Courant alternatif no 106 février 2001 |
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SOMMAIRE |
Édito p. 3 FTP : procès dactions directes antifascistes p. 4 Relance exemplaire à Saint-Nazaire p. 5 et 6 Emplois jeunes : quel avenir ? p. 7 à 9 Rubrique Livres & revues p. 10 Sciences & progrès : au nom de la raison p. 11-12 Lillusion dun municipalisme libertaire p. 13 à 17 Initiative contre le Sommet des Amériques à Québec p. 18 La « démocratie » américaine en pleine forme p. 19-20 Rubrique Brèves : Répression contre des libertaires p. 20 Chiapas : répressions économique et « démocratique » p. 21-23 Rubrique LMouvement p. 24 |
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ÉDITO |
Leffervescence sociale pour défendre la retraite à quarante annuités dans le secteur privé a permis de constater quelques points. Contrairement à 1995, ce ne sont pas que les fonctionnaires « privilégiés » mais surtout les bataillons du privé, les « vrais » travailleurs selon le discours patronal, qui ont défilé. Depuis les années 80, un tel rassemblement de salariéEs aux statuts aussi différents est unique. Contrairement à ce que la propagande capitaliste veut faire accroire, la valorisation professionnelle et limplication individuelle dans le travail ne sont pas intégrées au point que les individus puissent accepter sans broncher cinq ans supplémentaires daliénation et de galère.
Après le coup de lUNEDIC et linstauration du PARE, le MEDEF de nouveau mène loffensive à la place de la droite politique pour démanteler le statu quo des droits sociaux, et pousser à la capitalisation et lindividualisation des retraites, afin de disposer comme ses homologues américains dinvestissements supplémentaires. Deux mois avant des échéances électorales, le MEDEF offre ainsi à la gauche loccasion de se mettre en valeur, et aux confédérations syndicales une occasion de mobiliser des salariéEs dans lexpectative, au risque disoler de nouveau la CFDT contrainte bon gré mal gré demboîter le pas aux manifs traîne-savates. Décidément le patronat ne doute ni de sa position dominante actuelle dans le rapport des forces, ni de la pacification sociale instaurée par la gauche politique et syndicale. Mais il est vrai que les faits confirment une santé pétaradante du capitalisme : fusions pharaoniques, emprunts insensés (plus de 1 000 milliards de dollars pour réserver les droits européens sur les fréquences des téléphones mobiles de 3e génération), etc. La compétition économique fait rage comme dhabitude ; les boîtes licencient pour se délocaliser à la moindre diminution ou opportunité de rentabilité financière. Aux Etats-Unis, le « ralentissement économique » a provoqué illico des dizaines de milliers de licenciements. En Grande-Bretagne, Nissan gênée par la non-intégration de la livre sterling dans leuro a annulé sa délocalisation en échange dune subvention de 72 millions de dollars du gouvernement Blair !... En fait les seuls obstacles qui peuvent se dresser contre cette logique du capital, sont les limites matérielles de fonctionnement (comme en Californie avec la panne générale délectricité, occasionnée par une désorganisation trop poussée du secteur de lénergie) ou les prolétaires qui jettent léponge en désespoir de cause. Dans lHexagone les conflits durs et désespérés de cet été (Cellatex, Adelshoffen ) continuent, comme la grève de la faim des traminots de Rouen début janvier, et à un degré moindre dans de nombreux secteurs comme lagroalimentaire, les transports, les hôpitaux pour des résultats souvent minces. Pour renverser la situation, on ne peut émettre que des doutes sur les capacités et la volonté dune initiative comme le Forum social mondial de Porto Alegre (cf. larticle sur le municipalisme libertaire) et toutes ses célébrités démocratiques, politiques et associatives, tellement présentables et si médiatiques. La révolte ne les concerne pas. Et dailleurs la révolte, la Justice sen occupe très bien comme les procès en cours le démontrent (cf. articles et nombreuses brèves). Les rebelles aujourdhui, ça ne sort pas de prison. En partant de Washington, Clinton usant de son droit de grâce na oublié aucun cercle du pouvoir, famille, amis, donateurs, mais sest bien gardé de gracier un Léonard Pelletier ou un Mumia Abu Jamal. De même à Paris, un Jean-Marc Rouillan en grève de la faim depuis 43 jours et une Joëlle Aubron depuis 18 jours qui luttent pour la libération dun camarade tombé dans la folie sous les sévices, ça ne « concerne » pas le ministère de la Justice. OCL Nantes, le 27 janvier 2001 |
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PROCÈS DACTIONS DIRECTES À MARSEILLE |
Après deux reports de procédure, Yves et William passeront en procès à Marseille les 6 et 7 février pour avoir lutté contre la lepénisation des esprits et de la vie quotidienne à Marseille entre 1991 et 1998.
