Sécurité, nom féminin du latin securus = sûr. Il y a la sécurité nationale, la sécurité sociale, la sécurité militaire, les forces de sécurité, la sécurité publique, la sécurité routière, la sécurité de lemploi mais aussi les chaussures de sécurité, la ceinture de sécurité, le conseil de sécurité, etc. Ce terme quon rencontre de plus en plus dans le discours des politiciens, des journalistes, des spécialistes en tout genre, nest pas uniquement un gadget ou un prétexte quon sort de temps en temps pour faire passer des lois ou des décrets mais cest aussi un concept réel de base de cette société. Lidée de sécurité est une arme détat qui recouvre un arsenal de dispositifs répressifs pour imposer à lensemble de la société une conduite homogène, unique : la soumission totale et sans équivoque et cela tout en préparant les personnes à un état psychique de sentiment dinsécurité afin de leur faire accepter ensuite tout et nimporte quoi...
Le discours sur la sécurité qui est porté originellement par létat (les politiciens, les médias, les intellectuels...) est parfois assimilé par les forces sociales en lutte contre cette société, mais vu sur lautre face. La sécurité pour le citoyen X, cest de pouvoir vivre sans crainte, travailler sans être licencié, marcher dans la rue sans respirer de gaz toxique, se nourrir sans sempoisonner, de prendre lavion sans quil explose... mais aussi de ne pas être sans papiers, sans logement, sans soins, sans argent, sans perpective davenir pour les jeunes et les vieux, et de ne pas se faire interpeller, fouiller, arrêter, insulter, humilier. Il y a deux sortes de sécurité en réalité, la leur et celle de tout le monde ; pour nous la seule qui compte est celle de ne pas être exploité-es, aliéné-es. Les outils sécuritaires du capitalisme comme larmée, la police, le contrôle social, les manipulations et brevetages OGM, le nucléaire, le complexe militaro-industriel et chimique, etc. sont des dangers mortels que nous dénonçons dans nos luttes quotidiennes.
La sécurité de lemploi implique un état fort capable de réglementer le capitalisme et de le gérer dune manière rationnelle, la sécurité sociale légitime un rôle protecteur, la sécurité nationale elle, implique une armée efficace et puissante mais a besoin aussi dun agent dinsécurité (un ennemi quelconque), la sécurité industrielle implique des mesures et des lois qui viennent de létat, etc. En fin de compte on a limpression que le rôle de létat se réduit à créer des conditions de sécurité pour que le capitalisme fonctionne sans que les gens aient ce sentiment dinsécurité. Cest un paradoxe !
La peur, conduite irrationnelle par essence, est le moyen le plus simple et le plus efficace du contrôle social. Tous les systèmes politiques lont utilisé tout au long de lhistoire car la peur se propage facilement surtout à une époque où létat dispose de moyens de communication à léchelle planétaire. Nous savons bien que la peur est toujours une arme que létat utilise pour contrôler les citoyens, elle pourrait être mauvaise conseillère mais lendoctrinement social permet de lui laisser jouer le rôle dépée de Damoclès et non de levier de la rébellion. A Toulouse, et ailleurs, la révolution contre le pouvoir pétro-militaro-chimique naura pas lieu, et les mesures de sécurité de vigipirate ne concernent pas les industriels en cause.
La question à poser pour les libertaires est la suivante : est-ce que nous devons tenir le même discours sécuritaire par rapport à la sale bouffe, aux risques industriels et nucléaires, à la mondialisation, etc. ? Létat nest pas dupe et perçoit bien que ces luttes sont porteuses de revendications de classes, alors il en détourne le sens en répondant sur le plan de la sécurité ; il rassure, propose de réguler les excès en considérant la peur comme cause principale des mouvements sociaux, tout en affirmant malgré tout que le risque zéro nexiste pas.
Linsécurité se place sur le registre de la crainte de perdre quelque chose, des plus maigres avoirs aux plus riches possessions. Il y a toujours quelque chose à défendre soit individuellement (maison, voiture, TV...), soit collectivement (le pays, la patrie), soit internationalement (la démocratie, les droits de lhomme). Et pour cela on y laisse lessentiel : la liberté. Cest un terme galvaudé, certes, par Bush & Cie, par exemple, qui jure son grand dieu den être le seul garant ! Alors comment défendre cette idée de liberté si ce nest en y associant des notions de classe, dautonomie, dindépendance, dinsoumission afin de gérer sa vie sans autres contraintes que les siennes propres, imaginant le possible dune société communiste libertaire.
