Courant alternatif no 110 – juin 2001

SOMMAIRE
Édito p. 3
Camping OCL p. 4
Du Pare... Et des intérêts pour les décideurs... contre les notres... p. 5 à 8
Retour sur le Sommet des Amériques p. 9-10
Solidarité face à la répression à Davos p. 10
Crise à l’Ecole Emancipée p. 11 à 13
Contre un nouvel aéroport en Loire-Atlantique p. 13
Un flic justicier à Toulouse p. 14
Renouveau des luttes sociales ? p. 15 à 18
Où va la Kabylie ? p. 19-20
Israël-Palestine : État des lieux p. 21 à 23
Rubrique Livres : Chomsky p. 23
Rubrique flics et militaires p. 24

ÉDITO
Les questions coloniales ont toujours été abordées par la presse bourgeoise avec beaucoup d’hypocrisie. Les débats qui font suite aux "révélations» du troufion en chef Aussaresses ne déroge pas à la règle. Les fiers aveux du tortionnaire ne sont pas les premiers. En effet, Le Pen ou Bigeard s’en sont vantés publiquement depuis longtemps et à de nombreuses reprises. Leurs précédentes déclarations avaient sucité quelques émois dans la presse chrétienne de gauche, mais excepté dans les médias révolutionnaires anti-coloniaux, la colère n’avait pas débordé les rives qui enserrent la tranquille écriture de l’histoire de France.

De nombreux intellectuels de la gauche française demandent aujourd’hui une repentance officielle du gouvernement français face à ces crimes. C’est qu’Aussaresses, ce n’est ni Le Pen ni Bigeard. Et si les déclarations précédentes, n’avait pas sucité de tels couroux, ce n’était pas uniquement parce que Mitterrand, le père de l’autre, était alors le ministre de l’intérieur. Condamner la France avec Le Pen, aurait banalisé la belle histoire de France dans les comportements d’un tortionnaire raciste. On le disait déjà à l’époque, Le Pen n’était qu’un arbre qui cachait la forêt. Avec Bigeard, il était hors de question de toucher à l’un des plus prestigieux chefs militaires de l’armée française. Le boucher de Diên Biên Phu est cité glorieusement dans les livres d’histoire de l’école républicaine, et cela dans la lignée des Bonaparte, boucher d’Austerlitz, Thiers, boucher de la Commune ou Lyautey, boucher du colonialisme français en Afrique du Nord. Ils sont une gloire pour la France, et pour cette gauche, la gloire et le prestige d’un état colonial valent plus que ces habitant-e-s passé-e-s à la boucherie. Avec Aussaresses, une branche de la social-démocratie, essaye de se rattrapper. Mais 40 ans après, quelles significations cela peut vraiment avoir?

La question de la reconnaisssance par l’Etat français de la pratique de la torture comme stratégie d’Etat contre un peuple colonisé recouvre une hypocrisie qui cache la réalité coloniale actuelle. A la guerre d’Algérie a succédé, en France, une vague importante d’immigration provenant du Maghreb. Il y eut certes la population harki que l’Etat français avait utilisé dans sa guerre coloniale comme chair à canon, qu’elle entasse depuis quarante ans dans des cités urbaines. Mais il y eut surtout cette nombreuse population que le patronat français a fait venir pour son profit. Cette population qui connut le même racisme, le même rapport colonial d’avant ce que l’on a nommé «la décolonisation». La société coloniale d’avant la guerre d’Algérie s’est ainsi déplacée dans l’actuel Etat français. Comme le disent souvent des militant-e-s du Mouvement de l’Immigration et des Banlieues, «avant pour maintenir l’ordre, ils envoyaient l’armée pour quadriller, aujourd’hui ils envoient la police dans les quartiers». Au quotidien, l’Etat français, par le biais de ses administrations, qu’elles soient judiciaires, policiaires, pénitentiaires ou scolaires maintiennent ce rapport colonial. Pour ce faire, il suffit de se rapporter régulièrement à la rubrique flics, militaires de Courant Alternatif, pour s’appercevoir que derrière les meurtres ou violences excercés par les keufs dans la rue ou par les matons en prison, il y a une tenace envie de dresser une population que l’on cantonne en Banlieue. Au moindre dérapage, c’est le passage à tabac couvert par l’administration, des fois la peine de mort sur le trottoir, des fois la peine de mort au mitard déguisée en suicide. Ce dressage est un des aspects de ce rapport colonial : faire peur pour mieux exploiter avec la police comme rapport de force permanent. L’insolence des jeunes générations ne fait suite qu’aux refus de celle-ci de vivre comme leurs parents qui ont plus baissé la tête que levé le poing. La criminalisation que les médias et les politiciens de l’insucurité leur renvoient sont un autre aspect de ce rapport colonial. La discrimination qu’ils et elles vivent aux quotidiens durent depuis maintenant plus de quarante ans.

