Courant alternatif no 110 juin 2001 |
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SOMMAIRE |
Édito p. 3 Camping OCL p. 4 Du Pare... Et des intérêts pour les décideurs... contre les notres... p. 5 à 8 Retour sur le Sommet des Amériques p. 9-10 Solidarité face à la répression à Davos p. 10 Crise à lEcole Emancipée p. 11 à 13 Contre un nouvel aéroport en Loire-Atlantique p. 13 Un flic justicier à Toulouse p. 14 Renouveau des luttes sociales ? p. 15 à 18 Où va la Kabylie ? p. 19-20 Israël-Palestine : État des lieux p. 21 à 23 Rubrique Livres : Chomsky p. 23 Rubrique flics et militaires p. 24 |
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ÉDITO |
Les questions coloniales ont toujours été abordées par la presse bourgeoise avec beaucoup dhypocrisie. Les débats qui font suite aux "révélations» du troufion en chef Aussaresses ne déroge pas à la règle. Les fiers aveux du tortionnaire ne sont pas les premiers. En effet, Le Pen ou Bigeard sen sont vantés publiquement depuis longtemps et à de nombreuses reprises. Leurs précédentes déclarations avaient sucité quelques émois dans la presse chrétienne de gauche, mais excepté dans les médias révolutionnaires anti-coloniaux, la colère navait pas débordé les rives qui enserrent la tranquille écriture de lhistoire de France.
De nombreux intellectuels de la gauche française demandent aujourdhui une repentance officielle du gouvernement français face à ces crimes. Cest quAussaresses, ce nest ni Le Pen ni Bigeard. Et si les déclarations précédentes, navait pas sucité de tels couroux, ce nétait pas uniquement parce que Mitterrand, le père de lautre, était alors le ministre de lintérieur. Condamner la France avec Le Pen, aurait banalisé la belle histoire de France dans les comportements dun tortionnaire raciste. On le disait déjà à lépoque, Le Pen nétait quun arbre qui cachait la forêt. Avec Bigeard, il était hors de question de toucher à lun des plus prestigieux chefs militaires de larmée française. Le boucher de Diên Biên Phu est cité glorieusement dans les livres dhistoire de lécole républicaine, et cela dans la lignée des Bonaparte, boucher dAusterlitz, Thiers, boucher de la Commune ou Lyautey, boucher du colonialisme français en Afrique du Nord. Ils sont une gloire pour la France, et pour cette gauche, la gloire et le prestige dun état colonial valent plus que ces habitant-e-s passé-e-s à la boucherie. Avec Aussaresses, une branche de la social-démocratie, essaye de se rattrapper. Mais 40 ans après, quelles significations cela peut vraiment avoir? La question de la reconnaisssance par lEtat français de la pratique de la torture comme stratégie dEtat contre un peuple colonisé recouvre une hypocrisie qui cache la réalité coloniale actuelle. A la guerre dAlgérie a succédé, en France, une vague importante dimmigration provenant du Maghreb. Il y eut certes la population harki que lEtat français avait utilisé dans sa guerre coloniale comme chair à canon, quelle entasse depuis quarante ans dans des cités urbaines. Mais il y eut surtout cette nombreuse population que le patronat français a fait venir pour son profit. Cette population qui connut le même racisme, le même rapport colonial davant ce que lon a nommé «la décolonisation». La société coloniale davant la guerre dAlgérie sest ainsi déplacée dans lactuel Etat français. Comme le disent souvent des militant-e-s du Mouvement de lImmigration et des Banlieues, «avant pour maintenir lordre, ils envoyaient larmée pour quadriller, aujourdhui ils envoient la police dans les quartiers». Au quotidien, lEtat français, par le biais de ses administrations, quelles soient judiciaires, policiaires, pénitentiaires ou scolaires maintiennent ce rapport colonial. Pour ce faire, il suffit de se rapporter régulièrement à la rubrique flics, militaires de Courant Alternatif, pour sappercevoir que derrière les meurtres ou violences excercés par les keufs dans la rue ou par les matons en prison, il y a une