FTP : un sigle, deux accusés principaux Le 15 octobre 99, le SRPJ marseillais arrêtait Yves et William considérés comme les auteurs dune série dactions visant des locaux du Front national marseillais, une salle de restaurant accueillant un meeting FN, la villa dun cadre lepéniste, la direction départementale du travail et de lemploi, le consulat dItalie, et pour finir le Stadium de Vitrolles où devait se tenir un concert de rock identitaire français à linitiative de la municipalité mégrétiste. Ces actions revendiquées FTP (Franc-tireurs partisans), échelonnées entre juillet 91 et octobre 98, menées tantôt au cocktail molotov, tantôt à lexplosif, ont conduit à lincarcération des deux militants. Laction armée comme choix politique Linvestissement antifasciste dYves nest quun volet des engagements révolutionnaires et internationalistes qui laniment depuis plus de vingt ans. Cest un militant de terrain, toujours préoccupé par une diffusion sociale de ses convictions par linvestissement dans le tissus politique et associatif marseillais. Avant de faire le choix des armes, Yves a donc vaille que vaille tenté de résister publiquement au double choc de la crise économique et de son corollaire sécuritaire et xénophobe mis en musique par le FN mais instrumentalisé par une classe politique où le PS et ses satellites ont souvent tenu le pupitre de chef dorchestre. POUR EN SAVOIR PLUS Manifestation à Marseille le 3 février (15h30, Porte dAix) Franc Tireur. Un combat antifasciste à Marseille Dossier Fascisme & antifascisme Philippe, le 24 janvier 2001 |
LILLUSION DUN MUNICIPALISME LIBERTAIRE |
A lapproche des élections municipales on voit refleurir, dans une partie du microcosme libertaire (en particulier sur Lyon) pourtant opposé à toute délégation de pouvoir, le débat sur une éventuelle participation à ce type délections locales. Il ne sagit pas seulement de voter mais de se présenter avec évidemment un projet, à ce type délections qui seraient particulières en ce sens que se seraient les seules élections proches de la population, pouvant entraîner une certaine mobilisation citoyenne (le mot est prononcé !) sur une réalité palpable par le commun des mortels résidant dans un lieu donné. Ce nest pas nouveau. Par contre ce quil lest, cest que cette démarche sappuie aujourdhui sur un théoricien américain, Murray Bookchin, lequel prône un « municipalisme libertaire » qui a au moins le mérite de poser le problème dun changement de société. Un phénomène ancien Ce processus dattirance par des libertaires pour les élections locales sest toujours expliqué de diverses manières : A noter que dautres militants libertaires ont pu sinvestir dans une démarche clairement politicienne, cest à dire dans le cadre clairement défini de la démocratie parlementaire. Un communiste libertaire illustre Daniel Guérin nétait pas opposé à ce type de participation électorale (à la fin des années 50, des communistes libertaires se présenteront devant le peuple-électeur !). Dautres ont été amenés à participer, dans une période révolutionnaire (Espagne 36), à un gouvernement républicain sopposant au fascisme, participation qui a montré clairement ses conséquences inéluctables anti-révolutionnaires par rapport au mouvement réel porteur dun autre type de société (mai 37 à Barcelone) qui fut dailleurs massacré avec la caution anarchiste apportée au pouvoir. Aujourdhui, nous sommes dans une autre période et pour certains de ses militants, lanarchisme serait à dépoussiérer, à adapter à notre société actuelle afin quil ait un avenir car après la déroute du communisme étatiste totalitaire symbolisé par la chute du mur de Berlin en 1989, il y avait un espace à prendre. Cet espace aurait rapidement été occupé par les Partis Verts qui se sont « malheureusement » (mais il y a des malheurs complètement explicables), soi-disant à linsu de leur plein gré, intégrés au paysage traditionnel politicien de la démocratie parlementaire. Cet espace serait donc à reconquérir . Mais comment ? Quallons nous faire dans cette galère ? Le pouvoir municipal, le maire, ses adjoints et son conseil, constituent la première marche de lédifice organique de lEtat. En France, cest la structure de base qui a permis à lEtat nation dasseoir et détendre son pouvoir dans les moindres recoins de son territoire. La « mairie » na pas pour seule fonction détablir un budget concernant le quotidien de la commune, ses projets daménagement de son territoire, ses projets à caractère social, économique, culturel Cela a toujours été le lieu de recensement