Ainsi, en demandant une repentance de l’Etat français sur la torture excercée pendant la guerre d’Algérie, les intellectuels nationalistes de la gauche française, cherchent à continuer de banaliser ce rapport colonial que vivent aujourd’hui avec de plus en plus de colère les populations issues de l’immigration.

De plus, aborder la torture, comme l’élément dénonçable de la guerre d’Algérie revient à justifier le colonialisme sans la torture. C’est oublier les massacres (environs 400 000 morts) que l’armée française avait commis lors de la conquête coloniale de l’Afrique du Nord dans la deuxième partie du XIXe siècle. C’est oublier comment les industries françaises se sont comportées en Afrique et en Asie, et surtout comment elles continuent de le faire. La bourgeoisie et surtout les classes moyennes savent très bien que n’importe quel rééquilibrage de la répartition des richesses dans le monde se fera à l’encontre de leur luxe de consommer abondamment. C’est pour elles, un intérêt de classe que de continuer cette guerre coloniale.

En ouvrant une enquête pour «apologie de crimes de guerre» contre Aussaresses et ses déclarations, le parquet de Paris ne s’est pas trompé, ce qu’il demande, c’est le silence. A nous aussi de ne pas nous tromper et de nous battre pour une société sans classe, sans patriarcat ET sans rapport colonial.

Strasbourg, 28 mai 2001


RETOUR SUR QUÉBEC APRÈS LE SOMMET DES AMÉRIQUES
Le dernier CA décrivait les mobilisations contre le sommet de Québec en avril dernier. Quel bilan provisoire peut être tiré ?

La répression

Trois mille cartouches de gaz, divers et variés, et huit cents balles de plastique (potentiellement mortelles) ont été officiellement tirées sur les manifestantEs pendant deux jours. Les brutalités policières ont également été remarquables, comme à chaque fois que le Pouvoir lâche son masque démocratique et ses chiens de garde, pour faire entendre raison à la population. La très grande majorité des personnes arrêtées (463 d’après les flics) à l’occasion des 20 et 21 avril 2001 a été relâchée provisoirement en attente de leurs procès fin mai, contre des cautions allant jusqu’à 2500 f. Comme toujours, il est difficile de savoir exactement qui est encore emprisonné. Le montréalais Jaggi Singh, porte-parole médiatisé de la CLAC, a été remis en liberté – après 17 jours de prison infligés sous une fausse argumentation juridique pour le réduire au silence et une caution de 15 000 F – en attendant son procès. Des personnes ont été arrêtées plusieurs jours après les évènements, des films télés ou des photos de presse ayant servi à les criminaliser ; l’un d’eux a écopé de 9 mois fermes entamés illico, trois ans de probation et présentation bi-hebdomadaire au poste de police, avec condamnation automatique à deux ans fermes en cas de participation à une manifestation devenant «non-paisible et non-légale» !

Les boucs émissaires de la répression – qui a annoncé leur arrestation trois jours avant le sommet comme un complot terroriste déjoué grâce aux mesures policières exceptionnelles, légitimées ainsi – sont les cinq membres du groupe affinitaire Germinal. Ils ont été noyautés huit mois auparavant – comme de nombreux autres groupes, politiques ou associatifs, puisque les flics ont déclaré qu’il y avait plusieurs «commandos» policiers d’infiltration à l’œuvre dans les préparatifs du sommet. Difficile de dire si le groupe Germinal est représentatif des manifestants anti-sommet : sur une base politique hétéroclite (nationaliste, communiste, anar), il semble s’être essentiellement intéressé à l’intervention contre le périmètre. La présence en son sein de réservistes de l’armée canadienne aurait inspiré une structuration hiérarchisée, qui a été de peu d’efficacité contre l’infiltration ; par contre le cloisonnement de ce réseau en différents groupes «étanches» semble avoir limité les investigations et l’influence policières. Enfin, les déclarations de leur porte-parole, qui les présente comme «des idéalistes, attachés aux valeurs démocratiques dont notre pays se targue d’être le défenseur» pour alléger la pression judiciaire, donnent à réfléchir…

