Courant alternatif no 148 avril 2005 |
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SOMMAIRE |
Edito p. 3 SOCIAL Bruxelles, Bolkestein et la constitution européenne p. 4 Grève à la commission des recours des réfugiésp.5 Le mouvement lycéen face à l'intransigeance et à l'isolement p.7 Brèves IMMIGRATION L'école pour piéger les sans-papiers Rubrique Flics et Militaires p.24 ANTINUCLÉAIRE Show chaud de printemps! Point de vue: Médiamensonges ALTERMONDIALISATION Retour sur les mobilisations contre le forum de Davos INTERNATIONAL Lutte des femmes en Irak p. 19 Sharon et Mahmoud Abbas: l'heure des choix p.22 USA: des précaires contre une multinationale p. 24 |
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EDITO |
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Il y a dans lair printanier comme un parfum, un relent plutôt, davril 2002. Il fallait alors choisir entre la Démocratie ou la descente aux Enfers : Chirac ou Le Pen. Trois ans plus tard nous sommes convoqués pour une nouvelle échéance historique : la Constitution européenne ou la Pétaudière nationale. Comme en avril 2002, point de drame, tout juste une farce sinistre. Mais parions que les médias feront hurler les démocrates bon teint à la mort (voir article dans ce numéro sur la directive Bolkestein) pour guider les masses vers le bon choix! Et quest-ce que cette Europe ?..Une nouvelle entreprise de soumission ! Actuellement après 50 années de Communauté Européenne, le bilan bruxellois évoque les guerres évitées (comme si lépouvantail soviétique navait jamais existé !), ou bien le niveau de consommation inédit (comme si les mouvements sociaux navaient pas pesé pour une répartition plus équitable !), ou encore le futur monde multipolaire où seuls les géants continentaux auront un avenir (comme si la domination européenne sur dautres peuples pouvait être un réconfort et une garantie contre sa propre précarité !). Cette concentration du pouvoir européen, cette fusion des appareils dEtat saccompagne dun mouvement inverse simultané : à la base, le capitalisme filialise, sous-traite en cascade ladministration, comme dans les entreprises. Régions, « pays », communautés de communes, quartiers sont autant de cloisonnements et de subdivisions utiles pour diviser, optimiser, différencier, affiner la gestion humaine et renforcer lexploitation et le contrôle, le consensus et ladhésion (avec des ersatz et autres gadgets comme la démocratie participative, les conseils de quartiers,etc). Car cette adhésion à lEurope, cette soumission volontaire, cette rentabilité, ce nest pas gagné davance et les dirigeants sont prêts à faire des accrocs à leurs propres résolutions de sévérité salariale, pour que la potion européenne ne semble pas trop amère La preuve : les 0,8 % daugmentation supplémentaire des salaires de fonctionnaires distribués en 2005, qui viennent se rajouter à un autre 1 % prévu de longue date, alors que les caisses étaient vides. Royal ! Raffarin-Chirac savent arroser le petit personnel, quand celui-ci manifeste quelque énervement, comme le 10 mars dernier quand un million de personnes descendaient dans la rue ! Au risque de mal voter et repousser dans le temps le scénario européen ! Les syndicats semblent eux aussi satisfaits de ce 0,8 %, et plutôt disposés à calmer les esprits, les enjeux européens les concernent directement pour leur survie économique (voir larticle plus loin). Donc il semble que la montée de la pression sociale, bien perceptible le 10 mars, retombe pour le moment. Même si en profondeur, rien nest réglé ; la preuve en est : les mouvements dans le privé comme dans le public se succèdent. Mais gagner aujourdhui dans un conflit dentreprise, cest se heurter à une détermination patronale sans faille. Il faut vraiment que les patrons soient au pied du mur (dargent !) pour que le conflit gagne quelque chose (comme dans le conflit Saupiquet à Nantes à la mi-mars, où les personnes délocalisées ont obtenu une amélioration substantielle du plan financier ; en bloquant ladministration de Saupiquet elles bloquaient les fournitures de conserves aux distributeurs, dont les stocks au bout dune semaine de grève étaient épuisés, rentabilité oblige). Ainsi les 0,8 % daugmentation des fonctionnaires nont été suivis que dune fin de non-recevoir de la part du MEDEF pour le privé, en ravivant la tension privé-public dans les têtes. Un général britannique déclarait, en regardant les manifestants contre la guerre en Irak : « Quils continuent de marcher tant quils veulent, tant quils paient leurs impôts cela ne nous gêne pas » -Peace News , déc. 2004. Guillaume Sarkozy , candidat à la succession de Seillières à la tête du MEDEF, devait penser comme ce général anglais quand il répondait par un refus définitif à louverture de négociations salariales dans le privé. « Tant que vous ne touchez pas nos intérêts économiques vitaux, manifestez comme ça vous chante ! ». Il faut dire quil est bien épaulé. Les médias nous refont le coup du silence et du black-out, comme lors du mouvement des chômeurs en 98. Après lannonce de louverture de négociations le 11 mars dernier et la manif de Bruxelles, la mobilisation sociale est tombée aux oubliettes des salles de rédaction. De même pour le mouvement lycéen, après le vote à marche forcé de la réforme Fillon dans léducation ; les occupations et grèves lycéennes continuent un peu partout, avec leurs cortèges de violences policières dailleurs, mais les médias nen parlent plus, ou alors très peu, comme dun mouvement complètement retombé après le passage du texte à lassemblée. Pour faire plier les possédants et obtenir quelque chose de substantiel, il nous faudra plus que quelques manifs « citoyennes ». Comme ces cueilleurs de tomates nord-américains qui ont gagné une victoire après trois ans (!) de campagne contre une multinationale, niant sa responsabilité dans les méthodes esclavagistes usées par ses fermiers sous-traitants(voir article plus loin). Ce sont ces nouvelles formes de structuration et de résistance collective, expérimentées ici ou là qui pourront marquer des points décisifs et rétablir un rapport de forces plus favorables aux exploité-e-s quil ne lest aujourdhui. Nantes le 3 avril 2005 |
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GUERRE ET MEDIAS: Oui, Kouchner mentait...! |
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Le co-auteur d'un des plus gros médiamensonges des années 90 vient d'avouer. Instructif pour l'avenir, car les trucs de manipulation sont toujours les mêmes...
