suruç, l’État turc a décidé de lancer une vaste offensive, non pas contre Daesh, mais contre les forces kurdes. Depuis le 24 juillet, les bombardements sont incessants sur les bases de la guérilla installées au nord du Kurdistan d’Irak. En Turquie, les rafles se multiplient. Les manifestations sont violemment chargées. Les sites d’information plus ou moins liés au mouvement de libération kurde et aux groupes et collectifs de la gauche kurde solidaires sont bloqués et rendus inaccessibles.

Dans la nuit du 26 au 27 juillet, 2 villages sous contrôles des forces kurdes en Syrie (Rojava) ont été visés par des bombardements d’artillerie. L’escalade se poursuit.

Au 3 août, plus de 400 raids ont été effectués par l’aviation turque sur les bases du PKK et les positions que la guérilla occupe sur le territoire turc. La guérilla riposte graduellement et multiplie les attaques contre les convois et les bâtiments de l’armée et de la gendarmerie dans tout l’est de la Turquie. Les arrestations se poursuivent. Tous les soirs des affrontements éclatent entre de jeunes kurdes et la police dans tout le Nord-Kurdistan, mais aussi à Istanbul.

Dernière mise à jour : le 4 août 2015 - 23 h
(voir à la fin du document)

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Notre tristesse sera notre colère, Kobanê sera reconstruite

20 juillet 2015

Hier, près de trois cents personnes étaient parties de différentes villes [de Turquie], à l’appel de la Fédération des associations de jeunes socialistes afin de reconstruire Kobanê que l’ISIS a essayé de réduire en cendres. Aujourd’hui, en arrivant à Suruç (Pîrsus), juste avant de partir pour Kobanê, ces jeunes réalisaient une conférence de presse en face du Centre culturel Amara de la ville de Suruç (Pîrsus). A la fin de la lecture du communiqué de presse, une bombe a explosé au milieu de la foule, faisant taire de nombreux cœurs qui avaient battu avec l’espoir de la reconstruction.

Selon les informations disponibles pour l’instant, 31 personnes sont mortes et des centaines ont été blessées dans l’explosion.

Après cette explosion aujourd’hui, nous entendons, depuis les hôpitaux de Suruç (Pîrsus), les noms de ceux qui sont tombés. Ceux qui sont venus de nombreuses villes différentes, ceux qui avaient de grands espoirs dans leurs cœurs, sont maintenant ceux qui sont tombés, comme les cibles des assassins. Les gens qui sortent dans les rues afin de demander des comptes pour ceux qui sont tombés, ceux qui attendant devant les hôpitaux, sont menacés par les TOMA [véhicule avec canon à eau] et la police qui sont arrivés du Centre culturel Amara avant les ambulances. A Mersin, à Sert, à Istanbul ... Les gens qui descendent dans les rues sont pourchassés pour être massacrés par l’État meurtrier, par les collaborateurs des assassins.

Ceux qui ont massacré de nombreuses vies, depuis le premier jour de la Résistance de Kobanê, essaient maintenant de nous décourager en assassinant nos frères et sœurs.

Nous essayons de reconstruire une nouvelle vie contre l’ISIS, contre l’Etat qui collabore avec l’ISIS, contre la politique de guerre sans fin de l’Etat. Quoi qu’il en coûte, nous allons convertir notre douleur en rage, nous allons reconstruire Kobanê et recréer une vie sur cette géographie dévastée !

(Aujourd’hui, Alper Sapan de l’Initiative Anarchiste Eskişehir a été assassiné au cours de l’attaque. Et un ami appelé Evrim Deniz Erol a été grièvement blessé.)

Biji Berxwedana Kobanê ! / Vive la Résistance de Kobanê !
Biji Şoreşa Rojava ! / Vive la Révolution du Rovaja !

Action Révolutionnaire Anarchiste
Devrimci Anarşist Faaliyet (DAF)

Le 20 juillet 2015

(traduction OCLibertaire)

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Communiqué du Congrès national du Kurdistan (KNK) sur le massacre de Suruç

Nouveau massacre commis par Daesh, dans la ville de Suruç

Les terroristes de Daesh ont attaqué des jeunes qui se préparaient à partir à Kobanê : 31 personnes ont été tuées et au moins 100 autres ont été blessées.

Le 20 juillet, vers 11h00, une grande explosion due à un attentat-suicide est survenue à la périphérie de la ville de Suruç, dans la province d’Urfa (Nord-Kurdistan, Turquie), à la frontière de Kobanê. Elle s’est produite plus précisément dans le Centre culturel d’Amara dont la cour a été transformée en un bain de sang.

Les victimes font partie d’un groupe de 330 jeunes âgés de 20 à 30 ans, tous membres de la Fédération des Jeunes Socialistes, venus à Suruç pour soutenir la reconstruction de Kobanê. Ils étaient venus en convoi d’Istanbul, d’Ankara, d’Izmir, d’Adana et du nord de la Turquie, avec le projet de construire à Kobanê une librairie, un parc pour enfants et un centre de santé.

Les jeunes activistes s’étaient regroupés dans le Centre culturel d’Amara pour y donner une conférence de presse afin d’annoncer qu’ils avaient officiellement été autorisés à passer la frontière. C’est à ce moment-là que l’attentat-suicide a été perpétré.

Les premiers chiffres faisaient état de la mort de 31 personnes et indiquaient qu’au moins 100 autres avaient été blessées. Cet attentat survient le lendemain de l’anniversaire de la Révolution du Rojava qui a commencé le 19 juillet 2012 avec la mise en place par les Kurdes de l’autonomie démocratique dans les cantons de Kobanê, Afrîn et Djizirê.

Cet attentat terroriste, cette tragédie, est directement lié à la crise politique que traverse actuellement la Turquie. Il ne fait aucun doute que cet attentat a été encouragé par le soutien ouvertement apporté à Daesh par différents Etats de la région.

La résistance kurde contre la barbarie de Daesh est une lutte pour la démocratie, les droits humains et l’humanité. Soutenir les résistants du Rojava et condamner Daesh et ses soutiens est un devoir politique pour la communauté internationale.

Cet attentat ne vise pas seulement le Rojava, mais aussi la solidarité avec le Rojava.

Nous demandons au gouvernement turc de faire immédiatement toute la lumière sur cet attentat.

Nous condamnons fortement cette attaque terroriste brutale et appelons la communauté internationale, l’Union européenne et le Conseil de l’Europe à prendre immédiatement des sanctions à l’encontre des Etats qui soutiennent Daesh afin qu’ils arrêtent leur soutien à cette barbarie

Congrès national du Kurdistan – KNK


Manifestations immédiates un peu partout dans le Nord-Kurdistan (en Turquie) et dans les grandes villes turques aux cris de « Le Kurdistan sera la tombe de Daesh » et « Daesh assassin - AKP complice ». Pratiquement toutes les manifestations ont été attaquées par les force anti-émeutes de la police turque. Dans certaines villes (y compris Istanbul), des groupes d’autodéfense armés (molotovs, fusils, AK47...) sont descendus dans les rues aux côtés des manifestants.


Appel à mobilisation urgente pour condamner l’attentat de Suruç en Turquie !

Des jeunes pleins d’espoir avaient pris la route pour participer, durant 6 jours, à la reconstruction de Kobané... Une conférence de presse tenue par un groupe de 300 membres de la SGDF (Sosyalist Gençlik Dernekleri Federasyonu / Fédération des associations des jeunes socialistes) pour annoncer leur engagement dans la reconstruction de Kobané, ville syrienne devenue le symbole de la résistance kurde face à DAESH, a été la cible d’une explosion sanglante dans la ville de Suruç, près de la frontière Syrienne, en Turquie.

Le premier bilan du drame fait état d’une trentaine de morts et de plus d’une centaine de blessés. Malgré une campagne active menée depuis plusieurs semaines et largement diffusée par la SGDF annonçant leur départ d’Istanbul pour la reconstruction de Kobanê, aucune mesure de sécurité particulière n’a été prise par les forces de sécurité turques.

Ce massacre vise à briser la solidarité internationale grandissante entre les peuples. Ce massacre vise notre liberté. Ce massacre vise notre humanité. C’est pourquoi, nous lançons un appel massif à la presse et à l’opinion publique à condamner fermement ce massacre et d’exhorter l’État turc à ce que lumière et justice soient faites.

Manifestation le samedi 25 juillet 2015
Gare de l’Est à 14h

ACTIT (Association Culturelle des Travailleurs Immigrés de Turquie)


Comment et pourquoi le massacre Suruç est-il arrivé ?

Les jeunes qui sont morts ou ont été blessés à Suruç avaient un seul objectif : se rendre à Kobanê et participer à la reconstruction de la ville...

Mardi 21 juillet 2015

ANF - Amed Dicle

Les jeunes qui sont morts ou ont été blessés dans Suruç avaient un seul objectif : se rendre à Kobanê et participer à la reconstruction de la ville. Ils étaient membres de la Fédération des Associations des Jeunesses socialistes (SGDF) et avaient émis un communiqué de presse avant de se rendre à Suruç. Cela faisait un mois qu’il était public et connu que ces jeunes se préparaient à y aller.

Les habitants de Suruç, les jeunes et les représentants d’organisations non gouvernementales ont accueilli les jeunes à Suruç. Ils ont rencontré le gouverneur de district et lui ont dit qu’ils aimeraient traverser la frontière à Kobanê. Le gouverneur du district les a fait attendre en leur disant que seuls quelques-uns d’entre eux pourraient traverser et pas l’ensemble du groupe.

L’attaque sanglante de Suruç a eu lieu après que les jeunes aient fait une déclaration à la presse dans le Centre culturel Amara en réponse aux obstacles posés par le gouverneur de district.

Nous devons poser les questions suivantes en ce qui concerne l’attaque :

1. - La police a fouillé complètement les jeunes alors qu’ils se rendaient au Centre Culturel Amara. Le point de contrôle de la police était à 200 mètres d’Amara, et la police aurait pu mettre en place un point de contrôle plus proche du centre culturel. La police n’aurait-elle par installée son poste de contrôle à 200 mètres d’Amara pour être hors d’atteinte de l’explosion ?

2 - Comment le kamikaze de l’ISIS a pu entrer dans le centre culturel dans un contexte où la police a fouillé chaque ordinateur portable, appareil photo et même les crayons que portaient les jeunes massacrés ?