Il faut préciser que les flics ont commis également quelques erreurs… Certains ont laissé dans une voiture «banalisée» rapidement ouverte, le dossier complet des tactiques et marches à suivre en fonction des évènements, avec noms de la hiérarchie, téléphones, restaurants fréquentés par les policiers, et autres détails croustillants – communiqués à l’agence de presse alternative québecquoise – pour aider les pandores à s’y retrouver dans leur show : quatre corps de police différents sur le même terrain, service secrets, infiltrés, déguisés, etc. Pour des infos complémentaires, consulter le site francophone de A-Infos qui fournit régulièrement l’état des mobilisations de soutien, les communiqués et les nouvelles des prisonniers.

Les medias

Autant les médias occidentaux avaient donné un écho aux évènements de Seattle en 99 (avec l’échec de l’AMI…), autant la contestation de Québec 2001, spectaculaire à souhait, a été «ignorée», notamment en Europe. Des anarchistes de Seattle, venus à Québec, y ont noté une détermination et une participation populaires autrement plus fortes, avec le rôle moteur du pôle CLAC-CASA qui n’était pas contrecarré par le DAN (réseau d’action directe, non-violent, dont certains membres avaient livré aux flics des membres des black blocs) comme à Seattle.

Si l’événement ne bénéficie plus de la nouveauté, le silence des médias est aussi à mettre en relation avec les intérêts des multinationales qui possèdent ces mêmes médias et qui ne tiennent pas forcément à exposer l’écho populaire des oppositions aux grandes messes de la globalisation capitaliste. Il est vrai qu’en ces temps moroses pour espérer en un futur proche révolutionnaire, même s’il ne s’agit pas de se leurrer sur les limites de telles mobilisations, cela redonne sûrement de l’énergie à pas mal de militantEs.

Localement, les médias n’ont pas pu criminaliser les manifestantes comme la préparation de l’opinion québecquoise, plusieurs mois durant, le laissait prévoir. Une manifestation locale contre le périmètre de sécurité, deux mois auparavant, avait clairement montré que la population n’acceptait pas de se voir prise en otage par un quelconque sommet. De plus, l’annonce de différentes zones «d’activité» – vertes, jaunes, rouges – rendait plus difficiles l’amalgame, la réduction et la caricature par la presse des appels à manifester ; il est tellement confortable pour un journaliste de ne donner qu’une interprétation étroite d’un événement, vécu forcément différemment par des dizaines de milliers de personnes.

Les réformistes

Les réformistes de la gôche de la gôche (représentés par OQP 2001) dans le cortège desquels J. Bové se retrouvait, ont vu leur espace politique, au cours de ces journées, singulièrement borné à droite par le sommet des peuples et à gauche par les affrontements contre le périmètre. Ils n’avaient pas prévu l’adhésion ou le soutien spontanés de la population à l’activité qui s’est imposée de fait : assiéger le périmètre de sécurité, symbolisant la frontière de classe entre les futurs bénéficiaires de la ZLEA et les autres.

Mais par contre, ces mêmes réformistes sauront assurément bénéficier des points marqués par les radicaux et négocier leurs futures entrevues avec les pouvoirs, en faisant valoir qu’ils seront toujours plus raisonnables ou présentables que ceux et celles qui appellent à rompre avec le capitalisme.

Les trotskistes français étaient présents à Québec : Aguiton, porte-parole français et membre du bureau d’ATTAC, du bureau de SUD, du bureau de la LCR, du bureau d’AC !, est venu observer attentivement les conseils de délégués de groupes affinitaires du CLAC-CASA, ainsi que les affrontements de Québec. On peut s’attendre à voir dans l’Hexagone le regroupement anti-globalisation – initié par la LCR sans grand succés pour le moment, sous le nom (fun !) de Aarrg – tenter de reproduire des formules qui ont fait leurs preuves ailleurs. Déjà le 1er mai, le siège du MEDEF a été aspergé de 100 kg de fromage blanc par la LCR en protestation des licenciements : AARRG !

Quelles perspectives ?

