Courant alternatif no 118 – avril 2002

SOMMAIRE
Edito p. 3
Rubrique Flics et militaires p. 4
Risques industriels p. 5 à 7
Antinucléaire p. 8 et 9
La Caillasse évacuée p. 10
Grèves à répétition dans le royaume de la précarité p. 11 et 12
Nantes : grève des instits p. 13 et 14
Europe des réfugié-e-s p. 15 à 17
Porto Alegre : journées anars p. 18 à 20
Campement international à Strasbourg p. 20 à 22
Brèves p. 22
Femmes en noir p. 23 et 24

ÉDITO
“Créer deux, trois, beaucoup d’Afghanistan” pourrait être la nouvelle devise des Etats-Unis qui accentuent la mondialisation de la répression aveugle et systématique. “La tolérance zéro”, théorie fumeuse et liberticide, essayée et approuvée aux dépens de tous ceux qui n’incarnent pas “l’american way of life” n’a pas été stoppée aux frontières (contrairement au nuage de Tchernobyl). Depuis le génocide des nations amérindiennes, la liquidation de toute personne ou catégorie sociale ne répondant pas aux critères d’américanisme est systématique au pays de la liberté… immuable. Ici on vide les usines et les rues, ailleurs on bombarde, on envahit, les prisons se remplissent, le tout dans la même finalité : assurer la pérennité du système. Le qualificatif de délinquant, selon les critères des maîtres du monde auto-proclamés s’applique maintenant aux Etats qui ne leur sont pas inféodés. Ce n’est évidemment pas une nouveauté mais depuis le 11 septembre 2002, l’Etat américain a les coudées franches pour passer à l’étape supérieure dans sa “croisade contre le mal” avec l’approbation, voire le soutien de tous les pays occidentaux. Après le saccage de l’Afghanistan, la machine de guerre semble s’orienter vers d’autres cibles : la Colombie, l’Irak, l’Iran, la Somalie, l’Erythrée, la Corée du nord, la Chine… sans parler der la Palestine réprimée par l’intermédiaire d’Israël.

Quant aux lois sécuritaires déjà appliquées depuis longtemps aux Etats-Unis, il eut été impensable de ne pas profiter de l’occasion offerte par les attentats de les multiplier. Mais le délire sécuritaire consécutif aux attaques du 11 septembre 2002 n’est pas l’apanage des Américains du Nord… Cet événement est arrivé à point nommé pour renforcer vigipirate dans un premier temps et créer de nouvelles lois liberticides. L’état français, jusqu’alors moins perméable à “la tolérance zéro” que la Grande Bretagne, a depuis amélioré son arsenal de mesures iniques avec la loi sur la sécurité quotidienne (L.S.Q). Depuis le début de la compagne électorale fleurissent, comme par enchantement, aux premières pages de “nos” quotidiens comme sur la nauséabonde lucarne, moult faits divers sordides et autres reportages alarmistes sur la “violence dans les banlieues”…A les en croire, l’angoisse ne serait un sentiment éprouvé qu’au contact des “jeunes des cités”, boucs émissaires incontestables et catalyseurs de tous nos fantasmes sécuritaires. Les partisans de “l’impunité zéro” ont beau jeu de focaliser l’attention de ceux qui les écoutent sur le problème de l’insécurité. La violence dans les quartiers, si elle est bien réelle, n’est pas pour autant le seul apanage des jeunes, loin s’en faut. Ce terme d’insécurité utilisé à l’envi par nos personnages n’évoque visiblement pas les mêmes choses selon que l’on serait femme ou homme, issu de l’immigration ou “de souche”, chômeur, ouvrier, cadre, patron ou actionnaire, que l’on habite La Hague, Nogent sur seine, Toulouse, Sarcelles, Levallois ou Paris…

L’insécurité c’est aussi la violence faite aux femmes dans sa globalité que ce soit chez elles, dans la rue ou dans les institutions. L’insécurité c’est aussi la violence policière, contrôles au faciès, humiliations, tabassages, bavures… L’insécurité c’est aussi la violence sur les lieux de travail : brimades de la hiérarchie mais pas seulement d’elle, postes dangereux, non-respect des règles de sécurité par la direction, utilisation systématique des travailleurs précaires ou en situation rendue illégale pour les travaux les plus dangereux (défloquage, manipulation de produits toxiques et irradiants…). Rappelons qu’il y a en France environ 1 500 000 accidents du travail par an, dont 1 300 décés (déclarés). L’insécurité sur les lieux de travail, c’est aussi la répression antisyndicale, sans oublier celle de tous les comportements non conformistes (look, “motivation”, vie privée…). L’insécurité c’est aussi la violence du travail et paradoxalement du non travail : chômage, précarité… L’insécurité c’est de ne savoir ni ce qu’on mange ni ce qu’on respire, insécurité largement financée par l’Etat qui rétribue les expériences OGM, les expériences agricoles, les recherches sur le nucléaire… L’insécurité c’est aussi d’habiter à côté d’AZF ou de toute usine dangereuse, de vivre dans un pays émaillé de centrales nucléaires. L’insécurité enfin, c’est ne pas savoir ni où ni quand va avoir lieu le prochain bombardement militaire.
Les politiciens ont raison, nous vivons bien dans l’insécurité, et c’est d’ailleurs pourquoi leur discours rencontre un écho dans la population. Mais ce qu’ils désignent, ce n’est pas la première des violences que nous subissons, loin s’en faut, et ils portent une lourde responsabilité dans les dangers réels qui nous menacent.

O.C.L. Paris, le 23 mars 2002

RISQUES INDUSTRIELS : ON POND UNE RÉFORMETTE ET ON CONTINUE !
Suite à la catastrophe d’AZF à Toulouse, notre beau ministre de l’environnement Yves Cochet fut chargé d’animer un «débat public sur les risques industriels» lequel débuta à Toulouse le 30 novembre 2001. Après cette «tournée des popotes» dans les pôles industriels de l’hexagone, les ministères ont concocté une petite loi qui devrait «prévenir» les risques technologiques, renforcer les mesures de sécurité et d’intervention en cas d’accidents majeurs, etc. Mais cette loi ne concernera ni les sites nucléaires ni les installations militaires. Pendant que la réformette mijote sur le feu, les pollutions et les dangers se poursuivent. Ainsi, à Lacq, on pourra désormais injecter dans l’ancien gisement de gaz naturel des déchets liquides (chimiques aujourd’hui, peut-être radioactifs demain...)