3 - Comment les services de renseignement turcs, qui surveillent tout à Suruç y compris le poste frontalier de Mürşitpınar, ont-ils réussi à ne pas ‟voir” le membre de l’ISIS ?

4 - Comment est-il possible que la police n’ait pas identifié le membre de l’ISIS malgré le fait que Centre Culturel Amara est situé à côté d’un commissariat de police ?

5 - Pourquoi les policiers ont-ils attaqué des civils qui apportaient les blessés à l’hôpital ? Parce qu’ils voulaient que les blessés meurent ainsi ?

6 - Combien de cellules de l’ISIS existent dans Suruç et ses alentours ? Est-ce que l’État est au courant de ces cellules ?

7 - Pourquoi les corps ont-ils été examinés par la médecine légale de Gaziantep et non par la médecine légale d’Urfa ? Qu’est-ce qu’ils essaient de cacher ?

8 - Il y a des déclarations de témoins affirmant qu’il y avait deux assaillants, un homme qui a fait exploser la bombe et une femme qui fut blessée, et que la femme blessée est en garde à vue en ce moment. Qui est la femme attaquante, née en 1995 à Sivas, qui a été placée en garde à vue ? Pourquoi les responsables ne parviennent-ils pas à faire une déclaration à ce sujet ?

Celui qui doit répondre à ces questions est l’État, et les réponses à ces interrogations sont évidentes.

Beaucoup de gens avaient prévu de telles attaques après la libération de Girê Spî (Tel Abyad) par les YPG. Comme des images vidéo l’ont confirmé, les gangs de l’ISIS se sont enfuis de Girê Spî et ont traversé la frontière librement et joyeusement à Akçakale. Peu de temps après, l’agence d’informations Dicle (DIHA) et d’autres organes de presse d’opposition ont documenté le quartier général de l’ISIS à Akçakale. DIHA a également fait état de la formation d’une cellule de l’ISIS à Ceylanpınar il y a deux jours.

Girê Spî a été une lourde défaite pour l’AKP et l’ISIS, car la logistique était organisée à travers le poste-frontière là-bas. Les responsables de l’AKP ont manifesté publiquement leur mécontentement face à la libération de Girê Spî, et Erdoğan a déclaré qu’il ne resterait pas « assister sans rien faire » à ce qui se passe. Ils essaient maintenant de venger la libération de Girê Spî dans le Nord-Kurdistan. Quand l’ISIS a été vaincu dans le Kurdistan syrien, ils ont apporté la guerre de ce côté-ci de la frontière. Ils répètent à Suruç, à Urfa et à Diyarbakır l’attaque sur Kobanê du 25 juin. Le massacre brutal de Suruç est une attaque contre le modèle de la vie libre et démocratique développé dans le Kurdistan syrien et les personnes qui se solidarisent avec le Mouvement pour la liberté kurde.

Nous sommes dans une situation dangereuse car Erdogan et son AKP ont actionné la haine qu’ils ont accumulée après leur défaite dans le Kurdistan syrien ainsi que lors des élections du 7 juin dernier. Nous ne pouvons pas faire appel à des tyrans ; l’État turc ne protégera pas les civils et les institutions de l’ISIS. C’est l’ISIS que l’État protège et tolère. Cette situation actuelle rend l’autodéfense plus cruciale que jamais.

Comment pouvons-nous organiser notre auto-défense ?

1- L’autodéfense est une question sérieuse et importante. Nous devons l’organiser systématiquement et sans panique, sans compter sur l’État.

2- Nous ne devons pas laisser la sécurité aux mains des forces de police lors des actions collectives qui ont lieu dans les villes frontalières ainsi que dans les centres urbains comme Amed [Diyarbakır]. Les attaques de l’ISIS sont plus susceptibles de se produire dans des zones où il y a une présence policière intense. Des centaines de civils peuvent former des cercles de sécurité pour l’autodéfense.

3- Le danger persistera aussi longtemps que les cellules de l’ISIS existent. Par conséquent, les jeunes doivent prendre l’initiative et éliminer les cellules de l’ISIS qui fonctionnent sous le déguisement d’organisations d’aide et de presse.

4- Les organisations non-gouvernementales, les politiciens démocrates, les parlementaires et la presse doivent clarifier leur position concernant le quartier général de l’ISIS dans l’exploitation agricole TIGEM à Akçakale. Les parlementaires et les ONG doivent exposer pourquoi TIGEM est fermée aux civils.

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Source : ici

Traduction : OCLibertaire


Quelques informations complémentaires ici :

Massacre à Suruç : 32 sourires disparus…

Je m’appelle Pınar, j’étais à Suruç, mes camarades sont morts

Les jeunes victimes de Suruç ont un nom et un visage...

Suruç

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En complément

M-A-J du 21 juillet

Un dernier bilan fait état de 32 morts et une centaine de blessés dont 20 grièvement atteints ont été placés en soins intensifs.

Selon des informations plus récentes, parmi les victimes se trouvent 2 camarades anarchistes, Alper Sapan et Evrim Deniz Erol, tous les deux âgés de 19 ans. Un troisième camarade anarchiste, Caner Delisu est hospitalisé dans un état grave. D’autres militants, dont certains connus, faisait partie de diverses organisations de la gauche révolutionnaire turque.

Plus de 24 heures après le massacre, il n’y a toujours pas de revendication formelle. Ce n’était pas un attentat “aveugle” visant une population (dans un marché ou une mosquée) en fonction de son ethnie ou de sa religion ou de son insubordination à l’ordre salafiste, mais une action très précise et ciblée qui a visé un rassemblement d’activistes de Turquie engagés dans la solidarité politique et matérielle avec le Kurdistan, la révolution du Rojava et très précisément avec le projet de reconstruire Kobanê.

Le gouverneur de la province d’Urfa où se situe Suruç a interdit tout rassemblement, manifestation de rue, réunion publique.

De nouvelles manifestations sont appelées ce 21 juillet en soirée dans tout le Nord-Kudistan et en Turquie. Des initiatives de solidarité sont en préparation un peu partout dans le monde entier.

Le même jour, de l’autre côté de la frontière, à Kobanê, 3 miliciens des YPG ont été tués par un attentat suicide à un checkpoint situé à l’entrée de la ville.

Un commandant des YPG a affirmé que ceux qui sont tombés le 20 juillet à Suruç et le 25 juin à Kobanê (293 morts dont 252 civils) seront vengés, mais sur le terrain militaire à Sarrin, Jarablus et Hasakah.

Dans cette dernière ville, les djhadistes sont maintenant pratiquement encerclés par les YPG qui les ont pris en tenaille par l’est, l’ouest et le sud.

A Sarrin (situé sur la rive orientale de l’Euphrate, au SO de Kobanê), ils ne tiennent encore la ville que grâce à l’arrivée constante de renforts, mais ils ne cessent de perdre du terrain face aux YPG-J et leurs alliés du “Volcan de l’Euphrate”. Là aussi, les djihadistes sont pratiquement encerclés et assiégés.

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M-A-J du 22 juillet

Ripostes au massacre de Suruç

Le YDG-H (Mouvement de la Jeunesse Patriotique Révolutionnaire), lié au PKK, a revendiqué la destruction et l’incendie du véhicule d’un sergent de la police lors des manifestations du lundi 20 juillet dans la soirée, dans la ville de Cizre, province de Şirnak. Cette opération a eu lieu à la suite d’une attaque menée par des manifestants armés contre les forces de police.

Le YDG-H a également revendiqué d’avoir exécuté un ancien militant de Daesh, de nationalité turque, à Istanbul, après l’avoir traqué pendant 3 mois.

Pour leur part, les HPG (la guérilla du PKK) ont revendiqué une action de résistance armée dans la province d’Adıyaman (Semsur) qui a causé la mort d’un sous-officier turc le 20 juillet et blessé deux soldats.

Le 22 juillet, les HPG ont revendiqué l’exécution de deux policiers turcs dans la ville de Ceylanpınar, proche de la frontière syrienne, province d’Urfa, à l’est de Suruç. Ils travaillaient selon le communiqué « en coopération avec les gangs de l’ISIS ». « Cette action a été menée en représailles pour le massacre de Suruç à 6 h (du matin) », précise le communiqué qui ajoute que cette opération est « une action punitive ».
Les papiers d’identité et les armes des policiers ont été saisis.

Une grande manifestation est prévue dimanche prochain 26 juillet à Istanbul, afin de protester contre la violence d’État et la complicité du gouvernement turc avec les fous furieux de Daesh et autres djihadistes de Turquie, de Syrie...

En fin d’après-midi ce mercredi 22 juillet, un conseil des ministres extraordinaire se tient en présence de tous les hauts responsables de l’armée, de la police, de la gendarmerie, des services de renseignements.

Les policiers ont reçu l’ordre de ne pas demander de congés en ce moment. Ceux qui s’y trouvent ont l’ordre de réincorporer leurs unités immédiatement.

à suivre...

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M-A-J du 23 juillet

Massacre de Suruç

L’auteur de l’attentat-suicide a été identifié par son ADN. Il s’agirait d’un jeune kurde, de nationalité turque, âgé de 20 ans. Issu d’une famille traditionnelle conservatrice, il aurait fait partie d’une cellule d’un groupe proche de Daesh dirigée par son frère ainé et avec qui il serait parti en Syrie depuis plus de 6 mois. A noter que les deux frères sont originaires de la ville d’Adiyaman (Semsûr en kurde), comme le principal suspect de l’attentat à la bombe qui a fait 4 morts lors d’un meeting du parti de gauche pro-kurde HDP (Parti démocratique des peuples) le 5 juin dernier à Diyarbakir.

Ripostes

Province de Diyarbakir. Un policier abattu, un autre sévèrement blessé. Cela s’est passé dans l’après-midi de ce jeudi 23 juillet. D’après la presse, ils auraient été pris dans une embuscade alors qu’ils patrouillaient dans le district de Şehitlik, au sud-est de la province.

Dans la province d’Adana, au sud de la Turquie, un militant djihadiste a été retrouvé mort à son domicile.

Grève de la faim.

Les prisonnières du PJAK (Parti de la libération des femmes du Kurdistan) et les prisonniers du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan) ont décidé de suivre une grève de la faim de 3 jours, du 24 au 26 juillet, en signe de protestation contre le massacre de Suruç.

Activités militaires.

