Courant alternatif no 151 été 2005 |
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SOMMAIRE |
Edito p. 3 POLITIQUE Le référendum comme analyseur social INITIATIVE Retour sur l'initiative PLACE DES RESISTANCES SOCIAL Pontoise: la grève des ambulanciers d'ACCOR Retour sur le mouvement lycéen RÉPRESSION Brutalités policières et répression judiciaire à Lyon Flics et militaires NUCLÉAIRE AREVA/COGEMA en correctionnelle Que se passe-t-il à Moronvilliers? INTERNATIONAL Pays-Basque: Lutte contre un projet de 2X2 voies au coeur du Pays Basque Vite fait sur le zinc NOTRE MÉMOIRE: Avril 1905, le printemps rouge de LIMOGES POINT DE VUE: La triste farce de la victoire du non L'Mouvement INTERNATIONAL Togo, la France soutient les dictateurs de père en fils Livres Camping OCL/OLS |
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EDITO |
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Sous le titre « Sanglantes émeutes à Limoges », le Petit Journal Illustré reprenait en avril 1905 les thèses policières et alarmistes pour défendre la bourgeoisie limousine agressée par de sombres conspirateurs. Cest exactement de la même manière, un siècle plus tard que J.D. Derhy dans Le Progrès (de Lyon) stigmatise les dangereux militants anarchistes qui auraient agressé dhonnêtes entreprises ainsi que de malheureux policiers au cours dune manifestation. Cela démontre que, comme lexplique JPD, la lutte des classes nest pas morte. Malgré tout ce quon nous raconte depuis des années sur la disparition de la classe ouvrière, et même si celle-ci sest transformée avec lévolution des formes dexploitation, le clivage fondamental entre les prolétaires vivant de leur travail et les exploiteurs qui en profitent demeure. Ce nest pas parce quil y a aujourdhui dans les pays occidentaux une moindre proportion douvriers de production quil y a 50 ans quil ny a plus de prolétaires. Certains emplois ont été délocalisés vers les pays « émergeants », dautres demeurent ou reviennent en force après sêtre transformés comme les emplois domestiques. Lorsque les « bonnes » deviennent « aides à domicile » les conditions dexploitation changent (plusieurs patrons au lieu dun seul) mais elles restent autant exploitées. On peut regretter à juste titre que le mécontentement des exploités se traduise dans les urnes plutôt que dans les luttes sociales. Mais il serait réducteur de dire quil ny a plus de luttes. Les chômeurs et précaires, les lycéens et étudiants, les fonctionnaires et les salariés du secteurs privé continuent périodiquement de se mettre en mouvement pour se défendre contre les conditions de vie quils subissent quotidiennement ou contre les réformes quon leur impose. Bien sûr ces luttes sont loin dêtre toujours victorieuses et les reculs du patronat et du gouvernement sont bien souvent minimes (ambulanciers dAccor à Pontoise) ou temporaires (report de la signature des décrets dapplication de la loi Fillon). Mais cest à travers les luttes que se forgent les consciences et lespoir de pouvoir changer un jour ce monde. Et comme lexpriment les ambulanciers du Val dOise après bien dautres, lutter, cela permet aussi de retrouver sa dignité. Une anecdote symbolique à propos de 1905 à Limoges. Pour le 14 juillet 1905, la municipalité a demandé à larmée de ne pas participer aux manifestations officielles et le ministre de la défense sest plié à cette requête. Ils craignaient des « émeutes antimilitaristes ». Cela montre bien que, même après une défaite importante des luttes ouvrières, les gens qui sétaient battus gardaient espoir et restaient mobilisés. Nous avons affaire à forte partie : non seulement un gouvernement aux ordres du patronat, ce qui est classique, mais également une opposition qui nen est pas une puisquelle adhère dans sa grande majorité aux thèses de la mondialisation de léconomie de marché. De plus les média sont plus que jamais aux ordres, soumis à la fois à leurs propriétaires ou leurs annonceurs les grands groupes industriels et financiers- et à cette idéologie libérale dominante. Lexemple du Monde refusant de passer un article sur