L’explosion d’AZF : une leçon pédagogique ?

«Personne ne pouvait prévoir cela» : phrase mille fois entendue à Toulouse. Disons que l’on se bouchait les yeux et les narines quant aux pollutions et aux dangers du pôle chimique, mais à part quelques associations écolos (Amis de la Terre, COPRAE...). Ainsi, ces associations s’interrogeaient, en 1984, sur l’efficacité du plan «Orsec_Tox» pondu par le préfet de région (mais quasi-inconnu de la population) et s’opposaient, en 1986, à l’augmentation de la production des dérivés nitrés et du phosphène de Tolochimie (filiale de Rhône-Poulenc agrochimie). De leur côté, les élus, le préfet, le conseil départemental d’hygiène et l’administration (principalement la DRIRE, direction régionale de l’industrie et de la recherche) donnaient leur feu vert au développement du complexe chimique de Toulouse (1).
En 1989, suite à la directive européenne Seveso, était créé un SPPPI (en abrégé S3PI) (secrétariat permanent de prévention des problèmes industriels), assemblée hétérogène, sorte d’observatoire du pôle chimique. Ce S3PI publia les données dont il pouvait disposer – et qui étaient très éloignées de la réalité – et accepta sans critique le PPI (plan particulier d’intervention) du préfet de Haute-Garonne. Ce PPI prévoyait des mesures devant faire face à une fuite de gaz toxique. «On» n’avait pas prévu le cas d’une explosion ! De toute façon le S3PI n’avait presque pas, faute de moyens, diffusé le dépliant du PPI à la population toulousaine.
En novembre 2001, des choses sinistres furent révélées par une étude qui venait de s’achever. Une fuite de phosgène, fabriqué par SNPE-Chimie et utilisé par Tolochimie, serait mortelle dans un rayon de 5,3 km, gravement pathogène dans un rayon de 10 km. Pour l’ammoniac, l’effet mortel s’étendrait aussi jusqu’à dix km. Ce n’est pas tout : des wagons spéciaux de chlore sont amenés à SNPE-Chimie, soit 20 000 tonnes par an. L’éventration d’un seul wagon répandrait la mort sur deux kilomètres, et provoquerait des effets irréversibles sur la santé jusqu’à 4,5 km.
Cette bombe à retardement, officiellement reconnue, entraînera-t-elle la fermeture du pôle chimique ? Le débat public du 30 novembre à Toulouse fut révélateur de la position des uns et des autres. Si les sinistrés (le collectif des «sans fenêtres», le collectif «plus jamais ça»), les collectifs de quartier, les écolos et des lycéens réclamaient la disparition des usines dangereuses, on entendit le discours bien connu du «maintien de l’emploi» et du «maintien de l’économie conférée par la grande industrie chimique à Toulouse» de la part du président du conseil économique et social de la Région et de la part du porte-parole de l’intersyndicale du pôle chimique. Quant aux élus, ils jouèrent bien leur rôle en versant des larmes de crocodile sur le drame...


Directive Seveso, POI, PPI, CLI, etc.

La législation française, concernant les risques technologiques – et aussi les risques naturels -, comprend une batterie de dispositions, la plupart laxistes, beaucoup «bonne conscience», certaines pourtant assez positives, mais, en règle générale, non appliquées ou inefficaces dans les faits.
La directive européenne de 1982, dite Seveso, a été transposée en droit français par une loi de 1987. Les établissements industriels dangereux sont répertoriés «sites Seveso», dénomination qui, en principe, peut mettre en garde les populations. Mais des catégories d’installation échappent à cette appellation : les industries militaires (renfermant des explosifs, des armes chimiques ou des armes nucléaires, «secret défense oblige» !), les sites nucléaires («qui possèdent une réglementation particulière»), les stockages souterrains de gaz, les usines aéronautiques (comme le complexe aérospatial de Toulouse), les gares de triage, les installations portuaires, les barrages...

Un site classé Seveso doit :
1. Faire l’objet d’une «étude des dangers».
2. Posséder un POI (plan d’opération interne)
3. Déterminer dans des «périmètres à effet» un PPI (plan particulier d’intervention), qu’on appelait avant plan Orsec).
4. Etre surveillé par une CLI (commission locale d’intervention) ou par une CLIS (on ajoute le mot surveillance) ou par un SPPPI (comme pour le pôle chimique de Toulouse ; les CLI et les S3PI ayant aussi pour mission d’informer la population en diffusant principalement le PPI.

Ces beaux principes, hélas, ne sont guère concrétisés convenablement pour l’énorme majorité des sites à risque (site Seveso et sites nucléaires). Si le POI existe pour l’intérieur de l’usine, le PPI, à l’extérieur, est nébuleux ou folklorique (on a vu l’exemple de Toulouse). La plupart des sites Seveso n’ont pas encore réalisé leur étude de dangers. Quant aux CLI et aux S3PI, beaucoup de sites Seveso n’en ont pas (exemple, le pôle chimique de Lacq). Les CLI et les S3PI qui existent (2) fonctionnent, le plus souvent, très mal, faute de moyens, faute d’un financement convenable et par suite de leur composition qui confère une écrasante majorité aux promoteurs de l’établissement industriel. Les écolos et les scientifiques indépendants, membres d’une CLI, se retrouvent à jouer un rôle de figurants ou d’alibi démocratique (3). Beaucoup d’entre eux, excédés et désabusés, démissionnent alors de la CLI.
De toute façon, la législation actuelle ne permet pas de remettre en cause un établissement industriel. Pour fermer un site, il faudrait une très lourde procédure exceptionnelle allant jusqu’au Conseil d’Etat, ce qui ne s’est pratiquement jamais vu. Une telle procédure serait-elle engagée pour le pôle chimique de Toulouse ?