de la population pour lEtat qui lui a toujours servi et lui sert encore pour déventuelles mobilisations à vocations militaires ou civiles. La « mairie » a une fonction de contrôle social important, indispensable à lEtat et cest ainsi, pour ne prendre quun exemple, que nombre de secrétaires de mairies servent (et dans certains cas sont même appointés pour) dindicateurs de gendarmerie ou de police Ce contrôle social via la municipalité revêt bien dautres aspects concernant tous les services de lEtat quils soient donneurs éventuels de subsides (comme la CAF) ou une fonction de contrôle des va et vient des populations (immigration, « gens du voyage », marginaux). Cette fonction de contrôle social est dailleurs dautant plus efficace que lentité communale est réduite ; là y règne une police de proximité : la gendarmerie (cest à dire des militaires), qui na pas son pareil dans les grandes zones urbaines. Le Conseil Municipal peut fonctionner formellement comme il le veut en respectant le fait quil doive se réunir au moins trois fois par an. Il peut, pourquoi pas et cela sest déjà fait, organiser des assemblées générales de ses citoyens, voire des assemblées par quartier ; fonctionner, pourquoi pas mais là cest beaucoup plus rare, suivant des principes proches de la « démocratie directe ». Et alors ! Chaque délibération part à la Préfecture pour un contrôle et si des décisions communales allant dans le sens opposé de lEtat sont prises, la Préfecture a le pouvoir de les annuler, de les différer (la Préfecture peut refuser un budget municipal). Noublions pas non plus quun simple citoyen, donc en particulier un notable-citoyen bien informé, peut saisir le Conseil dEtat afin dannuler une décision du conseil municipal non conforme aux lois de la République. Quand par exemple, et cela arrive très souvent, un Maire refuse dorganiser dans sa commune des élections régionales, nationales, la Préfecture tente toujours de les organiser à sa place et le Maire est sanctionné par une mise à pied de plusieurs mois. Quand cela va trop loin, le Maire et son Conseil peuvent être, par LEtat, tout simplement démissionnés de force, et si lors de nouvelles élections municipales personne ne se présente et bien la Commune est mise sous tutelle et est gérée par des fonctionnaires de la Préfecture. Maintenant, concernant toutes les infrastructures dépendantes de lEtat (routes nationales, autoroutes, TGV...), lavis dun conseil municipal nest que purement consultatif. Il en va de même pour limplantation de centrales nucléaires, de sites denfouissement de déchets nucléaires Dans ce cas, bien sûr, pour asseoir ce type de projet sans que la population ne mobilise contre, il est important pour lEtat davoir dans sa poche les élus locaux. Pour ce faire, il les achète dune manière ou dune autre. Sil ny arrive pas, il a les moyens institutionnels de sen passer. Mais les élus ont localement dans notre démocratie représentative (qui est bien imprégnée dans les esprits des électeurs même si une certaine crise se développe - voir plus loin), un certain pouvoir sur leur électorat, dautant plus fort quil est de proximité. Tous ceux et toutes celles qui ont participé activement à des luttes locales savent à quel point les élus peuvent être les éléments déterminants dont nous nous passerions bien dans maintes situations! Dailleurs, lun des premiers combats essentiels à mener dans une lutte locale est de faire prendre conscience aux gens avec qui on lutte quon peut se passer des élus, qui ne sont que les représentants de base de lEtat. Sils entrent réellement dans une lutte fondamentale, ils doivent démissionner car ils ne sont que les fantassins de lEtat. Il arrive que certains élus en prennent conscience et de facto démissionnent ! On ne doit pas oublier non plus que les municipalités sont progressivement devenues, depuis un siècle, des entreprises avec tout ce que cela implique (recherche de la rentabilité, pouvoir réel des technocrates dont dépendent totalement les élus, hiérarchie, clientélisme ). Dailleurs, dans certaines villes moyennes, la « municipalité » est lune des entreprises de la ville ayant le plus de salariés ; mais, libéralisme oblige, certaines dégraissent au profit de la sous-traitance afin de faire baisser les coûts salariaux pour tout ce qui concerne le quotidien, cest à dire pour toutes les tâches dentretien et de maintenance. Dans les villes, les élus ont effectivement le pouvoir de décision mais en fait, ils ne sont que les employeurs dune entreprise permanente où les cadres