L’armée turque s’est redéployé massivement sur plusieurs points de la zone frontalière avec la Syrie, notamment dans la province turque de Kilis, située au nord d’Alep.
En outre, des forces spéciales, appelées « bérets marrons », ont été déployés sur une longueur de plusieurs centaines de kilomètres, de la province d’Hatay à celle de Mardin, c’est-à-dire sur pratiquement toute la longueur de la frontière entre la Turquie et la Syrie (900 km).

La région syrienne en face de Kilis est sous contrôle de Daesh le long d’une portion de frontière de 70 km. Des combats auraient éclaté le 22 juillet entre l’armée turque et des militants djihadistes de part et d’autre de la frontière.

Un peu plus à l’ouest (vers Azaz), se trouve une zone contrôlée par le Front al-Nosra (Al-Qaïda) et ses alliés de l’‟Armée de la conquête”. C’est là qu’a commencé à opérer récemment une unité de rebelles syriens dits ‟modérés” entraînés et équipés par les États-Unis.

Le 22 juillet, un sous-officier turc a été tué et quatre soldats blessés lors d’une attaque djihadiste sur la frontière. Certaines sources parlent d’un colonne d’une dizaine de combattants cherchant à traverser la frontière pour se rendre en territoire turc comme ils en ont l’habitude. Le lendemain, 23 juillet, cette région a été déclaré « zone de sécurité spéciale » par la préfecture de Kilis.

Ce jeudi 23 juillet, on apprend que l’armée turque est entrée de nouveau en action dans l’après-midi, avec des bombardements terrestres sur des positions de Daesh dans un village syrien situé à moins de 2 km de la frontière. Certaines sources disent que des chars auraient pénétré de plusieurs centaines de mètres en territoire syrien avant de se replier. Trois véhicules de Daesh auraient été détruits et au moins un combattant djihadiste tué. Des renforts de tanks ont été envoyés à la frontière.

C’est la première fois que l’armée turque bombarde des positions djihadistes. Mais à ce stade, cela ne constitue pas un véritable engagement.

Au même moment, on apprend que le gouvernement turc a fini par accepter de laisser les États-Unis utiliser leurs bases aériennes pour lancer des opérations sur le territoire syrien.

Les autorités turques affirment avoir arrêté 457 candidats au djihad au cours du 1er semestre de 2015.

Les positions semblent se rapprocher.

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M-A-J du 24 juillet

L’implication de la Turquie dans la guerre en Syrie

L’agence de presse du gouvernement turc a annoncé que 3 avions F-16 ont frappé 3 cibles de Daesh et tué 35 de ses membres dans la nuit.
Après les escarmouches de la veille, c’est la première intervention aérienne de l’armée turque contre Daesh en Syrie. Plus tard dans la journée, l’Observatoire syrien pour les droits de l’Homme (OSDH) a annoncé la mort de 9 djihadistes à la suite des 3 frappes réalisées dans la nuit. Les cibles visées étaient près de la frontière et pas très de la ligne de front où s’opposent Daesh et ses frères ennemis du Front al-Nosra (Al-Qaïda en Syrie).

Création d’une zone d’exclusion aérienne partielle en territoire syrien

Le récent accord d’action conjointe entre la Turquie et les Etats-Unis, qui contient l’utilisation de la base aérienne d’Incirlik dans le sud de la Turquie dans la lutte contre Daesh, comprendrait également une zone d’exclusion aérienne partielle le long de la frontière Turquie -Syrie selon des sources gouvernementales citées par le quotidien turc Hürriyet. Les avions de la coalition auront aussi la possibilité d’utiliser des bases turques dans les provinces de Batman, Diyarbakir et Malatya en cas d’urgence.
Une bande d’une longueur de 90 kilomètres en Syrie entre les villes de Mare’ et de Jarabulus aurait entre 40 à 50 kilomètres de profondeur, selon ce que rapporte le quotidien Hürriyet après la réunion de sécurité du gouvernement le 22 juillet. Cependant, ces sources ont évité de dire si une telle zone serait élargie à l’avenir.

Officiellement cette bande de sécurité vise à empêcher des groupes radicaux tels que l’État islamique (Daesh) ou le Front al-Nosra (al-Qaïda) de gagner du terrain dans cette zone. Or ils y sont bien installés.
Les avions de la coalition sous commandement étatsunien assureront la sécurité sur le terrain « en cas de besoin » en procédant à des vols « d’attaque ou d’exploration ».
Les avions appartenant à la Turquie, qui est pas un membre de la coalition, mais apporte officiellement son soutien à la lutte anti-Daesh, seront également autorisés à réaliser des vols similaires « en cas de besoin ».
En outre, un soutien d’artillerie par l’armée turque a également été examiné.

En fait, cette ‟No-Fly Zone” ne vise pas vraiment les djihadistes qui n’ont pas d’aviation mais directement les avions ou hélicoptères du régime de Bachar al-Assad et ceux qui violeront cet espace seront pris pour cible.

Officiellement, l’accord USA-Turquie ne vise pas directement la rébellion kurde de Syrie – qui se bat contre Daesh – mais selon des sources anonymes turques, les critères pourraient changer si les YPG (milice kurde) et ses alliés « menacent la frontière turque » et si leurs actions permettent de « changer la structure démographique » de la région.

On sait que le gouvernement turc utilise ces arguments de « nettoyage ethnique » pour combattre les forces de la gauche kurde, en particulier depuis qu’elles ont remporté toute une série de victoires militaires sur Daesh ces derniers mois, notamment en libérant la ville et la région de Tal-Abyad, ce qui a permis de réunir les deux cantons de Kobanê et de Cizîrê.

L’objectif du gouvernement turc, avec l’appui des Etats-Unis, est certes d’affaiblir les capacités du régime de Bachar al-Assad, mais surtout d’empêcher à tout prix que se répète ce qui s’est passé à Tal-Abyad, empêcher que les défaites infligées aux djihadistes – et aujourd’hui Daesh perd clairement du terrain, est sur la défensive sur toute les lignes de front en Syrie – profitent aux forces kurdes qui pourraient alors concrétiser un de leurs rêves : réunifier le Rojava (Kurdistan occidental, en Syrie) et étendre le processus révolutionnaire-démocratique-autogestionnaire au-delà des considérations et des fragmentations ‟ethniques” en conquérant une continuité territoriale avec le canton d’Afrim, situé à 100 km à l’ouest de l’Euphrate, aujourd’hui isolé, enclavé et encerclé par la Turquie au nord et à l’ouest et les djihadistes d’al-Nosra au sud et à l’est.

Cela fait des mois qu’Erdoğan demande la création d’une zone tampon au sud de sa frontière avec la Syrie. Jusqu’à présent, les Etats-Unis ont refusé et la Turquie est restée en dehors de la coalition anti-Daesh, considérant que ses principaux ennemis sont les forces kurdes et que les djihadistes sont utiles pour combattre à la fois les Kurdes et le gouvernement du régime syrien.

Mais les lignes ont bougé. Il y a quelques temps, le gouvernement étatsunien, faisant écho au gouvernement turc, a fait savoir qu’il s’opposait à la création d’un État kurde en Syrie.

Si ce qui n’est encore que des rumeurs se confirmaient, la création de cette zone d’exclusion aérienne partielle serait indéniablement une victoire du gouvernement turc qui obtiendrait une grande partie de ce qu’il souhaitait.
D’autant qu’une course de vitesse est engagée. Avec l’encerclement presque complet de Sarrin sur la rive orientale de l’Euphrate – la dernière route d’approvisionnement en direction de Derra vient d’être prise par les YPG – le prochain objectif des combattants kurdes et leur alliés pourrait bien être les villes de Jarabulus et de Manbij et donc de prendre pied sur la rive occidentale du fleuve pour poursuivre leur offensive contre Daesh et étendre les zones libérées dans toute la partie nord de la province d’Alep.

Le discours du gouvernement turc est de dire que les « terroristes » du PKK et de Daesh, c’est la même chose, la même menace, que les tueurs en séries pratiquant les massacres et les génocides, c’est la même chose que ceux qui en sont la cible et les combattent depuis des années !

Les pratiques policières vont dans le même sens.

C’est pourquoi, dans la nuit du 23 au 24 juillet, 5000 policiers ont procédés à une rafle dans 13 provinces, arrêtant selon les informations gouvernementales des djihadistes, membres du PKK et de l’extrême-gauche turque.

Vague d’arrestations visant surtout les Kurdes et la gauche turque

Cette rafle à travers toute la Turquie été décidée et coordonnée au plus niveau de l’appareil de répression turc.
C’est le premier ministre Ahmet Davutoğku qui l’a annoncé lui-même. D’après les données fournies par les autorités, la rafle a mobilisé 5000 policiers, des hélicoptères, a été menée dans 16 provinces. Les descentes de polices ont eu lieu dans 26 districts et 140 adresses distinctes rien qu’à Istanbul où 103 personnes ont été arrêtées. Rafle à Ankara (9), dans la province d’Izmir (6), dans les provinces kurdes de Diyarbakir (17 arrestations) et Şanlıurfa (Urfa) où 35 membres supposés du PKK ont été arrêtés.

Ces arrestations ont frappé officiellement des membres de Daesh, du PKK, du YDG-H (branche de la jeunesse urbaine du PKK) et de l’extrême-gauche turque, en particulier l’organisation DHKP/C (Parti/Front révolutionnaire de libération du peuple). Une militante faisant partie de ce groupe a été abattue dans un quartier d’Istanbul lors de son arrestation.

Au départ, il était question de 251 arrestations. Puis de 297 à la mi-journée.
Alors que les grands titres de la presses parlent d’un « vaste raid antiterroriste contre l’État islamique », d’après les premières informations, le parti de la gauche turque pro-kurde HDP a été le principal visé : 187 de ses membres auraient été arrêtés dont des élus. En comptant les militants non encartés et ceux des groupes d’extrême-gauche, les 3/4 des personnes arrêtées ne sont pas des djihadistes mais des personnes liées au mouvement kurde ou à la gauche turque.
Le gouvernement Erdoğan affirme qu’il va continuer à combattre de la même manière Daesh et le PKK, mais ce sont les Kurdes qui sont visés en priorité.

L’aviation turque attaque les bases du PKK

Ce que de nombreux sympathisants de la cause kurde redoutait. Dans la soirée, on apprend de source kurde que l’armée de l’air turque a bombardé des camps du PKK situés dans le Kurdistan d’Irak, dans les montagnes de la province de Dohuc, assez proches de la frontière. Ces attaques aériennes ont été appuyées par des bombardements d’artillerie. Simultanément, tous les sites Internet d’information libre ou sympathisants du PKK sont devenus inaccessibles depuis vendredi soir en Turquie.
En fin de soirée, une deuxième vague de F16 aurait survolé les bases du PKK dans les monts de Qandil, beaucoup plus à l’intérieur du territoire du Kurdistan d’Irak sans procéder à des frappes. C’est là où se trouvent, en plus de bases d’entrainement, une partie de la direction politique du PKK et de l’état-major militaire des HPG, la guérilla.