LEtat français na pas attendu le 11 septembre pour développer un dispositif de restriction des libertés, mais il profite de ce nouvel alibi pour renforcer létat actuel de la répression, adoptant une politique consensuelle offensive. Si ces offensives existent cest bien parce que le système capitaliste en a besoin, cest aussi parce quil a peur, comme toujours, de la montée des luttes ayant un contenu de classes et quil sent émerger tout un renouveau de la lutte anticapitaliste. (Courant Alternatif n°114, page 7, décembre 2001).
Nous navons pas dautres réponses que de continuer à lutter en utilisant laction directe, la dissidence, à poursuivre notre réflexion et augmenter notre audience afin dattaquer ce système capitaliste par tous les bouts. Nous devons continuer à mettre en avant la solidarité en identifiant toujours notre ennemi de classe.
Figeac, le 26/12/01 |
Les 14 et 15 décembre, lUnion Européenne réunissait ses 15 gouvernements au château de Laeken. Le mouvement antiglobalisation avait choisi de converger sur Bruxelles pour réaffirmer ses objectifs, après le violent sommet du G8 lété dernier à Gênes.
Quels enjeux immediats
Bien sûr la contestation de ce sommet permettait dévaluer le poids du mouvement antiglobalisation : stagnation, déclin ou développement, quelles capacités dautonomie et de critique, après la violente répression dont les manifestations de Gênes avaient fait lobjet, mais aussi après le 11 septembre, la propagande pro-américaine et la guerre en Afghanistan ? Le développement et la radicalisation notable des conflits sociaux au cours de lautomne, accompagnant la stagnation-récession de léconomie, pouvaient éventuellement rencontrer les préoccupations antiglobalisation. La question de la répression, après les mesures liberticides adoptées par la plupart des gouvernements européens dans la «guerre contre le terrorisme», était aussi posée.
Un sommet de lUE nest pas un sommet du G8, il nattire pas les mêmes collectifs. Aussi Bruxelles 2001 a drainé le même nombre de contestataires que Göteborg ( précédent rendez-vous UE en juin ) et plus que Nice (décembre 2000), dans un pays peu enclin aux passions politiques, où la gestion des tensions sapparente souvent à un «compromis à la belge», selon lexpression locale...
LE JEUDI
Comme à Nice, les états-majors ont pris soin doffrir le moins de rencontres possibles entre les différents protestataires. La manif des syndicats européens (CES) était fixée en milieu de semaine le jeudi 13 décembre avec un chiffre de 80 000 prévu, des quotas de participation respective de chaque syndicat débattus à lavance par les directions et un parcours respectueux des zones rouges, pour permettre aux salariés bénéficiant de préavis de grève dun jour et de bus affrêtés par les syndicats de faire laller-retour dans la journée encadrés par leurs services dordre. Il y eut effectivement 80000 personnes... Il faut savoir que les salariés belges sont syndiqués à 80 % dans des centrales encore moins combatives que dans lHexagone (taux français de syndicalisation : 8%). Les bureaucrates syndicaux ne veulent surtout pas revoir se mélanger leurs troupes et la frange contestataire, comme lors de sommets comme Seattle ou dautres, qui avaient vu débats spontanés et fraternisation
LE VENDREDI
Le vendredi 14 décembre premier jour du sommet le cartel D14 regroupant des ONGs, certains syndicats de la veille comme SUD et diverses associations ou groupes politiques, rassemblait environ 25 000 personnes. Si ATTAC, en tête de manif ne représentait que 3 à 400 manifestants (certes très visibles avec leurs fanions affichant un pourcentage pour revendiquer des taxes), la surprise venait du cortège libertaire, très international, qui incarnait un peu lunité dans laction. Coincé entre celui du PTB (Parti des Travailleurs Belges (1)) et des trotskystes anglais, le cortège libertaire regroupait près de 4000 personnes, jeunes, encagoulés ou non, portant drapeaux noirs, A cerclés ou diverses pancartes artistiques. En tête venaient quelques 200 militants organisés, regroupés derrière leurs banderoles respectives dorganisations.