Flash-back. Eté 92, guerre en Bosnie. Bernard Kouchner et ses « Médecins du monde » diffusent dans la presse et sur les murs de Paris une pub, frappante et coûteuse. La photo - montage présente des « prisonniers » d'un camp serbe en Bosnie. Derrière des barbelés. Kouchner y accole l'image d'un mirador d'Auschwitz.. Son texte accuse les Serbes d' «exécutions en masse ». Info ou intox ? Intox, reconnaît Kouchner douze ans plus tard. Son récent livre autopublicitaire, « Les guerriers de la paix », relate une entrevue avec Izetbegovic (le dirigeant nationaliste musulman au pouvoir à l'époque à Sarajevo), sur son lit de mort : - Kouchner : C'étaient d'horribles lieux, mais on n'y exterminait pas systématiquement. Le saviez-vous ? - Izetbegovic : Oui. L'affirmation était fausse. Il n'y avait pas de camp d'extermination quelle que fût l'horreur des lieux. Je pensais que mes révélations pourraient précipiter les bombardements. Ce médiamensonge a effectivement fait basculer l'opinion vers le soutien aux bombardements. Toute la presse occidentale l'avait diffusé massivement. Mais le récent démenti a été passé sous silence. Le public ne peut savoir qu'il a été roulé. Le demi-aveu de Kouchner et ce silence médiatique posent des questions cruciales : 1° Kouchner savait-il bien plus tôt ? Réponse : Oui. Dès 1993, un journaliste de France 2, Jacques Merlino, révélait la supercherie dans un bouquin au titre éloquent « Toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire ». Il y interviewait le directeur de Ruder Finn, agence US de relations publiques. Lequel, très fier, avouait avoir monté de toutes pièces la campagne des « camps d'extermination » : « Nous avons circonvenu trois grandes organisations juives : B'nai B'rith, American Jewish Committee et American Jewish Congress. Aussitôt, nous avons pu dans l'opinion publique faire coïncider Serbes et nazis. Le dossier était complexe, personne ne comprenait ce quI se passait en Yougoslavie, mais d'un seul coup, nous pouvions présenter une affaire simple avec des bons et des méchants. » En mentant, fait observer le journaliste ! Réponse : « Nous sommes des professionnels. Nous ne sommes pas payés pour faire la morale. » Donc, Kouchner savait depuis longtemps et ce n'est pas joli - joli de mettre à présent toute la faute sur le dos d'un mort. 2° Les médias ont-ils enterré les preuves de la supercherie ? Réponse : Oui. Un journaliste allemand Thomas Deichman a montré dès 1994 que l'image des barbelés était truquée, que les « prisonniers » n'étaient pas enfermés. En fait, elle était tirée d'un reportage ITN où ils déclaraient être bien traités, mais la journaliste avait coupé ces déclarations ! On trouvera l'affiche de Kouchner, les commentaires de Deichmann, et notre exposé des trucages dans notre livre « Poker menteur ». Daté de 1998. Donc, il ne fallait pas attendre aujourd'hui pour rectifier Dans un reportage-vidéo « Sous les bombes de l'Otan » (1999), nous avions aussi présenté les images tournées par une télé locale, qui démontraient la tricherie du reportage ITN. 3° Kouchner a-t-il été protégé, même par des « critiques de médias » ? Réponse : Oui. Un exemple : Daniel Schneidermann (Arrêts sur images, France 5) nous avait contacté sur ce dossier, puis nous a écarté du débat pour ne pas nuire à Kouchner. On n'a pas non plus interrogé ses médiamensonges sur le Kosovo et son bilan catastrophique dans cette province. Nous disons bien : médiamensonges, et non erreurs. Son plan de carrière visant le poste de secrétaire - général de l'ONU, il lui faut tout faire pour plaire aux USA. 4° Pourquoi fallait-il présenter une histoire « simple », mais fausse ? Pour cacher la responsabilité des grandes puissances occidentales dans ce conflit : - Depuis 1979, lespionnage allemand soutenait des extrémistes pour faire éclater la Yougoslavie. - En 1989, le FMI avait mis la pression néolibérale pour éliminer l'autogestion et les droits travailleurs, excitant la crise et les nationalismes . - En 1991, l'Allemagne avait armé les extrémistes croates et musulmans avant la guerre. - De 1992 à 1995, les Etats-Unis ont délibérément prolongé le conflit, comme en atteste l'envoyé spécial européen en Bosnie, lord Owen. - Pour quels intérêts, toutes ces manoeuvres ? Eliminer un système social trop à gauche, mais aussi contrôler les Balkans stratégiques et les routes du pétrole . 