tenace envie de dresser une population que lon cantonne en Banlieue. Au moindre dérapage, cest le passage à tabac couvert par ladministration, des fois la peine de mort sur le trottoir, des fois la peine de mort au mitard déguisée en suicide. Ce dressage est un des aspects de ce rapport colonial : faire peur pour mieux exploiter avec la police comme rapport de force permanent. Linsolence des jeunes générations ne fait suite quaux refus de celle-ci de vivre comme leurs parents qui ont plus baissé la tête que levé le poing. La criminalisation que les médias et les politiciens de linsucurité leur renvoient sont un autre aspect de ce rapport colonial. La discrimination quils et elles vivent aux quotidiens durent depuis maintenant plus de quarante ans. Ainsi, en demandant une repentance de lEtat français sur la torture excercée pendant la guerre dAlgérie, les intellectuels nationalistes de la gauche française, cherchent à continuer de banaliser ce rapport colonial que vivent aujourdhui avec de plus en plus de colère les populations issues de limmigration. De plus, aborder la torture, comme lélément dénonçable de la guerre dAlgérie revient à justifier le colonialisme sans la torture. Cest oublier les massacres (environs 400 000 morts) que larmée française avait commis lors de la conquête coloniale de lAfrique du Nord dans la deuxième partie du XIXe siècle. Cest oublier comment les industries françaises se sont comportées en Afrique et en Asie, et surtout comment elles continuent de le faire. La bourgeoisie et surtout les classes moyennes savent très bien que nimporte quel rééquilibrage de la répartition des richesses dans le monde se fera à lencontre de leur luxe de consommer abondamment. Cest pour elles, un intérêt de classe que de continuer cette guerre coloniale. En ouvrant une enquête pour «apologie de crimes de guerre» contre Aussaresses et ses déclarations, le parquet de Paris ne sest pas trompé, ce quil demande, cest le silence. A nous aussi de ne pas nous tromper et de nous battre pour une société sans classe, sans patriarcat ET sans rapport colonial. Strasbourg, 28 mai 2001 |
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RETOUR SUR QUÉBEC APRÈS LE SOMMET DES AMÉRIQUES |
Le dernier CA décrivait les mobilisations contre le sommet de Québec en avril dernier. Quel bilan provisoire peut être tiré ?
La répression Trois mille cartouches de gaz, divers et variés, et huit cents balles de plastique (potentiellement mortelles) ont été officiellement tirées sur les manifestantEs pendant deux jours. Les brutalités policières ont également été remarquables, comme à chaque fois que le Pouvoir lâche son masque démocratique et ses chiens de garde, pour faire entendre raison à la population. La très grande majorité des personnes arrêtées (463 daprès les flics) à loccasion des 20 et 21 avril 2001 a été relâchée provisoirement en attente de leurs procès fin mai, contre des cautions allant jusquà 2500 f. Comme toujours, il est difficile de savoir exactement qui est encore emprisonné. Le montréalais Jaggi Singh, porte-parole médiatisé de la CLAC, a été remis en liberté après 17 jours de prison infligés sous une fausse argumentation juridique pour le réduire au silence et une caution de 15 000 F en attendant son procès. Des personnes ont été arrêtées plusieurs jours après les évènements, des films télés ou des photos de presse ayant servi à les criminaliser ; lun deux a écopé de 9 mois fermes entamés illico, trois ans de probation et présentation bi-hebdomadaire au poste de police, avec condamnation automatique à deux ans fermes en cas de participation à une manifestation devenant «non-paisible et non-légale» ! Les boucs émissaires de la répression qui a annoncé leur arrestation trois jours avant le sommet comme un complot terroriste déjoué grâce aux mesures policières exceptionnelles, légitimées ainsi sont les cinq membres du groupe affinitaire Germinal. Ils ont été noyautés huit mois