Courant alternatif no 149 mai 2005

SOMMAIRE
Edito p. 3
ELECTIONS
Constitution européenne: L’Etablissement aux abois p.4
SOCIAL
Le Printemps des précaires p.6
Ca branle dans le manche p.8
LIVRES RECUS p.9
BREVES
PLANETE
Crevettes et Touristes, responsables des conséquences du Tsunami p.10
DERRIERE LES MOTS
Arrêtons la recherche! p.12
Terrorisme et médias: les deux mâchoires d’un même piège à cons p.14
POINT DE VUE
Les gigantesques désinformations des médias p.16
SYNDICALISME
Pourquoi nous quittons la Confédération Paysanne p.18
INTERNATIONAL
Guantanamo, le bagne au bout du monde p.21
Le cône sud au printemps 2004 p.22
FLICS ET MILITAIRES p.23
ANTINUCLEAIRE
Projet de plate-forme du collectif contre la société nucléaire p.24

EDITO

De Bolkestein à Chirac, en passant par Hollande, Bayrou et Cohn-Bendit, tout ce beau monde intelligent, lucide, qui va dans le sens de l’Histoire, œuvre sans s’en apercevoir pour une victoire du NON. Ce beau monde qui a aujourd’hui la trouille, n’hésite pas à faire un parallèle entre ce référendum et un certain 21 avril 2002 où une partie de la bourgeoisie éclairée s’est fait éliminer. Ces politiciens géniaux ont quelque part raison car la non-adhésion massive à l’Europe capitaliste a une signification de classe au même titre que les abstentionnistes de ce premier tour du 21 avril. Oui, aujourd’hui en France, une majorité d’exploités, citoyens ou non, refuse, d’une manière ou d’une autre, LEUR société.
Ce n’est pas un séisme mais un espoir que cela s’exprime un jour sur d’autres terrains que dans le cirque électoral.

Mais, comme nous l’avons dit dans notre précédent numéro, l’échec du OUI ne serait pas la catastrophe annoncée par les partisans de la future constitution. Il s’établirait un statu quo basé sur le texte en vigueur actuellement : celui du traité de Nice. Et dans quelques mois, voire un peu plus, nous serions invités (tout du moins pour ceux et celles qui sont inscrits sur les listes électorales) à retourner aux urnes, pour un second tour, où un certain nombre de propagandistes actuels du NON retourneront leurs vestes en cédant, encore une fois, aux sirènes de « l’antifascisme », du « réalisme »… Du déjà vu… Un certain 5 mai 2002 !

Bien sûr, en cas d’échec du OUI, « le rôle et la superbe » de la bourgeoisie française en sera affectée quelques mois. S’en suivront des recompositions politiciennes où l’avenir de Chirac et de son clan sera sérieusement compromis par un Sarkozy qui n’a pas mis tous ses œufs dans le panier du OUI. Quant au PS, ce sera soit des scissions soit l’avènement d’un Fabius requinqué. Rien de bien folichon, c’est le moins que l’on puisse dire ! En fait, la seule satisfaction de la victoire du NON serait de voir la « tronche de cake » des nantis et de ceux qui y aspirent, le soir et le lendemain du scrutin.

Nous pouvons nous faire plaisir mais ce ne sera jamais un bulletin de vote qui remettra quoique ce soit de fondamental. Pour lutter contre le capitalisme, il n’y a rien d’autres que la lutte des classes qu’elle s’exprime directement sur les lieux d’exploitation ou qu’elle donne un contenu à des luttes contre cette société patriarcale, capitaliste qui détruit et asservit tous les fondements de la vie.

Au niveau des luttes dans les entreprises, un changement est en train de s’opérer. Progressivement, les grèves dans le secteur public et surtout dans le secteur privé passent d’un niveau défensif à l’offensive. Bien sûr, des travailleurs et travailleuses se battent toujours contre les fermetures d’entreprise, les délocalisations en essayant, en dernier ressort, d’obtenir le moins mauvais « plan social ». Quant au secteur public, il a toujours autant de mal à dépasser les échecs concernant la conservation des avantages acquis (statuts, retraite, …). Mais, en épluchant les conflits sociaux de ces derniers mois on constate une remontée des luttes pour des augmentations de salaires et pour de moins mauvaises conditions de travail. Ces luttes dans l’automobile, les chaînes de distribution (habillement, hypermarchés) et plus globalement dans les services peuvent mettre de plus en plus en cause la course au profit dans la concurrence des entreprises. Les exploité-e-s reprennent l’offensive contre des salaires bloqués depuis des années et contre l’intensification du travail qu’avait induit les RTT, impliquant un stress et l’apparition de nouvelles maladies neurologiques et autres. Le patronat refuse systématiquement toute augmentation salariale globale. La « conscience de classe » refait surface encouragée par la publication des revenus et indemnités des PDG. A Carrefour, théâtre récent d’une série de grèves pour les salaires, un PDG viré après 12 ans d’ancienneté vaut 2514 ans de SMIC ! L’Etat, aux caisses soi-disant vides, se sent obligé de lâcher quelques miettes à ses fonctionnaires et en pompier va très certainement légiférer afin que les salaires et indemnités des PDG ne soit plus source de scandale.

Au niveau des luttes des précaires, là aussi des choses bougent comme vous pourrez le constater en lisant l’article de ce numéro : « le printemps des précaires ». « La norme du travail a pris le visage de l’emploi précaire, d’autre part, les contrats atypiques se multiplient et enfin, l’emploi ne protège pas de la pauvreté ». Ces constats impliquent de nouvelles revendications, le contenu change et nous ne sommes plus en présence de revendications du type « retour au plein emploi » ! Ces nouveaux contenus impliquent de nouvelles solidarités, l’émergence de la nécessité d’une convergence des luttes entre ceux qui travaillent pour rien ou pas grand chose, les sans-papiers, les chômeurs pas assez subventionnés par l’ASSEDIC, les rm-istes, …

Nous sommes encore loin d’un mouvement de classe et de masse. Mais d’ores et déjà la nécessité de l’unité et de la coordination à la base ainsi que l’autonomie des initiatives se posent encore une fois.