supérieurs (les technocrates, les bureaucrates) sont bien les seuls à maîtriser certains dossiers sensibles. En résumé, quand un « citoyen » sadresse à sa mairie pour X raisons, il est et il sera de plus en plus considéré comme un client, comme à la Poste ou à la SNCF ! Y-a-t-il une crise municipale, voire une crise de la démocratie représentative ? Je ne vais pas traiter ici, dans le fond, le problème de la montée de labsentéisme électoral qui touche toutes les anciennes démocraties représentatives si ce nest de rappeler que cette montée ne peut sexpliquer que par une défiance grandissante des électeurs (qui sont, en France, tout de même électeurs de leur plein gré car ils se sont inscrits volontairement sur les listes électorales et ont le pouvoir à tout moment de se faire rayer de ces listes contrairement à dautres Etats, comme la Belgique, où linscription sur les listes électorales et le vote sont obligatoires) envers la classe politique censée les représenter. Cela mapparaît comme une crise de représentation, mais nous sommes encore loin dune crise remettant en cause les fondements même de la démocratie représentative. Lélecteur « lambda », aujourdhui écuré par la classe politique, peut très bien demain retourner aux urnes pour un monsieur ou une madame « propre ». Sans un mouvement social dampleur, je ne vois pas comment il pourrait être entraîné dans le tourbillon dun autre type de démocratie, où il serait un des acteurs remettant fondamentalement en cause ce quest devenu la politique depuis lavènement des Etats Nations. A noter tout de même que les élections municipales sont celles qui mobilisent traditionnellement le plus les électeurs surtout en dehors des grandes villes et cela dailleurs devraient encore se vérifier en mars 2001. Concernant les élections municipales, notre démocratie représentative a émis des craintes qui dépassent ce phénomène de labsentéisme : Y aura-t-il assez de candidats pour pourvoir tous les sièges de Maire dans les communes françaises ? Si au niveau des cantonales, législatives, régionales, européennes, présidentielles, le nombre de candidats est en progression constante, il nen va pas de même au niveau du poste de Maire. Dans ce système de délégation de pouvoir, le Maire est de loin le plus exposé aux sollicitudes de ses électeurs. Cest lélu de base qui doit payer de sa personne sur des terrains touchant directement à la vie publique ou privée de ces concitoyens. Dans une société de plus en plus déstructurée, individualisée, il peut être sollicité jour et nuit par des conflits de voisinage, familiaux sa traditionnelle position de notable nest plus ce quelle était sans compter que ses administrés nhésitent plus à le traduire en justice en cas de grave pépin pouvant mettre en cause la municipalité. Cette crise nest pas sans rappeler celle qui touche le corps enseignant, en particulier les instits. Cette crise touche la base de lEtat Nation. Elle effraie ponctuellement la classe politique qui a obtenu depuis sa création sa légitimité grâce à ce pouvoir local. Pour devenir député, ministre, à moins dêtre un technocrate dans un domaine essentiel (santé, économie, recherche scientifique ), il ny avait pas dautres solutions que de passer par le statut de maire dune grande ville, dune ville moyenne ou tout simplement dun bourg, première marche obligée dune carrière politique. Mais, tout laisse à penser que dans cette période de refonte des échelons hiérarchiques de la démocratie représentative dans le cadre supra-national de lEurope, la classe politique saura trouver des remèdes juridiques (limitant la responsabilité juridique des maires), financiers (augmentation des indemnités), politiques en intégrant en son sein les bonnes volontés réformatrices (faire participer les associations à leur gestion), structurelles en diminuant à terme le nombre délus locaux de proximité dans le cadre de lintercommunalité. Dans un futur très proche, la commune va disparaître comme entité de base. Ce sera « le pays » en zone rurale, « les communautés dagglomération » en zone urbaine. Tous les projets élaborés depuis 1980 sous le label de la « décentralisation » vont dans le même sens. LEurope a besoin dune autre structuration : « Lagglomération » ou « le pays » à la base, puis la région comme structure intermédiaire, en concurrence les unes par rapport aux autres. En France, à terme, les départements et les communes traditionnelles ne seront plus que des structures en voie dextinction, réduites à leurs plus simples fonctions administratives, qui ne