auparavant comme de nombreux autres groupes, politiques ou associatifs, puisque les flics ont déclaré quil y avait plusieurs «commandos» policiers dinfiltration à luvre dans les préparatifs du sommet. Difficile de dire si le groupe Germinal est représentatif des manifestants anti-sommet : sur une base politique hétéroclite (nationaliste, communiste, anar), il semble sêtre essentiellement intéressé à lintervention contre le périmètre. La présence en son sein de réservistes de larmée canadienne aurait inspiré une structuration hiérarchisée, qui a été de peu defficacité contre linfiltration ; par contre le cloisonnement de ce réseau en différents groupes «étanches» semble avoir limité les investigations et linfluence policières. Enfin, les déclarations de leur porte-parole, qui les présente comme «des idéalistes, attachés aux valeurs démocratiques dont notre pays se targue dêtre le défenseur» pour alléger la pression judiciaire, donnent à réfléchir Il faut préciser que les flics ont commis également quelques erreurs Certains ont laissé dans une voiture «banalisée» rapidement ouverte, le dossier complet des tactiques et marches à suivre en fonction des évènements, avec noms de la hiérarchie, téléphones, restaurants fréquentés par les policiers, et autres détails croustillants communiqués à lagence de presse alternative québecquoise pour aider les pandores à sy retrouver dans leur show : quatre corps de police différents sur le même terrain, service secrets, infiltrés, déguisés, etc. Pour des infos complémentaires, consulter le site francophone de A-Infos qui fournit régulièrement létat des mobilisations de soutien, les communiqués et les nouvelles des prisonniers. Les medias Autant les médias occidentaux avaient donné un écho aux évènements de Seattle en 99 (avec léchec de lAMI ), autant la contestation de Québec 2001, spectaculaire à souhait, a été «ignorée», notamment en Europe. Des anarchistes de Seattle, venus à Québec, y ont noté une détermination et une participation populaires autrement plus fortes, avec le rôle moteur du pôle CLAC-CASA qui nétait pas contrecarré par le DAN (réseau daction directe, non-violent, dont certains membres avaient livré aux flics des membres des black blocs) comme à Seattle. Si lévénement ne bénéficie plus de la nouveauté, le silence des médias est aussi à mettre en relation avec les intérêts des multinationales qui possèdent ces mêmes médias et qui ne tiennent pas forcément à exposer lécho populaire des oppositions aux grandes messes de la globalisation capitaliste. Il est vrai quen ces temps moroses pour espérer en un futur proche révolutionnaire, même sil ne sagit pas de se leurrer sur les limites de telles mobilisations, cela redonne sûrement de lénergie à pas mal de militantEs. Localement, les médias nont pas pu criminaliser les manifestantes comme la préparation de lopinion québecquoise, plusieurs mois durant, le laissait prévoir. Une manifestation locale contre le périmètre de sécurité, deux mois auparavant, avait clairement montré que la population nacceptait pas de se voir prise en otage par un quelconque sommet. De plus, lannonce de différentes zones «dactivité» vertes, jaunes, rouges rendait plus difficiles lamalgame, la réduction et la caricature par la presse des appels à manifester ; il est tellement confortable pour un journaliste de ne donner quune interprétation étroite dun événement, vécu forcément différemment par des dizaines de milliers de personnes. Les réformistes Les réformistes de la gôche de la gôche (représentés par OQP 2001) dans le cortège desquels J. Bové se retrouvait, ont vu leur espace politique, au cours de ces journées, singulièrement borné à droite par le sommet des peuples et à gauche par les affrontements contre le périmètre. Ils navaient pas prévu ladhésion ou le soutien spontanés de la population à lactivité qui sest imposée de fait : assiéger le périmètre de sécurité, symbolisant la frontière de classe entre les