Le petit cortège de la Marche Internationale des Résistances Sociales, censée être la première étape dune mobilisation qui se concluera en juin à Seville, laissait dubitatif ; en tout et pour tout, la cinquantaine de personnes badgés avec les sigles des organisations de chômeurs (AC !, APEIS, MNCP, etc.) ou dorganisations syndicales (SUD) semble indiquer que cette initiative na pas beaucoup décho à la base et regroupe surtout pour le moment permanents et syndicalistes... Les luttes sociales nétaient représentées que par 200 membres de la SABENA (société aérienne de Belgique), en cours de restructuration. Les sans-papiers de Bruxelles étaient malheureusement très discrets dans le cortège.
Le parcours de la manifestation D14, autorisée, était là encore sans surprise, évitant soigneusement les concentrations policières, les zones rouges et les objectifs potentiels. On était loin des buts affirmés sur les programmes de D14 : «
Cordon sanitaire autour de Laeken / journée dactions ; que notre voix retentisse sur Laeken
», qui sous-entendaient clairement une volonté dencercler, sinon de bloquer le château de Laeken, lieu du sommet. Au contraire, des «modérateurs» en ciré jaune étaient très présents et intervenaient à la moindre vélléité de mouvement. Quelques rares vitrines de banques furent étoilées, deux Mercedes et un commissariat désaffecté un peu chahutés. Mais alors que la manifestation rentrait lentement sur les lieux du meeting final (le centre de convergence Tours et taxis), ou se défaisait tranquillement vers le centre, les flics et un canon à eau bouclaient le quartier en provoquant quelques échauffourées, forçant alors les personnes qui souhaitaient sen aller à se faire fouiller et même filmer. Des «équipes légales», mises en place pour surveiller les débordements de la police, furent notamment arrêtées. On peut se demander pourquoi une telle manuvre en fin de manifestation, à part le fait de vouloir signifier très clairement aux manifestants que le parcours autorisé étant terminé la police ferait comme bon lui semble, quitte à bafouer la liberté de circulation dans la rue. Cette tactique policière résulte probablement de décisions arrêtées lors du sommet de La Haye, début octobre, entre les différents ministres de lintérieur de pays qui avaient connu de tels sommets, afin de se «coordonner» pour autoriser les manifestations «démocratiques» mais empêcher toute autre action qui se grefferait ensuite. Les arrestations à Bruxelles ont eu lieu en fin de manifestation, mais aussi dans le métro, la rue, aux frontières, dans les gares, les squatts ouverts pour héberger les gens extérieurs
Cette «guerre» de basse intensité pour expulser ou mettre les manifestants en position défensive permanente ira probablement en se précisant, avant et après les prochains rendez-vous, puisque Bruxelles sera le siège des sommets européens, deux fois par an à partir de 2004.
LE SAMEDI
Le samedi 15 décembre, trois appels se recoupaient. En début daprès-midi, la manifestation anarchiste (annoncée depuis cet été au nom dune coordination européenne anarchiste, un peu floue au niveau des signataires) rassemblait de nouveau prés de 4000 personnes de nationalités diverses, démontrant sans ambages la réalité dune composante libertaire conséquente, essentiellement hors organisation. Au même moment, le cartel D14 emmené par les stals du PTB appelait à une manifestation pour la paix denviron 2000 personnes à laquelle la CNT française, la SAC suédoise, la CGT espagnole se ralliaient
Les deux cortèges appelaient à se joindre finalement en fin daprès-midi à une street party, organisée sur le modèle des anglais de Reclaim the streets à linitiative du collectif Bruxxel (nous en reparlerons plus bas). Il faut noter que la manif anar, dont le parcours avait été déposé et autorisé, devait être plus grosse que ne lavaient prévue les flics, puisquils firent tout pour ne laisser aucun groupe divaguer en centre ville et pour canaliser la totalité des manifestants jusquau démarrage de la street party ! !
Cette fameuse party, même si elle fut très conviviale, fut tout à fait discrète, sillonnant des petites rues autour de la gare du midi pour finalement être bloquée une heure et demie de toutes parts par les barrages de flics anti-émeute. Finalement, après négociations, elle sacheva sur une place sans casse, au son de la techno !
