Courant alternatif no 121 été 2002 |
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SOMMAIRE |
Edito p. 3 et 4 Après les élections, le danger fasciste écarté ?! p. 5 à 9 Rubrique Flics et militaires p. 10 Longwy, quels repères après la casse industrielle ? p. 11 et 12 Femmes, Etat et famille (2e partie) p. 13 à 15 Où en est la lutte à Itoiz ? p. 16 Index CA p. 17 et 18 Conflit Inde/Pakistan p. 19 et 20 Recomposition politique à l'OLP p. 21 à 24 De Kaboul à Bakou p. 25 à 27 Les camps palestiniens en Syrie et au Liban p. 28 Femmes en noir p. 29 à 31 Qui sommes-nous ? p. 32 |
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ÉDITO |
Lutilisation de Le Pen comme dun épouvantail et lappel fusionnel à faire barrage au FN après le premier tour des élections présidentielles ont eu évidemment pour effet de jeter les électeurs-trices dans les bras de Chirac, avec un suffrage digne dune dictature, alors quil avait obtenu le plus mauvais score dun président sortant. Ainsi, au cours dun scénario burlesque prêtant au président sortant les rôles de rempart au fascisme et de sauveur suprême de la démocratie républicaine, les voix mêlées de la droite et de la gauche, dune partie de lextrême gauche et même de libertaires, ont servi sur un plateau tous les pouvoirs à Chirac et à ses hommes. Oubliées et effacées dun seul coup les horreurs quils incarnent et dont ils ont été coupables : lultralibéralisme, les crimes les plus récents de limpérialisme français (dont les massacres au Congo Brazzaville), les déclarations racistes, les fausses factures, la corruption
Les partis de gauche et les gros syndicats, premiers responsables de la dépolitisation, de la paralysie des travailleurs-ses et de leur impuissance à se défendre de façon autonome, ont appelé, rejoints par de prétendus révolutionnaires, à sen remettre à un politicien qui nhésitera pas demain, comme il la fait hier, à utiliser toutes les formes de répression étatiques ou para-étatiques contre les mouvements sociaux. Après ce scénario pour les présidentielles, le boulevard était ouvert pour la droite: tout sest organisé au nom de lefficacité des institutions pour déboucher sur un panorama classique ordonné sur un face à face gauche-droite. Et cest à la mesure de la débâcle du PS, et de leffondrement du PC que le parti créé par Chirac a remporté une majorité des plus confortable aux élections législatives. Il faut souligner le paradoxe : la «nation» semble sêtre ressoudée autour dun chef, donc autour de lEtat , donnant une légitimité apparemment renforcée aux institutions ainsi quaux urnes présentées comme le seul moyen de changer les choses. Alors quen fait le système de la représentation politique est en crise et que lestablishment sest révélé, et est, plus fragile que jamais. Se voyant muni dune majorité qui paraît claire et cohérente, le gouvernement pourrait être tenté de considérer quaprès ces quatre tours de scrutin le pays est rentré dans lordre. Et quil va pouvoir effectuer au grand jour et au pas de charge la «modernisation» accélérée du capitalisme français. Ce serait oublier la présence dune composante très importante, qui se place délibérément en dehors des élections : les abstentionnistes (près de 40 %) dont le score na cessé denfler au cours des épisodes du feuilleton électoral, malgré une campagne massive et insistante pour faire preuve de civisme et inciter à voter, sans compter tous ceux-celles qui ne se sont pas inscrits sur les listes électorales (3,5 millions de personnes qui ont le droit de vote et autant de travailleurs-ses immigrés qui ne lont pas). Il sagit dune abstention en grande partie délibérée, politique, protestataire, qui touche en priorité les ouvrier-es, les employé-es et les jeunes, les moins intégré-es dans ce système institutionnel élaboré par la bourgeoisie pour prévenir ou détourner les affrontements sociaux. Cette perte dadhésion pour le système électoral et pour les partis de gauche inquiète dailleurs plus les gestionnaires du système que le vote pour Le Pen, car elle représente une menace potentielle pour lamortissement des contradictions sociales et cache un mécontentement profond et une révolte latente. La droite succède donc à la gauche pour pratiquer, à des détails près, la même politique au service du capitalisme et avec des accents de plus en plus sécuritaires. Dès les premiers moments de lexercice du pouvoir, elle a montré son véritable visage. Dabord les mesures répressives à lencontre des