Courant alternatif no 114 décembre 2001 |
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SOMMAIRE |
Édito p. 3 Un mois de grève chez McDonalds p. 4 Loi sur la sécurité quotidienne p. 5 à 7 Mobilisations antiguerre en Amérique du Nord p. 8 Une guerre qui nen est quà ses débuts p. 9 et 10 Les réfugié-e-s de Sangatte dans le contexte de la guerre p. 11 et 12 Lutte pour le logement des sans papiers à Nantes p. 12 et 13 Rubrique Flics et militaires p. 13 et 14 Squatt à Reims : french army under attack ! p. 15 Chroniques palestiniennes : la question de leau p. 16 à 18 Les luttes pour leau ont commencé p. 19 et 20 Michelin, Clermont-Ferrand et lIndochine p. 21 et 22 La Françafrique en actions p. 23 Rubrique Livres & revues p. 24 |
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ÉDITO |
Dans cette période de consensus sécuritaire et dunion sacrée, le flot dinformations déversées à jet continu sur nos têtes laisse entrevoir parfois des morceaux de choix, remarquables synthèses qui révèlent lambiguïté de la politique internationale actuelle. Confronté à la complexité du monde lointain qui régit pourtant notre vie ici on a alors envie de sexclamer comme dans un vieux feuilleton : « Bon sang ! Mais cest bien sûr !! », tout en se demandant pourquoi un organe de propagande comme la télé peut diffuser une telle peinture de limmoralité du pouvoir.
Une émission, diffusée sur Arte courant novembre et intitulée La république atomique, rappelait tranquillement quelques « secrets » en singulière résonance avec la situation internationale. Passons sur le fait peu anodin de voir un ancien ministre britannique des années 60 affirmer benoîtement ce que le mouvement antinucléaire répète depuis un quart de siècle : « Le nucléaire, cest cher, cest dangereux, cest forcément lié au militaire ». Le plat de résistance de La république atomique consistait à expliquer comment les USA, en pleine guerre froide avec lURSS, ont diffusé de façon intéressée la technologie nucléaire et des matières fissiles dans le monde entier par lintermédiaire de lÉtat français dés les années cinquante La France, la Turquie et lIran étaient censés contenir lavancée soviétique à louest et au sud. La participation iranienne au capital de lusine française denrichissement duranium Eurodif (seul équivalent dans le monde du modèle américain) devait fournir au chah le matériau pour la bombe et un statut de puissance nucléaire pour peser face à lURSS. Malheureusement pour les USA, le chah na pas voulu rester à sa place. Persuadé du destin régional de lIran, il entendait influencer une zone allant du Pakistan à lArabie saoudite, avec les 2/3 des réserves énergétiques du Globe ; cette erreur impardonnable pour les 7 surs (les 7 grandes compagnies pétrolières américaines) devait lui valoir son trône. Et cest ainsi quen 1978 lexécutif américain conseille au chef de larmée iranienne de ne pas intervenir contre la rue en ébullition, alors quau même moment Carter assure le chah du soutien américain
Le chah en exil, les USA finalement perdent toute influence en Iran, avec lépisode des otages, face à des mollahs intraitables. Les Soviétiques, qui interviennent alors chez le voisin afghan, déclenchent le soutien de la CIA aux moudjahidins et à un certain Ben Laden (cf. p. 9, larticle sur la politique afghane des USA). Les intérêts pétroliers et le contrôle de lénergie par tous les moyens, nucléaires si besoin, révèlent la réalité du credo économique libéral, cher à Wall Street : « la main invisible du marché » a pour le moins une action très concrète et intéressée sur les peuples et les gouvernements de la planète. Les attentats du 11 septembre 2001 apparaissent dès lors comme la conséquence vraiment tardive de décennies dune politique du Moyen-Orient, digne dun Dr Folamour. À lest, un Pakistan armé fort judicieusement de la bombe peut faire face à lInde et à la Chine. À louest, Israël sanctuarisé par sa bombe gèle opportunément tout le Proche Orient. Les vingt-trois années de guerre endurées par les populations afghanes ne reflètent que la situation peu enviable dune pétaudière-tampon où lAlliance du Nord semble prête à de nouvelles guerres intestines, entretenues par de puissants voisins via leurs ethnies. Laction autonome des populations semble irrémédiablement vouée à léchec. Les mesures antiterroristes prises dans les pays riches depuis cet