futurs bénéficiaires de la ZLEA et les autres. Mais par contre, ces mêmes réformistes sauront assurément bénéficier des points marqués par les radicaux et négocier leurs futures entrevues avec les pouvoirs, en faisant valoir quils seront toujours plus raisonnables ou présentables que ceux et celles qui appellent à rompre avec le capitalisme. Les trotskistes français étaient présents à Québec : Aguiton, porte-parole français et membre du bureau dATTAC, du bureau de SUD, du bureau de la LCR, du bureau dAC !, est venu observer attentivement les conseils de délégués de groupes affinitaires du CLAC-CASA, ainsi que les affrontements de Québec. On peut sattendre à voir dans lHexagone le regroupement anti-globalisation initié par la LCR sans grand succés pour le moment, sous le nom (fun !) de Aarrg tenter de reproduire des formules qui ont fait leurs preuves ailleurs. Déjà le 1er mai, le siège du MEDEF a été aspergé de 100 kg de fromage blanc par la LCR en protestation des licenciements : AARRG ! Quelles perspectives ? Laction des maigres forces libertaires organisées qui ont été à linitiative du pôle CASA-CLAC a eu un résultat démultiplié. La situation davant le sommet a évolué. La mobilisation a légitimé, par la pratique ou le soutien tacite de milliers de manifestants, une affirmation anti-consensuelle, ainsi que marginalement lutilisation de la violence. Il ne sagit sûrement pas de fétichiser cette dernière, mais bien de la considérer, avec la non-violence, comme un moyen parmi dautres et de déjouer les ripostes de lEtat, qui module toujours sa répression pour restreindre au maximum les marges de manuvre des forces politiques anti-institutionnelles. Par contre, maintenant que léchéance du sommet est passée avec lurgence, si la solidarité anti-répressive simpose naturellement, il y a probablement la nécessité de débattre largement, en profitant dun rapport de forces un peu plus favorable, pour échapper à une pratique politique qui serait uniquement scandée par les différentes réunions internationales des cercles du pouvoir. Si la pratique quotidienne de résistance et de lutte est primordiale, des moments de convergence et dexpression massives pour casser lunanimité de façade de la société sont nécessaires. Le moment est peut-être adéquate pour tirer des bilans politiques, affûter les analyses, poser des questions, en espérant que les expériences faites de part et dautre de locéan se consolideront mutuellement. G. Nantes, le 27/05/01 |
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OÙ VA LA KABYLIE |
Pendant une vingtaine de jours, la Kabylie, région berbère située à lest dAlger, a été mise à feu et à sang. Tout a commencé le 18 avril par larrestation du jeune lycéen Massinissa (1) Guermah par les gendarmes de Beni-Douala (2).Les gendarmes, le trouvant sans doute trop atypique par rapport à lalgérien arabo-islamique modelé par le pouvoir, nont pas résisté à lenvie lui tirer une rafale de kalachnikov au siège même de la gendarmerie. A partir de ce moment, les villages de cette région, qui compte 5 millions dhabitants environ, sembraseront. Les émeutes feront près dune centaine de morts parmi la population. Nous sommes déjà morts, vous ne pouvez plus nous tuer Cette phrase maintes fois lancée à la figure des forces de répression par les jeunes émeutiers montre à elle seule lampleur du désarroi dans lequel se trouve la jeunesse. Le taux de chômage atteint 50 % au niveau de la tranche dâge 20-35 ans. Plusieurs unités de production ont purement et simplement cessé leurs activités. Les autres ont subi de fortes restructurations en licenciant plus des deux-tiers de leurs effectifs. Parallèlement la manne pétrolière est entièrement détournée au profit de la nomenclature militaire qui détient le pouvoir réel depuis lindépendance en 1962. De plus, malgré la revendication massive des kabyles de leur identité et culture berbères, et ce depuis plus de 20 ans, le pouvoir a toujours agi dans