classes «dangereuses» et les promesses sécuritaires, dans la poursuite de celles du gouvernement précédent. Le slogan de Sarkozy digne de lunivers orwellien, - «La sécurité, première des libertés» qui passe par la «guerre contre la délinquance» et par des «policiers offensifs et pas seulement réactifs»- , trouve ses premières applications : entre autres, le verrouillage des postes-clés de la haute hiérarchie policière avec des hommes inféodés au nouveau pouvoir ; la promesse de moyens renforcés en matériel (flash-balls et autres armes de guerre) et en nombre de policiers ; la «culture du résultat» appliquée aux flics (chiens de garde mais aussi de chasse), avec des «objectifs quantifiés» récompensés en «espèces sonnantes et trébuchantes» ; le projet dalléger la loi sur la présomption dinnocence (les droits des gardé-es à vue ayant été déjà largement allégés par la majorité socialiste) ; celui de réformer lordonnance de 1945 sur les mineurs délinquants ; dinstituer pour eux des établissements fermés ainsi que de construire de nouvelles prisons, etc. Ensuite, le gouvernement sest empressé de prendre des mesures anti-sociales, qui réjouissent les patrons, des petites, moyennes et grosses entreprises, à qui il promet en outre de continuer à baisser les charges. Des cadeaux sont accordés aux plus riches : baisse de 5 % de limpôt sur le revenu qui ne favorise que les plus fortunés et qui ne concerne que 10 % de la population ; revalorisation des honoraires des médecins généralistes et des pédiatres ; déplafonnement de la prime agricole ; et, «au nom de la protection des entreprises», refus dun coup de pouce politique au SMIC. Ces premières mesures sont elles aussi accompagnées de phrases qui traduisent sans équivoque les intérêts quelles servent : «Les Français vont devoir retrousser leurs manches», a averti Barrot ; «Cest léconomie qui décide» a déclaré Fillon, ministre des affaires sociales (!). Dautres mesures au profit des exploiteurs économiques et financiers se profilent : nouvelles privatisations dentreprises publiques; suppression de postes dans la fonction publique (sauf dans les corps répressifs) ; assouplissement dans la mise en uvre des 35h, avec plus de liberté pour les patrons dans lutilisation des heures supplémentaires ; projet de création de contrats de travail réservés aux jeunes non qualifiés de 16 à 22 ans ; réforme des retraites, de la formation professionnelle, etc. Tout cela, bien entendu, dans un contexte de restructurations accrues où se multiplient les annonces de licenciements massifs. Les attaques des entreprises et de lEtat se poursuivent sans que se dessine encore lémergence de mouvements sociaux denvergure. La vague fusionnelle qui avait fait descendre des millions de manifestants dans la rue est retombée aussi vite quelle sétait enflée, peut-être parce que les gens ne savaient pas au juste ce quil fallait défendre. Certes, le capitalisme apparaît de plus en plus clairement comme tout à fait opposé aux intérêts du plus grand nombre et perd de plus en plus sa légitimité : les promesses que ça ira mieux après sêtre serré la ceinture ont mis en évidence que ça allait très bien pour les capitalistes et pour les plus riches mais sans redistribution à léchelle dun pays ou du monde ; que ceux qui appliquent docilement les réglementations dévastatrices du FMI sont ceux qui morflent le plus; que les services publics soumis à la loi du profit ne marchent pas ou a contrario de la satisfaction du plus grand nombre ; que la criminalité financière des technocraties industrielles est relayée par les Etats Quel symbole que ces chefs des Etats les plus riches de la planète, retranchés militairement à Kananaskis au Canada, afin de planifier planétairement la préservation et le renforcement du système de domination et dexploitation quils servent! La bourgeoisie a besoin dorganisations et de partis réformistes forts pour détourner les luttes inévitables et prévenir les explosions sociales. Un vide sest créé dans le camp réformiste, qui nattend quà se remplir ; il y a une place à prendre pour un réformisme de rechange, qui puisse continuer à faire croire que la démocratie parlementaire et lEtat sont des biens communs à tous. Le social-libéralisme qui a été porté par la majorité précédente, aidée par les syndicats, et qui veut trouver et imposer une adaptation de léconomie française qui colle aux injonctions et aux nécessités actuelles du capitalisme, a encore de lavenir. Son mot dordre