OCL Reims, le 27/4/05

Constitution européenne: L’Etablissement aux abois

Manifestement l’enjeu de ce referendum n’est pas la constitution européenne. Pour les tenants du oui il s’agit maintenant de recrédibiliser la classe politique qui constate avec effroi que le fossé qui existe entre elle et le peuple est encore plus grand que ce qu’ils pensaient. Chacun de leurs arguments en faveur du oui se retournait contre eux à tel point que l’on avait l’impression d’assister à un exercice de Commedia del arte dans lequel Arlequin rossait le coquin... pour le plaisir. Et ce plaisir-là n’en déplaise aux coincés de la politique politicienne est autrement plus révélateur que tel ou tel argument en faveur du oui ou du non.


Une chose est certaine, le résultat du référendum relatif à la constitution européenne, n’aura aucune incidence sur les projets capitalistes mis en place dans la zone Europe en rapport direct avec les redéploiements économiques qui s’opèrent à l’échelle de la planète. En France, 15 familles à elles seules contrôlent plus du tiers du capital de la Bourse de Paris : Peugeot, Bouygues, Bettancourt, Dassault, Arnault, Michelin, Pinault, Bellon, Ricard... Dans le monde ils sont 700 à posséder un milliard de dollars ou plus. Et leur fortune, de 2 200 milliards augmente en moyenne de 15 % par an ! C’est cette réalité-là que les capitalistes se doivent d’organiser et de rationnaliser à seule fin de la pérenniser.


A défaut de dissoudre le peuple...

Par conséquent, même si le bon peuple votait non, à défaut de le dissoudre, “ on ” pourra toujours lui organiser une nouvelle consultation, comme ce fut déjà le cas il n’y a pas si longtemps, à propos d’autres questions européennes, au Danemark et aux Pays-Bas. Et, s’il le faut, pourquoi pas, un troisième référendum ! Il s’agit avant tout d’oindre d’un ongent démocratique ce qui a déjà été décidé et organisé dans les sphères dirigeantes du capitalisme mondial. Car, à ce niveau, la vraie grande bataille, la guerre économique, a déjà commencé et seuls les plus forts existeront encore dans 20 ans. Tout est bon pour accumuler des forces en vue des futures batailles pour la conquête des marchés et l’accumulation du capital, de concentrations en concentrations. Au prix, bien sûr, de la dégradation irréversible de la planète et de la misère accrue de milliards d’êtres humains. Dans les pays occidentaux le niveau de vie va considérablement baisser. On expliquera alors aux classes moyennes occidentales encore dotées d’un semblant d’idéologie humaniste que cette baisse n’est pas un mal puisque, en contrepartie, le niveau moyen des pays émergeants s’élève. Les bas salaires, les précaires, les chômeurs seront, eux, paralysés par la peur de tomber encore plus bas et de perdre encore un peu plus de ce qu’on leur dit être des privilèges. Dans les pays “émergeant” un début d’accès, pour les plus chanceux, aux scintillements de la consommation taieront les réactions à la prolétarisation accélérée... C’est du moins le scénario dont rêvent les capitalistes. Mais si tout ne roule pas aussi bien il y aura toujours la guerre, avec tous les ingrédients qui la composent, pour remettre les choses en place.

On le voit l’enjeu est de taille. A tel point que si, par un malheureux concours de circonstances le bon peuple persistait à mal voter, “ on ” se passerait du verni démocratique. Rappelez-vous le référendum sur le maintien de l’Espagne dans l’OTAN ; ou celui sur l’Europe de Maastricht aux Pays-Bas. Dans les deux cas la couleur était annoncée : en cas de victoire du non “ on ” ne tiendrait pas compte de ce vote et l’Espagne resterait dans l’OTAN comme les Bataves dans l’Union européenne.

C’est cette réalité-là que les tenants des campagnes pour le non tentent de masquer en faisant croire qu’en cas de victoire nous assisterions à un recul réel de cette offensive libérale et anti-sociale (je ne parle évidemment pas là de l’extrême droite, tout aussi libérale et antisociale que les tenants du oui, et dont le non n’est qu’une tentative pour se refaire une santé, plutôt fragile ces derniers temps, en agitant les chiffons nationalitaires d’une supposée identité française menacée). Car, soyons clairs, pour faire reculer, ne serait-ce que d’un iota, les patrons et leurs alliés il faudrait un mouvement social d’une ampleur inégalée au cours de ces trente dernières années. Et nous n’en prenons pas le chemin, ne serait-ce que parce que les bataillons du non ont un autre souci en tête, celui précisément d’éviter l’émergence d’un mouvement social qui, s’il devait naître, ne pourrait vivre qu’en les balayant tous, vite fait, bien fait.

D’autres, certes, appellent de leurs vœux un mouvement social. Mais en ne l’imaginant que dans les strictes limites d’un syndicalisme revenant, aux mieux, aux illusions véhiculées par les oppositions internes à la CFDT des années 70-80, ils en sont réduit à n’avoir qu’une seule perspective, celle de recomposer une gauche de la gauche. En somme n’être qu’à la gauche de la droite ! C’est passionnant !