Le gouvernement turc de l’AKP n’a jamais voulu la paix. Il a fait semblant pendant depuis 2012 de s’inscrire dans un processus de paix, mais aujourd’hui les masques tombent, le cessez-le-feu a volé en éclat.

La presse a été unanime pour parler de tournant de la guerre en Syrie avec les quelques bombardements turcs sur des positions de Daesh sur sa ligne de front avec le Front al-Nosra (Al-Qaïda) du côté d’Azaz, près de la frontière syro-turque au nord d’Alep. Le vrai tournant est celui qui de la guerre que l’Etat turc a décidé de lancer contre le mouvement de libération kurde en utilisant la couverture de son pseudo-combat contre l’État islamique.

Erdoğan a changé tactiquement de fusil d’épaule en concluant un accord avec les États-Unis sur son ralliement au combat anti-Daesh et l’utilisation des bases aériennes mais il l’a fait pour pouvoir mieux continuer et amplifier la guerre contre les Kurdes.

Premières ripostes.
Dans la soirée, un commissariat de Diyarbakir a été attaqué et 7 policiers seraient blessés. Une autre attaque est rapportée à Istanbul sans autres précisions. Un officier de police, qui circulait avec sa famille entre Mardin et Muş, aurait été enlevé par des combattants kurdes qui se trouvaient à un ‟checkpoint” qu’ils avaient établi. Les kidnappeurs ont libéré sa femme et ses enfants. Dans la province de Hakkari, district de Şemdinli, deux policiers (dont l’un conduisait un TOMA (camion équipé d’un canon à eau) ont été blessés lors d’une attaque à la grenade artisanale.

L’attaque de l’armée turque sur les bases de la guérilla du PKK en territoire du Kurdistan d’Irak va avoir des conséquences considérables sur l’ensemble du conflit régional. Que va devenir la coopération tactique entre les forces kurdes de Syrie et le commandement des opérations étatsunien dans la lutte anti-Daesh ? Et plus directement : la Turquie va-t-elle attaquer le Rojava ? Quelle vont être les réactions au Kurdistan d’Irak ? Si le gouvernement Barzani approuve publiquement l’intervention turque, quelles seront les conséquences sur le terrain, où des centaines de miliciens et miliciennes du PKK combattent au coude à coude avec des peshmergas ? Quelles seront les conséquences sur certaines lignes de front avec Daesh en Irak où des unités des HPG (Forces de défense du peuple) et des YJA-Star (Unités des femmes libres) sont déployées notamment dans la région des Yézidis de Sinjar ?
Des dizaines d’autres questions surgissent à l’heure de conclure ce billet.

à suivre…

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M-A-J du 25 juillet

Manif « pour la paix » et contre Daesh interdite

La grande « marche pour la paix » prévue dimanche 26 juillet à 16 heures à Istanbul, appelée par un ensemble d’organisations dont le HDP (Parti démocratique des peuples) contre Daesh et la violence de l’État turc, a été interdite par les autorités turques. Vendredi soir environ 500 personnes ont été dispersées par les forces de l’ordre à Istanbul à coups de gaz lacrymogènes, canons à eau et balles en plastique.
Depuis le massacre de Suruç, tous les rassemblements et manifestations de protestation sont systématiquement dispersés par la police, y compris une cérémonie d’hommage à 18 des victimes à Istanbul.
Dans la soirée de samedi, une nouvelle manifestation interdite a été violemment dispersée à Istanbul

Nouvelle rafle samedi matin

Au moins trois cent personnes arrêtées ce samedi à travers toute la Turquie. Hier, 75 à 80% des arrêtés étaient liées au mouvement de libération kurde ou à la gauche turque ; aujourd’hui, c’est du 100% ! Depuis la veille, 590 personnes auraient été arrêtées et placées en garde à vue selon une déclaration du Premier ministre. Des locaux syndicaux comme celui des enseignants (Eğitim-Sen) à Ankara liés à la gauche turque ont été perquisitionnés et des militants arrêtés.

Poursuite des bombardements contre les Kurdes du PKK

Après une première vague d’attaques dans la soirée de vendredi visant 7 positions du PKK relativement proches de la frontière turco-irakienne ainsi que des villages, d’autres raids aériens ont eu lieu dans la nuit, qui cette fois, ont bombardé des cibles dans les monts Qandil où se trouvent une partie importante des infrastructures de la guérilla du PKK, de la direction politique ainsi que le gros des forces à l’entrainement ou en période de repos.
Les bombardements de l’aviation turque contre les positions du PKK ont repris ce samedi matin. De nouveau, des bases situées dans les monts Qandil ont été visées.

Au moins deux villageois, dont un enfant, ont été blessés par les frappes de la nuit. Aucun membre de la guérilla n’avait été atteint lors des premières frappes mais les bombardements ont provoqué des incendies de forêt. Ce samedi, le bilan serait, selon une première déclaration des HPG d’un combattant tué (un haut-commandant) et trois blessés.

L’aviation turque a également mené des opérations sur des positions de Daesh dans le nord de la Syrie. Mais quand la Turquie envoie 3 chasseurs-bombardiers F16 sur Daesh, elle en envoie 20 sur le PKK, quand les bombardements visent des positions isolées de Daesh, ils visent les infrastructures et la direction du PKK. Les attaques de l’armée turque sur Daesh, c’est pour les médias occidentaux.

Le premier ministre Davatoğlu a déclaré avoir discuté avec Barzani, chef du gouvernement du Kurdistan autonome d’Irak et que celui-ci lui aurait dit que la Turquie avait le droit de frapper le PKK. Son de cloche un peu différent selon l’agence kurde d’Irak Bas News, qui affirme que Barzani a appelé Davatoğlu pour lui demander de cesser les frappes sur le PKK, en arguant qu’il y a toujours la possibilité de régler les problèmes par la voie du dialogue et des moyens pacifiques.

Selon des sources citées par CNN en langue turque, l’aviation turque aurait effectué 159 sorties au cours de la nuit et aurait visé 400 cibles du PKK. Dans le même temps, les attaques ciblant Daesh se comptent à peine plus que dans les doigts d’une main.

Le PKK n’a pas formellement appelé à la reprise de la guerre. Il a d’abord dit qu’avec ces bombardements, parler de processus de paix n’avait plus aucune signification. Ensuite, il a appelé tous les Kurdes à se mobiliser pour se défendre.

Actions de représailles en Turquie

Des combattants de la guérilla du PKK ont pris d’assaut un chantier de construction d’une centrale thermique et mis le feu à six véhicules de l’entreprise de construction dans la province du sud-est de Şırnak samedi matin, dans le district de Silopi.

Une attaque à la bombe a eu lieu contre un poste de police : 7 policiers blessés. L’engin était d’une certaine puissance car il a causé des dommages importants au bâtiment. Sept policiers ont été blessés à des degrés divers. L’action armée a été menée à Bismil, une ville de la province d’Amed (Diyarbakir en turc).

Trois policiers ont été blessés dans une fusillade dans le quartier rebelle de Okmeydanı à Istanbul, un bastion du groupe d’extrême gauche armé DHKP/C. Dans le quartier Gazi, autre bastion stambouliote de l’extrême gauche turque, les funérailles de Günay Özarslan, la militante abattue la veille par la police lors de la rafle a été attaquée par la police. La foule s’était rassemblée dans le centre alévi de ce quartier. La police ne les laisse pas sortir.

A Izmir, à l’ouest du pays, les locaux du parti gouvernemental AKP ont été soufflés par un engin explosif. Pas de victimes, des dégâts dans l’immeuble ainsi qu’une voiture garée devant.

Dans la soirée, une attaque a eu lieu dans la région de Lice (province de Diyarbakir) contre un véhicule militaire blindé. Deux gendarmes turcs ont été tués, cinq autres blessés, selon un premier bilan.

Dans tout le Nord-Kurdistan, des affrontements ont eu lieu entre manifestants, souvent jeunes, et forces de répression. Dans la ville de Cizre (province de Şirnak), un manifestant de 21 ans a été tué par la police.

Front militaire en Syrie

Tal Abyad. Trois fortes explosions en début d’après-midi. Attaque suicide avec véhicules piégés sur deux checkpoint des YPG dans deux villages proches de la ville.

Sarrin. Les YPG ont confirmé le 24 juillet qu’ils encerclent complètement la ville-clé de Sarrin, sur la rive orientale de l’Euphrate. Ils accusent les djihadistes retranchés dans la ville d’utiliser les habitants comme boucliers humains. Dans la soirée, les YPG semblaient optimistes : la libération de la ville semblait à portée de main.

Hassakah. Dans la ville d’Hassakah, les djihadistes totalement encerclés et ayant perdu beaucoup de combattant (on parle d’au moins 160 ces derniers jours) ils ne cessent de perdre du terrain. Après avoir été chassés du quartier Nachwa Gharbiyé par les YPG, ils n’occupent plus que deux petites enclaves dans la périphérie, au sud et au sud-est de la ville. Les YPG et leurs alliés progressent et resserrent leur étau. Ils sont en train de battre Daesh et cela au détriment des forces du régime syrien qui se sont repliées sur un espace beaucoup plus réduit qu’avant le déclenchement de l’offensive djihadiste.

à suivre...

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M-A-J du 26 juillet

Rafles

Selon certaines sources, après certaines remises en liberté d’islamistes, le bilan des rafles de vendredi et samedi serait de574 militants kurdes ou de la gauche turque et 16 islamistes.
D’autres sources parlent de 851 détenus dont 27 djihadistes, d’autres de plus de 1000 personnes arrêtées en 3 jours.
Une vingtaine de membres du PYD, blessés et hospitalisés à Ankara, ont été kidnappés par la police turque.
Un jeune garçon de 11 ans est mort après avoir chuté du 7ème étage d’un immeuble de Diyarbakir alors qu’il était poursuivi par des policiers.