est que tout le monde produise avec le maximum de rentabilité pour que tout le monde puisse être libre de consommer le maximum De leur côté, des militant-es anti-mondialisation et de lextrême-gauche cherchent aussi une recomposition rassemblant ceux qui surfent sur le capitalisme en entretenant lillusion, dans le cadre du système, dune démocratie rénovée, «participative», où ils pourraient exercer un peu de pouvoir; ils sont friands d«initiatives citoyennes», parfaitement intégrables par le capitalisme, et qui non seulement ne le remettent pas en cause mais encore lui donnent un peu de respiration. Leur objectif est de tenter de rogner les excroissances perverses dun socle capitaliste conservé en fabriquant ou en rafistolant les filets de sécurité minimaux face à lélargissement et au renforcement de lexploitation des ressources et des hommes. Cest dans cette logique que les vocables «marchandisation du monde» et «bien commun» en viennent à remplacer exploitation, oppression, domination et lutte de classes. Dans le contexte actuel, on parle donc beaucoup durgence à se recomposer, voire à sunifier. Nous ne sommes pas hostiles à travailler avec dautres pour un autre futur, mais pas en allant jusquà prétendre, comme certain-es le font, quil ny a pas de vraie séparation entre réforme et révolution, entre régulation/intégration et rupture radicale avec le système. Pays Basque Bordeaux 1° juillet 2002 |
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APRÈS-ÉLECTIONS... ALORS ? LE « DANGER FASCISTE » A ÉTÉ ÉCARTÉ ? |
Faut-il en rire ou se fâcher ? Cette interrogation pourrait résumer à elle seule notre ressenti face à un acte sans importance au regard de nos combats, un vote, mais qui a pris tout à coup des dimensions insoupçonnables. Il faut dire que leur démocratie est mal en point, et finalement la seule question qui doit se poser était, est et sera : va-t-on, au moindre prétexte, les aider à faire survivre leur système politique qui garantit lexploitation capitaliste, ou allons-nous refuser toute collaboration ?
Manipulations médiatiques et politiciennes ENCART 1 Paris a bien voté ! ENCART 2 Faut-il interdire le Front national ? |
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GAZA : BIENVENUE DANS LA PLUS GRANDE PRISON DU MONDE ! |
La dernière offensive majeure dIsraël, au delà des destructions de tous ordres, aura été loccasion dune accélération de la recomposition politique de la centrale palestinienne. Celle-ci était déjà dans lair, à travers la question de la relève future et apparemment bien problématique dArafat. Lindéniable défaite militaire se traduisant par la quasi-destruction de lappareil étatique de LOLP a posé en évidence labsence de perspectives politiques crédibles pour le peuple palestinien. Cette absence dhorizon a laissé la place à la logique de la terreur des attentats kamikazes du Hamas et du Djihad islamique. De nombreuses voix, pas toujours dénuées dintentions partisanes, se sont élevées de la part de nombreux intellectuels palestiniens et membres de la société civile, qui sans franchement demander le départ du raïs palestinien, ont commencé à poser non seulement lidée dune refonte majeure des structures de lAutorité palestinienne, mais aussi la nécessité dune nouvelle stratégie pour les années à venir. Un constat déchec pour lAutorité Palestinienne Plusieurs raisons justifient ce constat. La première est le simple fait que le gouvernement Sharon ne désire pas faire la paix, dans des termes qui respecteraient les droits fondamentaux des Palestiniens. Les objectifs de ce gouvernement paraissent être : la défaite militaire des Palestiniens; le démantèlement de l'Autorité palestinienne et la perte de légitimité de sa direction; la fin du processus d'Oslo et une "paix" imposée aux conditions d'Israël. Deuxièmement, il est clair que, compte tenu de la réalité politique prévalant aux Etats-Unis, l'administration Bush n'interviendra pas pour contenir le comportement agressif et surtout expansionniste d'Israël. Les actions israéliennes ne lui font certes pas plaisir, et elle aimerait voir une solution négociée du conflit, dans les termes précisés dans le discours de Colin Powell à Louisville et auparavant dans celui de Georges Tenet, directeur de la CIA. Mais elle n'exercera aucune pression sur Israël, ni publiquement, ni de manière décisive. En conséquence, en dépit des espoirs chimériques d'un certain nombre d'Arabes et dEuropéens progressistes mais hélas naïfs, il