Elf, Total, Fina : les “trois soeurs” du pétrole français

Les trois grands trusts pétroliers français, en fusionnant, ont mixé dans un seul cartel leur passé lourdement chargé (surtout pour Elf et Total), leurs diverses filiales (touchant l’industrie chimique, l’agrochimie et l’industrie gazière) et leurs accointances avec le milieu politique, voire le milieu mafieux.
Total a sur la conscience l’accident de sa raffinerie de La Mède, à l’étang de Berre, qui fit, en 1992, six morts parmi les travailleurs. Le procès qui s’est récemment déroulé a reconnu des « négligences » de la part de l’industriel ; mais il s’est traduit par des condamnations avec sursis pour les ingénieurs responsables du «disfonctionnement» de la raffinerie.
Noël 1999, c’est le naufrage de l’Erika, un pétrolier maltais, vétuste, bénéficiant d’un contrôle de complaisance, conduit par un équipage de fortune et transportant, pour Total, du Fioul lourd n°2, le plus polluant des hydrocarbures. Combien de temps encore les sinistrés de la marée noire du Morbihan à la Vendée attendront-ils pour être indemnisés par le cartel pétrolier ?
Elf-Aquitaine, lui, a un passé de société nationalisée avec des heures de gloire à ses débuts : 1951, découverte du gisement de gaz naturel de Lacq et puits de pétrole dans le Sud-Ouest, au lac de Parentis principalement. La société vit en osmose avec le pouvoir politique, le gouvernement nommant les PDG, et un PDG, Chalandon, devenant ministre... Elf-Aquitaine surfe sur le néocolonialisme avec ses gisements de pétrole en Françafrique. Il a à sa botte des chefs d’Etat dociles, parce que bien arrosés, comme Bongo au Gabon. Avec les socialocrates, Elf est devenu une assiette au beurre où tout le monde se sucre, depuis le PDG jusqu’au ministre, en passant par l’aventurier-homme-de-main, par une triste romancière faisant des extra et par la maîtresse du ministre s’intitulant elle-même «putain de la République». Le pétrole et la politique ne sentent pas la rose...


Le monopole gazier de Elf dans le Sud-Ouest

Le gisement de Lacq est une poule aux œufs d’or pour Elf-Aquitaine. Le gaz chargé de soufre engendre sur le site une filière : la production de soufre. Le complexe chimique de Lacq a été pas mal polluant : Elf, en effet, pendant 35 ans, a fait l’économie de dispositifs anti-pollution ! La société va sa tailler un joli monopole gazier dans le Sud-Ouest. Au lieu de vendre directement le gaz de Lacq à GDF (Gaz de France), Elf va le stocker dans une nappe aquifère repérée en Gascogne à l’occasion de recherches pétrolières. La technique est de type shadock : on injecte le méthane dans une voûte de cette nappe dite «des sables de Lussagnet», vers 500 mètres de profondeur ; le gaz prend la place de l’eau, et le tour est joué.
Ainsi, sont réalisés, en 1978, le premier stockage souterrain de gaz et son usine d’injection-soutirage, à Lussagnet, dans l’est des Landes, à la limite du Gers. En suivant cette technique, GDF fera, pour son propre compte, une dizaine d’autres stockages souterrains en France.
En 1980, la France décide d’augmenter ses capacités de stockage, mais avec un méthane d’importation, le gisement de Lacq commençant à s’épuiser. Elf Aquitaine imagine alors de doubler son stockage de Lussagnet par un stockage dans le même aquifère, mais côté gersois.
Le laxisme de la réglementation et la bénédiction de l’administration (le BRGM en l’occurrence : bureau de recherches géologiques et minières) permettent à Elf de réaliser ce stockage, au pas de course, en 1981, sans aucune procédure. En effet, le promoteur n’a pas besoin de se soumettre à une enquête publique pour effectuer des «injections expérimentales» de gaz ; il lui suffit d’un «permis de recherches minières» ! Ainsi sera «expérimentalement» injecté 1,5 milliards de m3 de méthane venant de Lacq dans le nouveau stockage baptisé stockage de l’Izaute (du nom d’un ruisseau : ainsi personne ne sait où il se situe).
Sous la pression d’un comité de défense, une CLI est créé par le conseil général du Gers. Son président, l’élu local, en connivence avec les ingénieurs de Elf, rendra la commission inopérante. Même folklore avec le PPI pondu, en 1986 par le préfet du Gers, plan totalement nébuleux et non divulgué à la population.
Enfin, s’ouvre, en 1988, l’enquête publique pour le «mise en exploitation» du stockage jusqu’à une capacité de 6 milliards de m3. L’étude d’impact, présentée par Elf, réfutera tout risque d’accident, écartera tout risque de pollution de l’eau potable par le gaz naturel (qui pourrait renfermer des impuretés) et n’envisagera aucun scénario-catastrophe. Cette belle assurance sera démentie un an plus tard par un accident survenu dans un autre gros stockage souterrain de gaz, celui de Chémery dans le Loir-et-Cher, où une fuite se produisit à une tête de puits libérant 100 000 m3 de gaz et d’eau à l’heure. Il fallu faire venir un spécialiste américain pour colmater la fuite au bout de deux jours.

On voit ainsi la politique du «tout est pour le mieux» menée cyniquement par Elf-Aquitaine (qui, rappelons-le, avait pour filiale, à Toulouse, Elf-Atochem devenu AZF), politique approuvée par les élus locaux et par l’administration. Pour parachever le tableau, voici ce qui se passe actuellement au pôle de Lacq près de Pau.
Depuis 25 ans, la SOBEGI, une filiale d’Elf injectait «en douce» des déchets liquides dans le gisement naturel de gaz en grande partie vidé, vers 3500 mètres de profondeur. Maintenant, on va passer officiellement à la vitesse supérieure. Le 10 janvier 2002, s’est achevé une enquête publique pour légaliser cette pratique.
Durant l’enquête publique on aura droit à tous les mensonges, les silences et les discours démagogiques habituels. Flou du dossier sur la nature des déchets injectés. oN parlera de «saumures», de «produits organiques très difficiles à biodégrader». La SEPANSO, société de protection de la nature en Aquitaine, avance des précisions (4) : ces déchets correspondent à des produits nitrés, soufrés, chlorés, bromés...
Comme pour le complexe gazier Lussagnet-Izaute, on se veut totalement rassurant. La poche naturelle dans laquelle se font les injections est parfaitement étanche (le BRGM le confirme) et elle est si profonde... Pas de risque donc de remontées dans les couches supérieures (lesquelles renferment des aquifères d’eau potable). Tout le monde (mis à part les sempiternels écolos-empêcheurs-de-polluer-en-rond) applaudit le projet pompeusement baptisé «Crétacé 4000» (5). Les élus des Pyrénées-Atlantiques, ceux de la région aquitaine et la CGT du pôle industriel de Lacq qui écrit : «Nous disposons d’arguments uniques en Europe ( ...) Il ne faut en aucun cas bloquer ces possibilités, car cela (...) condamnerait la vocation chimique et industrielle du bassin».
Ceci sous-entend que le gisement de Lacq peut devenir une superbe poubelle chimique européenne. Pour les industriels c’est une aubaine : le traitement des déchets liquides coûte 500 F le m3, s’en débarrasser dans le «Crétacé 4000» de Lacq reviendrait à 60 F. Et demain pourquoi pas injecter des déchets radioactifs ? Cela serait bien plus simple que de faire des «laboratoires souterrains» comme celui de Bure.
La propagande bat actuellement son plein. Il se tient à Lacq une belle expo intitulée «Lacq Odyssée» avec pour sous-titre : «Chimie-Industrie-Environnement». La publicité affirme que l’expo a été réalisée «sous la direction d’un comité scientifique» comprenant des «responsables d’associations de l’environnement», ce qui est totalement faux.