L’action des maigres forces libertaires organisées qui ont été à l’initiative du pôle CASA-CLAC a eu un résultat démultiplié. La situation d’avant le sommet a évolué. La mobilisation a légitimé, par la pratique ou le soutien tacite de milliers de manifestants, une affirmation anti-consensuelle, ainsi que marginalement l’utilisation de la violence. Il ne s’agit sûrement pas de fétichiser cette dernière, mais bien de la considérer, avec la non-violence, comme un moyen parmi d’autres et de déjouer les ripostes de l’Etat, qui module toujours sa répression pour restreindre au maximum les marges de manœuvre des forces politiques anti-institutionnelles.

Par contre, maintenant que l’échéance du sommet est passée avec l’urgence, si la solidarité anti-répressive s’impose naturellement, il y a probablement la nécessité de débattre largement, en profitant d’un rapport de forces un peu plus favorable, pour échapper à une pratique politique qui serait uniquement scandée par les différentes réunions internationales des cercles du pouvoir. Si la pratique quotidienne de résistance et de lutte est primordiale, des moments de convergence et d’expression massives pour casser l’unanimité de façade de la société sont nécessaires. Le moment est peut-être adéquate pour tirer des bilans politiques, affûter les analyses, poser des questions, en espérant que les expériences faites de part et d’autre de l’océan se consolideront mutuellement.

G. Nantes, le 27/05/01


OÙ VA LA KABYLIE
Pendant une vingtaine de jours, la Kabylie, région berbère située à l’est d’Alger, a été mise à feu et à sang. Tout a commencé le 18 avril par l’arrestation du jeune lycéen Massinissa (1) Guermah par les gendarmes de Beni-Douala (2).Les gendarmes, le trouvant sans doute trop atypique par rapport à l’algérien arabo-islamique modelé par le pouvoir, n’ont pas résisté à l’envie lui tirer une rafale de kalachnikov au siège même de
la gendarmerie. A partir de ce moment, les villages de cette région, qui compte 5 millions d’habitants environ, s’embraseront. Les émeutes feront près d’une centaine de morts parmi la population.

“Nous sommes déjà morts, vous ne pouvez plus nous tuer”

Cette phrase maintes fois lancée à la figure des forces de répression par les jeunes émeutiers montre à elle seule l’ampleur du désarroi dans lequel se trouve la jeunesse. Le taux de chômage atteint 50 % au niveau de la tranche d’âge 20-35 ans. Plusieurs unités de production ont purement et simplement cessé leurs activités. Les autres ont subi de fortes restructurations en licenciant plus des deux-tiers de leurs effectifs. Parallèlement la manne pétrolière est entièrement détournée au profit de la nomenclature militaire qui détient le pouvoir réel depuis l’indépendance en 1962. De plus, malgré la revendication massive des kabyles de leur identité et culture berbères, et ce depuis plus de 20 ans, le pouvoir a toujours agi dans la négation de cette aspiration. Les médias officiels (radio et télé) sont plus arabisés que jamais. La langue utilisée est l’arabe El Djahilia, c’est dire l’arabe saoudien, que personne ne comprend en Algérie (y compris les universitaires !). Les contenus des programmes scolaires font de plus en plus référence à l’islam. Or, la jeunesse kabyle est aux antipodes de ces valeurs. Elle est profondément laïque, voir athée. A titre d’exemple, il y a plus de bars à Azazga (ville kabyle de 20 000 habitants) qu’à Constantine (ville arabophone de 800 000 habitants). Malgré la quasi-inexistence du français au niveau des cycles primaire et secondaire, les adolescents maîtrisent miraculeusement le français mais sont incapables de s’exprimer en arabe. La seule perspective de cette jeunesse est la fuite vers l’étranger. Les demandes de visas (plus de 2 000 par jour rien qu’à l’ambassade française) sont systématiquement rejetées. L’eldorado canadien qui a déjà aspiré une bonne partie de l’élite kabyle s’est maintenant refermé. Depuis une décennie, l’hémorragie des cadres, artistes et intellectuels a été sans précédent dans cette région. La mal-vie et la désespérance sont telles que les suicides sont de plus en plus le dernier recours qui s’offre à cette jeunesse désemparée (plus de 3 000 suicides par an). Transposé à l’échelle française, cela représenterait 14 000 suicides de jeunes par an en France !