n'y a aura aucune opération américaine, ni même aucune force de protection ou d'interposition soutenue pas les Etats-Unis dans les territoires occupés. En fait, il n'y aura même pas de résolution de l'ONU déterminante soutenue par les Etats-Unis, appelant à l'une des actions mentionnées ci-dessus. Troisièmement, les Palestiniens ne perdent pas seulement la bataille sur le terrain, ils sont en train de la perdre également sur le front de l'information aux Etats-Unis, là où se décide vraiment les choses. Il n'existe aucun effort palestinien organisé sur le plan de l'information aux Etats-Unis. A linverse, Israël et ses partisans bénéficient donc d'un climat favorable permanent, sur lequel ils poussent leur avantage. Ils ont réussi a fixé les termes du débat, en diabolisant l'Autorité palestinienne et son Président, Yasser Arafat, et arrivent a se présenter comme les victimes, alors que les Palestiniens seraient les agresseurs. A défaut davoir fait passer Arafat pour un complice objectif de Ben Laden, ils ont au moins réussi à le faire passer pour un incapable limite malade mental, dont il est urgent de se débarrasser. Quatrièmement, il n'y aura aucun secours venu d'Europe. L'Union Européenne, comme les autres acteurs de la scène internationale (Russie, Chine, non-alignes, etc.) exprimeront leur préoccupation ou leur condamnation, et feront passer a l'occasion une résolution, mais ils n'agiront pas. Ils n'ont aucun poids, et même, aucun intérêt a utilisé le peu de poids qu'ils ont, au risque de provoquer une confrontation avec les Etats-Unis. La dénonciation des accords cadre Union européenne Israël nest pas pour demain. Cinquièmement, même les Etats arabes et surtout leurs opinions publiques, bien que profondément bouleversés et même furieux de la détérioration de la situation, ne pourront pas constituer une force extérieure capable de sauver la situation. Enfin, pour en revenir au contexte israélien, il est important de reconnaître que l'effondrement du processus de paix et la reprise des violences ont durci l'opinion israélienne de manière durable. Cela sest traduit par un renforcement de la position de Sharon, et en l'affaiblissement, pour ne pas dire l'effondrement, du Parti Travailliste. Seule la frange radicale du mouvement de la paix pourra peut être à terme inverser cette tendance à la condition de pouvoir créer un rapport de force significatif dans la société israélienne. Ce qui hélas est loin dêtre le cas pour linstant. Des affrontements à venir entre factions rivales Différents groupes au sein de l'AP (Autorité palestinienne) espèrent maintenant éliminer certaines organisations de sécurité de l'AP, après que les récentes opérations de Tsahal eut montré que ces organisations n'étaient pas capables de défendre les populations civiles palestiniennes. Cette douzaine de services de sécurité aux effectifs pléthoriques, entretenant le plus souvent des rivalités stériles entre eux, ont été les grands bénéficiaires des fonds de lAP. Dautres groupes appartenant à l'opposition palestinienne laïque espèrent que le choc social et politique causé par linvasion israélienne, et la critique de ce que cette opposition considère comme un laxisme de la part de l'AP dans la conception d'une stratégie pendant toute l'année écoulée, permettront l'application de reformes au niveau du gouvernement. Un forum de militants s'est réuni à Gaza pour ébaucher un "Pacte National", et pour promouvoir leur exigence d'un gouvernement de salut public. Des "comites populaires" se sont réunis également, pour exiger des changements. Cette opposition laïque espère que certains groupes du Fatah, qui eux aussi demandent des changements internes à leur mouvement comme au niveau de la structure de l'AP, se joindront à leur initiative. De fait, un tract distribue par le Fatah a Jénine début mai accusait Mohammed Rashid, conseiller économique d'Arafat, et Mohammed Dahlan (1), chef des Forces de Sécurité Préventive a Gaza, d'avoir conspire avec Israël pour remplacer Arafat et faire annuler la mission de l'ONU chargée d'établir les faits sur Jénine (mort-née depuis et pour dautres raisons). La direction du Fatah a Jénine a appelé Arafat à se débarrasser de ses adjoints. Un autre tract, distribue dans les rues de Ramallah fin avril par les Martyrs d'El Aqsa, attaquait lui aussi Rashid (2), l'accusant d'être a la tête d'une "bande de collaborateurs corrompus qui veulent vendre nos rêves pour pas grand chose". Mustapha Barghouti, à