Une réformette poudre aux yeux

La propagande menée à Lacq pour faire passer un projet industriel polluant et dangereux est bien le signe avant-coureur du contenu de la prochaine loi sur les risques industriels. Ce sera encore une réformette ou, pire, une opération poudre aux yeux destinée à faire oublier les catastrophes et les accidents technologiques survenus ces dernières années. Le public, au lieu d’être mieux informé, sera encore plus dupé avec un nouveau charabia administratif. Les CLI seront rebaptisées CLIRT, les PPI, PPRT... Les fameux POS (plans d’occupation des sols), cogités par les municipalités et qui permirent la construction d’habitations, changeront aussi de nom. Bref , on efface tout et on repart avec de nouveaux «machins».
Faudra-t-il démonter entièrement le château de Thierry Desmarets, le grand patron de Total-Fina-Elf, pour nous faire entendre ?

Le Desman des Pyrénées

Notes
(1) Lors de la catastrophe, le complexe chimique comprenait principalement quatre usines : trois du groupe SNPE (Société nationale des poudres et explosifs), SNPE-Chimie, Tolochimie et Isochem, et l’usine Grande Paroisse AZF (ex ONIA, ex Elf Atochem), maintenant dans le groupe Total-Fina-Elf.
(2) Les centrales et les usines nucléaires peuvent avoir une CLI.
(3) Même situation dans les commissions départementales qui donnent leur avis aux préfets et aux conseils généraux (commission Hygiène, Carrière, Sites et Faune-Chasse).
(4) Voir Sud-Ouest Nature, revue de la Sepanso, n° 115, 4e trimestre 2001.
(5) Crétacé pour la couche géologique et 4000 pour la profondeur, laquelle peut être moindre ; mais on n’est pas à 500 mètres près.

GRÈVES À RÉPÉTITION DANS LE ROYAUME DE LA PRÉCARITÉ
Nous vous avions fait part dans le dernier Courant Alternatif de la victoire des salariés du Mac Donald du boulevard de Strasbourg Saint Denis à Paris (voir également CA n° 114 et 115) en grève depuis 114 jours pour exiger la réintégration de 5 licenciés. A peine le temps de se poser et de faire le bilan que l’effervescence sociale a gagné de nombreux commerce : FNAC, Dysney, Go Sport, Virgin Mégastore, etc.


Mac Do, bilan de la grève et du soutien

La grève s’est conclue par une victoire des grévistes. Les 5 licenciés ont été réintégrés, les jours de grève payés à hauteur de 45%, et le gérant s’est engager à ne pas se lancer dans les représailles. Cette victoire est indéniable et permet de briser plusieurs années de pessimismes sur les possibilités de lutte dans ce genre de secteur ultra précarisé et ultra réprimé. Cependant elle reste provisoire car il y existe encore plusieurs procédures judiciaires et appels en cours à la demande du gérant de ce restaurant. Les autres revendications des grévistes : salaires et primes ont été renvoyées 6 semaines après la reprise du travail, soit début avril. Cette victoire demande donc à être consolidée et il ne fait aucun doute que le gérant ou la direction de Mac Do France ne soient disposés à rester sans réactions : ils espèrent le départ des «meneurs» et ils feront leur possible pour l’avoir. Ainsi l’engagement écrit de non représailles n’est absolument pas une garantie.

La détermination et l’unité des grévistes ont été les facteurs déterminants de cette victoire et de tout le processus de lutte et de mobilisation qui s’est déroulé autour et en solidarité avec cette grève. Le comité de soutien qui s’est constitué autour de cette grève a certes joué un rôle très important mais son activité, sa propre dynamique, son unité n’ont été possible que par le dynamisme des grévistes : il y a donc eu une dialectique entre deux dynamiques.
Généralement, les luttes de précaires sont très dures à organiser et généralement, le soutien commence à se mettre en place lorsque les conflits s’arrêtent (10 jours, 15 jours, 3 semaines). D’ailleurs, le comité de soutien s’est réuni la première fois au bout de 3 semaines de grève. Il a eu ensuite le temps de trouver ses marques, de prendre des initiatives de solidarité (t-shirts, fête de soutien, appel au soutien financier) et de se lancer dans la bataille avec les grévistes.
Les interventions et occupations d’autres Mac Do les samedis tant dans leurs formes (les blocages étaient organisés et en même temps restaient très spontanés et improvisés, les confrontations avec les vigiles étaient plus que verbales mais étaient tout à fait assumables par tout le monde) que leurs objectifs (populariser la lutte auprès des clients et surtout des autres salariés de la chaîne, avec des résultats réels mais inégaux) ont contribué à donner un aspect dynamique au mouvement, en particulier par le fait qu’elles n’étaient pas tristes et qu’elles permettaient à de nouvelles personnes de s’agréger, de prendre contact “dans l’action”.
Cette grève a pris une forme particulièrement active en grande partie du fait même de l’attitude de la direction : licenciement + actions au pénal + blocage complet des négociations dans un premier temps, puis tentatives d’acheter les licencier pour qu’ils abandonnent l’action en référé, expulsion des grévistes du Mac Do occupé par les vigiles provoquant l’occupation de l’autre restaurant du même gérant à Parmentier... Une succession d’événements provoqués par Mac Do a donc donné matière à des moments de mobilisation plus intense au cours de tout le processus de lutte. Les échéances judiciaires ont également rythmé ce conflit et alimenté sa dynamique.