nécessiteront peut-être même plus délus spécifiques. La démocratie participative Le concept de la démocratie participative fut porté en France dans les années 60 par le gaullisme qui avait le souci de rechercher constamment une certaine symbiose entre le pouvoir dEtat et les électeurs. Contrairement à ce qui est dit très souvent la démocratie participative nest pas une réponse visant à limiter labsentéisme, elle est dailleurs apparue bien avant la montée de labsentéisme électoral et elle ne sadresse pas à la fraction de la population qui est amenée à sabstenir ; elle sadresse justement aux électeurs/électrices qui votent mais qui par ailleurs participent à la vie locale en étant responsables dassociations à but non lucratif dans des domaines les plus variés. Ces associations sont très intéressées par le pouvoir local pour des raisons matérielles et financières. Elles ont besoin de subventions si modiques soient-elles, de salles, de locaux permanents. Ses responsables sont généralement des personnes ayant ou se donnant du temps disponible. De plus elles connaissent beaucoup dautres personnes, elles brassent énormément dinformations locales dans leur domaine et peuvent être porteuses de revendications réalisables au niveau municipal. Elles sont indispensables à LEtat Nation et pour tous ceux et toutes celles qui veulent conquérir ce pouvoir représentatif à sa base. Cest ainsi que les responsables associatifs reçoivent du courrier des idylles dont la fréquence augmente en période électorale, sont sollicités pour donner leur avis sur tel ou tel sujet La classe politique a tout intérêt à faire participer ces personnes-relais afin quelles donnent leur avis. Cela lui permet de prendre le pouls de ses sujets/électeurs, de leur piquer éventuellement des idées pour ses programmes électoraux, de recruter de futurs élus de base pour sa chapelle et aussi davoir des interlocuteurs représentatifs qui dans leur association spécifique reproduisent très bien la délégation de pouvoir. Cest ce quon appelle simplanter ! Ce type de démocratie participative est aujourdhui prônée par quasiment toute la classe politique, de la droite à lextrême gauche (LCR car Lutte ouvrière reste sur les schémas traditionnels du centralisme démocratique) et il suffit de regarder le contenu formel de toutes leurs propositions pour sapercevoir que la participation quils sollicitent des électeurs est strictement du même tonneau. Cette démocratie participative a des fonctions précises : garder ou conquérir un pouvoir local et perpétuer le système de délégation de pouvoir. Mais il y a un autre type de démocratie participative, celui qui émane non pas du pouvoir mais des gens regroupés le plus souvent dans des associations les plus diverses qui revendiquent, luttent pour ou contre telle ou telle chose. Là, nous sommes dans une situation de lutte, donc différente de la précédente. Ce type est dailleurs antérieur au précédent, on peut même affirmer quil a contribué largement à donner naissance à la démocratie participative pratiquée aujourdhui par la classe politique. Dans laprès 68, on utilisait un autre vocabulaire : « Lautogestion » ! Il y a eu des tas de « mairies frappées dautogestion » (1) où des associations dhabitants ont gagné des réalisations concernant lurbanisme, laménagement de la cité en faisant céder le pouvoir ou en participant à celui-ci dans les municipalités concernées. Ces mouvements ont eu (et peuvent avoir encore ?) des aspects intéressants dans les formes de lutte collective (certains nhésitant pas de parler de démocratie directe) mais aussi dans leurs réalisations concrètes. Cest du réformisme, du vrai, qui a son utilité sociale. A cette époque, certains rêvaient que cette « autogestion » se généralise à tous les aspects de la société faisant ainsi disparaître le capitalisme. Cétait du rêve car ces formes autogestionnaires ne sattaquaient pas aux fondements même du capitalisme, et comme tout réformisme, permettaient à celui-ci de sadapter et de se modifier pour mieux perdurer. Le problème nest pas de savoir si nous devons faire ou non du réformisme, à un niveau ou un autre nous en faisons tous, mais danalyser : Dans le cas de la démocratie participative des années 70, ces pratiques « autogestionnaires » existaient déjà parce que la gauche était exclue du pouvoir central aux mains du gaullisme ou de la droite (de 58 à 81). Quand en 1981, Mitterrand , le PS et le PC obtiennent enfin les rennes de lEtat, ils se font élire entre autre grâce à tout ce mouvement associatif . Et ce