Frappes sur le PKK

Dans la journée du dimanche, les bombardements ont surtout été le fait de l’artillerie turque qui a visé des positions de la guérilla du PKK situées près de la frontière. Mais dans la soirée, une troisième nuit de bombardements commençait sur les bases kurdes situées dans les monts de Qandil. Des frappes étaient aussi signalées dans la région de Gever, province de Hakkari (Colemêrg en kurde), zone limitrophe de l’Irak mais sur le territoire turc.

Les frappes de l’armée turque contre les positions kurdes sont soutenues par les États-Unis qui condamnent « les attaques terroristes » du PKK et affirment que « la Turquie a le droit de se défendre ». Le vice-conseiller à la sécurité nationale Ben Rhodes, que « la Turquie a le droit de mener des actions contre des cibles terroristes ». Il rappelle que le PKK est toujours classé par Washington – mais aussi par l’Union européenne – comme « une organisation terroriste ».

Une des plus importantes factions djihadistes opérant en Syrie, Jaysh al-Islam (l’Armée de l’Islam, soutenue principalement par l’Arabie saoudite), a émis un communiqué disant qu’ils soutiennent le gouvernement turc dans sa guerre contre le PKK et Daesh.

Les HPG (guérilla du PKK) annonce le décès de 3 combattants consécutif des bombardements turcs sur les positions du PKK dans le territoire du Kurdistan autonome d’Irak. Quatre combattants ont été blessés.

Il semble qu’un hélicoptère de l’armée turque a été abattu par les combattants kurdes.

Les bombardements de l’aviation turque provoquent la fuite de villageois vers le sud de la région.

Les frappes aériennes ont repris dans la nuit sur les base des HPG/PKK.

Protestations dans le Kurdistan d’Irak

Des manifestations se déroulent dans le Kurdistan d’Irak pour protester contre l’agression de l’armée turque. Dans toutes les villes, des milliers de personnes se sont rassemblées pour exprimer colère et solidarité. Une marche est partie de la ville de Ranya (à l’est d’Erbil et au nord de Souleimaniye) en direction de Qandil. Des centaines de voitures en provenance de toutes les régions du Kurdistan d’Irak ont convergé sur cette ville proche des monts Qandil et devaient se diriger vers le village de Enze situé dans les montagnes.

Cette marche a été appelée par les mouvements kurdes d’Irak proche du PKK comme le Mouvement de la société libre du Kurdistan (Tevgera Azadi), le Mouvement de la jeunesse patriotique du Kurdistan, le Mouvement des femmes libres du Kurdistan (RJAK) auxquels se sont joints des représentants et membres d’un certain nombre de partis politiques (Union patriotique du Kurdistan - UPK, le Parti de l’Union islamique du Kurdistan, le Parti socialiste et le Mouvement Goran (Changement).

Front militaire en Syrie.

YPG contre Daesh

Sarrin. Les forces kurdes ont pénétré dans la ville et, après des combats de rue dans la zone urbaine, sont sur le point de prendre entièrement la ville. Totalement encerclés par les forces conjointes YPG et leurs alliés arabes (‟Volcan de l’Euphrate”), pilonnés par des frappes de la coalition aérienne dirigée par les États-Unis, les djihadistes semblent totalement vaincu et se sont volatilisés, soit en ayant réussi à fuir, soit en se cachant.
En fin de soirée, les YPG annonçaient que la plus grande partie de la ville était libérée. La dernière grande place force de Daesh menaçant Kobanê et verrouillant la traversée de l’Euphrate est tombée

Tal Abyad. Suite aux attaques à la voiture piégée de la veille contre des checkpoints des YPG aux alentours de la ville, 7 djihadistes ont été abattus. Pas d’autre bilan.

L’armée turque attaque le régime syrien.

L’armée turque a reconnu avoir bombardé des positions de l’armée syrienne après avoir essuyé des tirs d’artillerie.

Pas de bombardement d’aviation contre Daesh.

Actions en Turquie

Les affrontements ont repris ce dimanche dans le quartier populaire de Gazi entre manifestants et forces de police. La police refuse pour le second jour consécutif de laisser se dérouler une cérémonie en hommage à Günay Özaslan, militante du parti DHKP/C, abattue par la police vendredi 24 juillet lors de la première rafle. Le corps de la militante est dans le centre de prière alévi du quartier et la police empêche qu’il en sorte.

Dans la soirée, on apprenait qu’un policier avait été tué dans ce quartier au cours des affrontements de la journée.
Le parti DHKP/C a revendiqué le mitraillage de plusieurs blindés de la police dans le quartier de Gülsuyu à Istanbul.

Dans la région de Lice, la police mène littéralement la politique de la terre brûlée. Elle a mis le feu à un village et à une forêt. Et empêche les pompiers d’intervenir. 35 maisons du village de Arıklı ont été incendiées.

Région de Farquin (Amed/Diyarbakir) : 7 policiers blessés.

A Şırnak, dans l’extrême sud-est de la Turque, le bâtiment des forces de sécurité a été attaqué.

Dans d’autres villes du Nord-Kurdistan, des commissariats ont été attaqués.

Intervention armée de la Turquie

Un jeune garçon de 15 ans a été tué par des soldats turcs alors qu’il cherchait à traverser la frontière.

Le gouvernement turc a annoncé dans la soirée qu’il appelait à la convocation d’une réunion extraordinaire du conseil de l’OTAN mardi 28 juillet sur la base de l’article 4 qui stipule que « les parties se consulteront chaque fois que, de l’avis de l’une d’elles, l’intégrité territoriale, l’indépendance politique ou la sécurité de l’une des parties sera menacée. » La Turquie a choisi l’escalade mais veut être appuyée dans sa « guerre contre le terrorisme ».

La Turquie frappe les YPG en Syrie !

Dans la nuit, des bombardements d’artillerie turcs ont visé un village tenu par les forces kurdes des YPG/J et des bataillons arabes issus de l’ex-Armée Syrienne Libre du ‟Volcan de l’Euphrate” dans la région de Kobanê. Il s’agit du village de Zormikhar, situé près de la frontière, sur la rive orientale de l’Euphrate, en face de la place forte de Daesh de Jarabulus. Il y a plusieurs blessés. Dans un communiqué, les ‟Brigades internationales du Rojava” annoncent également qu’un véhicule a été visé à l’ouest de Gire Spî (Tal Abyad), c’est-à-dire à l’est de Kobanê.

Conséquence de la prise de Sarrin et d’une nouvelle défaite de Daesh, l’intervention de la Turquie sur la zone contrôlée par les YPG à quelques kilomètres de là montre encore plus clairement si nécessaire ce qu’est la politique du gouvernement d’Erdoğan et quel est son principal ennemi.

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M-A-J du 4 août

L’offensive de l’État turc contre le mouvement kurde
  • Aperçu de la situation du 29 juillet au 4 août 2015 -

Bombardements turcs sur les bases du PKK et attaques en Turquie

Les bombardements quotidiens sur les bases du PKK en territoire Kurde d’Irak se sont poursuivis sans interruption.

Dans la nuit du 31 juillet au 1er août, des avions de l’armée de l’air turque ont visé le village de Zergelê, dans les monts Qandil. Bilan, 9 civils tués dont une femme enceinte. Une famille a été entièrement décimée.

Sept maisons ainsi que la mosquée ont été pulvérisées, le village a été pratiquement rasé.

L’offensive turque contre les Kurdes prend chaque jour plus d’ampleur. Les bombardements de la nuit du 31 juillet au 1er août, soit au 7ème jour, ont été les plus violents, avec plusieurs vagues successives.

Cela ne devrait pas s’arrêter. Erdoğan et son premier ministre Davutoğlu répètent en boucle qu’il n’y a aucune limite à ces attaques, qu’il n’y a plus de partenaire pour faire la paix, que la seule limite qui existe à leur yeux est que le PKK dépose les armes et accepte les termes de la Turquie… Selon la rhétorique de ses chefs, l’État turc s’est donc lancé dans une « guerre sans fin », dans un état de guerre permanent, un peu comme Israël ou bien d’autres États qui ne trouvent de solution à un problème essentiellement interne qu’en créant un autre problème, beaucoup plus grand, une guerre infinie, jusqu’à la capitulation ou l’éradication de l’ennemi, aux multiples implications internationales...
Pour sa part, le PKK n’a pas appelé à la reprise des hostilités, à la mobilisation en vue de mener une nouvelle guerre contre la Turquie. Il continue de parler de ripostes logiques et méritées aux attaques meurtrières de l’État turc, allié et supporter de Daesh, que ce soit sur le territoire de la Turquie – les dizaines de manifestants abattus par la police lors de la répression des manifestations de soutien à Kobanê en novembre et décembre 2014 et dont le massacre de Suruç marque le dernier épisode – ou contre les bases de la guérilla dans le Kurdistan d’Irak.

Après une pose de 24 heures dans les bombardements, ceux-ci ont repris dans l’après-midi du 4 août en territoire turc, dans la province limitrophe d’Hakkari où les guérilleros du PKK occupent plusieurs positions depuis longtemps dans cette zone montagneuse.

Dans la ville d’Agri, les forces de l’ordre qui traquaient des guérilleros ont abattus dans la rue un militant kurde ainsi que ses deux frères à leur domicile.

La campagne d’arrestations se poursuit sans relâche, souvent de nuit.

Quelques personnes sont libérées mais il y a toujours environ 1200 à 1500 personnes en détention, dont 15 djihadistes.

Ripostes en Turquie

Les ripostes de la guérilla du PKK (HPG, Forces de protection du peuple) et des autres composantes du mouvement kurde se poursuivent également avec des actions quotidiennes visant les forces de l’ordre ou des soldats. La plupart des actions armées se situent dans le Nord-Kurdistan mais certaines ont lieu plus loin en territoire turc, notamment à Adana (2 policiers abattus) ou encore à Istanbul (véhicules de la police incendiés).

Dans la nuit du 1er au 2 août, un véhicule piégé a été lancé contre une base de l’armée dans les environs de la ville de Dogubayazit (province d’Agri) faisant au moins 2 morts chez les soldats turcs et 31 blessés (dont 8 dans un état grave). Le bâtiment a été presque totalement détruit. Il y a quelques doutes sur le bilan officiel.

La version de l’État turc parle d’attentat suicide. Dans leur communiqué, les HDP parlent de « sabotage » et précise que les soldats touchés appartenaient aux forces spéciales.

Les attaques de la guérilla ont redoublé et pris de l’ampleur ce 4 août.
La riposte militaire de la guérilla du PKK semble suivre une courbe ascendante, à mesure que l’offensive turque se poursuit. Après la vague de bombardements massifs de la nuit du 31 juillet au 1er août et le massacre de civils dans le village de Zergelê (dans le Kurdistan irakien), les HDP ont décidé de relever d’un cran le niveau de l’affrontement.