Les méthodes offensives de Mac Do n’ont pas été confortées par une attitude répressive de l’Etat et du gouvernement. Entre des décisions de justice dans l’ensemble favorables aux grévistes et la passivité des autorités administratives et policières, la luttes des Mac Do a trouvé un espace pour développer une lutte originale. Les occupations de restaurants n’ont pas été entravées par des interventions policières. Il en aurait sans doute été autrement si elles avaient été menées par des militants uniquement ou si cette lutte s’était déroulé dans le champ de compétence de l’Etat (services publics par exemple).


L’espace vacant du syndicalisme

Le comité de soutien a pu trouver sans problème son espace et sa légitimité à cause de l’attitude complètement en retrait des structures syndicales liées aux grévistes (Commerce CGT, union locale et départementale...) dans la lutte au jour le jour comme dans les actions du week-end ou celles visant à mobiliser au delà des habituels : fête de soutien, meeting, manif. En occupant l’espace laissé vacant par le syndicalisme, le comité de soutien a été d’une certaine manière le syndicat de la grève avec ses caractéristiques propres : laissant aux grévistes prendre les décisions qui leurs semblaient les meilleures les encourageant même à s’exprimer plus par eux-mêmes (faire leurs propres tracts par exemple), ne participant évidemment pas aux négociations, assumant une bonne part du travail d’agitation, de popularisation (150 000 tracts distribués !), de décloisonnement de cette lutte (information diffusée et relayée hors Paris, et le dernier mois au niveau international), le soutien financier qui a été suffisamment important pour permettre aux grévistes de tenir pendant 3 mois...
Le comité a pu fonctionner de manière efficace grâce à sa structuration : pas de bureaucratie ni de distribution des rôles une fois pour toute. Décisions prises au consensus, après débat, possibilité pour chacun/chacune de prendre en charge telle ou telle tâche et d’en être responsable devant le groupe... Le comité n’a pas eu à souffrir de conflits internes, a su gérer l’hétérogénéité de ses membres et maintenir un fonctionnement souple et fluide.
Si beaucoup de membres du comité ignoraient tout de la réalité de Mac Donald’s avant de côtoyer les grévistes, le comité a bénéficié de la présence active de militants de terrain parfaitement au fait de ce type de lutte : la coordination CGT restauration rapide (étendue à certaine boîte du commerce), issues des luttes du Mac Do Saint-Germain (décembre 2000) et de PizzaHut (février 2001).
Si le comité a vécu une expérience originale dont il peut être relativement fier, c’est aussi grâce à la convergence de moyens et de capacités fournis par ses membres : relais dans les syndicats (CGT, SUD...) en, particulier pour l’édition de tracts (CGT BNP Paris) et le soutien financier, relais dans des réseaux militants généralement non impliqués dans ce type de lutte, forte implication de la compagnie Jolie Môme, contacts avec des groupes musicaux par l’intermédiaire d’autres réseaux militants, disponibilité ponctuelle d’autres locaux que la Bourse du travail, ressources personnelles (Internet, traductions…), etc.


Les suites

A peine le conflit du Mac Do de Strasbourg Saint Denis se terminait que les salariés de la FNAC Champs Elysées décidaient de se mettre en grève et de bloquer les entrées du magasin. Il n’y a pas de causalité directe mais une continuité et peut-être une forte ressemblance entre ses mouvements. Le comité de soutien n’a finalement pas eu le temps de se poser beaucoup de question sur son avenir et s’est aussitôt investi sur toute une série de nouvelles luttes qui ont poussé comme des champignons au cours du mois de mars.