automne apparaissent pour ce quelles sont en réalité (cf. article p. 5) car toute contestation de la finalité du capitalisme, la recherche de profit, affronte une répression vigilante. Quatre mois après les affrontements de Göteborg, la police suédoise continue darrêter des manifestants à partir de preuves vidéo. Un contestataire aussi « raisonnable » que Bové est promis à huit mois fermes sous les verrous pour sabotage de cultures transgéniques. Le sommet de Bruxelles, prévu mi-décembre, sannonce dores et déjà comme un festival répressif sans précédent. Pour les capitalistes, le cauchemar serait de voir converger ensemble les préoccupations des mouvances anti-globalisation présentes à Gênes et les nombreux conflits sociaux qui éclatent actuellement, sans souci dunion sacrée face au danger terroriste Mais Bruxelles ne devrait pas voir une réédition de la convergence qui sétait déroulée à Seattle. Les confédérations syndicales veilleront au grain... pour quil ne se mélange pas à livraie. Nantes le 25/11/01 |
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UNE GUERRE QUI NEN EST QUÀ SES DÉBUTS |
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La guerre que nous connaissons actuellement na rien à voir avec une simple opération de police. Elle nest quun premier maillon du redéploiement US pour la domination de la planète et, à ce titre, il y a fort à parier, hélas, quelle durera longtemps, avec des théâtres dopérations qui changeront de lieux ou senliseront en Afghanistan, mais qui marqueront les étapes du nouvel élan de mondialisation économique auquel nous assistons.
Pour les beaux yeux des Afghanes Lançant une nouvelle campagne de justification de la guerre, un porte-parole de la Maison-Blanche déclarait le 17 novembre que les « femmes afghanes avaient la liberté, les talibans la leur ont enlevée ». Comme pour enfoncer le clou, Laura Bush ajoutait, quelques minutes plus tard, que « le combat contre le terrorisme est aussi un combat pour le droit et la dignité des femmes » et que « seuls les talibans ont interdit léducation des femmes...». Cela faisait un moment déjà, surtout en France, que la dénonciation du régime taliban était essentiellement axée sur la situation des femmes. Mourir pour les industriels Il faut plus que se méfier des visions policières qui expliquent lHistoire par le machiavélisme de quelques-uns, la duplicité de quelques autres et la crédulité de tous. Une vision que certains adoptent en faisant leur la thèse selon laquelle les États-Unis auraient commandité lattentat du 11 septembre pour mieux reprendre une situation qui risquait de leur échapper. Ce genre dexplication ne sert en général à rien, car elle est le plus souvent indémontrable, et fait une part trop belle aux hautes intelligences qui font lHistoire et qui, finalement noffrent comme possibilité aux grandes masses, à la base, que dêtre manipulées. Cela dit, il est probablement vrai quil y eut, au sein de ladministration américaine, des faucons qui ne voyaient de solutions que dans la politique du pire. Et il est tout aussi vrai que, faisant contre mauvaise fortune bon cur, les États-Unis tentent de tirer le maximum davantages de cette situation. Pour eux, la guerre présente deux catégories dintérêts. Lune, extérieure, concerne directement la perpétuation de la domination US sur la planète. Lautre, plus intérieure, permettra de ressouder un consensus national et occidental légèrement fissuré ces derniers temps, et de mettre sur pied des mesures totalitaires et répressives qui seraient difficilement passées avant le 11 septembre, et dont le but ultime sera la criminalisation de toute tentative sérieuse de remise en cause de lordre capitaliste mondial. Objectifs extérieurs : contrôler les flux de gaz et de pétrole dAsie centrale, et installer des bases militaires dans cette région jadis sous la coupe soviétique. On aura remarqué que les chemins permettant dexporter les énormes réserves dAsie centrale passent, vers louest, par la Tchétchénie, la Géorgie, le Kurdistan, mais aussi par la Yougoslavie et la Macédoine, qui sont autant de lieux de guerre et dingérence américaine au cours de ces dernières années. Quant aux routes de lEst, celles qui approvisionneront la Chine et le Japon, elles passent par le Xingjiang, où les USA soutiennent les milices islamistes ouïgours contre la Chine. La République