ne pas confondre avec son frère Marwan (3), ex responsable de Fatah pour toute la Cisjordanie, arrêté depuis par Tsahal), l'un des militants les plus en vue à Ramallah, et directeur de l'agence non-gouvernementale d'aide humanitaire la plus importante en Palestine, a dit : "Le peuple doit maintenant avoir son mot a dire en politique. Il doit y avoir un système judiciaire indépendant. Nous devons avoir des élections. A partir d'aujourd'hui, il doit y avoir de sérieuse reformes". Selon la loi de l'AP, Arafat est tenu d'organiser des élections tous les trois ans. Mais depuis 1996, il répond que l'occupation israélienne des territoires palestiniens, et, plus récemment, les 19 mois de conflit, ont rendu un vote impossible. Barghouti rejette cet argument : "Tout négociateur doit avoir un mandat", dit-il, un vote étant nécessaire avant qu'Arafat signe quelque accord de paix que ce soit avec Israël. Des alliances de circonstances Au sein même de l'AP, selon une analyse de Yedioth Aharonoth (journal de centre droit israélien), il semble que certains reconnaissent le besoin de changement. Ces derniers jours, une alliance est en train de prendre forme, entre Mohammed Dahlan, Abou Mazen (4) et Mohammed Rashid. Ils se tiennent dans les starting blocks, et se préparent pour le jour d'après Arafat. Cette alliance est d'ailleurs soutenue par Arafat lui-même, préférant prendre les devants de sa prochaine succession. Hassan Asfour se trouve dans la même position, tandis que Nabil Shaath (5) a été mis sur la touche. Hadj Ismaël, commandant des forces de sécurité en Cisjordanie, a été accusé d'avoir donne l'ordre a ses hommes de ne pas participer aux combats, et a été relégué dans un placard. Djibril Radjoub (6) est dans une position d'attente inconfortable, ayant été accusé d'avoir vendu aux Israéliens ceux des hommes recherchés qu'il détenait, ainsi que son QG, malgré les ordres d'Arafat de se battre jusqu'a la dernière balle. Ce charmant personnage sest permis le luxe, même pendant les moments les plus durs de lintifada de ne jamais faire participer aux affrontements avec Tsahal les forces armées dont il disposait, jouant ainsi la carte éventuelle de lhomme providentielle pour Israël pour laprès Arafat. Mauvais calcul, Tsahal est déterminé à le liquider au plus vite. Les Tanzim (branche politico militaire du Fatah) ont reçu des coups très durs. Ceux des Tanzim qui n'ont pas été emprisonnés n'ont pas une position claire au sein de l'AP, certains auraient rejoints le Hamas. La majorité est contrainte de senrôler dans les services de sécurité de Jibril Rajoub. Pendant les 18 mois d'intifada qui ont précédé l'Opération Rempart, les Tanzim ont représente une véritable force politique, et tous ceux qui pensaient pouvoir un jour remplacer Arafat ont cherche a se rapproché d'eux. Apres le siège, la roue a tourne, et les Tanzim ont été marginalisés, le leadership de Tunis, Arafat, ayant repris les rênes. Dans une interview au journal Al Hayat (journal palestinien paraissant à Londres, assez critique en générale vis à vis de lAP), Dahlan a dit que l'intifada avait montré le besoin de réformes internes au sein de l'AP, ajoutant qu'Arafat était conscient de ce besoin de changement. "Il y a eu un grand débat chez les Palestiniens a ce propos", dit-il. "Le président est conscient que ces changements sont une nécessite, et que l'AP ne peut pas continuer à fonctionner comme avant. Face à ces évènements très importants, une reforme fondamentale, complète et sérieuse, doit intervenir". A la recherche de réformes improbables Le premier signe de critique de Yasser Arafat par des officiels de haut rang a été la démission de Nabil Amr, ministre palestinien des relations avec le parlement. Au cours de la réunion du cabinet palestinien a Ramallah peu de temps après, Amr a exige (avant de remettre sa démission) qu'un nouveau cabinet soit constitue. Amr exigeait que ce nouveau cabinet"s'appuie sur le Conseil Législatif Palestinien (CLP) et soit sous son contrôle, comme dans tout pays démocratique". Au cours de cette réunion, une majorité de ministres s'est prononcée en faveur de reformes. La réponse d'Arafat a été de constituer une commission chargée de discuter des reformes nécessaires. "Je ne crois pas que cette commission soit capable d'introduire des changements", a dit Amr a Yedioth Aharonoth, "et c'est la raison pour laquelle j'ai décide de démissionner» Selon Amr, la reforme ne viendra pas de commissions, mais d'un