Le 2 mars, le Mac do de Saint Germain se mettait en grève pour protester contre la mise à pied de 3 salariées - dont un délégué syndical - parmi les plus actives lors dans le soutien à leur collègue de Strasbourg Saint Denis. Il semble bien que la direction de Mac Donald’s France soit ainsi décidé de faire payer à ses employés la solidarité qu’ils ont pu exprimer au cours du conflit à Strasbourg Saint Denis.
Mercredi 13 mars, le numéro 2 de Mac Do France s’est pointé et a été fermement raccompagné jusqu’à la sortie par les grévistes (viré quoi !) qui lui ont remis un courrier précisant leurs revendications.
Depuis lors, ce Mac Do est l’objet de blocages à répétition aux heures de pointes qui ont conduit la Direction à revenir sur le licenciement du délégué syndical ; reste à poursuivre la pression pour obtenir l’annulation des procédures concernant les 2 autres salariées.
Le 6 mars, à l’appel d’une coordination intersyndicale des magasins et enseignes du commerce des Champs Elysées (FNAC, Virgin, Mac Do, Sephora, Disney, Quick), relayé par le comité de soutien, près de 300 personnes ont manifesté sur les Champs Elysées. Cette manifestation très combative a rendu visite à ces enseignes en se déplaçant sur la plus prestigieuse avenue du monde. Jospin, qui devait participer à une séance de signature de son bouquin dans le magasin Virgin, renonça courageusement, par peur de se retrouver au contact de ces gueux de grévistes.
Trois semaines de grève à la FNAC Champs Elysées et cette manifestation combative ont semble-t-il poussé les syndicats des autres FNAC (CGT, SUD, FO) à adopter une attitude plus offensive. Lors du début des négociations annuelles sur les salaires, les syndicats ont mis en préalable des discussions la satisfaction des revendications des grévistes des Champs- Elysées et une augmentation générale pour tous les salariés. Devant le refus de la direction, ils ont décidé de quitter les négociations et d’appeler à la grève avec blocage quand c’est possible. Le lendemain, les salarié-e-s de plusieurs magasins (Ternes-Etoile, Montparnasse, Saint-Lazare, Bastille) débrayaient et dans certains cas bloquaient totalement les entrées à la clientèle. Vendredi, le conflit s’étendait à de nouveau magasins à Paris et samedi, la Fnac-Forum (plus gros chiffre d’affaire) était complètement paralysée (occupation avec portes verrouillées), pendant que la CGT appelait à une extension de la grève dans tous les magasins FNAC de France.
Un préavis de grève avait été déposé par le syndicat FO dans les magasins Go Sport de 13 h à 17 h le samedi 9 mars et rendez-vous avait été donné devant le magasin du Forum des Halles. C’est la première fois qu’une grève se déroule dans cette entreprise. 90 grévistes (dûment comptabilisés) se sont donc retrouvés aux Halles et avec des salariés de Mac Do (Rivoli, Saint-Germain, Strasbourg Saint-Denis, Champs-Elysées) ainsi que le comité de soutien sont partis en manifestation spontanée en faisant la tournée des différentes enseignes de la capitale.
magasin de dans le Forum des Halles. Arrêt et envahissement du Mac Do, puis d’un autre magasin Go Sport dans le deuxième Forum. Les revendications portent essentiellement sur les salaires, les tickets-restaurants et le 13e mois.
Le 12 mars une manifestation de 150 emplois jeunes s’est tenue devant le ministère de l’Economie et des Finances. A signaler un beau flagrant délit de sabotage de lutte de la part de la CGT : ainsi l’Union Régionale Ile-de-France n’avait pas déposé de préavis de grève dans les différentes structures de la fonction publique territoriale comme elle l’avait promis à plusieurs reprises aux représentants des collectifs emplois-jeunes. Résultat, beaucoup de jeunes n’ont pas osé quitter leur travail et certains collectifs ne se sont pas déplacés.
Des tensions sociales inédites ont également touché le parc d’attractions d’Eurodysney. Un mot d’ordre de grève était même lancé pour le jeudi 14 mars. Finalement, la veille tous les syndicats (sauf la CGT) avait accepté de ne plus appeler à la grève prévue pour le lendemain en échange de la promesse d’ouverture de négociations à partir du mardi suivant concernant la mise en place progressive d’une prime d’ancienneté. Grâce à l’accord de l’intersyndicale, la direction est ainsi parvenu à empêcher une grève sans rien céder puisqu’il semble qu’elle entend entamer un processus de négociation étalé sur une année (!) avec une vague proposition de prime à partir de 5 ans de présence, puis peut-être une deuxième à partir de 10 ans… Le jeudi, plus d’une centaine de salariés se sont tout de même rassemblés sur le site et pour la première fois une manif s’est déroulé à l’intérieur du parc.
Le samedi 16 mars, à l’occasion de l’ouverture du deuxième parc d’EuroDisney, un rassemblement était organisé à l’initiative du comité de soutien pour dénoncer les conditions de travail, les salaires, la répression syndicale et le climat général régnant sur ce site. Une soixantaine de personnes se sont retrouvées devant les entrées. Une banderole “Bienvenue à Precarity-Land” fut déployé pour l’occasion et plusieurs milliers de tracts furent distribués.
La direction de Disney pris de panique fit rapidement dépêcher sur place 6 cars de CRS. Un cordon d’hommes en armes s’est déployé devant le portail de l’entrée du parc formant ainsi un comité d’accueil aux visiteurs du plus bel effet.

Mardi 19 mars, une manifestation contre la direction de Pinault Printemps Redoute (PPR) était appelée par la CGT à laquelle s’étaient ralliés les autres syndicats (FO, SUD, CNT). Trois à quatre cents personnes se sont donc retrouvées devant le siège du groupe, square Bergson. Il y avait là beaucoup de salariés de la FNAC (et notamment des Champs Elysées) et aussi des grévistes de La Redoute de Roubaix, en grève depuis 4 semaines. La direction refusa de recevoir une délégation. Mais, à 200 mètres de là, un autre bâtiment du groupe PPR fut rapidement investi : service juridique, service du «Développement social» (ce qui fit beaucoup rire les manifestants). Quelques dossiers volèrent dans la rue.

Enfin, le samedi 13 avril, une manifestation est organisée à l’appel de plusieurs associations de chômeurs, précaires, lutte sur le logement, de solidarité, syndicats, etc. afin d’essayer de faire entendre la voix des «sans» (logement, revenus, travail, terre, droits, dignité…) et des victimes de la répression patronale, policière, sécuritaire dans le concert insipide de la campagne électorale.
La suite au prochain numéro…

Antoine, d’après les comptes rendus de Jeff
Paris, le 22 mars 2002

CAMPEMENT INTERNATIONAL À LA FRONTIÈRE À STRASBOURG
Un campement a lieu du 19 au 28 juillet “Ni frontières, ni nations, ni contrôle social - Pour la liberté de mouvement et la solidarité entre les peuples”. L’appel qui suit est une proposition de quelques groupes francophones impliqués dans l’organisation du campement, il n’est donc pas l’expression du réseau dans son ensemble. Libre à chaque groupe participant de diffuser ses propres appels et revendications complémentaires du mot d’ordre “ni frontières, ni nations”.


Ni Frontières, ni nations…

Actuellement, la liberté de mouvement est accordée, ou plus souvent refusée, aux personnes, selon des critères discriminatoires, suivant leur pays d’origine, sexe, nombre de diplômes, statut familial, social, politique, économique… Toute personne devrait être libre de circuler indépendamment de son statut particulier. Nous devons nous battre pour que ceci devienne une réalité.
La liberté de mouvement fait peur, l’idée selon laquelle “on ne peut pas accueillir toute la misère du monde” est un lieu commun qui cache le refus de questionner les origines de nos privilèges. Il pourrait en effet s’avérer problématique d’ouvrir les frontières, tout en faisant perdurer un système global inégalitaire qui amènerait peut-être un trop grand nombre de personnes à vouloir s’entasser dans les quelques pays qui pillent les autres et accumulent toutes les richesses.
L’émigration résulte de l’intérêt légitime des personnes pour trouver des conditions de vie meilleures ou différentes. Actuellement elle est aussi et surtout une conséquence du capitalisme mondialisé : de l’exploitation économique, de la répression politique, de la destruction des ressources naturelles et des guerres générées partout sur la planète. Pour y faire face il faudrait changer en profondeur notre système économique et politique néo-colonialiste, et permettre aux habitantEs du sud une autonomie économique et politique. Au lieu de cela les pays de l’Union cherchent à se protéger d’une situation explosive à court terme en transformant l’Europe en forteresse à même de repousser les assauts de ceux et celles que nous appauvrissons et affamons.
Partout autour de l’Europe se construisent ainsi des murs de la honte avec leurs camps, leur armada technologique et militaire, s’appuyant sur des lois racistes et la passivité complice de la majeure partie de la population. Des milliers de personnes meurent chaque année en essayant d’entrer dans la forteresse, ou en s’en faisant brutalement expulser.
L’Europe de Schengen crée aussi une classe sociale dont elle profite abondamment : les sans-papierEs. En effet, le système de frontières ne peut et ne cherche de toute façon pas réellement à empêcher toute immigration. Il engendre au contraire une catégorie de population sans droits (sécurité sociale, logements, droits liés au travail légal, recours à la justice…), vivant dans une peur constante (contrôles policiers, problème de santé, mauvais traitements, expulsions, refus d’être payé…), réserve de main d’œuvre exploitable à merci (textile, ménage, BTP, travail sexuel…). Bref il offre aux entreprises une ‘délocalisation sur place’, tout en permettant aux gouvernements de refermer la vanne et d’expulser au besoin.