Les célébrations “officielles” du printemps berbère occultées

Chaque année en cette période (autour du 20 avril), les MCB (3)organisent une série d’activités culturelles pour commémorer les événements du printemps berbère de 1980. La journée du 20 avril est en Kabylie une journée de lutte pour la reconnaissance officielle de la langue berbère. A l’enthousiasme des premières années de ces célébrations ont succédé les divisions des militants chapeautés depuis par le FFS (4) et le RCD (5) Ces manifestations commémoratives, imposantes les premières années, se sont réduites à des tests de rapports de forces entre ces deux formations. La revendication n’ayant pas avancé entre temps et le manque de perspectives ont fini par démobiliser la population. Et voilà cette jeunesse que personne n’attendait ! On peut vraiment affirmer qu’elle remet toutes les pendules à l’heure. D’aucun la croyait perdue et incapable de s’affirmer par elle même. Spontané et incontrôlé, le mouvement des jeunes émeutiers a embrasé tous les villages kabyles. S’inscrivant hors de toute structure partisane, il a développé ses propres mots d’ordres. Les émeutiers dénoncent la “hogra”, c’est-à-dire l’arrogance et le mépris du pouvoir qu’ils désignent par ailleurs assassin. Ils réclament la reconnaissance de leur identité berbère. Ils franchissent un pas jamais réalisé en Algérie : ils exigent le départ des brigades de gendarmeries considérées comme des forces d’occupation. A plus d’un titre, les émeutes de ces jeunes font penser à l’intifada des jeunes palestiniens combattant avec des moyens rudimentaires (pierres et cocktails molotov) contre des forces de répression fortement armées. Leur désespérance est telle qu’ils ne reconnaissent aucune structure, qu’elle émane directement du pouvoir ou même qu’elle soit dans l’opposition officielle. Ainsi, et on peut le constater pour chaque commune, tous les édifices publics sont saccagé (tribunaux, stations services de l’état, sièges du FLN (6) inspections des impôts…) mais aussi les permanences des partis tels que le RCD et même du FFS !

La terreur des gendarmes

Le comportement des forces de l’ordre, et particulièrement des gendarmes dépasse le hooliganisme. Ils ont utilisé des armes de guerre contre des manifestants. Quelques exemples :
- Dans la plupart des localités, des gendarmes se sont postés sur le toit des gendarmeries, ont visé soigneusement et tiré avec des fusils de précision sur des badauds circulant innocemment après les émeutes. Les parties du corps visées sont généralement la tête et le thorax. Comme snipers, on ne fait pas mieux.
- Ils ont tiré dans le dos des manifestants qui se dispersaient pour fuir la répression.
- Ils ont utilisé des balles explosives contre les manifestants. Plusieurs d’entre eux ont été ainsi éviscérés, écervelés ou ont eu des membres déchiquetés.
- Ils ont achevé des blessés sur les trottoirs. Les plus chanceux l’ont été par une balle dans la tête. Quant aux autres, ils ont été finis par des coups de rangers à la tête.
- Il y a eu torture. Des personnes ont été arrêtées au hasard d’un barrage de gendarmerie, sorties de leur véhicule, tabassées sur place, emmenées au poste et torturées. D’autres sont déshabillées entièrement et sont relâchées toutes nues de la gendarmerie.
- Les femmes et les enfants de quelques gendarmes ont participé au passage à tabac des manifestants arrêtés
- Il y a eu des manifestants sodomisés dans les gendarmeries.
- Il y a eu des violations de domiciles. Des gendarmes sont entrés de force dans des maisons, des magasins, des kiosques et se sont livrés à de véritables actes de pillage.

Il ne s’agit pas de quelques bavures. Ces actes se sont perpétrés pendant près de 3 semaines à travers toute la Kabylie. Il y a eu manifestement carte blanche de la part de la nomenclature.