la négation de cette aspiration. Les médias officiels (radio et télé) sont plus arabisés que jamais. La langue utilisée est larabe El Djahilia, cest dire larabe saoudien, que personne ne comprend en Algérie (y compris les universitaires !). Les contenus des programmes scolaires font de plus en plus référence à lislam. Or, la jeunesse kabyle est aux antipodes de ces valeurs. Elle est profondément laïque, voir athée. A titre dexemple, il y a plus de bars à Azazga (ville kabyle de 20 000 habitants) quà Constantine (ville arabophone de 800 000 habitants). Malgré la quasi-inexistence du français au niveau des cycles primaire et secondaire, les adolescents maîtrisent miraculeusement le français mais sont incapables de sexprimer en arabe. La seule perspective de cette jeunesse est la fuite vers létranger. Les demandes de visas (plus de 2 000 par jour rien quà lambassade française) sont systématiquement rejetées. Leldorado canadien qui a déjà aspiré une bonne partie de lélite kabyle sest maintenant refermé. Depuis une décennie, lhémorragie des cadres, artistes et intellectuels a été sans précédent dans cette région. La mal-vie et la désespérance sont telles que les suicides sont de plus en plus le dernier recours qui soffre à cette jeunesse désemparée (plus de 3 000 suicides par an). Transposé à léchelle française, cela représenterait 14 000 suicides de jeunes par an en France ! Les célébrations officielles du printemps berbère occultées Chaque année en cette période (autour du 20 avril), les MCB (3)organisent une série dactivités culturelles pour commémorer les événements du printemps berbère de 1980. La journée du 20 avril est en Kabylie une journée de lutte pour la reconnaissance officielle de la langue berbère. A lenthousiasme des premières années de ces célébrations ont succédé les divisions des militants chapeautés depuis par le FFS (4) et le RCD (5) Ces manifestations commémoratives, imposantes les premières années, se sont réduites à des tests de rapports de forces entre ces deux formations. La revendication nayant pas avancé entre temps et le manque de perspectives ont fini par démobiliser la population. Et voilà cette jeunesse que personne nattendait ! On peut vraiment affirmer quelle remet toutes les pendules à lheure. Daucun la croyait perdue et incapable de saffirmer par elle même. Spontané et incontrôlé, le mouvement des jeunes émeutiers a embrasé tous les villages kabyles. Sinscrivant hors de toute structure partisane, il a développé ses propres mots dordres. Les émeutiers dénoncent la hogra, cest-à-dire larrogance et le mépris du pouvoir quils désignent par ailleurs assassin. Ils réclament la reconnaissance de leur identité berbère. Ils franchissent un pas jamais réalisé en Algérie : ils exigent le départ des brigades de gendarmeries considérées comme des forces doccupation. A plus dun titre, les émeutes de ces jeunes font penser à lintifada des jeunes palestiniens combattant avec des moyens rudimentaires (pierres et cocktails molotov) contre des forces de répression fortement armées. Leur désespérance est telle quils ne reconnaissent aucune structure, quelle émane directement du pouvoir ou même quelle soit dans lopposition officielle. Ainsi, et on peut le constater pour chaque commune, tous les édifices publics sont saccagé (tribunaux, stations services de létat, sièges du FLN (6) inspections des impôts ) mais aussi les permanences des partis tels que le RCD et même du FFS ! La terreur des gendarmes Le comportement des forces de lordre, et particulièrement des gendarmes dépasse le hooliganisme. Ils ont utilisé des armes de guerre contre des manifestants. Quelques exemples : Il ne sagit pas de quelques bavures. Ces actes se sont perpétrés pendant près de 3 semaines à travers toute la Kabylie. Il y a eu manifestement carte blanche de la part de la nomenclature. La coordination de comités de villages Chaque village a mis sur pied son comité. Ces différents comités (plus