5° S'agit-il de nier tous les crimes commis ? Pas du tout, mais lorsque nos gouvernements cherchent à nous entraîner par une propagande de guerre « bons contre méchants », il est important de repérer leurs intérêts cachés. Et leurs trucages d'infos. Par exemple, s'agissant des camps de prisonniers en Bosnie, l'ONU en avait recensé six croates, deux serbes et un musulman. Et c'étaient plutôt des camps de regroupement en vue d'échanges, et non des camps d'extermination Mais, les nationalistes croates et musulmans étant "nos" alliés, ou plutôt "nos" agents, Kouchner, Bernard-Henri Lévy et autres invités médiatiques permanents les ont mensongèrement blanchis. Il faudrait juger les criminels de guerre. Tous les criminels de guerre, dans tous les camps. Mais pas par des tribunaux bidons mis sur pied par une justice des vainqueurs où les USA et l'Otan se placent d'office au-dessus de la loi et même carrément hors-la-loi puisqu'ils violent la Charte de l'ONU à tour de bras. 6° Y a-t-il eu d'autres médiamensonges « réussis » dans cette guerre ? Oui. Un seul exemple. Quand l'Otan a commencé à bombarder la Yougoslavie, en 1999, elle a affirmé réagir à ce qu'elle appelait un « massacre de 40 civils » par l'armée yougoslave, à Racak, village du Kosovo. Mais Belgrade parlait d'un combat entre deux armées, provoqué par les forces séparatistes albanaises. L'ONU avait commandé un rapport à une commission de légistes dirigée par un docteur finlandais, Madame Ranta. Celle-ci a confirmé la thèse de Belgrade. Mais aucun média n'en a parlé. Le médiamensonge reste intact pour l'opinion. Pourquoi ? Parce que les médiamensonges de Kouchner, BHL et Cie ont permis de diviser la gauche et de l'empêcher de s'opposer à une guerre en réalité injuste. L'opinion publique, ça se travaille. Et la prochaine fois, ça recommencera. Ces questions seront prochainement débattues en Belgique et en France : Cinq ans après l'intervention de l'OTAN au Kosovo, quel bilan tirer ? Quel est aujourd'hui le sort des minorités nationales ? Quels sont les véritables enjeux géopolitiques de cette guerre et la place des Etats-Unis dans les conflits? MICHEL COLLON |
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LUTTE DES FEMMES EN IRAK |
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Plus que les élections en janvier dernier, la condition des femmes irakiennes , leur résistance à 'oppression et au meurtre, illustrent quelle liberté les USA ont amené aux populations du pays...
La victoire islamiste aux élections de janvier 2005 en Irak a révélé ce que beaucoup ne souhaitaient pas savoir, cest-à-dire que lIslam politique est dans ce pays non seulement une force dopposition à loccupation coalisée, mais aussi une puissante force de collaboration, prête à mettre en place un régime réactionnaire dont les femmes seront les premières victimes. La dégradation de leur situation na pas commencé en mars 2003 avec lentrée des troupes américaines et de leurs alliés à Bagdad ; cest un processus long, engagé depuis plus de vint ans. Mais elle sest accélérée avec laval des autorités occupantes et, au Kurdistan, des partis nationalistes. |
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USA: DES PRÉCAIRES CONTRE UNE MULTINATIONALE! |
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Face à une gestion du travail par la sous-traitance généralisée, des travaileurs agricoles ont fait reculer une multinationale de l'agro-alimentaire sur la question du salaire et des conditions de travail, après trois ans de lutte.
Samedi 12 mars devait se tenir une grosse manifestation de protestation devant le siège de Yum!Brands à Louisville (Kentucky). En fait, cela sest transformé en manifestation de victoire pour les membres de la CIW (Coalition of Immokalee Workers, Regroupement des travailleurs dImmokalee) et pour tous ceux qui les ont soutenus un peu partout aux Etats-Unis. La lutte des cueilleurs de tomates dImmokalee (Floride) contre la grande entreprise de fast-food Taco Bell et contre son entreprise mère, Yum! Brands (plus grosse encore que McDonalds), était entrée dans sa quatrième année. Pendant trois ans, les cueilleurs de tomates et leur organisation, la CIW, avaient organisé le boycott de Taco Bell, exigeant que la compagnie reconnaisse sa responsabilité dans les conditions de travail épouvantables faites aux ouvriers agricoles de la tomate, qui pour la plupart sont des immigrés venus du Mexique, de Haïti ou du Guatemala. |
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