La nique aux partis

Et pourtant à combien de choses passionnantes il nous a été donné d’assister dans le mois où le non a été donné vainqueur ! L’important, le passionnant, l’étonnant, ce n’est pas cette supposée majorité de non. Ce qui est porteur d’espoir c’est que ce non ait résisté aussi longtemps à une ampleur propagandiste et anti-démocratique la plus éhonté qui soit. Pensez ! L’ensemble des partis de gouvernement de droite comme de gauche (hormis quelques électrons libre), la quasi totalité des médias, des intellectuels, des artistes, des sociologues, des économistes et des “ observateurs ”, l’ensemble de celles et ceux qui sont grassement payés pour remplir l’espace médiatique de leurs conseils avisés, mènent une bataille hargneuse, en rangs serrés, pour le oui, reprenant en chœur ce qui se dit dans les salon du prêt-à-penser européen. Au fur et à mesure que le non résistait dans les sondages, leur hargne balayait ce qu’il leur restait de vernis démocratique. Des débats étaient organisés entre un partisant du oui et... un partisan du oui. On expliquait à l’enfant-électeur, un peu partout, la constitution européenne, en prenant pour exemple tel ou telle question et, à chaque fois c’était pour montrer que les craintes des partisans du non n’étaient pas fondées. Et à ce jeu, les radios et les TV nationales, Le Monde et Libération, on été les maîtres de la propagande. Aux orties l’objectivité ! Si le non l’emporte ce sera le chaos, le fascisme, pourquoi pas le retour à la bougie et à l’âge des cavernes ! Au début, ils expliquaient que c’était parce que l’électeur était mal informé et qu’il ne connaissait pas les textes. Mais chaque personne n’ayant pas un petit pois à la place du cerveau s’est vite aperçu que tous ceux et toutes celles qui parlaient ainsi ne l’avaient pas lu non plus, que leurs arguments n’étaient que de conformité à une pensée qui se voulait dominante et que tout leur était bon pour balayer d’un revers de main les oripeaux démocratiques chantés la veille. Bref, on assistait en direct au franchissement du fragile Rubicon qui sépare le “ démocratique ” du “ totalitaire ”. Et lorsqu’ils éructaient que les arguments des tenants du non n’avait rien à voir avec la Constitution, ils avaient en partie raison : c’est contre eux, comme classe sociale, comme intelligentsia, comme manipulateurs, comme menteurs professionnels, que le non progressait... et non parce les “sondés”avaient bien ou mal lu la Constitution.

Les mensonges énoncés depuis ces derniers mois et ces dernières années par les politiques, comme par exemple que l’euro n’avait pas renchéri le coût de la vie, étaient trop gros, trop lisibles.
La pensée honnête se payait le petit luxe de cracher à la figure de ces messieurs-dames et en premier lieu des leaders de ce parti fondé par un ancien Vichyssois, le père de Mazarine. Un parti qui, une fois de plus, agitait l’épouventail le Pen, ressortant des oubliettes une formation en pleine décomposition, comme son fondateur l’avait fait, au début des années 80 à seule fin de conserver le pouvoir face à une droite en pleine ascension. Un parti qui s’est voulu, après Epinay, le continuateur modernisé de celui issu du congrès de Tours et qui s’illustra jadis par le refus de l’aide directe à l’Espagne antifranquiste en 36-37, par les pleins pouvoirs votés à Pétain, puis par le soutien à toutes les répressions contre les mouvements anticolonialistes dans les années 45-50. On le voit, un parti tout à fait qualifié pour donner des leçons d’antifascisme !


La bolchevisation du PS et des Verts

Ce parti, comme celui des Verts, s’était fait une spécialité historique de dénoncer le communisme à travers l’organisation interne du parti stalinien. Pas démocratique ! Pas de liberté de parole ! pas d’opposition officielle ! L’enfer bolchevique à nos portes clamèrent-t-il pendant 60 ans pour l’un, 20 ans pour l’autre. Et voilà que d’un coup le petit lénine de Tulle et le jeune piou-piou alsacien amateur d’oiseaux, montent sur leurs ergots, éructant que le parti avait voté à plus de 50 % (de justesse !) pour le oui et qu’il convenait de ne plus voir qu’une seule tête dans le rang. Menaces de sanctions et d’exclusions au PS. Chez les Verts, interdiction à droite faite à Cohn-Bendit de faire des meeting avec Bayrou pour le oui (il faut maintenir la fiction d’un oui de gauche) et à gauche aux tenant du non de faire estrade commune avec la gauche de la gauche et les communistes. Nos “ démocrates ” redécouvraient ainsi les bienfaits du “ centralisme démocratique ” prouvant par là-même que cet antinomie n’avait rien à voir avec une théorie politique mais était bel et bien une justification après coup de ce qui se passe dans tout parti dès qu’il y a péril en la demeure.

Malgré toutes ces manipulations il est tout à fait possible et même probable que le non finisse par l’emporter. Il restera tout de même que cet épisode sans précédent de méfiance et de rejet de la classe politique laissera des traces profondes qui ne pourront être assimilées à un néo-poujadisme comme “ ils ” tentent à chaque fois de le caractériser pour nous culpabiliser. Non ! le “ tous pourris ” n’est pas un slogan d’extrême droite, c’est une réalité que de plus de gens vivent. Et cette leçon sera sans doute retenue lors des prochains mouvements sociaux qui, comme nous l’avons dit, ne pourront vivre que par le rejet des bureaucrates de tout poil.

JPD


Le Printemps des précaires

Le Premier avril dernier, la Marche des chemineux de la colère est partie de Montluçon pour rallier Paris, à pieds, par des chemins de traverse, en un peu plus de trois semaines. Le lendemain, la Marche du printemps des précaires du Sud-ouest est partie de Bayonne pour parcourir l'Aquitaine, puis rallier Paris, en transports gratuits depuis Bordeaux afin de rejoindre celle de Montluçon. L'objectif de ces deux marches étant aussi de rejoindre l'Euro May Day, le Premier Mai des précaires européens. Ces deux marches, soutenus par le réseau AC!, ont voulu garder leur entière autonomie, dans leurs objectifs et dans leur fonctionnement.