… ni contrôle social

Depuis quelques années et à un rythme accéléré depuis le 11 septembre 2001, le capitalisme tente de démultiplier ses appareils répressifs. Au niveau mondial, c’est le renforcement des régimes forts dans les pays pauvres, l’extension illimitée des pouvoirs de police, ainsi que le vote de législations d’exception en Occident. Il s’agit de renforcer le contrôle et l’uniformisation du quotidien de chaque habitantE de l’Union, en ciblant particulièrement les populations issues de l’immigration et les pauvres.
En Europe, après la proposition d’un corps anti-émeute européen pour ‘optimiser’ encore la répression sanglante orchestrée lors des contestations anticapitalistes de Prague, Göteborg ou Gènes, c’est à présent le projet de mandat d’arrêt européen et l’adoption d’une législation ‘antiterroriste’ commune qui sont à l’ordre du jour.
Des lois spécifiquement adaptées au terrorisme existent depuis déjà bien longtemps dans chaque pays européen. Les nouvelles législations ‘trompe l’œil’ ne visent clairement qu’à étendre la notion de terrorisme à toute forme de contestation réelle du système en place. Ces lois pourront s’appliquer à diverses formes de désobéissance civile, d’action directe et d’action syndicale (atteinte à la propriété privée, occupation de locaux publics, information politique…). En effet, le flou de ces nouvelles lois menace quelques ‘droits’ encore concédés par les systèmes législatifs européens : des personnes pourront p.ex. être durement condamnées en dehors même de la gravité, au vu de la loi, des actes réalisées. Le simple fait que ces actes soient estimés avoir été commis en raison d’une idéologie visant à une transformation radicale de la société en fera des actions potentiellement jugées comme terroriste. Le jeu sur la notion d’intentionnalité pourrait même permettre de punir des personnes qui n’ont pas encore commis de délits, si elles sont jugées avoir eu l’intention de les commettre.

Le mandat d’arrêt européen permettra l’extradition automatique d’un pays de l’Union de n’importe quel individu, si celui-ci/celle-ci est poursuiviE pour un acte jugé criminel (par exemple l’homosexualité ou l’avortement en Irlande, la participation aux manifestations de Gènes en Italie…) dans un autre pays européen. Cette initiative d’harmonisation par le pire échappe totalement aux contrôles sur l’extradition habituellement exercés par les pouvoirs politiques et judiciaires de chaque pays.

En France les Lois sur la Sécurité Quotidienne votées en novembre pour accompagner le plan vigipirate jusqu’en 2003 sous couvert de lutte antiterroriste, sont le dernier avatar du contrôle social et légalisent certaines pratiques déjà courantes.
Elles concernent :
1 des perquisitions et fouilles préventives dans les logements et véhicules en dehors de toute enquête judiciaire en cours.
2 des pouvoirs policiers accordés aux vigiles tel que le port d’armes à feu dans les transports en commun, les contrôles d’identité, fouilles et palpations.
3 le contrôle des correspondances téléphoniques et électroniques, ainsi que de la cryptographie.
4 l’institution de la responsabilité pénale des mineurEs à partir de l’âge de 10 ans.
5 des peines de prison ferme pour des fraudes répétées de métro ou de trains. Mesure d’autant plus efficace que grâce au plan vigipirate en phase 2, les transports sont plein d’agents divers de la répression (contrôleurs, vigiles, flics, parachutistes…)
6 le fichage ADN des auteurEs de crimes et délits avec violence.
7 l’interdiction des free parties
8 l’interdiction de stationner dans les halls d’immeuble.

Le tout vient compléter l’arsenal de répression-mise au travail qui se met en place ces dernières années : réforme judiciaire, dispositions concernant les mineurEs et la prévention, PARE et interconnexion des fichiers sociaux, lois Chevènement-Réséda sur les étrangerEs… On n’assiste pas seulement à la construction d’une forteresse Europe, mais surtout à celle d’une entreprise Europe où règnerait un niveau de surveillance et de contrôle maximum, défini en vue d’une rentabilisation optimale du travail humain comme de tous les instants de la vie et de tous les rapports sociaux.

Dans le but de faire accepter toutes ces mesures, nos politicienNEs développent actuellement, avec succès semble-t-il, une paranoïa sécuritaire. Précisons que le système actuel protège avant tout la propriété privée, les biens matériels et les classes dominantes. Nous nous accordons néanmoins à la volonté d’un grand nombre de personnes de vouloir vivre dans une certaine sécurité : ne pas se faire exploiter, licencier, affamer, blesser au travail, agresser dans la rue ni par la police ni par quiconque, ne pas vivre à la merci de l’explosion d’une quelconque usine ou des expérimentations de l’industrie agro-chimique. Mais un système fondé sur la possession des biens de consommation, sur la domination de ses prochainEs, sur l’accumulation inégale des richesses implique l’intolérance, la haine d’autrui, la violence, la possession par la force des biens ou des êtres humains et les catastrophes écologico-industrielles en tout genre. Il a beau jeu de justifier ensuite ses flics, ses juges et ses prisons et d’en ajouter toujours plus à mesure que s’accroît son hégémonie. Pour échapper à cet engrenage infernal et espérer assurer réellement une “ sécurité ” pour toutes et tous, il nous faut inventer et expérimenter des rapports sociaux égalitaires et non-marchands fondés sur l’autonomie des individus, l’entraide et la solidarité.