le procès de la COGEMA / AREVA et lui préférant 4 page de publicité pour la même société est très parlant. De plus, nous nous heurtons, à chaque fois que nous manifestons, à une féroce répression. Les lycéens, les participants à la « manifestive » de Lyon, les postiers de Bordeaux sont parmi les plus récents à en avoir fait la triste expérience. Depuis des années, à la remorque du Front National, la gauche comme la droite se sont emparées du thème de « linsécurité ». Evidemment, il ne sagit pas de linsécurité des travailleurs menacés dans leur emploi ou des précaires et chômeurs menacés dans leur survie quotidienne. Mais il ne faut pas non plus simaginer que linsécurité générée par de petits délits est leur préoccupation principale (même sils ont durci les moyens de répression). Les maisons bourgeoises de Neuilly sont mieux sécurisées que les appartements de La Courneuve. Ce qui les préoccupe le plus, cest linsécurité du système socio-économique en place menacé par la contestation et les manifestations. Pour preuve, malgré ses discours cinglants, Sarkozy a diminué les moyens de la police de proximité qui serait la mieux à même de régler ces petits problèmes. Par contre, il a développé les différentes formes de brigades dinterventions pour réprimer de façon violente les manifestations sociales ou politiques aussi bien que les émeutes des quartiers dits « sensibles ». Comme le souligne un montage humoristique, la pseudo rivalité entre Sarkozy et Villepin nest que de façade. La « grande embrouille » cest que, malgré des ambitions personnelles évidentes de lun et de lautre, ils sont alliés pour, chacun avec son style personnel, faire passer le plus vite possible les mesures économiques et policières permettant encore mieux au capitalisme dasseoir son pouvoir. Contrairement à ce que son véritable patronyme signifie, Galouzeau (dit de Villepin) nest pas un plaisantin. Comme son prédécesseur, il fait mine dans un premier temps darrondir les angles pour mieux ensuite sarc-bouter sur la réforme quil veut faire passer. Le « contrat nouvelle embauche » en est la preuve. Malgré le tollé quil suscite tellement il va précariser les salariés retrouvant un travail, le gouvernement nen démordra pas, il mettra en place ce nouveau cadeau au patronat. Il est vrai que monsieur G de V, en bon bourgeois se prétendant aristo, méprise lopinion publique aussi bien que lélectorat populaire. Il lui suffit de savoir ce qui est bon pour les intérêts de sa classe. Il a le même aplomb que les commissaires européens qui ne sont redevables devant personnes de leur mandat et qui ne servent que les intérêts des multinationales. La démocratie représentative a fait les preuves quelle permettait avant tout aux élus de gruger (souvent sur le plan financier et pratiquement toujours sur le plan moral) leurs électeurs. Il est grand temps quelle disparaisse, mais au moins que ce ne soit pas au profit doligarchies se reproduisant par cooptation. Même sil nous semble souvent que nous nous heurtons à des murs, même si souvent nous connaissons des défaites, si nous sommes obligés de subir ce que lon nous impose, même si la répression nous frappe, si nous voulons vraiment vivre debout, il nous faut continuer à lutter pour abattre cette société comme lont fait bien dautres avant nous. Cest à travers ces luttes que nous pouvons faire naître une véritable démocratie directe. Cest dans lauto-organisation de notre quotidien et de nos luttes que nous trouverons les forces de changer le monde. Limoges 3 juillet |
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LE RÉFÉRENDUM COMME ANALYSEUR SOCIAL |
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Les résultats du référendum sur la constitution européenne ont démenti une escroquerie intellectuelle, largement entretenue depuis quelques décennies, selon laquelle les classes sociales nauraient plus de réalité tangible, et nous serions entrés dans une société plus ou moins uniformisée, simplement composée de strates poreuses et perméables entre elles et dont les différences sestomperaient progressivement.