Le 19 avril, est partie la Marche contre la précarisation de nos vies, dans le Pas de Calais. Son objectif est de parcourir la Région Nord Pas de Calais et de rejoindre la manifestation syndicale du premier mai à Lille. Non loin de là, dans le département de la Somme, il s'est constituée une autre marche qui répond au même appel que celle du Nord. En Ile de France, il n'y a pas eu de marches à proprement parlé mais des initiatives, des actions régulières, tout au long du mois d'avril, sur les terrains du logement, de l'insertion, du travail obligatoire, du transport… Il est difficile de parler d'une initiative "Marche contre la précarisation de nos vies", du fait que toutes ces initiatives ne se reconnaissent pas dans cet appel mais par contre on peut bien parler d'un printemps des précaires, dans le sens d'un frémissement des luttes sur le terrain de la précarité, dans un espace saturé par le référendum sur la constitution européenne, les appétits de recomposition d'une partie de la gauche et la répression que subissent les précaires, notamment les radiations de RMI et l'instauration de différentes mesures de travail obligatoire.

l'autonomie : un enjeu

Au départ, il y avait des initiatives éparpillées. Les uns avaient envie de fêter les 10 ans d'AC! en retrouvant cette dynamique des Marches de 1994. D'autres pensaient aussi que c'était l'occasion de remettre des choses à plat, faire un bilan tout en le confrontant à des rencontres. D'autres enfin, se sont rencontrés l'été dernier, sous l'appellation de Forum des Luttes Sociales, à Calais. On y retrouve des gens de la Confédération paysanne, du DAL, de No Vox et d'AC! Là aussi, a été décidé l'organisation de marches, au printemps. Ces initiatives n'ont pas communiqué entre elles. Pas par choix mais surtout par méconnaissance. Elles auraient pu se rencontrer mais sans doute le calendrier politique en a décidé autrement.
Les premières initiatives (en gros Bordeaux et Montluçon) se sont calées sur l' Euro-May Day, pour le Premier Mai à Paris (cette démarche a été validée par les assises d'AC! en octobre 2004). Elles ont affirmé tout de suite l'autonomie des marches. Des militants de ces deux collectifs avaient déjà eu l'expérience négative des "Marches" d'Amsterdam (1997) et Cologne (1999). Ils s'étaient sentis manipulés et considérés comme des petits soldats par des militants syndicaux comme l'expriment Sylvie et Charles, deux des marcheurs qui ont participé à cette marche de Bruxelles à Cologne : "Samedi 29 mai : 30 000 personnes manifestent. Les marcheurs s'imposent en tête de cortège et scandent " Précarité, visibilité...Organisateurs collaborateurs" . Cette marche, organisée d'en haut par des "responsables", nous a laissé un goût amer. Une véritable scission est apparue entre la volonté de la masse des participants de réaliser une véritable marche militante et celle des "responsables", tant locaux que français, de conduire cette marche de la façon la moins combative possible. L'initiative politique de la marche Bruxelles-Cologne devait être valorisante...mais il fallait des " troupes " pour donner une crédibilité au mouvement. Par contre ces mêmes troupes ne devaient pas avoir leur mot à dire dans les prises de décision. Alors " on " organise des assemblées générales, mais " on " ne tient aucun compte des décisions prises. Pendant toute la marche, la nourriture et le logement sont prétexte à diriger les marcheurs là où "on " veut qu'ils aillent. Cette marche doit nous permettre de tirer des leçons. L'organisation de telles manifestations doit être axée sur une démocratie directe, avec une structuration transversale permettant une réelle circulation de l'information. Faisons le maximum pour que la marche du " Printemps des Précaires " ne donne pas l'impression, comme en 1999, que des précaires se font trimballer comme du bétail affamé à travers les rues désertes des faubourgs traversés."
C'est de cela que les marcheurs de Montluçon ne voulaient pas. Idem pour ceux de Bordeaux dont certains avaient vécu une expérience un peu similaire à Amsterdam, en 1997. D'où l'affirmation non négociable de l'autonomie de leurs marches et la méfiance par rapport à un appel "national".
L'initiative "Printemps des précaires" a donné lieu à des débats très âpres à l'intérieur d'AC! On a pu sentir parfois des manœuvres autour du non à la constitution européenne et des volontés de recomposition qui vont avec (un peu ce que l'on a senti lors de la manifestation nationale de Guéret pour la défense du service public où les militants du PC ont arboré sans vergogne des pancartes pour le non à la constitution, alors que ça n'était pas le but de la manifestation).
Les gens d'AC! qui sont allées dans la démarche du Forum des Luttes disent qu'ils défendent "la convergence des luttes". L'idée était que ces initiatives se retrouvent au Premier mai pour l'Euro May Day mais voilà, le Forum des Luttes avait décidé dans un premier temps de marcher jusqu'à Strasbourg, en partant après l'Euro May Day. Pour ne pas aller au clash, les uns ont dit, nous marcherons en avril jusqu'au Premier Mai, d'autres ont dit, nous nous joindrons ensuite à la Marche qui partira vers Strasbourg. Ce compromis un peu foireux a donné une formulation du genre : "17 avril au 1er mai : marches régionales" et "2 mai au 11 mai : marches nationales." , d'autant plus qu'il y en a qui partent dès le 1er avril et qui ont décidé de marcher tout le temps. Le problème soulevé par Strasbourg et qui plombe le débat, c'est la question du référendum. Aux dernières assises d'AC! il a été refusé de se prononcer pour le non. Là aussi, une position de compromis a été trouvé avec un appel à se battre contre cette Europe :"Nous ferons tout, sous de multiples formes, pour que ce traité constitutionnel européen soit rejeté par les peuples de l'Union européenne, pour une autre Europe de nouveaux droits et des libertés" (Assises d'AC! , Créteil, le 5 février 2005.)
Comme il ne pouvait plus être question de marcher de Paris à Strasbourg pour le non à la Constitution, la Marche prévue de Paris à Strasbourg est purement et simplement annulée et avec elle la fiction entre "marches régionales" et "marche nationale". Aussitôt, d'autres ont annoncé qu'ils maintenaient l'idée de marcher jusqu'à Strasbourg. A ce jour (25 avril), on ne sait toujours pas ce qui va se passer. Par contre cette situation de confusion est très intéressante puisqu'elle laisse supposer et c'est ce qui est annoncé que ce seront les intéressés, c'est à dire les marcheurs qui décideront de ce qu'ils feront. En 1994, à la fin de la manifestation qui mettait un terme aux marches, les organisateurs avaient eu beaucoup de mal à disperser les marcheurs qui avaient occupé un immeuble et qui avaient envie de rester ensemble.