Bruxxel
Ce collectif dindividus déjà impliqués dans des mouvements (soutien aux Sans-papiers, collectif sans ticket) voulait dénoncer la régression sociale et politique à laquelle conduit à tous les niveaux la politique de lUE. Pour rompre avec une certaine ritualisation de la contestation des sommets, Bruxxel voulait inscrire ses pratiques dans la durée avant et après ; en particulier en occupant dés le 13 octobre une vieille gare désaffectée située devant le Parlement européen et menacée de destruction par la politique de rénovation des quartiers populaires pour loger les eurocrates. Pour favoriser lémergence de pratiques critiques (entre autres comme des émissions de radio sur la globalisation, diffusées pendant trois jours sur 4 fréquences), cette gare sest transformée en espace dinformations et de convergence autonome. Le choix dune street party le 15 voulait rompre avec une pratique militante classique, et en tournant le dos au château de Laeken se balader dans les quartiers populaires pour rencontrer les habitants
Bruxxel mettait laccent sur le fait de manifester sans autorisation, sans susciter laffrontement pour «affirmer un lieu de puissance politique et créatrice, libre de spéculation, de marchandisation, de répression
». «Rendre visible les invisibles», en référence aux zapatistes ( ?), Bruxxel voulait mettre laccent sur tous les aspects de la vie qui sont négligés ou niés par le système capitaliste, son utilitarisme et sa fonctionalité totalitaires.
Un bilan provisoire
Ce ne fut pas Waterloo, mais ce ne fut pas Prague, Québec ou Gênes pour la force et la détermination des cortèges à affronter les symboles et les forces du capital. Si ce sommet annonce les futures rencontres de lUE à partir de 2004, la formule mérite dêtre repensée.
Déjà, le saucissonage des différentes manifs (syndicats, ONGs, radicaux, street party) empêche que toutes les forces se retrouvent réunies, si ça peut être utile à un moment donné, limitant limpact de chacune et facilitant le contrôle policier.
Les médias, qui ont probablement eu la consigne de ne pas battre le rappel autour du sommet, ont donné un poids démesuré à une structure comme Attac, qui à quelques centaines de participants se retrouve en leader dun cartel comme D14, sur une position néo social-démocrate de demande dintervention étatique.
Un pôle anticapitaliste et antiautoritaire (un certain nombre de plateformes politiques existent déjà et peuvent resservir avec des adaptations), sans définition idéologique « anarchiste » étroite était possible. Il aurait permis de sémanciper des staliniens du PTB comme des réformistes dATTAC, pour exister politiquement en trouvant une articulation souple entre les différentes composantes (pour que chacune puisse mener ses actions privilégiées si elles le souhaitaient). Un tel pôle aurait également permis de structurer un conseil quotidien des déléguéEs de groupes (affinitaires ou politiques) pour gérer la logistique, moduler les initiatives de chaque journée selon la situation et les rapports de force. Nous étions collectivement totalement désarmés et désorganisés en cas de matraquage systématique qui aurait pu survenir à plusieurs moments. La leçon de Gênes na pas porté. Sans tomber dans un pacifisme bêlant ni dans un militarisme obsessionnel, un tel conseil de déléguéEs permettrait, peut-être, délaborer une intelligence collective du mouvement. Espérons quun futur sommet permettra une telle initiative.
Gérald le 22/12/01
Note
(1) Parti maoïste stalinien, possédant parc immobilier, maisons médicales, salariés, etc, et une pratique marxiste-léniniste de noyautage systématique des collectifs, dont D14 et Indymédia-Belgique auraient fait les frais. |
Toulouse, trois mois après lexplosion, a ouvert ses magasins le dimanche et encombré les rues de guirlandes et illuminations de circonstance, cest-à-dire que le monde des affaires ne sest pas arrêté de tourner le 21 septembre 2001 suite à une explosion chimique accidentelle. Il y a donc 90 jours que le nitrate dammonium stocké sur le site chimique de lONIA (usine AZF) a explosé creusant un immense cratère et pulvérisant toutes les structures du site en projetant dinnombrables et mortels morceaux de ferraille sur un périmètre urbain à forte densité de population.