de 200) se sont coordonnés à lendroit symbolique de Beni-Douala. Lesprit de la coordination est le suivant : la Kabylie doit maintenant rouler pour elle même. Les problèmes de cette région ne doivent plus être noyés dans locéan national. Leurs priorités immédiates sont le retrait des gendarmes, le jugement des assassins, le report des examens (Bac ), le rassemblement dun fond de solidarité pour les victimes. La première sortie de cette coordination -des Aarouchs- (= communes) a été lorganisation dune manifestation noire à la mémoire des victimes de la répression. Plus de 500 000 personnes ont ainsi déferlés dans les rues de Tizi-Ouzou, le 21 mai dernier. Cest la manifestation la plus imposante jamais organisée dans cette ville (dont le nombre dhabitants nest que de 200 000). Aux cris de slogans tels que pouvoir assassin, Assa, azeka, tamaght tella, tella (aujourdhui et demain, le berbère est toujours là), Révisez lhistoire, on nest pas des arabes, Jugement des criminels, etc., la procession était composée de jeunes, détudiants, de femmes, de vieux habillés de manière traditionnelle. Beaucoup de femmes étaient dans le service dordre, ce qui est une première en Algérie. La marche des femmes du 25 mai a réuni entre 10 à 15000 femmes dans les rues, dautres marches sont prévues sur Alger. Les partis politiques cherchent à saccrocher tant bien que mal. Le RCD a envoyé plusieurs délégations au ministère pour faire reporter les épreuves du bac en Kabylie, lune des exigences des jeunes. Il a essuyé un refus cinglant. Le FFS a rédigé un mémorandum qui ouvrirait une porte de sortie au pouvoir (dixit FFS). Cela aussi a été un échec. Le pouvoir de son côté a mis sur pied une commission denquête qui devrait rendre ses conclusions quant aux dépassements éventuels perpétrés en Kabylie. La coordination des comités a dores et déjà appelé au boycottage de cette commission. La marche arrière est cassée Le moins quon puisse dire est que la Kabylie évolue en roue libre par rapport aux autres régions dAlgérie. Il ny a en effet quasiment plus de points communs entre les aspirations majeures de cette région et le reste du pays. On peut malheureusement constater quaucune solidarité ne sest manifestée dans le pays. Ni motion de soutien, ni grève ni lombre dune marche de soutien. Dans ce désert de silence, seule une petite déclaration est venue de quelques intellectuels dOran (ville située à louest du pays) pour demander timidement à létat de veiller à éviter les dépassements des forces répressives. Parallèlement, la rupture entre la Kabylie et le pouvoir est consommée. Malgré la situation insurrectionnelle qui prévaut, le pouvoir ne veut céder sur rien, même pas sur des revendications symboliques et propres à apaiser la situation telles que report des examens de fin dannée. Il na exprimé aucun regret. Au contraire, des agents provocateurs à la solde des militaires agissent toujours ici et là. Des flics circulant dans des voitures banalisées interpellent de manière musclée des passants puis les conduisent au commissariat. Il est déjà loin le temps où les tenants de léradication et ceux de la réconciliation saffrontaient sur un fond de stratégie : sallier au pouvoir pour combattre les intégristes ou sallier aux intégristes pour combattre le pouvoir ? Ce débat est aujourdhui ultra dépassé en Kabylie. La question qui est maintenant posée est : que faire pour se prendre en charge au niveau régional ? Et sur tous les plans : identitaire, éducation Lheure est à la construction dun projet nouveau qui transcende les partis nationaux. Ce que proposent, les jeunes kabyles, à travers leurs luttes telles que lexigence du départ des forces doccupation et leur forme dorganisation (coordination de villages) est complètement nouveau. Pour être clair, les kabyles ne se reconnaissent plus dans ce fatras quon appelle Algérie. Aussi, des voix allant en samplifiant commencent à prendre des positions autonomistes pour la Kabylie. Gérard LAMARI Notes de bas de page (1) Prénom saffirmant de lidentité berbère. Porter ce prénom est déjà un engagement en soi en Algérie. |