Qu'est-ce qui les fait marcher ?

Les deux marches autonomes, soutenues par AC!, Bordeaux et Montluçon ont des positions identiques. Par rapport à la situation actuelle, elles estiment qu' "il faut en finir avec l'imaginaire de l'urgence et se réapproprier notre temps". D'où l'idée de marcher, de rencontrer des gens de proche en proche, de recueillir des témoignages, de les consigner, de les faire circuler. Les marcheurs de Montluçon et de Bordeaux estiment que les avancées sociales n'ont jamais été gagnées dans des cabinets ministériels mais dans la rue et par la rue. Les revendications énoncés, servant de base de discussion lors des multiples rencontres sont : l'indemnisation de toutes les formes de chômage et de précarité ; un revenu individuel au moins égal au SMIC mensuel ; transports gratuits ; abrogation de la Loi de sécurité quotidienne (LSQ) ; présence des chômeurs et précaires là où se décide leur sort.
En se nommant "les chemineux de la colère", les marcheurs de Montluçon font référence aux chemineux qui allaient de ville en ville pour proposer leurs marchandises mais aussi pour faire circuler des informations.
Les Marches du Nord Pas de Calais et de la Somme ont un positionnement différent.
Celle du Nord n'ira pas rejoindre les autres marches à Paris, pour le Premier Mai. Elle manifestera à Lille, avec le cortège syndicale. Idem pour celle de la Somme qui manifestera à Amiens, ce jour-là. La marche du Nord part de la situation de cette région industrielle sinistrée : fermetures d'usines, taux de chômage important, coupures de courant pour impayés, expulsion de logements, surendettement, problèmes des sans papiers et des réfugiés, notamment à Calais, pollution, notamment l'amiante à Dunkerque, le plomb à Métal Europe, nucléaire à Graveline, répression.
L'objectif affirmé est de monter les convergences entre toutes ces luttes, d'aller vers les habitants et de prendre le temps. Là où il y a une grosse différence avec les marches de Bordeaux et de Montluçon, c'est la volonté affirmée de faire campagne pour le Non à la Constitution.
Mais la Marche la plus déconcertante dans ce qu'elle annonce, est bien celle de la Somme. Elle est organisée à l'initiative du DAL, de l'UDC (Union pour la dignité des citoyens), Emmaüs 80 et l'Union syndicale solidaire de la Somme. La première actions des marcheurs sera de remettre des CV collectés auparavant aux entreprises près desquelles ils doivent passer. Ensuite elle (sans doute une délégation) doit rencontrer les responsables de l'organisme de HLM d'Amiens pour "leur rappeler la pénurie de logements sociaux". Idem pour l'EDF, "pour leur demander plus de souplesse" par rapport aux impayés. Et dans la même veine, elle revendique la régularisation de tous les sans papiers, "pour des hommes et des femmes qui ont demandé l'asile dans notre beau pays (sic) car fuyant la mort qu'ils encourent s'ils retournaient chez eux"
Les Marches du Nord et de la Somme se situent, elles, dans les Marches du Printemps contre la précarisation de nos vies qui a lancé un appel intitulé "Contre la précarisation de nos vies, résistons, luttons, marchons - appel signé par entre autres AC!, le DAL, la Confédération paysanne, Droits devant, le MNCP, la CIP-IDF, …
Les collectifs d'Ile de France se situe aussi dans l'appel contre la précarisation de nos vies mais en font une lecture qui semble différente de celle de la Somme. Ils ne marchent pas mais font des actions plusieurs fois par semaine, depuis le mois de mars, réalisant occupation sur occupation, dont l'extrait de ce communiqué d'AC! Air libre donne le ton : "Parce que ruser avec l'assistante sociale qui veut vous obliger à bosser, c'est tout un art. Parce que marcher sur 600 bornes pour dénoncer la précarité , c'est une performance Parce qu'on a tous besoin de notre temps pour peindre, faire un film, lutter en collectif, dormir jusqu'à midi, monter un projet professionnel sur le long terme, apprendre le chinois ou occuper les assedic. Parce qu'aucun d'entre nous par contre n'a une vie à foutre en l'air en faisant des boulots sous payés, inutiles et épuisants. Parce que ce que nous défendons, il faudra bien le défendre tous contre les politiques de tous bords et les charognards de l'insertion." On est très loin du ton de ceux qui demandent par avance une entrevue aux responsables des HLM ou de l'EDF pour les supplier de faire quelque chose. Les militants d'AC! Paris Air Libre sont très investis dans le Comité des mal logés et ne se retrouvent pas du tout dans les positions et les pratiques du DAL et de Droits devant, signataires de l'appel des marches contre la précarisation de nos vies.