mouvement va lui donner une partie de ses futurs élus de base et va rapidement quasiment disparaître car il sest institutionnalisé. Cétait logique, dautant plus quil était porté par des nouvelles classes moyennes exclues à cette époque du pouvoir et qui finalement y aspiraient profondément. Lintégration est la plus grande force du système capitaliste et de lune de ces formes de gestion (car la dictature en est une autre ) : la démocratie représentative. Le théoricien américain Murray Bookchin veut répondre à ce problème qui a fait sombrer ce que beaucoup ont appelé la Nouvelle gauche dans les années 70 en donnant au départ à un mouvement de « municipalisme libertaire » un but global dune nouvelle société, but dont il ne faudrait jamais sécarter... Un bref aperçu du « municipalisme libertaire » de Bookchin Cela fait partie dun tout, cest à dire dun nouveau projet de société. Ce projet part dun constat : La crise écologique limite de façon dramatique les choix que nous pouvons faire pour notre propre avenir : Bookchin est connu pour avoir donné un contenu au concept de « lécologie sociale ». Il a développé des critiques fondamentales concernant lécocapitalisme, lintégration des partis Verts aux institutions des Etats Nation, le mysticisme dun certain mouvement écologiste (les fondamentalistes) qui fait de lécologie une religion. Pour lui, une société écologique ne pourra être que non hiérarchisée, donc sans classes, ni Etat. Pour cela, il faut revenir aux fondements de lanarchisme. Le but est bien défini comme étant le renversement du capitalisme et son remplacement par une nouvelle société écologique fondée sur des relations non hiérarchiques. Sa dénonciation de la hiérarchie est globale et revêt toutes les formes de domination (sociale, patriarcale, culturelle ). Pour arriver à ce type de société, Bookchin ne croit plus à linsurrection prolétarienne ni même à toute confrontation armée même faiblement avec un Etat nation moderne qui a tous les moyens décraser tout mouvement porteur dun tel projet de société. Pour ce faire, il ne reste plus quà passer par un processus très lent reposant sur une éducation politique se développant à travers une participation politique construite autour de létablissement de contre-institutions sopposant au pouvoir de lEtat nation. Son cadre daction concret ne peut être que la commune, la municipalité. Pour lui, lorganisation des hommes au sein de cités dans certaines sociétés antérieures au capitalisme (dans des villes de Mésopotamie, dans la Grèce Antique, dans les bourgs médiévaux, ), malgré leurs nombreuses imperfections, ne se résumait pas à des techniques de gestion de la société mais était un véritable mode de vie suivant des principes éthiques et rationnels conformes à certains idéaux de justice et de bien-être. Cette amorce dune réelle citoyenneté fut par la suite détruite par lavènement des Etats nations où la gestion des affaires publiques est devenue le domaine exclusif des politiciens et des bureaucrates. Il prône donc une politique, en dehors de lEtat et des partis, dont la cellule véritable serait la commune, soit dans son ensemble si elle est à léchelle humaine, soit à travers ses différents quartiers. Cest à travers la commune que les gens peuvent se transformer eux-mêmes en devenant un corps politique novateur créant une véritable vie civique vitale. Bien sûr, la forme dorganisation non hiérarchique, la démocratie directe, est décrite avec ses coordinations dassemblées populaires à travers des délégués pourvus dun mandat impératif, soumis à rotation, révocables à tout moment. Cette conception municipaliste repose sur la conviction que chaque citoyen doit être considéré comme compétent pour participer directement aux affaires et devrait être encouragé pour le faire. Quant à léconomie, Bookchin propose une municipalisation de la propriété des moyens de production opposée aux traditionnelles privatisations ou nationalisations pour en arriver à une approche différente de léconomie. La fameuse maxime « de chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins » se trouverait institutionnalisée comme une dimension de la sphère publique. Cest un résumé très succinct dun des textes de Bookchin extraits de « From Urbanization to Cities », traduit par Jean Vogel pour la revue Articulations, publié par Alternative Libertaire belge dans son numéro dété 2000, par la revue Silence en octobre 2000 ; cest apparemment le texte référence des partisans actuels du municipalisme libertaire. Mais Bookchin a depuis semble-t-il évolué