Le bilan est de trente morts, près de 3000 personnes blessées mais aussi, et là le nombre nest pas connu, de nombreuses victimes soit paralysées à vie, aveugles, handicapées ou encore dans un état clinique critique. Des chiffres sont publiés chaque jour dans la presse, sur les dégâts matériels ou sur lincidence de cette catastrophe sur les emplois directement ou indirectement concernés par la cessation dactivité du site chimique de cette zone Sud de Toulouse. Concernant les logements le 4 décembre 2001, les syndics dimmeubles en copropriété annoncent 615 immeubles sinistrés soit 9800 logements avec une estimation des dégâts de 145 MF. Mais on ne sait toujours pas pourquoi il y a eu explosion : le nitrate dammonium pas plus que la poudre à canon nexplose seul, cest un comburant qui ne peut senflammer quau contact dun combustible. Les patrons de lusine et les experts et les observateurs et les parlementaires et les assureurs et les politiques se penchent sur le problème mais ne tombent pas dans la cuve dammonium ! En attendant si vous passez dans le coin, vous y verrez le même spectacle de désolation que dans les jours qui ont suivi lexplosion, lactivité de nettoyage du site semble se faire à la petite cuillère, aucune entreprise denvergure nest à luvre pour au plus vite dégager le lieu des gravats et des produits encore visibles en plein air. Du côté des immeubles, lycées et magasins jouxtant le site, cest pareil on observe des toits éventrés, des structures métalliques tordues et des fenêtres colmatées avec du contre-plaqué, seules ont disparu les compagnies de CRS déployées dans lurgence et qui pendant plus dun mois ont stationné aux abords de lusine.
La situation des sinistrés
Une majorité des sinistrés sont toujours dans lattente de mise en uvre des travaux de réfection des fenêtres ou des toitures pour le plus important et les démarches de constitution des dossiers ne facilitent pas une résolution rapide. Dabord il y a la diversification des institutions en charge de laide aux sinistrés et celles-ci reconnaissent que quelques dossiers ont pu ségarer entre les services de la mairie, du conseil général, des offices de logements publics et des diverses associations accréditées ! Des aides durgence ont été décrétées mais le paiement de ces sommes se fait au petit bonheur la chance et dans un même quartier, une même rue, un même immeuble des habitants ont touché une aide de 1000 à 2000frs. et leur voisin nont rien reçu. Le conseil général a eu a traité 36700 dossiers, seuls 15600 lont été et près de 900 réclamations ont été déposées par les personnes lésées. Pour tout arranger ladministration se défausse sur un nouveau dispositif CASU-CORAFIN qui va gérer les dossiers dans les centres médicaux sociaux, ce qui fait quen route il va bien sen perdre dautres. Les habitants ont du souci à se faire, ils sorganisent en Comité des Sans Fenêtres, en comité de sinistrés de quartier, etc., ils se regroupent pour poser leur réclamation mais les pouvoirs publics sont trop occupés à se renvoyer les responsabilités sous ambiance politique locale : mairie de droite et conseil général, conseil régional tenus par le P.S. (deux ténors pour ces derniers P. Izard et M.Malvy qui ne saiment pas !). Quont-ils fait pour linstant, ils ont su prévenir toute action collective en nous submergeant de démarches individuelles. [... ] nous faire patienter avec une armée de psychologues, conseillers divers et variés qui ont réussi à nous faire croire quon était tous des cas individuels. (JF Grelier pour le Comité des Résidents de la cité du Parc). Les assurances jouent elles leur petit jeu habituel et il est difficile darriver à lacceptation dun devis par lassurance du locataire et/ou celle du propriétaire, lexpert pour Total/Elf/ Fina et lentrepreneur lui-même, nous ne parlons pas de lavis de la personne concernée qui là compte pour rien. 145MF dindemnisation estimés, cette somme peut bien attendre encore dans de bons placements au lieu dêtre trop vite dépensée ! Donc seuls 15 rapports dexpertise à la date du 5/12/01 étaient bouclés pour les quelques 600 immeubles cités plus haut.
Mais largent afflue !