Euro May Day

Cette année le Premier mai à Paris sera marqué par l'Euro May Day. C'est là que se retrouvent notamment les marcheurs partis de Montluçon et de Bordeaux.
Cette initiative est partie d'Italie. Cette année, elle va exister dans de nombreux pays européens. Elle combine parade festive de rue avec des actions plus offensives. A Paris la fête aura lieu le Premier Mai. Les actions, à partir du lendemain. Il s'agit pour les précaires de se réapproprier et de recréer le sens du premier mai, comme journée de mobilisation et d'expression des réalités du précariat européen en affirmant des revendications de droits nouveaux, en rapport avec les nouvelles réalités de l'exploitation en partant de plusieurs constats : d'une part, la norme du travail a pris le visage de l'emploi précaire, d'autre part, les contrats "atypiques" se multiplient et enfin, l'emploi ne protège pas de la pauvreté. Cette année, il vient de se constituer un réseau européen l'Euro May Day Network où se côtoie la diversité de la lutte des précaires.
"Nous voulons le plein emploi de nos propres vies, annonce AC! dans son appel pour l'Euro May Day parisien. A la fête du muguet vendu à la sauvette par des migrants sans droits sociaux, pour cette journée internationale des travailleurs, sifflons des airs nouveaux. Chantons, crions, dévastons, rions, fêtons, faisons. Faisons autrement, comme nous pouvons faire : nous savons travailler, coopérer, inventer, aussi bien que nous savons dénoncer, résister, revendiquer. Fêtons ce premier mai avec tous ceux qui travaillent pour rien parce qu'ils sont invisibles, producteurs sans papiers produits par la législation, intermittents, chômeurs, pas assez subventionnés par l'ASSEDIC ou le RMI".
Expressions multiples. Expressions confuses. Expressions diffuses. Un peu de tout ça sans doute. Et on n'arrive pas à imaginer ce qu'il peut résulter de cela. On a même l'impression que les vérouilleurs n'arrivent plus tout à fait à verrouiller, les récupérateurs à tout à fait à récupérer, que les partitions écrites ne peuvent prétendre canaliser des improvisations et le fait qu'on ne puisse pas imaginer la suite est sans doute ce qui en fait l'intérêt.

Christophe (26 avril 2005)




Les Chemineux de la colère

Voici l'appel des chemineux de la colère, partis de Montluçon le premier avril :

Nous subissons tous les jours les injustices commises par le gouvernement.
Ne pas réagir, c'est lui donner raison.
Leurs lois sont injustes, immorales et illégitimes. Nous déplorons la mort à petit feu des droits fondamentaux. Nous regardons avec horreur et incompréhension les carnages du néo-libéralisme. Comment une telle chose a pu se produire, malgré la résistance dont nous faisons preuve ?
le gouvernement fait peser sur notre société une chape de répression.
Nous contestons le sérieux des dirigeants de ce pays lorsqu'ils parlent d'avancée sociale. Nous sommes confrontés à une politique envers les plus démunis qui manipule la peur afin de réduire les droits des personnes.
Résistons. Trop souvent, au cours de l'histoire, les gens ont attendu jusqu'à ce qu'il soit trop tard.
Solidaires, par les mots et par les actes aux précaires, chômeurs, à tous les "sans", d'ici et d'ailleurs, nous signons cet appel en vous appelant à nous rejoindre. Nous encourageons les actes de critique et de protestation, tout en sachant qu'il en faudra beaucoup plus pour arrêter cet engrenage infernal.
Marchons pour nos droits, libres et égaux, pour l'accès au logement, aux transports, à la culture…
proposons d'autres mondes.


Crevettes et Touristes, responsables des conséquences du Tsunami (1)

Les conséquences de ce Tsunami, auraient-elles été aussi importantes si les écosystèmes littoraux avaient été préservés depuis 1 siècle ? Que sont devenus ces écosystèmes de l’océan Indien qui constituaient une double barrière de protection à l’égard des grandes vagues ? (2)

La région d’Asie du Sud Est déjà touchée dans son histoire par des Tsunamis, n’avait pas connu autant de victimes parce que les côtes étaient protégées par un système de défense naturel, composé par les récifs coralliens et les mangroves. Les Palétuviers Rouges au port arbustif constituent la première bande de défense. Leurs longues branches flexibles s’érigent telles des échasses à même le sol et sous la surface de la mer, absorbent les premières ondes de choc des lames des Tsunamis. Un deuxième zonage et occupé par les forêts de Palétuviers Blancs et Noirs aux ports arborés typique des forêts pluviales. Ces derniers contribuent à absorber l’intensité des vagues. C’est au sein de cette Mangrove que traditionnellement se sont installées les populations locales indigènes trouvant protection et subsistance dans un écosystème riche et nourricier.
Des dizaines de milliers de kms de Mangrove couvraient le littoral. Elle protégeait la côte de l’érosion, offrait un milieu exceptionnel Les populations de crustacés et de poissons dont dépendaient les peuples indigènes pour leur subsistance-autonomie (protéines ; matériaux de construction; plantes médicinales et alimentaires).
Dans l’océan indien, le Sri Lanka et le Sud de l’Inde, la plupart des forêts pluviales de type mangrove ont disparu. Cette situation touche aussi la zone Caraïbe ( Haïti ; République- Dominicaine; Jamaïque, le Madagascar comme la côte Est de l’Afrique. L’archipel des Philippines a perdu 4/5 de la mangrove initiale depuis les années 1960. En Asie du Sud Est, 70% des mangroves ont disparu au profit de l’industrie de la crevette et du tourisme de masse.
En 1960, un Tsunami qui a frappé la côte du Bengladesh, à un endroit où la mangrove était intacte, n’a pas fait de victimes. Mais depuis leurs destructions, et leurs substitutions par les industries de la crevette, les Tsunamis d’intensité identique produisent des effets dévastateurs. Ainsi en 1991, des milliers de personnes sont disparues sous les flots dans la même région. Le 26 décembre 2004, plusieurs villages au Sud de l’Inde et même l’Ile de Nias proche de Sumatra en Indonésie ( épicentre du Tsunami ) ont connu beaucoup moins de victimes car leur territoire ont conservé les mangroves.