La coordination de comités de villages

Chaque village a mis sur pied son comité. Ces différents comités (plus de 200) se sont coordonnés à l’endroit symbolique de Beni-Douala. L’esprit de la coordination est le suivant : la Kabylie doit maintenant rouler pour elle même. Les problèmes de cette région ne doivent plus être noyés dans l’océan national. Leurs priorités immédiates sont le retrait des gendarmes, le jugement des assassins, le report des examens (Bac…), le rassemblement d’un fond de solidarité pour les victimes. La première “sortie” de cette coordination -des Aarouchs- (= communes) a été l’organisation d’une manifestation “ noire ” à la mémoire des victimes de la répression. Plus de 500 000 personnes ont ainsi déferlés dans les rues de Tizi-Ouzou, le 21 mai dernier. C’est la manifestation la plus imposante jamais organisée dans cette ville (dont le nombre d’habitants n’est que de 200 000). Aux cris de slogans tels que “pouvoir assassin”, “Assa, azeka, tamaght tella, tella (aujourd’hui et demain, le berbère est toujours là)”, “Révisez l’histoire, on n’est pas des arabes”, “Jugement des criminels”, etc., la procession était composée de jeunes, d’étudiants, de femmes, de vieux habillés de manière traditionnelle. Beaucoup de femmes étaient dans le service d’ordre, ce qui est une première en Algérie. La marche des femmes du 25 mai a réuni entre 10 à 15000 femmes dans les rues, d’autres marches sont prévues sur Alger. Les partis politiques cherchent à s’accrocher tant bien que mal. Le RCD a envoyé plusieurs délégations au ministère pour faire reporter les épreuves du bac en Kabylie, l’une des exigences des jeunes. Il a essuyé un refus cinglant. Le FFS a rédigé un mémorandum qui ouvrirait une porte de sortie au pouvoir (dixit FFS). Cela aussi a été un échec. Le pouvoir de son côté a mis sur pied une commission d’enquête qui devrait rendre ses conclusions quant “aux dépassements éventuels” perpétrés en Kabylie. La coordination des comités a d’ores et déjà appelé au boycottage de cette commission.

La marche arrière est cassée

Le moins qu’on puisse dire est que la Kabylie évolue en roue libre par rapport aux autres régions d’Algérie. Il n’y a en effet quasiment plus de points communs entre les aspirations majeures de cette région et le reste du pays. On peut malheureusement constater qu’aucune solidarité ne s’est manifestée dans le pays. Ni motion de soutien, ni grève ni l’ombre d’une marche de soutien. Dans ce désert de silence, seule une petite déclaration est venue de quelques intellectuels d’Oran (ville située à l’ouest du pays) pour demander timidement à l’état de veiller à éviter les dépassements des forces répressives. Parallèlement, la rupture entre la Kabylie et le pouvoir est consommée. Malgré la situation insurrectionnelle qui prévaut, le pouvoir ne veut céder sur rien, même pas sur des revendications symboliques et propres à apaiser la situation telles que report des examens de fin d’année. Il n’a exprimé aucun regret. Au contraire, des agents provocateurs à la solde des militaires agissent toujours ici et là. Des flics circulant dans des voitures banalisées interpellent de manière musclée des passants puis les conduisent au commissariat. Il est déjà loin le temps où les tenants de l’éradication et ceux de la réconciliation s’affrontaient sur un fond de stratégie : s’allier au pouvoir pour combattre les intégristes ou s’allier aux intégristes pour combattre le pouvoir ? Ce débat est aujourd’hui ultra dépassé en Kabylie.

La question qui est maintenant posée est : que faire pour se prendre en charge au niveau régional ? Et sur tous les plans : identitaire, éducation… L’heure est à la construction d’un projet nouveau qui transcende les partis nationaux. Ce que proposent, les jeunes kabyles, à travers leurs luttes telles que l’exigence du départ des forces d’occupation et leur forme d’organisation (coordination de villages) est complètement nouveau. Pour être clair, les kabyles ne se reconnaissent plus dans ce fatras qu’on appelle Algérie. Aussi, des voix allant en s’amplifiant commencent à prendre des positions autonomistes pour la Kabylie.

Gérard LAMARI

Notes de bas de page

(1) Prénom s’affirmant de l’identité berbère. Porter ce prénom est déjà un engagement en soi en Algérie.
(2) Commune de la Wilaya (département) de Tizi-Ouzou. Elle est aussi connue comme étant l’«antre» de Matoub Lounès, chanteur très populaire assassiné il y a 3 ans dans cette même région.
(3) Mouvement Culturel Berbère
(4) Front des Forces Socialistes. Il est très virulent par rapport au pouvoir. Pour lui, le premier responsable de la tragédie algérienne est le pouvoir militaire mais tend à disculper les islamistes.
(5) Rassemblement pour la Culture et la Démocratie. Il est l’une des composantes du pouvoir politique. Tous les médias algériens lui sont ouverts alors que son influence sur le terrain est mince.
(6) Front de Libération Nationale, parti du pouvoir.