nouveau cabinet soumis au CLP. Dans une interview au quotidien italien La Républica, Nabil Amr s'est montré encore plus direct, disant : "Toute la direction palestinienne actuelle doit s'en aller". Amr a déclare que la direction palestinienne avait cause de graves dommages ont la lutte des Palestiniens pour leur indépendance. Amr a également indique que des reformes a l'intérieur du leadership palestinien ne seraient pas suffisantes, et a appelé à reformer les forces de sécurité palestiniennes. Amr pense que le nombre de services de sécurité doit être restreint, et qu'ils doivent tous dépendre d'un seul quartier général pour que leur travail soit efficace. Dans le même ordre d'idées, des cadres du Fatah dans les territoires occupés appellent a une assemblée générale du mouvement, la première depuis 13 ans, et proposent de reformer la structure et la stratégie du Fatah. Ils demandent eux aussi des élections pour tous les postes de direction, sauf pour celle d'Arafat. Selon les partisans du changement, tous les membres du cabinet palestinien doivent être remplaces par des professionnels. Des changements immédiats doivent également intervenir dans les appareils de sécurité, et une organisation parapluie doit être constituée, a laquelle toutes les forces doivent être soumises. Les pressions internationales sur Arafat Les agitations en coulisses de Moubarak Celui ci na que moyennement apprécié la proposition du plan de paix saoudien. Il a craint un moment perdre le leadership dans la région, et donc le rôle dinterlocuteur privilégié des américains. Il a donc dû en rajouter dans la surenchère opportuniste en disqualifiant encore un peu plus Arafat aux yeux des pays arabes. Un article de Haaretz (journal de centre gauche israélien) du 9 mai dernier reprend une interview de Moubarak où celui déclare : « tant que le conflit était entre les mains de Yasser Arafat et d'Ariel Sharon, il était difficile d'imaginer une solution sans l'intervention active des Etats-Unis, ajoutant qu'il était possible qu'Arafat se nomme lui-même président symbolique, environ un an après qu'un Etat palestinien soit déclaré » Eventualité totalement inacceptable pour le chef détat égyptien. Moubarak n'a pas la réputation de mâcher ses mots, et par le passé, il s'est montré encore plus brutal vis-à-vis d'autres dirigeants arabes, comme Saddam Hussein, Kadhafi et le président du Soudan. Mais il ne s'était jamais exprime aussi clairement, en public, à propos d'Arafat. Ces derniers jours, Arafat a provoque la colère de Moubarak, sur deux sujets importants : la remise à plus tard des réformes de l'appareil de sécurité palestinien, on a vu depuis quArafat na plus eu dautres choix que de sexécuter sous la pression américaine, Du rapport que lui a fait son chef des services de renseignements, Omar Souleiman, qui a rendu visite a Arafat peu de temps après, et a propose un plan égyptien détaillé de réformes, Moubarak a compris qu'Arafat n'avait pas l'intention ou la volonté, au moins a ce stade, d'adopter la proposition égyptienne dans sa totalité. Selon une source égyptienne, "l'impression qui prévaut est qu'Arafat est prêt a des changements peu significatifs et est s'en servir comme conditions d'un changement de politique par Israël". Le deuxième sujet est encore plus grave, aux yeux de Moubarak : au moment même ou l'Egypte et l'Arabie Saoudite tentent de convaincre l'administration américaine de faire la distinction entre l'Autorité palestinienne et les groupes terroristes, rendant ainsi possible une nouvelle distinction entre résistance légitime à l'occupation et attentats terroristes illégitimes, Arafat leur coupe l'herbe sous le pied en menant une idylle politique avec les groupes terroristes en proposant au Hamas et au Djihad dentrer dans son futur gouvernement. Idylle qui, soit dit en passant, a déjà échoué, les deux groupes ayant déclarés qu'ils ne se joindraient pas au cabinet d'Arafat. Par ses déclarations, Moubarak vient d'instituer de nouveaux paramètres au discours politique, qui seront acceptables aux yeux du monde arabe. Ces paramètres s'accordent avec ce que le porte-parole de la Maison Blanche a dit, quand il a parle de l'intention de l'administration Bush d'établir des contacts intensifs avec des Palestiniens mais surtout pas Arafat. La déclaration de Bush Apparemment tout le monde sy retrouve dans cette déclaration, même Arafat dans un premier temps, à condition de se livrer quà une lecture partielle, bien sur. Le