Disparition des mangroves – effets cumulatifs et réactions en chaîne sur les massifs coralliens.

Dans ces régions du monde à très forte diversité biologique, les trois quarts des espèces de poissons passent une partie de leur vie dans la mangrove. La perte de ces milieux naturels a eu pour conséquence de réduire les espèces disponibles pour les populations locales et a contribué à leurs déplacements vers les métropoles dans les bas fonds des économies nationales. Par ailleurs, durant les décennies de déforestations l’érosion des sols littoraux et forestiers, les flux d’acides humiques et les substances chimiques liées à la décomposition des bois ( tannins et terpènes) se sont répandus dans l’océan. La dégradation des barrières de corail était ainsi amorcée et le voile de sédiments et d’effluents forestiers déposés sur les coraux a perturbé le fonctionnement de la photosynthèse de ces écosystèmes. De plus, l’industrie de la crevette qui utilise de façon massive pesticides, fertilisants et antibiotiques, contribue avec ces flux polluants à une forte dégradation des massifs coralliens. La dégradation des milieux de vie auxquels étaient intégrés les populations locales se répercute sur les pratiques de pêche qui s’apparentent à des exactions irréversibles pour les populations de poissons (halieutiques). Le pillage pour la pêche, s’opère à la dynamite, à l’explosif ou au cyanure employé par des centaines d’enfants esclaves qui écument les récifs. Ces derniers sont souvent victimes d’espèces venimeuses ou blessés par des espèces carnivores.

Dégradations irréversibles ! ?

Avec les forêts pluviales, les mangroves, les récifs coralliens constituent les écosystèmes où la diversité biologique est la plus importante de la terre. On dit qu’ils constituent le « Creuset » de l’émergence de la vie terrestre il y a 3 Milliards d’années, ils sont
aussi qualifiés de Forêt Tropicales Pluviales des océans.(2)
Pour les 109 pays concernés par les barrières de corail qui s’élèvent à plus de 100 000 Km, ils constituent des éléments majeurs de leur patrimoine. Pourtant ni les états, ni les industriels ne les respectent à leur mesure, pas plus qu’ils ne respectent leurs populations. Seul les populations autochtones, indigènes sont en mesure d’habiter et de respecter ces milieux. Partout où les récifs ont régressé, les conditions de vie des populations ont régressé parallèlement. Ainsi, en Afrique de l’Ouest, la Tanzanie connaît une érosion du littoral de 5 mètres par an. Les conditions de vie des populations de pêcheurs se sont du même coup profondément altérées.

Diversité biologique, ethnique et linguistique… ressources en sursis !

Les populations traditionnelles des côtes et des îles du pacifique de l’Asie du Sud Est de l’Afrique Orientale tirent plus de 90% de leurs protéines animales des poissons des récifs coralliens. Un récif en pleine santé renferme de 10 à 100 fois plus de poissons par unité de surface qu’en pleine mer. Le récif est vivant et mouvant. Il résulte de l’association d’un Polype qu’on pourrait rapprocher de la méduse sédentaire et d’une algue nommée Zooxanthelles. Les différentes colonies de coraux ressemblent à des têtes, des branches, ou encore à des feuilles. Une seule colonie va atteindre la taille d’une balle de golfe, et après des siècles de croissance une taille de 5 à 10 mètres. Les coraux édifient des structures apparentées à un squelette constitué du calcaire qu’ils sécrètent. La clé de leur existence est liée à la lumière solaire qui permet aux millions d’algues microscopiques (zooxanthelles) de vivre. En échange d’un abri protecteur, elles offrent la nourriture et l’oxygène nécessaires aux coraux. Les populations halieutiques (poissons) vivent en étroite dépendance de ces vastes milieux. On estime à 4 à 8 millions de tonnes par ans les prises de pêche annuelles. Les petits pêcheurs, qui ne travaillent pas en pleine mer et pratiquent une pêche de subsistance s’élèvent à près de 4 millions , soit 8 fois plus que les pêcheurs de l’industrie. Alors que mille mètres carrés de récif en pleine santé peuvent nourrir 800 personnes, la même superficie, une fois dégradée ne pourra en nourrir à peine le quart. C’est dans l’Archipel des Philippines qu’on trouve la plus grande diversité biologique avec par exemple plus de 1500 espèces de poissons dont 3 – 400 espèces coralliennes. Pour comparaison, en Tanzanie on descend à 192 espèces dont 52 coralliennes et au Koweit 85 et 23 espèces coralliennes ( depuis le stationnement de l’armada US dans le golfe, les barrières ne risquent pas de s’améliorer.)
Selon l’Atlas mondial des récifs coralliens, 1/3 des massifs dans le monde sont situés en Asie du sud est, 70% des récifs mondiaux ont été détruits, et 80% des récifs indonésiens sont en danger. Dans cette région du monde, 70% de la population vit sur les côtes.
Diversité biologique rime la plupart du temps avec une prodigieuse diversité culturelle ethnique et linguistique. Géodisio Castillo, indien Kuna du Panama : « Là où il y a des forêts, on trouve des peuples indigènes, et là où il y a des peuples indigènes, on trouve des forêts ». Les habitats les plus diversifiés de la terre abritent généralement les cultures en péril. Les massifs forestiers qui subsistent sont très largement ceux qui sont protégés par les populations tribales. Diversités culturelles et linguistiques sont également patentes à l’étude des statistiques mondiales ! Ainsi, neuf pays comptent à eux seuls 60% des langues parlées dans le monde, classés sur la liste des pays à méga diversité biologique, c’est à dire où on trouve un nombre exceptionnel d’espèces végétales et animales, se sont les pays où sont parlées plus de 100 langes. En Papouasie Nouvelle Guinée, en 1990, on estimait à 850 langues parlées, 650 en Indonésie, 410 au Nigéria, 380 en Inde, 250 en Australie.