Le rêve, caressé depuis Giscard dEstaing par bon nombre de politiciens, de sociologues et danalystes de cour, dune France transformée en une énorme classe moyenne sest effondré brutalement et bruyamment. On avait beau savoir que la réalité était tout autre, elle ne parvenait pas à être admise ouvertement par le plus grand nombre avant que lanalyse des résultats de ce référendum ne la fasse apparaître au grand jour, telle une étude sociologique grandeur nature. Les classes sociales toujours bien présentes Cest une tradition bien établie parmi les thuriféraires de lordre capitaliste de considérer que la lutte des classes est un mythe sans fondement puisque les classes sociales elles-mêmes nexisteraient plus : le développement économique, les technologies nouvelles, bref la « modernité » auraient détruit ces structures archaïques pour les remplacer par un monde dans lequel nexistent que des êtres humains qui se concurrenceraient les uns les autres pour le plus grand bien de la démocratie, de légalité des chances, donc du progrès et de la reproduction à linfini de cette « modernité ». Ce nest pas là une lecture vraiment nouvelle des sociétés industrielles ! Il ne sagit en fait que dune resucée à peine actualisée de la pensée de Tocqueville, qui affirmait que le monde moderne (celui des technologies, du commerce, de la naissances des Etats...) était, en lui-même, démocratique et promoteur dune égalité entre individus autonomes. Pas étonnant que Tocqueville soit encore lauteur à la mode pour nos libéraux daujourdhui ! Pour lui comme pour eux, il ny eut de classes ou de castes que dans le monde ancien, celui de la féodalité. Dans les années 1950-1960, un courant de sociologues américains prévoyait la disparition de la classe ouvrière et la constitution dune middle class en « col blanc ». Lautomatisation, puis linformatisation opéraient soit-disant des rapprochements entre travail manuel et travail intellectuel, entre tâches dexécution et tâches de conception et dencadrement. En France, à la même période, sous linfluence des épigones français de cette sociologie américaine, on parlait de « nouvelle classe ouvrière » pour désigner ces cols blancs que lon voyait partout. A gauche même, cette idéologie trouva ensuite quelques échos (on pense à André Gorz et à ses Adieux au prolétariat en 1980, aux différents recentrages de la CFDT et à E. Maire enterrant la lutte des classes). Pour illustrer à quel point ces affirmations étaient totalement idéologiques, fort peu étayées et marquées par une volonté de maquiller la réalité sociale, rappelons un de ces poncifs qui servaient de « preuve » à ces prétendues homogénéisation de la société et disparition des classes sociales : « Un bourgeois est habillé maintenant comme un prolo, on ne peut plus les distinguer si on ne sait pas auparavant qui ils sont. » Outre le ridicule de cette affirmation, qui ne peut convaincre que des aveugles ou des gens qui ne considèrent le monde que par le prisme des feuilletons télé ou des films (qui, pour la plupart, ne mettent en scène quune même catégorie de gens en leur donnant, par là même, une valeur universelle), on constate à quel point il ne sagit là que dune vision étriquée « petite-bourgeoise » pour qui le vêtement est tout ou presque. Car évidemment, on peut reconnaître une appartenance sociale à mille facteurs ; au vêtement, cest sûr quoi quon en dise, la marque, la coupe, mais surtout à la façon de le porter même sil peut paraître identique au premier coup dil ; à la façon de marcher, de manger, de sasseoir ; à la forme des mains et à la manière de les utiliser ; au langage, bien sûr, mais aussi au rire. Bref, cest tout le corps qui parle, et cest bien une attitude typique de classe moyenne petite-bourgeoise que de le réduire au drap qui le cache, comme cette classe tend à réduire le monde qui lentoure à lhorizon borné de son quartier et aux gens quelle croise. Ceux qui adoubent la thèse du déclin de la classe ouvrière sappuient le plus souvent sur des statistiques réalisées par secteurs économiques. Celles-ci indiquent en effet que, entre 1975 et 1982 par exemple, les effectifs de lindustrie ont chuté de 1,3 million ; et quensuite, pendant quelques années, ce sont 200 000 emplois industriels qui ont disparu chaque année, mouvement qui se poursuit encore maintenant. Mais on oublie ainsi que la présence ouvrière nest pas limitée au secteur industriel : on la trouve aussi dans les services qui, eux, sont en augmentation (commerce, stockage, entretien, conditionnement, réparation, etc.). En revanche, si on se fie aux statistiques réalisées par catégories socio-professionnelles (et non par secteurs économiques), on constate que les ouvriers, selon les critères de lINSEE, sont passés de 7,5 millions en 1962 à 7,25 millions en 1989... Pas de quoi se lancer dans de fumeuses théories sur la disparition de la classe ouvrière ! Et si la diminution sest effectivement poursuivie depuis, à un rythme aussi lent, il ne faut pas oublier que la classe ouvrière réelle sest « enrichie » de quelques centaines de milliers de travailleurs clandestins sans statut et ignorés des statistiques. Enfin, et cest peut-être là lentourloupe principale, surtout pour nous qui navons jamais épousé la vision messianique de la classe ouvrière propre aux léninistes, « on » a, qui plus est, oublié que cette classe nest quune composante du prolétariat (mot encore plus obscène aux yeux de nos idéologues modernistes, dans la mesure où il nest pas réductible