Le 4 août au matin, une attaque de la guérilla dans la province de Şırnak a provoqué la mort de 3 membres des forces armées turques, 2 soldats et d’un supplétif du maintien de l’ordre (gardien de village). Il y aurait aussi 2 blessés. D’après les autorités turques une mine télécommandée à distance déposée au bord de la route aurait explosé au passage d’un véhicule faisant une patrouille.

Le même jour, le quartier général de la police de Yüksekova (Gewer en kurde) dans le district de Hakkari (zone frontalière de l’Irak et de l’Iran) a été la cible d’une attaque au lance-roquettes RPG. Des combats ont opposés les assaillants et la police pendant 20 minutes. Pas de bilan, des dégâts au bâtiment.

Une autre attaque au lance-roquette a frappé un centre de commandement de l’armée dans la ville de Silopi, province de Şırnak, près des frontières avec le Kurdistan irakien et le Rojava. Le bilan officiel fait état de 1 soldat tué, un autre blessé.

Toujours le 4 août, un blindé de l’armée est touché par une mine télécommandée sur l’autoroute entre Dersim et Erzurum, dans l’est de la Turquie. Cette région assez centrale du Nord-Kurdistan est un des bastions historiques du PKK. L’autoroute en question, sous quasi-contrôle du PKK, est régulièrement coupée par les interventions de la guérilla.

Enfin, on apprend le même jour que 3 camions travaillant pour le gouvernement ont été incendiés près de la ville de Şenkaya, province orientale de Erzurum et que l’oléoduc reliant Bakou (Azerbaïdjan) au sud de la Turquie (à côté d’Adana) via Tbilissi (Géorgie) a été saboté au petit matin.

En début de soirée de ce 4 août, le site Internet d’un quotidien turc proche de l’AKP rapporte de « trois officiers ont été blessés dans une attaque armée dans la province kurde de Muş », à l’est de la Turquie. Un peu plus tard, le même site Internet annonce qu’un policier a été sérieusement blessé lors de l’attaque d’un commissariat à Diyarbakır (Amed en kurde), la ‟capitale” du Nord-Kurdistan.

Dans la soirée, toujours ce 4 août 2015, d’importants combats étaient signalés dans la région montagneuse de Silopi (province de Şırnak), près de la frontière avec le Kurdistan d’Irak, entre la guérilla du PKK et l’armée turque.

Toujours le 4 août, dans la soirée, les affrontements de rue se sont poursuivis dans les grandes villes, comme ici à Istanbul,

là à Diyarbakır

ou encore là, dans une petite ville kurde proche de la frontière avec l’Irak.

La riposte kurde ne se limite pas à des actions de guérilla visant des cibles militaires. Actions d’autodéfense et sabotages économiques font également partie du panorama des modes de résistance. Les rassemblements, les manifestations (interdites la plupart) se poursuivent malgré la censure des médias et le blocage des moyens d’information type site Internet, comptes Facebook et Twittter. Il y a régulièrement des affrontements en soirée.

Depuis dix jours, les mobilisations et les actions offensives de résistances sont quotidiennes dans les provinces kurdes de Turquie. Dans certaines villes comme Cizre ou Diyarbakır, les habitants et des militants ont creusé des tranchées ou monté des barricades dans leurs quartier pour empêcher ou retarder des interventions de la police.

Dans de nombreuses villes et localités, des locaux de l’AKP ou des bâtiments de l’Etat turc sont visés, ou anonymement, ou par le YDG-H (mouvement de la jeunesse urbaine du PKK) ou par l’extrême-gauche turque.

Sur les grands axes, des checkpoints mobiles des HPG opèrent des contrôles des véhicules et des passagers. Des camions ont été à interceptés et incendiés à de multiples reprises pour bloquer la mobilité de la gendarmerie ou de l’armée de terre.

En priorité, des camions et véhicules civils travaillant pour le gouvernement sont visés par dizaines.

Des photos circulant sur les réseaux sociaux montrent des engins blindés de l’armée ou de la police incendiés ou détruits dans différences provinces.

Plusieurs oléoducs ont été visés, dont l’un acheminant le pétrole brut extrait dans le Kurdistan autonome d’Irak, ce qui a provoqué une polémique avec le gouvernement Barzani qui accuse le PKK d’avoir fait perdre beaucoup d’argent à la population (mais surtout à la famille Barzani et à ses amis !).

L’oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan (Adana) [ voir ici : https://fr.wikipedia.org/wiki/Ol%C3%A9oduc_Bakou-Tbilissi-Ceyhan ], a été saboté le 4 août par le PKK dans la province de Posof, près de la frontière avec la Géorgie dans le Nord-Est de la Turquie.

Chiffres

Le 1er août, contre toute vraisemblance, le gouvernement turc prétend que 260 membres du PKK ont été tués et 400 blessés depuis le début des opérations le 24 juillet, soit en une semaine. Le PKK communique peu sur les décès (1 cadre tué le 25 juillet, 3 combattants le 30 juillet…) mais les chiffres sont certainement bien inférieurs, de l’ordre d’une dizaine tout au plus selon certaines sources. Cela fait longtemps que les combattant-e-s kurdes disposent d’abris anti-aériens dans leurs bases arrière des monts Qandil.

Selon un décompte officiel repris par les agences de presse comme l’AFP, du 22 juillet au 1er août, 17 membres des forces de l’ordre et de l’armée turque ont été tués. Le 4/08, ce chiffre dépasse largement les 20 tués dans les rangs turcs.

Un 33ème mort – et 32ème victime – dans l’attentat-massacre de Suruç. Après 16 jours de soins intensifs, un des blessés du massacre de Suruç est décédé à l’hôpital. Il était âgé de 22 ans, s’appelait Vatan Budak et militait dans un groupe anarchiste d’Istanbul.

Répression

La répression ne faiblit pas. Le dernier chiffre circulant fait état de près de 1700 arrestations, 99% d’entre elles visant des personnes prétendument membre du PKK ou de la gauche révolutionnaire turque.

Le gouvernement turc a lancé une procédure judiciaire pour ‟troubles à l’ordre public” et ‟incitation à la violence” contre les 2 co-présidents du HDP (Parti démocratique des peuples), Selahattin Demirtaş et Figen Yüksekdağ Şenoğlu.

Le co-maire de la ville de Lice (province de Diyarbakır) a été arrêté pour « terrorisme ».

Les corps de 13 combattant-e-s des YPG/YPJ restent bloqués à la frontière entre le Kurdistan d’Irak et la Turquie. La Turquie refuse depuis le début de son offensive contre le PKK de laisser entrer sur son territoire les corps de 13 membres des milices kurdes de Syrie, pour qu’ils y soient enterrés. Tous originaires du Nord-Kurdistan (Turquie), ils se sont enrôlés dans les rangs des YPG et ont été tués au combat contre Daesh.

Les familles regroupées à proximité du poste frontière d’Habur qui attendent les cercueils à la frontière ont été attaquées par les forces de police par des lacrymos. Le 3 août, elles ont envahi les locaux de la préfecture de Şırnak pour exiger du gouvernement turc qu’il libère les cercueils.

L’enjeu politique/politicien

L’offensive contre les Kurdes répond essentiellement à des enjeux internes, tout en ayant des visées et implications régionales. Suite aux dernières élections législatives du 7 juin, l’AKP d’Erdoğan a perdu la majorité absolue en sièges qu’ils détenaient sans discontinuer depuis 2002.
L’escalade d’Erdoğan et de l’AKP contre les Kurdes intervient alors qu’ils étaient en train de perdre du terrain dans l’opinion en Turquie et que, simultanément, la question kurde redevenait au premier plan, particulièrement depuis la « révolution du Rojava », les batailles acharnées et meurtrières mais gagnées par les forces kurdes contre Daesh et l’implication du PKK dans les combats en Irak pour défendre les yézidis et d’autres minorités (dont des chrétiens) et plus globalement pour compenser les déficiences avérées des peshmergas du PDK de Barzani face aux djihadistes.

D’une part, l’AKP doit former une coalition avec au moins un autre parti pour former un gouvernement. Il a le choix entre le MHP (extrême-droite nationaliste, 16,3% des voix) et le CHP (social-démocrate kémaliste, 25% des voix). L’offensive contre le PKK a pour objectif de resserrer les rangs de l’opinion et des partis sur une base militariste et nationaliste, contre les Kurdes, mais aussi toutes les forces de contestation et les minorités. Les deux partis ‟laïcs” et nationalistes peuvent faire l’affaire et une coalition pourrait rapidement voir le jour avec au moins l’un de ces partis.
Mais, d’autre part, Erdoğan n’a pas abandonné son projet mégalomane néo-sultanesque d’hégémonie totale sur la Turquie, qui suppose de marginaliser les autres partis et pour cela d’obtenir une majorité des 2/3 des sièges au parlement afin de pouvoir modifier la constitution et instaurer un régime présidentiel autoritaire et semi-dictatorial. À minima, il se contenterait de retrouver une majorité absolue des sièges pour gouverner seul.

Dans tous les cas, il doit montrer qu’une coalition ne fonctionne pas et alors dissoudre le parlement et organiser de nouvelles élections, cette fois après avoir réduit au silence le parti de gauche « pro-kurde » HDP qui avait obtenu une représentation parlementaire en dépassant les 10% des voix (13,1% et 80 élus). La campagne de criminalisation est en cours depuis le massacre de Suruç et la vague d’arrestations dans le pays s’accompagne de lynchages médiatiques associant le HDP et le terrorisme séparatiste anti-turc. Les quelques médias pro-HDP sont progressivement privés de moyens d’expression, les sites Internet rendus inaccessibles et les comptes Twitters bloqués…

Pour l’instant il y a un partage des rôles. Le premier ministre Davutoğlu discute pour former une coalition tandis qu’Erdoğan laisse clairement entendre qu’il n’y aura pas d’accord et qu’il faut aller vers des élections.

Le 2 août, dans un entretien avec des ONG, le premier ministre Davutoğlu n’hésite pas à déclarer que la situation de chaos que connait la Turquie actuellement est la conséquence du mouvement de protestation de Gezi en 2013 ( !) Un peu parano, mais il n’a pas tort. Depuis Gezi, les foyers de contestations se sont multipliés, les paroles se sont libérées et la base électorale de l’AKP s’est effritée, tandis que la HDP parvenait à capter une grande partie de la contestation en Turquie.