La solidarité est une valeur qui monte en ces temps de fêtes et les initiatives sont nombreuses pour récolter de largent afin daider les personnes mis en danger par lexplosion. Dans nombre de petits villages, dans des associations du fin fond de la France, des concerts, des lotos, des fêtes sont organisées pour recueillir des fonds. Cet élan de générosité est sincère et a déjà fonctionné lors des inondations du Sud-Est et de la Somme. Il nest pas trop impertinent de sinterroger sur lutilisation de cet argent. Les destinations sont connues, les gestionnaires de ces dons sont la mairie de Toulouse, la Fondation de France, le Secours Catholique, le Secours Populaire, Emmaüs, et dautres respectables associations reconnues dutilité publique et sociale. Une auditrice sexprimant sur les ondes de Radio MToulouse (la radio mise en place par Radio France pour la circonstance) suggère quen ces temps dinformatisation il aurait pu être possible de regrouper tous ces dons sur un seul compte et avoir ainsi une réelle transparence des destinations. Mais pour linstant ce sont des multiples comptes et linterrogation semble posée malgré tout car on peut lire dans le journal locale des communiqués divers dexplication sur la gestion de ces sommes. La Fondation de France le 4/12/01 parle de transparence et de rigueur et détaille la distribution de quelques 25 MF récoltés, avouant 8 à 12 % de frais de structure, expliquant que sept personnes travaillent à plein temps sur létude des dossiers de demandes (environ 600). Actuellement ce sont 8 MF qui ont été répartis ; 5MF à des particuliers, 1,7MF à des associations, 1,3MF à des entreprises. La mairie de Toulouse pour sa part déclare le 28/11/01 avoir reçu 30MF de dons provenant pour 1/3 de toulousains et 2/3 de lextérieur de la région. Elle aurait déjà dépensé près de 57MF pour des aides durgence (20MF), des préfabriqués (10MF), le CCAS (10MF), les mobil-homes (8,5MF), le gardiennage des équipements municipaux (3,8MF), le centre dhébergement (2MF), les transports des enfants vers des écoles délocalisées (1,2MF), des tickets de bus/métro et lhébergement des secouristes. Parfois ces dons sont une aubaine pour les associations dinsertion et de paix sociale des quartiers qui en plus dêtre dits difficiles deviennent aujourdhui sinistrés, des subventions tombent pour la réalisation dun journal sur le quartier dEmpalot qui traitera dans son prochain numéro de lenfance et qui dans le premier numéro naborde pas la question du débat sur la réouverture du pôle chimique car dit son animateur/responsable on fait de la proximité et comme on la vu AZF cest loin ! Il y a aussi de nombreuses initiatives culturelles, des places de cinéma offertes, des spectacles dans les quartiers, des sorties comme la visite du zoo de Sigean près de Narbonne pour les enfants et les mamans, et laide au collectif Plus jamais ça, ni ici, ni ailleurs pour installer une grande tente sur le capitole où 700 000frs ont été débloqué. Largent sert bien à gérer les conséquences de la catastrophe, cest à ne pas en douter.
Et les politiques sengagent et... se désengagent !
Au conseil municipal du 25 septembre 2001, le maire Douste-Blazy déclare : La zone chimique na plus sa place aux portes de Toulouse. et François Simon, le candidat perdant du PS, surenchérit : il faut fermer le site.. Le 26 septembre dans un communiqué, Les Verts demandent la fermeture des trois usines du complexe chimique Sud.. Un mois plus tard, le 28/11/01, on note une certaine évolution ainsi pour M. Malvy (PS, Pdt du conseil régional) on peut rouvrir le site, à condition expresse que la complète maîtrise du risque soit démontrée. et pour G.Onesta (député européen des Verts) une reconversion en activité sans risque ou un déménagement sont les seules alternatives., P. Izard (PS, Pdt du conseil général) nest pas de reste mais plus subtilement en affirmant que les activités à haut risque du pôle chimique de Toulouse doivent être définitivement arrêtées et éloignées de nos quartiers à forte densité de population. auquel répond le syndicat CGT il sagit de maîtriser le risque plutôt que de délocaliser. Durant tout ce temps le collectif Plus jamais ça, ni ici, ni ailleurs campe sur sa position : plus de pôle chimique au cur de la ville ! Le débat lancé pour démocratiquement sexprimer sur lavenir du pôle chimique servira en fait de tribune aux syndicats qui ne parlent que demplois à préserver et aux industriels qui parlent du poids économique. Les revendications des divers comités et associations concernent essentiellement lindemnisation et la réparation au plus vite des dégâts, la mise en place et le respect dune réglementation de sécurité pour la ville et les manifestations qui se multiplient nont plus lampleur du début et nabordent pas prioritairement la dimension politique du développement de ces industries mortelles.