UN FLIC JUSTICIER À TOULOUSE
Police partout, sécurité nulle part

Des «gardiens de la paix» se font justice dans un lycée toulousain.
L’insécurité dans les banlieues, c’est surtout la police qui en est la cause…

Le Lycée Déodat de Séverac, à Toulouse, est l’établissement technique d’excellence de Midi-Pyrénées. Seule ombre au tableau, il est limitrophe des quartiers sensibles ; c’est devant sa grille, qu’il y a deux ans, le jeune Habib («Pipo»), agonisait dans un caniveau, des heures durant, après avoir reçu une balle lors d’une interpellation «mouvementée». Mais pas d’inquiétude, les critères sont strictes pour rentrer dans le fleuron de l’enseignement professionnel local. La sélection sur dossier assure que tous les entrants, quelque soit leur couleur de peau ou leur nationalité, sont d’excellents élèves. Du coup, le lycée est un îlot de tranquillité dans le voisinage ; peu de vols, pas de rackets ni de bagarres.

A l’origine, le racisme ordinaire du milieu de l’enseignement pro

Comme on ne peut pas toujours échapper à la réalité sociale, les choses finissent souvent par déraper. Un élève de première passant dans la cour, est interpellé depuis un coursive, située dans une cité-U. limitrophe, abritant les étudiants de prépas et BTS de l’établissement. «Sale nègre… tu vas arrêter de faire ton beau, ou on va te péter la gueule». Quelques camarades présents le dissuadent de répliquer et l’après-midi de cours se passe. En fin de journée cependant, il revient avec un condisciple d’internat pour se faire justice. Ils interceptent un résidant de la cité-U, élève de prépa, qu’ils croient faire partie du groupe d’insulteurs. Une discussion s’ensuit, animée, le présumé coupable prend également trois gifles, et les justiciers s’en vont. Pris de remords, et de doutes, devant les dénégations de l’agressé, ils vont lui présenter leurs excuses le lendemain, mais c’est peine perdue.

L’engrenage coutumier de l’impunité policière

Leur repentance est bien inutile, car entre temps, la machine s’est mise en route. Le père du gamin giflé est policier, et il n’entend pas laisser les personnels de l’établissement régler l’affaire, comme à l’accoutumée, mais bien se faire justice lui-même. Le lendemain de l’altercation, après les excuses des agresseurs, à l’heure de la pause déjeuner, le père-flic rentre en civil (bien que simple gardien de la paix) dans le lycée. A ce moment là, aucun personnel de l’établissement ne sait encore ce qui s’est passé, ni n’est prévenu d’une éventuelle intervention policière.

Le père repère le gamin, qui avait été traité de «sale nègre» la veille, le ceinture, le jette au sol, et le traîne jusqu’à l’extérieur de l’établissement, où une voiture de la BAC l’attend et l’embarque. Le trajet jusqu’au commissariat est l’occasion d’un passage à tabac en règle, par le père. Le gamin, est placé en garde à vue, mis en examen pour violences en réunion, avec préméditation. La garde à vue, qui durera 24 heures, est l’occasion de nouvelles brimades, notamment d’une mise à poil du prévenu, qui sera récupéré le lendemain, traumatisé, par la CPE et les surveillants de l’établissement.

Une mobilisation exemplaire

Dès la sortie du deuxième élève, qui avait été interpellé également entre temps, une mobilisation s’organise sur tous les fronts. L’avocat choisi, spécialiste des dossiers politiques, a ses entrées dans les médias locaux, ce qui vaut à l’affaire deux articles retentissants dans la Dépêche du Midi, chose rare, la presse locale brillant rarement par sa pugnacité. Une plainte est immédiatement déposée contre le flic, et ce, malgré les tergiversations de certains médecins légistes. Une mobilisation s’organise également à l’intérieur de l’Etablissement, malgré le proviseur et les enseignants des prépas, peu émus par les penchants racistes de certains de leurs élèves. Saluons également la solidarité sans faille des personnels d’entretien et de service, beaucoup plus unanimes que les profs.

Tous ces efforts ont culminé avec la venue spontanée au tribunal, en cortège, de plusieurs centaines d’élèves du Lycée, en grève, par solidarité avec leurs camarades inculpés.