Le PKK en Irak et la politique du gouvernement kurde d’Irak

Terrible ironie de l’histoire du présent, c’est aujourd’hui 3 août 2015 le 1er anniversaire de l’assaut de Daesh dans le nord de l’Iraq, au cours duquel des milliers de yézidis, une minorité confessionnelle de langue kurde, ont été massacrés, des milliers d’autres, surtout des femmes et des jeunes filles, ont été enlevées pour être ‟offertes” à des chefs et à des combattants de Daesh ou vendues à des hommes dans les zones contrôlées par les djihadistes.

C’est aussi le 3 août 2014 que les guérillas du PKK sont intervenues vigoureusement en territoire irakien, en particulier en organisant un couloir d’évacuation humanitaire dans les monts Singar (province de Ninive) où s’étaient réfugié des dizaines de milliers de yézidis. Le chiffre de 200 000 civils menacés de mort, de rapt et de viol, qui ont pu être sauvés et évacués est couramment cité.

Cette intervention du PKK, concrètement de la guérilla venue des monts Qandil aujourd’hui bombardés, appuyée par des miliciens et miliciennes kurdes de la Syrie voisine, avait permis de bloquer l’offensive djihadiste qui menaçait toute la zone, y compris Erbil, la capitale du Kurdistan d’Irak, suite à la fuite éperdue des peshmergas (nom des combattants kurdes d’Irak) devant les combattants de Daesh. Les guérillas du PKK, ainsi que des détachements des YPG/J, sont toujours présents dans la région. Ils aident les yézidis à s’autodéfendre en créant leurs propres milices (les Unités de Résistance de Sinjar, YBŞ en kurde), en initiant la mise en place d’une assemblée populaire des réfugiés du mont Sinjar et une organisation autonome des femmes et en les épaulant militairement en première ligne sur la ligne de front contre Daesh, front qui passe par la ville de Sinjar, moitié occupée par les djihadistes, moitié par les forces yézidies et kurdes.

Les combattants des HPG et combattantes des YJA-Star (PKK), avec les YPG/J (PYD) du Rojava, se battent aussi aux côtés d’autres forces yézidis, comme les HPŞ (Forces de défense de Sinjar).

L’existence de ces forces autonomes des habitants, majoritairement yézidis, de la région de Sinjar est combattue par le PDK de Barzani qui ne veut pas voir son hégémonie contestée. Pour cela, il cherche ou bien à imposer son pouvoir sur un territoire qui d’ailleurs ne fait pas partie du Kurdistan d’Irak, ou bien à contraindre les yézidis à se placer sous la tutelle des Unités de mobilisation populaire (PMU en anglais) formées par les milices chiites irakiennes pour combattre Daesh. Bien évidemment, les nouvelles forces yézidis nées depuis un an, c’est-à-dire postérieurement à la tentative djihadiste d’extermination totale, refusent catégoriquement de se soumettre au KRG comme aux chiites et revendiquent leur autonomie politique et territoriale dans la province irakienne de Ninive. Une grande partie de ces forces voit dans le confédéralisme démocratique du Rojava une source d’inspiration pour la lutte d’aujourd’hui et pour ce qu’elles souhaitent mettre en place dans l’après-guerre contre Daesh.

D’importantes commémorations ont eu lieu ces 3 et 4 août dans les monts Sinjar, avec la présence de multiples délégations (associations de yézidis, jeunes réfugiés venus d’un camp situé à 120 kilomètres de là, représentants du Rojava, etc.) Forte présence des YBŞ, principale milice du Sinjar, formée sur le modèle des YPG/J.

Aujourd’hui, un an après qu’un véritable génocide a pu être évité grâce aux combattants kurdes du PKK et des YPG/J de Syrie, le gouvernement d’Erbil, dirigé par Barzani (représentant de la bourgeoisie affairiste enrichie par le pétrole, alignée sur la Turquie et les États-Unis), ne lève pas le petit doigt pour empêcher les bombardements de l’armée turque sur les bases du PKK, accusant même le PKK d’être responsable, par sa présence dans la région, de la mort des civils tués par l’armée turque dans un petit village où les combattants ne stationnent jamais.
Dans un discours de commémoration ce 3 août, Barzani a remercié les YPG de leur intervention mais n’a pas mentionné le PKK. Évidemment. C’est exactement la même orientation que celle des États-Unis et de l’UE et qui est reprise par tous les médias occidentaux : il y aurait les ‟bons” Kurdes en Syrie qui combattent Daesh et les ‟mauvais” du PKK qui sont des « terroristes » et qui menacent la stabilité des pouvoirs étatiques régionaux. Positionnement évidement hypocrite car ces composantes (partis, milices…) sont inséparables, font partie d’un même mouvement, sont organiquement fédérés et unis par le même projet politique, les mêmes références, la même stratégie.

Un an après les massacres et les rapts de masse, chaque semaines, de nouvelles fosses remplies de cadavres sont découvertes, chaque semaine des petits groupes de femmes yézidis enlevées et réduites en esclavage parviennent à s’échapper de l’emprise de Daesh. Des dizaines de milliers de réfugiés sont dans des camps de fortune dans la région de Dohuc ou d’Erbil au Kurdistan d’Irak, quelques milliers qui ont de la famille en Europe ont fui vers divers pays dont l’Allemagne où réside une forte communauté yézidie. Il n’y a pas de bilan des exactions de Daesh d’août 2014. Les morts se compteraient entre 5 et 7000, les femmes et jeunes filles enlevées entre 6 et 8000. Près de 2000 d’entre elles auraient réussi à s’échapper ou aurait été “achetées” par des familles yézidis et des donateurs pour les libérer.

En ce jour anniversaire, on apprend qu’un nouveau groupe de plusieurs dizaines de yézidis sont rentrés dans la région de Singar après une formation acquise au Rojava auprès des milices YPG/J.

Sur le front de Sinjar où les HPG et YJA-Star jouent un rôle décisif, les attaques de l’aviation turque sur les bases du PKK sont directement une aide aux djihadistes.

Le KRG contre la gauche kurde

Exemple récent de répression contre la gauche kurde. Quatre internationalistes ayant combattu dans les rangs des YPG ont été arrêtés par le KRG (gouvernement régional kurde d’Irak) et mis en prison dans la même cellule que des djihadistes.

À leur retour de Syrie, après avoir combattu avec les YPG pendant environ 3 mois, quatre internationalistes, 2 citoyens des États-Unis, un Italien et un Russe ont été arrêté et maintenus en détention pendant 23 jours au Kurdistan d’Irak. A leur retour dans leur pays, les deux étatsuniens viennent de révéler publiquement ce qui leur est arrivé ainsi qu’à deux autres volontaires internationaux, alors qu’ils étaient en transit pour regagner leur pays après avoir libéré des villes et des villages kurdes et arabes de la domination de Daesh. Mis en détention pendant 23 jours, ils ont dû partager la même cellule avec des prisonniers soupçonnés d’être membres de Daesh, alors qu’ils avaient tous les quatre expliqué aux fonctionnaires kurdes du gouvernement autonome qui ils étaient, pourquoi ils étaient là et qui ils étaient venus combattre. C’est une intervention diplomatique de l’ambassade des États-Unis à Erbil qui a mis fin à cette incarcération.

Le KRG ne peut pas attaquer ouvertement les forces de la gauche kurde car il doit composer avec une partie de son opinion, notamment dans la jeunesse et parmi les peshmergas chez qui les YPG/J et le PKK jouissent maintenant d’un grand prestige. Il a même fournis des armes, légères et peu nombreuses il est vrai, avec l’accord des États-Unis, aux milices YPG/J. Mais parallèlement, il réprime, entrave, bloque la frontière avec le Rojava… Double ou triple jeu comme la plupart des acteurs de ce conflit.

Syrie

Hasakah

Après 39 jours de combats, les YPG/J et leurs alliés dans cette région (Conseil militaire syriaque et l’armée al-Sanadid de la grande tribu arabe bédouine des Shammar) ont annoncé la libération toitale de la ville de Hasakah. Avant l’offensive de Daesh sur la ville, cette capitale de province était co-administrée de fait, en gros à 50-50, par l’armée du régime dans la partie sud et les forces kurdes dans la partie nord. Au terme de 3 mois de combats, le rapport de forces s’est modifié : les forces armées fidèles au régime de Damas ont perdu beaucoup de terrain tandis que les YPG/J se sont emparées de secteurs à l’ouest, à l’est et au sud de la ville. Le nouveau rapport avoisinerait les 25/75 en faveur des forces kurdes et leurs alliés dans le canton de Cizirê/Jazira.

Des affrontements ont d’ailleurs éclatés juste après la défaite des djihadiste entre une milice pro-Assad et les YPG, montrant à quel point les rapports sont tendus, au bord de l’explosion. Mais aujourd’hui, les forces pro-Assad n’ont plus les moyens d’imposer leurs conditions dans cette ville.

Les YPG/J et leurs alliés ont en outre saisi d’importantes quantités d’armes et de munitions de tous calibres, y compris des camions militaires, plusieurs blindés légers sur roue et six chars de combat…

Avec leurs improbables véhicules bricolés au blindage léger made in Rojava, les YPG sont en train de se constituer un arsenal digne d’une véritable armée de terre.

Le 2 août, les djihadistes ont pris le contrôle d’une partie des Monts Abdullaziz, à l’ouest d’Hasakah, avant d’en être rapidement chassés.

Tal Abyad

Dans cette ville clé situé à la frontière avec la Turquie, et dont la prise a permis de réunifier les 2 cantons kurdes séparés de Kobanê et Cizirê, une ‟Assemblée des peuples de Tal Abyad” a été créée le 29 juillet. Cette ville est très largement peuplée de résidents arabes et de plusieurs minorités (arméniens, assyriens, kurdes…). La gauche kurde de Syrie veut en faire le symbole de son projet politique d’une Syrie démocratique basée sur la pluralité et le dépassement des appartenances et des ethnicités.

Kobanê

Une tentative djihadiste de reprendre pied dans la ville de Sarrin a été déjouée et l’attaque a été repoussée. Au moment de l’attaque djihadiste sur Sarrin, des avions turcs ont survolé le secteur à basse altitude.