Le Système d’Information Schengen (SIS)

A l’intérieur de l’Europe, l’ancien système de frontières s’est dématérialisé et les technologies d’information deviennent cruciales pour le contrôle des mouvements frontaliers. Le Système d’Information Schengen (SIS), situé à Strasbourg, a été créé en tant que système de surveillance unifié visant à renforcer le contrôle sur la totalité de l’espace Schengen. Ce fichier contient déjà 815000 signalements (personnes, véhicules, objets recherchés). Il vise en particulier les immigréEs et met en place actuellement 2 nouvelles bases de données :
• un premier fichier contenant touTEs les étrangerEs. Celles/ceux-ci seront marquéEs d’un signal ‘d’alerte’ s’ils outrepassent leur visa ou leur permis de résidence.
• la seconde base de donnée couvrira l’ordre public et les actions politiques. Elle visera les personnes suspectées de prendre part à des manifestations de contestation (représentant un ‘danger potentiel pour l’ordre public’) en les plaçant sous surveillance ou en les empêchant de se rendre à ces événements.
C’est en fait à la prolifération des frontières que l’on assiste avec le SIS puisqu’il peut être consulté instantanément à partir de chaque poste de police en Europe et être le point de départ potentiel d’une mesure d’expulsion, d’extradition ou d’arrestation.


Le Campement de Strasbourg

Il est temps de rompre avec le fatalisme et de reprendre l’initiative : nous cherchons à agir concrètement contre les instruments du contrôle d’Etat, contre les différentes formes d’exploitation des migrantEs et des populations. Dans le cadre de cette lutte, le réseau No border lance l’initiative d’un campement contre les frontières du 19 au 28 juillet 2001 à Strasbourg. Strasbourg abrite en effet diverses institutions européennes (le parlement européen et la cour européenne des droits de l’homme) ainsi que le SIS, noyau du système de contrôle centralisé. Suivant les affinités et pôles de lutte de chacunE les cibles et thèmes du campement seront diversifiés (LSQ, Residenzpflicht, double peine, violences policières, Office des migrations internationales, patriarcat, prisons, expulsions, racisme...).

Le campement permettra une diversité d’actions directes (manifestations publiques, théâtre et fête de rue, forums et occupations, offensives informatiques…) dans une perspective de complémentarité, d’échanges sur nos pratiques et d’expérimentation sur nos modes d’organisation. Il sera l’occasion de quantité de discussions internationales et d’ateliers, nous avons l’intention de créer pendant dix jours un laboratoire de résistance créative et de désobéissance civile. Le système capitaliste divise les gens, nous voulons nous unir dans un monde sans frontière. Pour ce faire, nous voulons notamment travailler avec des groupes autonomes d’immigréEs.
Nous voulons dépasser la débrouille individuelle, mettre en commun nos forces et relier des gens qui se placent dans une perspective d’émancipation anticapitaliste avec des pratiques politiques différentes et des expériences locales variées.
Nous ne voulons pas rester réactif-Ves et nous contenter de dénoncer le capitalisme. La revendication de ‘liberté de mouvement’ s’insère dans la construction positive d’une autre société. Comme nous l’avons auparavant souligné, la volonté d’ouvrir les frontières implique aussi de transformer radicalement les rapports nord-sud, de s’attaquer à la société de consommation et au capitalisme. Il nous faut pour ce faire développer ici et maintenant d’autres types d’échanges, d’autres structures politiques, économiques et sociales. Le campement pourra être un espace d’expérimentation et de réflexion sur ces alternatives radicales.
En déterminant nos propres lieux et temps de présence, d’action et de communication, nous cherchons également à dépasser de manière constructive la stratégie de contre-sommet et à contourner la spirale répressive, dans laquelle on cherche à engluer le renouveau de la contestation anticapitaliste.
Nous invitons toutes les personnes intéressées à venir participer à cet événement international, à contribuer à son organisation et à le soutenir.
Différents groupes de travail s’organisent afin de préparer, l’information, les actions, le matériel. De nouvelles réunions de coordination auront lieu à Strasbourg. Chaque groupe et personne devrait autant que possible amener ses propres outils, afin d’être autonome dans ses actions, mais aussi se renseigner sur la manière dont ils pourraient par leur compétences, matériels, contacts, contribuer aux projets et actions des autres. Chaque groupe local devrait organiser ses propres campagnes d’information et de mobilisation autour du camp dans les mois à venir (des autocollants, posters devraient bientôt être disponibles, il est possible de commander d’autres exemplaires de ce flyer).


Le No Border Network

Le réseau No Border n’est pas une organisation mais fonctionne plutôt comme un espace de coordination d’un ensemble d’initiatives autonomes et décentralisées. Il coordonne entre autre des campagnes contre les compagnies aériennes qui se font complices des expulsions [www.deportation-alliance.com]. Il a également initié plusieurs campements aux frontières extérieures et intérieures qui ont réuni jusqu’à plusieurs milliers de personnes. [1999 : Zittau (Allemagne, frontière polonaise) ; 2000 : Cottbus (Allemagne, ancienne frontière entre est et ouest), Ustrzyki Gorne (Pologne), Marzamemi (Sicile) ; 2001 : Tarifa (Espagne), Lendava (Slovénie), Krynki (Pologne) et près de l’aéroport de Francfort (où se font la plupart des expulsions d’Allemagne) ; en 2002 sont prévus également des campements à Thüringen et en Equateur] Ces campements n’ont pas de forme fixe sinon celle dictée par les lieux et les désirs des participantEs.

Liste non-exhaustive pour donner une idée de la diversité des groupes de différents pays déjà impliqués dans l’organisation :
Indymedia et Campagne pour la fermeture du Camp de Campsfield Londres – Action Autonome Moscou – collectif de sans-papierEs The Voice Allemagne - Fédération Anarchiste Varsovie – Tigra Nigra Kiev – Indymedia et Publix theater Caravane Vienne – réseau de soutien social aux immigrantEs et réfugiéEs Athènes – la Tomate de Madrid – Kein Mensch ist illegal Allemagne – Sin papeles sin fronteras Barcelone – Collectif sans ticket Bruxelles – Association temporaire, tout le monde est un expert Berlin – Personne n’est illégal Malaga – des groupes No Border en Russie, Pologne, Lituanie…

Pour des infos supplémentaires sur le campement, le système de frontières et le contrôle social :
www.bok.net/pajol
www.lfijolie.net
www.bugbrother.com
www.tranquillou.free.fr
www.noborder. org
www.indymedia.org

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