pétrolière Sil est une tradition bien établie au sein de ladministration US, cest linfluence pesante et constante quy exerce lindustrie pétrolière. Depuis la Seconde Guerre mondiale, seuls deux ministres des Affaires étrangères nen furent pas issus... dont lactuel, Colin Powell. Une exception purement formelle, puisque dans ladministration W. Bush, jamais les pétroliers ne furent aussi présents et puissants. À commencer par le Président lui-même, issu de lune des grandes familles pétrolières du Texas, et qui fit son beurre dans le développement de sociétés de services à ce secteur. Le véritable chef de ladministration US, Dick Cheney, ensuite, qui fut, avant de devenir vice-président, à la tête de lune des 400 plus importantes multinationales au monde, Halliburton, spécialisée, elle aussi, dans le service aux compagnies pétrolières ; un Dick Cheney qui nhésitait alors pas à soutenir les dictatures nigériane et birmane pour le plus grand bien des profits de sa société. Condoleeza Rice, encore : directrice du Conseil national de sécurité Quelles oppositions possibles ? Seules deux forces semblent en mesure de sopposer à cette guerre et à celles qui vont suivre : les révoltes dans les pays dits du tiers monde et les mouvements autoproclamés « anti-mondialisation ». Pour les premières, nous assistons à un lent réveil de leur caractère progressiste, en particulier en Amérique latine, mais tout peut très vite saccélérer tant la révolte contre lordre mondial couve dans les pays pauvres. Quant aux mouvements antimondialisation qui indiquent, dans les pays développés, une faille dans le consensus tant loué par les idéologues modernistes, il leur faudra, pour jouer un rôle quelconque, se débarrasser de lhégémonie des forces qui, en leur sein, ont comme objectif de convaincre les décideurs, au lieu de sorienter vers laffirmation dun mouvement autonome. La question centrale sera alors : faut-il participer au système et le changer de lintérieur ou bien sy opposer frontalement ? Cest de la réponse à cette question que dépendra la capacité de lune comme de lautre à résister à lénorme machine de criminalisation qui va se mettre en marche contre les mouvements de révolte, armés ou non, qui naîtront dans les pays pauvres, et contre la radicalisation qui émerge dans les pays développés. JPD Notes |
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UN MOIS DE GRÈVE CHEZ MCDONALDS |
Depuis plus dun mois, les salarié-e-s dun McDo parisien sont en grève contre des licenciements. Les grèves dans ce secteur symbole de la précarité sont très rares. Celle-ci mérite donc dautant plus dêtre relatée quelle sest installée dans la durée, que les directions syndicales la soutiennent du bout des pieds (comme dhab), que les contacts avec dautres boites et les initiatives de solidarité se multiplient.
Quand la résistance à la macdomination part de lintérieur Depuis le 24 octobre dernier, les salariés du McDo de Strasbourg Saint-Denis à Paris sont en grève illimitée pour obtenir la réintégration de cinq de leurs collègues licenciés pour fait syndical : deux étaient syndiqués, dont lun avait fait lobjet dune tentative de licenciement en septembre, les trois autres devaient se présenter aux élections de délégués du personnel prévues quinze jours plus tard. Pour donner sans doute plus de poids à cette décision, la direction les accuse (comme par hasard tous les cinq !) de malversations pour un montant dun million de francs (!). Cette grève est menée par lensemble des salarié-e-s, des managers/euses aux équipier-e-s en passant par les échelons intermédiaires ce qui fait que certain-e-s refusent de soutenir cette lutte arguant quils/elles ne défendent pas les mêmes intérêts. Initiatives de solidarité Petit à petit des militant-e-s sont intervenu-e-s, souvent à titre individuel, pour les aider à organiser la solidarité (financière, logistique...) et linformation sur la lutte. Le collectif de solidarité avec les salarié-e-s de McDo en lutte qui sest constitué le 14 novembre et les grévistes multiplient les rassemblements, les blocages de McDo et les discussions avec les client-e-s et les salarié-e-s des autres McDo. Gile, le 25 novembre avec le Collectif de solidarité Contacts Pour en savoir plus sur la macdomination à travers tous ses aspects, cf. CA n°82, octobre 1998 |
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