leader palestinien na voulu y voir que lévocation par Bush de la notion détat palestinien, même provisoire. Israël parle dun immense triomphe à travers laboutissement de ses thèses sur le caractère nuisible et dangereux dArafat. Et donc de son éviction nécessaire pour la résolution de ce conflit. Les principales capitales arabes les plus proches, Amman et Le Caire, laissent entrevoir une attitude plutôt bienveillante, ayant tout bénéfice à la liquidation politique du leader palestinien, sans toutefois officiellement se prononcer sur son départ. Damas et Ryad sont pour linstant restées muettes. La presse de ces pays, souvent la voix officieuse de leurs dirigeants, souligne néanmoins, mais sans trop de virulence, le manque de concertation au niveau international. En revanche, pour les prétendants au changement au sein de lAP, les choses se compliquent. Ils se retrouvent coincés, ils nont pas dautres choix que taire leurs divergences et leurs querelles internes et montrer une solidarité de façade en soutien au vieux chef encore charismatique En appelant presque ouvertement au renversement dArafat, Bush condamne au silence tous les opposants qui craignent de passer pour des traîtres. Conclusion Arafat doit gérer des courants antagoniques au sein de LOLP. Un courant radical clairement installé à gauche autour des frères Barghouti, qui souhaite des réformes en profondeur qui mettraient fin à la corruption, à la bureaucratie au caractère autocrate dArafat Ce courant espérait beaucoup des accords dOslo, tout en sachant que ceux ci étaient loin dêtre parfaits Au moment du retour de Tunis dArafat et de ses proches, beaucoup de palestiniens qui avaient vécu la première intifada et pour certains la clandestinité ou les prisons israéliennes attendaient la mise en place dans lamorce de paix qui sébauchait, de structures démocratiques, gérées par des gens capables et responsables Cela na pas été le cas et les désillusions ont été profondes. Nombre dindividus issus de ce courant tirent le bilan de cette période. Un fonctionnaire de lAP nhésite pas à dire : « Notre grosse erreur fut de croire que les intérêts de la lutte nationale passaient avant la lutte pour la démocratie. Les vieux chefs nous ont fait gober ces fadaises, car ils craignaient quon les questionne sur leur façon de diriger. En fait la bataille pour la démocratie ne peut être séparée de celle pour la création de létat. Voilà ce que nous avons compris au cours de cette Intifada. Le manque de démocratie affaiblit la résistance.» Un deuxième courant gravitant autour de Dalhan, non négligeable et le plus compromis dans la corruption, apparaît plus enclin à composer avec Israël et dont les membres paraissent crédibles aux yeux des Etats Unis pour constituer la future équipe dirigeante. Cette équipe sera sans aucun doute prête à tous les compromis, quitte à brader et à ignorer toutes les exigences du peuple palestinien, pour peu quon leur laisse quelques miettes de pouvoir. Un troisième courant dont il est difficile de mesurer limpact politique réel est le courant islamiste en particulier le Hamas, basé majoritairement dans la bande de Gaza. Ce courant, longtemps favorisé par Israël en vue de déstabiliser lOLP, maintient son emprise sur les populations les plus déshéritées et gagne une influence politique au sein de celles ci. Mais le temps presse et la fin est proche. Arafat aura beau chercher à donner des gages de bonne volonté aux USA, en remaniant son gouvernement, en prévoyant pour 2003 des élections, la partie est quasiment perdue. Les soutiens internationaux réellement affichés se font plus rares ou plus critiques ou némanent que de pays pas très fréquentables comme lIrak, lIran ou la Syrie. Les revers tant politiques que militaires ont mis à jour des contradictions latentes qui ne pouvaient pas apparaître au grand jour, au nom de lunité à tout prix contre Israël. Même si Arafat bénéficie encore dun soutien populaire non négligeable, un peu moins dans la bande de Gaza, fief du Hamas, lheure de la relève a sonné, simplement parce quArafat ne sert plus à personne au niveau international, Laffrontement Est Ouest est terminé. Il devient même gênant à partir du moment où le peuple palestinien et son devenir nest plus un enjeu dans le nouvel ordre mondial. Malgré leur opposition, populaire ou et islamiste, la majorité des pays arabes de la région font allégeance de près ou de loin aux Etats Unis. Dans cette configuration, Arafat fait office de