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UN FLIC JUSTICIER À TOULOUSE |
Police partout, sécurité nulle part
Des «gardiens de la paix» se font justice dans un lycée toulousain. Le Lycée Déodat de Séverac, à Toulouse, est létablissement technique dexcellence de Midi-Pyrénées. Seule ombre au tableau, il est limitrophe des quartiers sensibles ; cest devant sa grille, quil y a deux ans, le jeune Habib («Pipo»), agonisait dans un caniveau, des heures durant, après avoir reçu une balle lors dune interpellation «mouvementée». Mais pas dinquiétude, les critères sont strictes pour rentrer dans le fleuron de lenseignement professionnel local. La sélection sur dossier assure que tous les entrants, quelque soit leur couleur de peau ou leur nationalité, sont dexcellents élèves. Du coup, le lycée est un îlot de tranquillité dans le voisinage ; peu de vols, pas de rackets ni de bagarres. A lorigine, le racisme ordinaire du milieu de lenseignement pro Comme on ne peut pas toujours échapper à la réalité sociale, les choses finissent souvent par déraper. Un élève de première passant dans la cour, est interpellé depuis un coursive, située dans une cité-U. limitrophe, abritant les étudiants de prépas et BTS de létablissement. «Sale nègre tu vas arrêter de faire ton beau, ou on va te péter la gueule». Quelques camarades présents le dissuadent de répliquer et laprès-midi de cours se passe. En fin de journée cependant, il revient avec un condisciple dinternat pour se faire justice. Ils interceptent un résidant de la cité-U, élève de prépa, quils croient faire partie du groupe dinsulteurs. Une discussion sensuit, animée, le présumé coupable prend également trois gifles, et les justiciers sen vont. Pris de remords, et de doutes, devant les dénégations de lagressé, ils vont lui présenter leurs excuses le lendemain, mais cest peine perdue. Lengrenage coutumier de limpunité policière Leur repentance est bien inutile, car entre temps, la machine sest mise en route. Le père du gamin giflé est policier, et il nentend pas laisser les personnels de létablissement régler laffaire, comme à laccoutumée, mais bien se faire justice lui-même. Le lendemain de laltercation, après les excuses des agresseurs, à lheure de la pause déjeuner, le père-flic rentre en civil (bien que simple gardien de la paix) dans le lycée. A ce moment là, aucun personnel de létablissement ne sait encore ce qui sest passé, ni nest prévenu dune éventuelle intervention policière. Le père repère le gamin, qui avait été traité de «sale nègre» la veille, le ceinture, le jette au sol, et le traîne jusquà lextérieur de létablissement, où une voiture de la BAC lattend et lembarque. Le trajet jusquau commissariat est loccasion dun passage à tabac en règle, par le père. Le gamin, est placé en garde à vue, mis en examen pour violences en réunion, avec préméditation. La garde à vue, qui durera 24 heures, est loccasion de nouvelles brimades, notamment dune mise à poil du prévenu, qui sera récupéré le lendemain, traumatisé, par la CPE et les surveillants de létablissement. Une mobilisation exemplaire Dès la sortie du deuxième élève, qui avait été interpellé également entre temps, une mobilisation sorganise sur tous les fronts. Lavocat choisi, spécialiste des dossiers politiques, a ses entrées dans les médias locaux, ce qui vaut à laffaire deux articles retentissants dans la Dépêche du Midi, chose rare, la presse locale brillant rarement par sa pugnacité. Une plainte est immédiatement déposée contre le flic, et ce, malgré les tergiversations de certains médecins légistes. Une mobilisation sorganise également à lintérieur de lEtablissement, malgré le proviseur et les enseignants des prépas, peu émus par les penchants racistes de certains de leurs élèves. Saluons également la solidarité sans faille des