en proposant, dès aujourdhui, une participation libertaire à la vie et à la gestion municipale. Il propose même dutiliser les élections municipales pour en faire un moment déducation populaire (alors quil disait auparavant le contraire), de constituer des assemblées populaires et de se présenter à des postes électifs afin que naissent des municipalités libertaires où règnerait évidemment la démocratie directe. Toute dérive serait évitée par un programme clair dont lobjectif final serait la destruction de lEtat ! Quelques objections de fond Bookchin critique très bien lEtat nation, les partis politiques qui ne sont que des répliques de lEtat, la démocratie représentative. Ce qui choque cest quil réduit cette démocratie représentative à son seul aspect parlementaire. Cela signifie-t-il quaux USA les municipalités auraient une marge dautonomie vis à vis de lEtat quelles nont pas en France, en Europe, telle que des libertaires puissent sen servir comme dun levier afin de balayer lEtat et le capitalisme ? On peut en douter ! Ensuite, ce qui est étonnant cest cette démarche menant à une société nouvelle faite de petits pas (très formels dailleurs) se déroule sans affrontements avec les tenants du régime parlementaire, comme si tout pouvait se passer en douceur, sans révolution (mot que Bookchin a banni de son répertoire). Ce nest pas très sérieux, on nage en plein idyllisme, un peu à la mode Proudhon, voici 150 ans, avec la multiplication de ses coopératives qui allaient étouffer le capitalisme naissant. Le plus drôle cest quand il veut donner des exemples prouvant que son projet de société est réalisable, il cite « la Commune de Paris », « la Révolution en Espagne en 1936 »... des évènements où, cest le moins que lon puisse dire, les affrontements armés étaient omniprésents et avaient impliqué une réorganisation collectiviste de la société. Non, il est impensable quun changement radical de société se fasse sans un certain degré de violence, sans une « lutte armée » incluant toute une panoplie de méthodes de lutte comme la désobéissance civile, le sabotage, lattentat ciblé même si lune des priorités de ce mouvement révolutionnaire sera déviter toute dérive militariste car la fin ne justifie pas nimporte quel moyen. Maintenant, en remettant en cause la centralité des rapports de classe dans la société, il en vient à ignorer la lutte des classes dans tout son processus révolutionnaire. Lexpérience de la démocratie participative à Porto Alegre au Brésil à linitiative et sous la direction politique du Parti des travailleurs (qui comprend, entre autres, des trotskistes) nous le montre bien. Comme le prouve un très bon article de Paul Biono (2) : Quelle classe sociale a les moyens de participer à une telle expérience de démocratie participative dans la société actuelle en labsence de mouvements sociaux globaux remettant en cause tout le système ? Les classes moyennes en recherche dun pouvoir sur leur vie quotidienne ! Que cette expérience soit menée par des trotskistes ny change rien. Le système de domination a bien rodé, depuis plus dun siècle, toute une panoplie lui permettant dintégrer socialement, économiquement, politiquement, la majeure partie de cette classe intermédiaire (tout du moins dans nos sociétés occidentales) comme il la fait pour le syndicalisme. Parions quun tel mouvement « municipalisme libertaire », sil naissait, éclaterait rapidement et que des franges de celui-ci sintègreraient dans le paysage politicien lui redonnant éventuellement un nouveau souffle «participatif». Si les Verts (allemands et autres) se sont rapidement intégrés, ce nest pas seulement à cause de leur projet de société, mais cest aussi à cause des moyens institutionnels utilisés (la démocratie représentative, pas seulement parlementaire), leur absence de contenu de classe, leur absence dappréhension et de prise en compte de toutes les facettes de la domination. Ce qui est absent dans les théories de Bookchin cest bien la notion fondamentale de mouvement et sans mouvement les gens ne peuvent que reproduire très majoritairement lidéologie dominante ; seule une infime minorité qui a acquis une certaine contre-culture grâce à son éducation, ses rencontres, ses échanges dans des mouvements sociaux antérieurs auxquels elle a participé, peut être porteuse de projets allant à contre-sens de la domination. Mais il ne faut jamais oublier que cette infime minorité est la plus exposée à lintégration, sous une forme ou sur une autre, par le système dominant. Le problème cest que ce type de