troubles fête dans la construction de ce nouvel ordre mondial, pire, il est assimilé au terrorisme et aux forces du mal. Il peut encore servir quelques temps de repoussoir ou de prétexte à un durcissement de la répression du peuple palestinien par Israël, mais pas trop sinon il passerait pour un martyr, et de cela Israël ne le veut à aucun prix. Il dérange surtout les pays arabes proches comme lEgypte et la Jordanie. Ces deux pays, pour des raisons qui leur sont propres, sont particulièrement instables : lEgypte avec une montée du mécontentement social aiguillonné par le mouvement des Frères Musulmans, la Jordanie dont la population est constitué par trois cinquième de palestiniens exilés et qui sont solidaires de ceux qui vivent à louest du Jourdain Les dirigeants de ces deux pays sont conscients du charisme quexerce Arafat. Ils craignent une certaine contagion subversive vers des populations qui ont toujours manifesté leur solidarité avec le peuple palestinien et souhaiteraient à loccasion se débarrasser de ses dirigeants. Les chances de survie politique sont minces pour Arafat. Derrière sa survie cest celle du peuple palestinien tout entier qui est en jeu. Si lon n'y prend pas garde, cest la disparition pure et simple de ce peuple en tant que tel qui est programmée, privé quil sera de toute identité tant politique que symbolique avec la complicité objective de toute la communauté internationale. Patrick OCL - Caen Juin 2002 NOTES (1). Etait jusquil y a peu le chef de la sécurité préventive à Gaza. Interlocuteur privilégié des services de sécurité israéliens et de la CIA avant le début de la 2e intifada. Né en 1961 dans le camp de réfugiés de Khan Younès , il a été au sein du mouvement de jeunesse du Fatah à Gaza, lun des principaux militants de la première intifada. Après son expulsion en 1987, il a assuré la liaison depuis Tunis avec les militants sur le terrain. Depuis la reprise des affrontements, il est considéré par Sharon comme lun des responsables des attentats anti israélien. Néanmoins Ben Eliezer, ministre de la défense travailliste dans le gouvernement de Sharon, lui a proposé de prendre le contrôle de la bande de Gaza, au cas où Arafat quitterait la scène politique. (2). Lun des plus proches fidèles dArafat chargé des fonds secrets, non pas ceux qui viennent de lUnion Européenne, mais provenant de certaines capitales arabes qui nont aucun intérêt à la résolution du conflit. Fait lobjet daccusations de plus en plus précises de corruption. (3). Lun des successeurs possibles dArafat, recherché activement par les Israéliens. Il était le seul à pouvoir se targuer dun véritable soutien populaire. Il a permis à Arafat de reprendre le contrôle des événements lors de la première intifada. Secrétaire du Fatah pour la Cisjordanie et chef des milices armées Tanzim, il était devenu un véritable héros dans la deuxième intifada, car contrairement à la plupart des notables de lAP, il ne sest jamais coupé de sa base militante. Son passage à la clandestinité ne la pas empêché dêtre arrêté et dêtre mis au secret. (4). Considéré comme lhomme de confiance dArafat avec lequel il a créé le Fatah en 1959. il a partagé tous les exils successifs et est devenu lémissaire de lOLP dans plusieurs capitales dont Moscou. Il a été le pionnier du dialogue avec les Israéliens. Elu en 72 au conseil central de lOLP, il est à la fin des années 80 lun de ceux qui réclament la réforme de la Charte palestinienne et la reconnaissance dIsraël. Cest lui qui signera en 93 à Washington avec Shimon Perez la « Déclaration de principe sur les arrangements intérimaires dautonomie» (5). Cet homme daffaire prospère établi à Beyrouth, occupe le poste de ministre du plan et de la coopération au sein de lautorité palestinien. Il appartient au Fatah depuis 1968et est lun des principaux conseillers dArafat et lun des artisans du processus de paix initié à Oslo. (6). Lun des durs de lAP. Il a été chargé par Arafat de liquider les militants des groupes islamistes avant le début de 2e intifada. Originaire dHébron, il a passé près de 15 ans dans les prisons israéliennes. Expulsé en 1988, il rejoindra Arafat à Tunis et deviendra par la suite chef de la sécurité préventive pour la Cisjordanie. Au lendemain des accords dOslo, sa parfaite connaissance de lhébreu et de la mentalité israélienne en fera lun des principaux interlocuteurs des services de sécurité israéliens et de la CIA. |
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