Dans le nord-ouest du canton de Kobanê, la ligne de front correspond pour l’instant à la frontière naturelle de l’Euphrate, avec à l’est les YPG/J et leurs alliés dans cette région (“Volcan de l’Euphrate”, composé d’ex-bataillons de l’Armée syrienne libre) et sur la rive occidentale (province d’Alep) les djihadistes de Daesh.

Nord d’Alep et Afrin

Alors que Daesh occupe tout le nord-est de la province d’Alep sur environ 70 km le long de la frontière avec la Turquie, le nord-ouest est une des places fortes des islamistes de la Jaish al Fatah, l’Armée de la Conquête. C’est une coalition de divers groupes salafistes dont les plus importants sont Ahrar al-Sham (proche d’Al-Qaïda et des Talibans afghans) et le Front al-Nosra (Al-Qaïda au Levant). Cette coalition est ouvertement soutenue, armée et financée par l’Arabie saoudite, le Qatar et la Turquie. La formation de cette « armée », au début de l’année 2015, correspond exactement à la réconciliation entre ces trois pays juste après l’arrivée d’un nouveau roi à la tête de l’Arabie saoudite visant à réconcilier tous les courants islamistes, des Frères musulmans aux salafistes, contre l’ennemi commun : l’Iran. Une coalition de pays pro-islamistes qui est rappelons-le fortement appuyée par la France de Hollande qui vend des armes, des avions de combats, soutient diplomatiquement ces pays dans la répression des soulèvements internes et leurs interventions externes (Yemen), n’intervient pas contre Daesh en Syrie…

Au début du mois de juillet, une première unité de combattants armés, équipés, financés et entrainés par les États-Unis, avec l’aide de la Turquie, s’introduisait en territoire syrien depuis la Turquie. Composée de 54 membres ( !) triés sur le volet, cette ‟Division 30” était censée être le premier noyau d’une force qui devrait atteindre 5400 combattants pour faire contrepoids aux djihadistes…

Mais seulement voilà que le Front al-Nosra (AQ) n’entend pas laisser le moindre espace à des combattants clairement associés aux États-Unis qui, à plusieurs reprises et récemment, ont mené des bombardements sur ses positions, tuant plusieurs dizaines de militants et de cadres.

Le 28 juillet, de Front Al-Nosra enlève le chef de cette division, son adjoint et 16 autres combattants alors qu’ils revenaient d’une réunion sur le côté turc de la frontière. Dans la nuit du 1er ou 2 août, le Front al-Nosra qui assiégeait cette ‟Division 30” appelé aussi ‟Nouvelle Syrie”, était bombardé par les États-Unis, ce qui a permis au reste de cette unité d’abandonner son QG, de prendre la fuite et partir se réfugier dans le canton kurde d’Afrin. Bilan : 18 prisonniers, 7 tués au cours des combats, moins de 20 survivants en fuite dont la moitié de blessés. Fiasco complet pour les États-Unis.

Un épisode qui illustre à la fois les contradictions, les incohérences et les impasses de la politique états-unienne dans la région en général et en Syrie en particulier.

Des combats sporadiques ont opposés les YPG/J d’Afrin et le Front al-Nosra au cours des derniers jours dans deux zones limitrophes du canton kurde, au sud et à l’est.

Ce 3 août, al-Nosra a pris le contrôle total de la ville d’Azaz. Ville frontière avec la Turquie, visée lors de la dernière offensive de Daesh dans cette zone, elle est aussi située à la limite du canton d’Afrin.

Il y a une trêve depuis six mois entre le Front al-Nosra et les YPG d’Afrin. S’agit-il d’actions visant à tester la capacité de réaction des YPG ou le début d’une offensive ? Le même week-end, des combats ont opposés dans la même région une unité de la Jaish al-Thuwar (opposition dite modérée) et une autre du Front al-Nosra.

Dans la foulée de leur fiasco, les États-Unis ont lancé une frappe aérienne contre le Front al-Nosra le 31 juillet. Ce n’est pas la première fois que ce groupe d’Al-Qaïda est visé mais cette fois, les États-Unis l’ont rendue publique le 4 août en ajoutant que c’était une riposte visant à « défendre » tous ceux qui s’en prendrait aux unités formées et armées par eux, en précisant que le régime syrien « ne devait pas interférer » dans les actions menées par ces groupes. Jusqu’ici, la doctrine officielle de Washington était qu’ils menaient des frappes « contre le terrorisme », terme élastique et flou mais signifiant ici Daesh et la mouvance Al-Qaïda. Il y a là clairement une inflexion qui donne maintenant une couverture aérienne à une partie de la rébellion anti-Assad, y donc compris face au régime.

Le même jour, ce 4 août 2015, al-Nosra annonçait la capture de 5 nouveaux combattants d’une unité armée et entraînée par les États-Unis. Cette arrestation se serait déroulée près de la frontière turque, à la hauteur du Sanjak d’Alexandrette (nord-ouest de la Syrie).

Depuis l’offensive de la Turquie contre le mouvement kurde, l’opposition syrienne « officielle » se déchaîne. Dans un entretien du 2 août, la Coalition nationale syrienne accuse les YPG/J d’être « un groupe extrémiste » allié de Bachar al-Assad. Une des composantes laïques de la CNS, les Comités Locaux de Coordination, viennent d’annoncer le 1er août leur départ de cette ‟coalition”, l’accusant d’être minée par « des intérêts personnels » et de faire le jeu de « blocs liés à des forces étrangères ». La CNS ne joue certes qu’un rôle de façade et ne représente pas les mouvements armés sur le terrain quand bien même elle en épouse les positions.

Dans le nord de la Syrie, les régions d’Alep et d’Idlib notamment, la seule force que l’on peut qualifier de ‟modérée”, est constitué par le regroupement appelé Jaysh al-Thuwar (Armée révolutionnaire), créé en mai 2015 par l’alliance de plusieurs brigades de l’ex-Armée syrienne libre. Le Jabhat al-Akrad (Front kurde), lié aux PYD-PKK, mouvement qui opère dans les zones de peuplement mixte en dehors des trois cantons du Rojava, notamment à Alep, fait partie de la Jaysh al-Thuwar. Les brigades non-kurdes alliées des YPG/J dans le canton de Kobanê, et qui forment le Burkan al-Furat (‟Volcan de l’Euphrate”) font partie formellement de la Jaysh al-Thuwar ainsi que des brigades éparpillées, initialement de la région de Deraa, qui devraient se réactiver lorsque l’offensive sur la “capitale” syrienne du califat sera lancée.

Militairement, avec moins de 10% des effectifs combattant de l’ensemble de la rébellion (hors Daesh), c’est aujourd’hui une ‟armée” qui ne fait pas vraiment le poids dans toute cette partie du territoire syrien face aux regroupements salafistes et djihadistes que sont l’Armée de Conquête (dans tout le Nord-Ouest de la Syrie) et Ansar al-Sharia (les Partisans de la charia) pour la ville d’Alep.

L’accord entre les États-Unis et la Turquie

Rien n’a filtré et aucun deal formel n’a été conclu. C’est encore un accord virtuel, faisant l’objet de fuites dans la presse et d’un marchandage diplomatique entre les deux pays.
Ce que l’on sait, c’est que la Turquie a autorisé les Etats-Unis et les autres pays de la ‟coalition” contre Daesh à utiliser un aéroport situé sur son territoire.
Concernant, la zone tampon en territoire syrien, la seule chose qui semblait claire est sa localisation : entre Jarabulus et le village de Marea, au nord d’Alep (et à l’est du canton kurde d’Afrin), sur une longueur de 90 kilomètres et une profondeur de 40-50 km. (voir carte)

L’interprétation d’Erdoğan est celle d’une « Safe Zone », une zone de sécurité ou « No-Fly Zone », zone d’exclusion aérienne. Cela vise en priorité le régime d’Assad car c’est la seule force armée qui possède une aviation. Cette zone serait occupée par des milices de l’opposition (de fait islamistes et salafistes) proches par la Turquie et contrôlées par elles avec l’alibi humanitaire de permettre la réinstallation de réfugiés sur le sol syrien.

Pour les États-Unis, la priorité, c’est plutôt Daesh et aussi le Front al-Nosra. Pour eux, il s’agirait plutôt d’une « No-Isis Zone », une ‟zone libérée de Daesh”, occupée par des opposants ‟modérés”. Or, la faiblesse ou quasi-absence d’opposants ‟modérés” sur le terrain, rend ce projet totalement inopérant. Cependant, la zone occupée aujourd’hui par Daesh dans le nord de la province d’Alep, fait partie, sans doute possible, des discussions entre les États-Unis et la Turquie, avec comme question centrale : qui doit occuper cet espace ?

Les États-Unis semblent miser sur l’émergence d’une force ‟modérée” (dans laquelle ils incluraient les Kurdes des YPG/J et du Jabhat al-Akrad à condition qu’ils se distancient du PKK) tandis qu’Erdoğan veut n’importe qui, de préférence des islamistes (Daesh, al-Nosra, Ahrar al-Sham et autres djihadistes) sauf une alliance qui inclurait les Kurdes et leur offrirait une large autonomie. Dans la pratique, certains groupes salafistes semblent vouloir afficher une apparence de ‟modérés” (article d’un chef d’Ahrar al-Sham dans le Washington Post le 10 juillet 2015, deux interviews coup sur coup du chef d’al-Nosra sur la chaîne qatarie Al-Jazeera…)

Important à savoir. Dans cette zone frontalière vit une minorité turkmène. Si plusieurs mouvements appartenant à la Jaysh al-Thuwar comportent des combattants turkmènes, le pouvoir à Ankara joue aussi sur cette carte ‟ethnique” (comme en Irak) pour contrer et combattre toute alliance avec les Kurdes influencés par la mouvance apoïste PKK-PYD au prétexte qu’ils auraient comme projet de procéder à des ‟nettoyages ethniques”.

Nul doute que dans un futur proche, Erdoğan, l’AKP et les nationalistes turcs entonneront cette petite musique en guise de campagne de propagande pour combattre l’avancée des forces kurdes et leurs alliés dans le nord de la région d’Alep, c’est-à-dire dans la « zone de sécurité » que veut imposer la Turquie en territoire syrien.

Déjà, un quotidien turc publie un placard où Alep figure comme la 82ème province de la Turquie…

Simple frime propagandiste de caractère colonialiste ou anticipation d’une prochaine intervention terrestre de l’armée turque ?

à suivre…

M.P., le 4 août 2015

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Pour info, une carte interactive du Kurdistan et des combats qu’y s’y déroulent : ici


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