personnels dentretien et de service, beaucoup plus unanimes que les profs. Tous ces efforts ont culminé avec la venue spontanée au tribunal, en cortège, de plusieurs centaines délèves du Lycée, en grève, par solidarité avec leurs camarades inculpés. Aujourdhui, les deux jeunes se remettent tant bien que mal de leur mésaventure qui est loin dêtre terminée, puisque le jugement est régulièrement reporté. Lauteur des injures racistes na, quant à lui, toujours pas été retrouvé,. Signalons enfin, que lon sachemine, malgré les magouilles du procureur, vers une proposition dabandon de toutes les charges, de part et dautres. La reconnaissance implicite par les institutions de la faute policière serait déjà une petite victoire, si lon mesure, dans ce pays, toute limpunité dont la police jouit, et pas seulement pour mener ses missions ordinaires. Kami |
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CAMPING ? |
Du 24 juillet au 5 août de lan 01 en Ariège
Ni stage de formation, ni université, d'été, ni meeting propagandiste, ce camping est un lieu d'échange, danalyses et de pratiques militantes. Il dépasse largement le cadre de l'OCL pour accueillir les actrices et acteurs du mouvement anti-autoritaire et anti-capitaliste qui pensent que la confrontation et la réflexion sont des moments indispensables de la lutte révolutionnaire. Le tout dans une ambiance conviviale selon un rythme tout estival et dans un cadre agréable (ballade en montagne, espace, baignade, ) pour deux semaines dont nous essayons de faire un espace collectif de vie et de militantisme différent. Programme Mercredi 25/07 Le citoyennisme, stade suprême du réformisme. Jeudi 26/07 Quel projet et quelle stratégie pour les antinucléaires ? Vendredi 27/07 Quel mouvement libertaire aujourdhui ? Pour quoi faire ? Lundi 30/07 Notre corps entre déshumanisation des rapports sociaux et retour de lordre moral Mardi 31/07 Projection du film « Prague-Nice-Davos : leffet Seattle. Teuf ensuite. Jeudi 02/08 Les luttes sociales de notre période entre multiplication et radicalisation. Samedi 04/08 Commission journal du mensuel Courant alternatif. Organisation matérielle du lieu Nous sommes accueilliEs par un couple de paysans qui mettent à notre disposition un local comprenant un coin cuisine, un coin repas, une grande salle pour les débats, des douches et des W-C et des terrains pour le camping. Un endroit sera réservé aux camping-car. Pour ne pas gêner les travaux quotidiens un parking pour les voitures est disponible dans un village proche, Pour les amateurs de baignade, il y a une piscine à la Bastide. Des ballades en montagne sont possibles. Les repas Ils sont pris en commun, et confectionnés par des équipes tournantes, Chaque jour, une équipe « bouffe » s'occupe du ravitaillement et confectionne les deux repas (horaire 13h et 19h) en fonction du budget quotidien qui lui est attribué. Un seconde équipe s'occupe de la vaisselle et de la propreté des lieux. Les prix Ils comprennent les trois repas, l'emplacement et lentretien/aménagement du lieu. Ils sont établis en fonction des revenus par soucis égalitaire. Le camping est gratuit pour les bébés, mais un tarif de 30 F par jour est appliqué aux enfants. Tarifs journaliers en fonction des revenus Où ça se passe ? Téléphone surplace: 05 61 65 80 16 Le lieu se trouve en moyenne montagne ariégeoise. Accès : Train : gare de Foix. Dès votre arrivée, un coup de bigophone et on vient vous Chercher. Bus : A la sortie de la gare, prendre le bus direction Saint Girons et descendre à La Bastide de Sérou où nous irons vous chercher - ou si vous tenez vraiment à l'autonomie intégrale, suivre les panneaux, prendre son souffle, et ça grimpe pour deux petites heures ! Route : vous venez de Foix, prendre la départementale 117 direction Saint Girons, à la sortie de la Bastide de Sérou, suivre le fléchage artisanal « OCL » aux endroits stratégiques. |
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