mouvement ne se décrète pas, il nest pas non plus imprévisible si ce nest pour les politiciens et idéologues car il est une réponse logique à un certain nombre de facteurs convergents dans une période donnée. Je ne mythifie pas le « mouvement social », tout ce que je sais cest que ce nest pas laddition de militants associatifs, politiques, intervenant sur le chômage, le logement, limmigration, les droits, la mal-bouffe, Il ne faut pas nier leurs éventuelles influences positives comme les éventuels freins dont ils seraient et sont bien trop souvent porteurs. Un processus révolutionnaire ne pourra véritablement senclencher lorsquune importante minorité agissante aura rien à perdre et surtout tout à y gagner ! Que les pessimistes rentrent chez eux car cela cest déjà produit dans lHistoire humaine et cela se reproduira nécessairement demain ou après-demain, ici ou ailleurs, en espérant que le « ailleurs » sera aussi le « ici », et réciproquement, car nous ne pouvons plus raisonner en dehors de léchelle planétaire. Et aujourdhui, que fait-on ? Il ne sagit pas dattendre quun réel mouvement social porteur dun nouveau projet de société (qui ne soit pas une autre version du capitalisme) veuille bien senclencher. Dailleurs ceux qui se contentent dattendre ne voient généralement rien venir même quand çà vient ! Il ne sagit pas non plus de réciter des schémas pré-établis, prêts à porter fussent-t-ils libertaires. LHistoire peut bégayer, elle peut aussi semballer. La seule chose dont nous sommes sûrs cest quen certaines périodes des mouvements tendent vers lauto organisation non pas par idéologie mais par nécessité, par efficacité au regard du contenu rupturiste dont ils sont porteurs. Il y a toujours eu et il y aura toujours deux grandes tendances : Celle qui ne conçoit pas autre chose que de se servir des institutions existantes. Cela peut passer par la recherche dune prise de pouvoir dune structure politique qui va du plus bas de léchelle de la démocratie représentative au sommet (hier et aujourdhui de lEtat nation, demain de toute structure supra-nationale). Mais cest aussi la recherche dune prise de pouvoir dans toutes les structures syndicales, associatives
qui respectent le cadre façonné par le système dans ses fonctions dintégration et de récupération. Les moyens de cette pratique allaient traditionnellement de lentrisme institutionnel plus ou moins caché, à la prise autoritaire dun pouvoir structurel. Maintenant avec la crise du militantisme politique ou syndical et plus globalement la progression de la dépolitisation, un militant dynamique, quelque soit son étiquette, peut acquérir, sil le désire, de « hautes » fonctions représentatives au niveau politique, syndical ou associatif... En fait à lOCL nous avons toujours été dans cette deuxième tendance mais il y a toujours eu des militants se réclamant de lanarchisme dans les deux tendances, de 36 en Espagne aux derniers mouvement sociaux (même si lampleur nest pas la même ). Il nous est arrivé bien des fois dêtre dans un autre camp que celui dautres communistes libertaires qui avaient choisi linstitutionnel contre lautonomie dun mouvement. Maintenant, nous devons nous méfier de ceux et celles qui jettent aux orties ce quils ont jadis adoré. En effet, dans le municipalisme libertaire le lieu dhabitation est considéré comme étant le lieu exclusif dune pratique pouvant amener une autre société avec justifications historiques citoyennes à lappui ; les autres lieux dont celui du salariat, de lexploitation capitaliste, nexistent plus ! Etrange pour un contenu anticapitaliste, à moins que la forme, la démocratie participative anti-chambre de la démocratie directe, ne devienne un but en soi. Et je ne vois pas là-dedans le contenu dun nouveau projet de société pourtant esquissé par Bookchin dans dautres parties de ses écrits. Il me semble que les partisans du municipalisme libertaire dans le cadre de notre société actuelle soient bien pâles, et un noir et rouge pâle cela donne quoi ? Alors que peut-on faire en dehors de tout mouvement social ? Des tas de choses et surtout pas se présenter à une quelconque élection de leur démocratie. On peut lire, analyser, rencontrer des gens qui luttent ici ou ailleurs, échanger, participer à de réelles alternatives, bouger, se solidariser, lutter au quotidien en dautres mots : se politiser dans le réel. Denis, OCL Reims, janvier 2001 1. « Mairies frappées dautogestion », Christophe Wargny in « Débattre » n° 10. [retour au texte] |
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