Aujourd’hui, les deux jeunes se remettent tant bien que mal de leur mésaventure qui est loin d’être terminée, puisque le jugement est régulièrement reporté. L’auteur des injures racistes n’a, quant à lui, toujours pas été retrouvé,. Signalons enfin, que l’on s’achemine, malgré les magouilles du procureur, vers une proposition d’abandon de toutes les charges, de part et d’autres. La reconnaissance implicite par les institutions de la faute policière serait déjà une petite victoire, si l’on mesure, dans ce pays, toute l’impunité dont la police jouit, et pas seulement pour mener ses missions ordinaires.

Kami


CAMPING ?
Du 24 juillet au 5 août de l’an 01 en Ariège

Ni stage de formation, ni université, d'été, ni meeting propagandiste, ce camping est un lieu d'échange, d’analyses et de pratiques militantes. Il dépasse largement le cadre de l'OCL pour accueillir les actrices et acteurs du mouvement anti-autoritaire et anti-capitaliste qui pensent que la confrontation et la réflexion sont des moments indispensables de la lutte révolutionnaire. Le tout dans une ambiance conviviale selon un rythme tout estival et dans un cadre agréable (ballade en montagne, espace, baignade, …) pour deux semaines dont nous essayons de faire un espace collectif de vie et de militantisme différent.

Programme

Mercredi 25/07 Le citoyennisme, stade suprême du réformisme.

Jeudi 26/07 Quel projet et quelle stratégie pour les antinucléaires ?

Vendredi 27/07 Quel mouvement libertaire aujourd’hui ? Pour quoi faire ?
Samedi 28/07 Les anarchistes aujourd’hui et leurs initiatives communes
Dimanche 29/07 Une organisation anarchiste pour quoi faire ?

Lundi 30/07 Notre corps entre déshumanisation des rapports sociaux et retour de l’ordre moral

Mardi 31/07 Projection du film « Prague-Nice-Davos : l’effet Seattle. Teuf ensuite.
Mercredi 01/08 Les antiglobalisations entre originalité et réformisme

Jeudi 02/08 Les luttes sociales de notre période entre multiplication et radicalisation.
Vendredi 03/08 Les luttes sociales et le service public

Samedi 04/08 Commission journal du mensuel Courant alternatif.

Organisation matérielle du lieu

Nous sommes accueilliEs par un couple de paysans qui mettent à notre disposition un local comprenant un coin cuisine, un coin repas, une grande salle pour les débats, des douches et des W-C et des terrains pour le camping. Un endroit sera réservé aux camping-car. Pour ne pas gêner les travaux quotidiens un parking pour les voitures est disponible dans un village proche, Pour les amateurs de baignade, il y a une piscine à la Bastide. Des ballades en montagne sont possibles.

Les repas

Ils sont pris en commun, et confectionnés par des équipes tournantes, Chaque jour, une équipe « bouffe » s'occupe du ravitaillement et confectionne les deux repas (horaire 13h et 19h) en fonction du budget quotidien qui lui est attribué. Un seconde équipe s'occupe de la vaisselle et de la propreté des lieux.

Les prix

Ils comprennent les trois repas, l'emplacement et l’entretien/aménagement du lieu. Ils sont établis en fonction des revenus par soucis égalitaire. Le camping est gratuit pour les bébés, mais un tarif de 30 F par jour est appliqué aux enfants.

Tarifs journaliers en fonction des revenus
55 F pour les personnes ayant un revenu inférieur à 2 000 F
65 F pour les personnes ayant un revenu mensuel compris entre 2000/ 4000 F
75 F compris entre 4000/4500 F
85 F compris entre 4500/5500 F
95 F compris entre 5500,16500 F
110 F compris entre 6500/7500 F
130 F compris entre 7500/9000 F /
160 F pour les personnes ayant un revenu mensuel supérieur à 9 000 F

Où ça se passe ?

Téléphone surplace: 05 61 65 80 16

Le lieu se trouve en moyenne montagne ariégeoise.

Accès : Train : gare de Foix. Dès votre arrivée, un coup de bigophone et on vient vous Chercher.

Bus : A la sortie de la gare, prendre le bus direction Saint Girons et descendre à La Bastide de Sérou où nous irons vous chercher - ou si vous tenez vraiment à l'autonomie intégrale, suivre les panneaux, prendre son souffle, et ça grimpe pour deux petites heures !

Route : vous venez de Foix, prendre la départementale 117 direction Saint Girons, à la sortie de la Bastide de Sérou, suivre le fléchage artisanal « OCL » aux endroits stratégiques.


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