L’Industrie de l’élevage de la crevette.

Après la dégradation d’écosystèmes majeurs, le déplacement des populations, la fin de l’autosubsistance pour beaucoup dans ces régions du monde, l’industrie mondiale de la crevette survient comme un pillage colonial de plus, au même titre que les différentes vagues du sucre de Canne, de l’Evéa, des bois tropicaux et du pétrole. Après avoir anéanti les possibilités d’autonomie des peuples autochtones il s’agit de pressuriser un peu plus les ultimes ressources. Les multinationales basées en occident se sont implantées en Asie du Sud Est et produisent près de 99% des crevettes d’élevage. Mais la plupart sont expédiées aux Etats-Unis, en Europe de l’Ouest et au Japon où leur consommation a augmenté de 300% dans les dix dernières années. Aujourd’hui, la production mondiale pèse 9 milliards et représente 800 000 tonnes et 72% des crevettes d’élevage viennent d’Asie. Des centaines d’organisations, d’associations s’opposent aux niveaux local, national et international à ces industries destructrices. Les élevages industriels ont eu pour conséquences de déplacer des communautés entières, d’exacerber des conflits, de réduire la qualité et la quantité d’eau potable et ont décimé les poissons sur lesquels les populations comptaient pour vivre. Les populations ont fini par vivre sur la côte sans la protection des mangroves.

Si l’aquaculture industrielle et le tourisme ont eu la possibilité de détruire ainsi les vastes milieux en Asie du sud est, c’est que les Etats et le système capitaliste ont favorisé les multinationales et le marché, sacrifiant les populations comme les écosystèmes. Cette situation a été renforcée par l’OMC car les multinationales se sont appuyées sur ces directives pour infléchir les politiques locales qui parfois pouvaient s’opposer à leurs implantations.
Le désastre du Tsunami de décembre 2004 s’est engouffré dans une vaste zone consacrée aux rizières et à l’élevage industriel de crevette à Banda Aceh. Les images satellites démontrent cette absence de barrières naturelles tout comme sur le site du complexe touristique de Phuket. Tant que le système économique prédateur perdurera, les désastres de cette intensité se reproduiront. Certes il n’est pas concevable d’agir sur la tectonique des plaques ni leur mobilité, mais il est nécessaire de prendre en compte à la fois ce que les écosystèmes ont mis en œuvre sur des temps géologiques de même que l’adaptation des populations humaines à ces derniers. L’idéologie du marché, du progrès, de la vitesse, du pillage des ressources et de l’esclavage marque le pas face aux humeurs de la terre et à la facture climatique.

Sur la Radio Primitive à l’Egrégore, en avril … Trame et décryptage, Denis. Réa, pistage, recherches doc Jean Noël .


1) De Mohammed Mesbahi et Dr Angela Paine 26 février 2000.

2) L’état de la planète lester Brown 1993, revivifier les récifs coralliens par Peter Weber.

Encarts

L’Australie
L’Australie qui a créé un vaste parc de 350 000 Km2 sur la grande barrière de corail avait sectorisé différentes zones en fonction des activités de tourisme, de recherche et de pêche. 4 à 5 des barrières étaient réellement protégées. Ce qui s’averre insuffisant face à la progression de la dégradation de cet espace . En mars 2004 se sont 33,3 % de la barrière qui sera protégée, et interdites de pêche, de même qu’à la circulation de la navigation. car les phénomènes de pollutions liées au continent lui-même et au dérèglement climatique désormais avéré risquent de faire disparaître la grande barrière à l’horizon 2050 et du même coup d’un point de vue mercantile les ressources de 4,5 milliards de dollars liées à un millions de visiteurs par an !
Thaïlande 16 janvier 2005
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Nettoyer les récifs coralliens des débris et décombres afin de redonner vie aux récifs qui recouverts de sédiments sont condamnés. Des centaines de plongeurs dégagent des tonnes de détritus arrachés au littoral de Phuket.
Des chercheurs qui se réveillent ! 26 février 05
1336 scientifiques de 19 pays lancent un appel d’urgence afin de mieux garantir la protection des barrières de corail dans le monde éléments majeurs des océans dont l’âge et estimé à 100 millions d’années. Ils estiment à près d’un million d’espèces de poisson vivant autour des récifs. Dénoncent comme responsables de leur dégradations, les pollutions, les techniques de pêche et les essaies nucléaires dans le pacifique aux effets dévastateurs durables. Ils soulignent aussi les apports précieux fait par les dizaines de médicaments issus des coraux tout comme un substitut osseux créé avec le corail et utilisé pour la reconstruction des os de la face ( d’hominidé).
Le Projet MAP…Mangrove Action Project.

Des communautés villageoises forestières ont fait le pari de vivre à la fois dans les écosystèmes forestiers de mangrove et de créer de micro élevages intégrés dans cette forêt. Les surfaces n’ont aucune commune mesure avec la table rase des élevages industriels, ils s’inspirent à la fois de techniques et de connaissances ancestrales mais aussi de connaissances et découvertes récentes.




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