La décision de Jospin
Cest alors que le 22 décembre L. Jospin arrive avec la bonne parole, car elle doit lêtre puisquil réussit à faire lunanimité ou presque, par une déclaration courageuse de ne pas lever linterdiction de reprise des activités dAZF, site dévasté et démoli à près de 100%. Ainsi le haut responsable politique a tranché : fermeture de ce qui est détruit ! Cest une attitude consensuelle qui dit tout et son contraire cest-à-dire fermeture de rien et maintien du pôle chimique, et surtout qui ne remet pas en cause la dangerosité du phosgène produit par la SNPE (usine de poudres et explosifs) seul son stockage doit être réglementé, ninterroge pas sur la nécessité de produire des substances qui sont dangereuses dès leur fabrication mais aussi lors de lutilisation (engrais), mais malgré tout les termes de danger et de sécurité sont utilisés plusieurs fois, comme quoi je vous ai entendu ! Les réactions partagées seront dordre politique, tout le camp PS est satisfait : M. Malvy ne met pas en doute lengagement du premier ministre (à quoi faire ?) et parle dun retour nécessaire et définitif à la tranquillité comme au meilleur emploi [...] et dassurer la transparence de la maîtrise du risque industriel. P. Izard parle de mesures sages, cest une décision acceptable pour le président du conseil économique et social, même le directeur délégué de TotalFinaElf pense que ces déclarations vont dans le sens de celles de Th. Desmarest..., quant à F. Junca (pdt de la chambre de commerce et dindustrie) il prend acte que le gouvernement juge impensable la reprise des activités dAZF. puis au sujet de la SNPE, nous constatons avec plaisir que les propos du premier ministre rejoignent les recommandations... de lensemble des milieux économiques. Les opposants se font rares : le collectif Plus jamais ça, ni ici, ni ailleurs par la voix de JP Bataille se dit pour le moins dubitatif... la question essentielle du phosgène nest pas réglée et pour les Motivé-es, I. Rivière sinquiète des risques induits par la production du phosgène et déclare cest faire injure aux sinistrés... cest intolérable, certains proposent un moratoire intelligent comme H. Farreny (ex ami du PS, ex des Amis de la Terre, ex militant écolo...), il dénonce lopportunisme par rapport au lobby militaro-industriel. Le maire de la ville, Douste-Blazy, en voyage en Inde pour vendre des Airbus, constate que la position de Jospin est en accord avec la sienne, cest-à-dire la seconde où il rectifie en citant uniquement les activités dangereuses et il demande de largent à létat pour reconstruire la ville.
Que reste-t-il du choc subi par les toulousains ?
Si comme le prétend Marc Atteïa, (Amis de la Terre) les Toulousains sont sortis dun sommeil hypnotique et découvrent quon leur a menti (...) que pour les industriels laccident est admissible tant quil naffecte pas la rentabilité des entreprises, ils ont largement le temps de se rendormir entre des commissions parlementaires à venir, déventuels moratoires, et pour enluminer leur sommeil de citoyens responsables et assagis ce sont près de 100 000 bougies que la mairie a mis à leur disposition pour que le soir de Noël des milliers de lueurs leur fassent bien prendre des vessies pour des lanternes ! Noublions pas que Douste-Blazy arrive directement de Lourdes et que lodeur des cierges a pu lui manquer dans la ville rose ! Mais plus sérieusement sil y a un espoir de résistance au consensus et à la fatalité, on peut le trouver par exemple dans la solidarité avec les bretons touchés par lErika et laction de démontage des fenêtres du château de Desmarest, également avec les opposants au développement de la ZAC du nord de Toulouse , notamment de la zone de Ginestous, où les habitants de ce quartier sinquiètent du projet de créer un gigantesque déchettopôle avec incinérateur, tri sélectif dordures, stockage de mâchefer, zone de concassage de gravats et extension de la station dépuration la bombe sud a explosé, à quand celle du nord ?. Ce qui est arrivé à Toulouse peut se produire partout ailleurs dans des zones de développement industriel qui, (mais comment sen étonner !) privilégient le profit car cest bien leur raison dêtre dans ce monde du capital. Que demain des mesures de sécurité financées par létat leur permettent de poursuivre leurs activités en diminuant les risques, ils seront preneurs, limportant est bien de faire du profit, cest là lessentiel qui peut alors fournir des emplois, des taxes professionnelles, etc. La sécurité est un leurre pour amuser les lucioles étourdies par le choc de lexplosion. Il ne reste plus quà prier en direct sur France 2 à la messe de minuit pour que le phosgène se fasse oublier jusquaux prochaines élections !
Chantal, OCL, Toulouse |