à une constatation sociologique, mais est, de plus, historiquement chargé de négation de la société bourgeoise et capitaliste chaque jour exprimée dans la pratique). Or ces parties non strictement ouvrières du prolétariat, on les retrouve dans toutes les composantes ou presque de léconomie, ainsi que dans ladministration et les services publics, cest-à-dire une grosse majorité des employés, passés de 3 millions en 1962 à 6 millions en 1990. Cela dautant plus que si le taylorisme a paru reculer en milieu industriel au profit de tâches plus techniques, il sest au contraire répandu très rapidement dans les secteurs dits tertiaires, rendant ces emplois de plus en plus semblables à ceux de la classe ouvrière classique. En fait, si on considère lensemble classe ouvrière/employés prolétarisés, on est passé entre 1962 et 1990 de 10,5 millions à 13,5 millions, alors que lensemble des classes dirigeantes (chefs dentreprise, cadres administratifs, ingénieurs et cadres techniques, cadres supérieurs de la fonction publique représentaient 1,5 million, soit 6 ou 7 % de la population active en 1990. Selon le recensement de lINSEE de 1999, employés et ouvriers représentent 57 % de la population active, auxquels il faut rajouter quelque 2 à 3 % de petits paysans, tandis que cadres et professions intellectuelles ne représentent que 12 % de la population. On saperçoit donc que, quelle que soit la manière de compter, et contrairement aux idées dominantes en la matière, les classes dites moyennes sont très loin de représenter un groupe dominant dans la société française, ce qui ne peut que poser des problèmes insolubles aux partis politiques qui pensaient avoir vocation à diriger le pays en faisant de ces classes moyennes leur clientèle de base. Cela dautant plus que ces classes moyennes sont encore plus hétérogènes que la classe ouvrière peut lêtre ! La crise structurelle du PS Et cest là que se situe le vrai problème pour le PS. Plus que largement composé déléments de ces classes moyennes, il sest considéré comme leur représentant le plus crédible, sans sapercevoir que sil a pu semparer du pouvoir en 1981 cest parce quil conservait encore en partie une image prolétarienne issue de la vieille SFIO, qui lui a permis de glaner pas mal de suffrages populaires pour se constituer une majorité électorale. Maintenant, cet âge dor est terminé, et le PS est dans lincapacité de séduire et de tromper majoritairements les couches inférieures de la société française, même avec laide du PC, voire de lextrême gauche. Parvenu au pouvoir, sa mission historique, à la fin du XXe siècle, aura été de réaliser les modernisations industrielles réclamées par le développement du capitalisme et donc, avec laide dun patronat très lucide, déradiquer une partie de la classe ouvrière. Il a réussi à moderniser, il a échoué à éradiquer, transformant ainsi son assiette électorale en une peau de chagrin. Sa mission était de « réconcilier les Français et, par la même occasion, la gauche avec lentreprise ». Il pensait avoir réussi et en était fier, et on entend toujours ses dirigeants, aujourdhui, réaffirmer cette volonté. La réconcialition soit na jamais vraiment eu lieu, soit fut de courte durée ! Il est vrai que ce discours « réconciliateur » était déversé partout comme une évidence, mais cétait à une période où, comme le prolétariat « nexistait plus », il ny avait aucune raison de lui demander son avis, dautant quil ne le donnait guère de lui-même. En plus, de nombreuses illusions se sont effondrées sur cette question, et vous aurez sans doute plus de mal quauparavant à trouver un salarié à 1 000 euros ou un smicard vous affirmer que la fonction de lentreprise « cest de créer des richesses et des emplois » ! Là encore, ce discours qui parut majoritaire, voire universel, nétait que celui dune fraction de la société. Cest donc la raison dêtre du parti socialiste qui sest effondrée sous ses yeux, et cest en cela que le résultat du référendum est un échec pour lui et non pas seulement parce quil a été mis en minorité de cela, on peut sen remettre ! Les ouvriers ont voté à 77 % pour le non. Les centre-villes ont voté majoritairement oui, tandis que la périphérie, elle, se prononçait largement pour le non. Paris est particulièrement emblématique à cet égard : vidé des travailleurs à faibles ou très moyens revenus, sy sont installées à leur place ces nouvelles couches moyennes supérieures (bobos et autres professions intellectuelles, artistiques, cadres...). Le populo parisien nétant plus composé que par des étrangers ou des « marginaux » inopérants au plan électoral. Et si lexemple de Paris est le plus éclairant, la démonstration vaut pour presque toutes les villes moyennes. Lélectorat qui reste au PS est majoritairement structuré au sein de ces couches aisées, bénéficiaires de la rénovation des centre-villes vidés de leurs salariés les plus modestes, consommateurs de biens culturels et ayant deux-mêmes une haute considération ; et surtout se voulant un modèle douverture, dhumanisme et même dinternationalisme à atteindre (on a vu un BHL reprocher au non de gauche de « tourner le dos à linternationalisme » Le Monde du 28 mai !). La propagande dEtat Ce sont ces gens-là qui, des mois durant, nous ont abreuvé de discours méprisants vis-à-vis de celles et ceux qui ne pensaient pas comme eux, qui voulaient voter non, ne pas voter ou voter nul. Ce sont ces gens-là qui, certains dêtre culturellement supérieurs aux autres, se sont lancés dans des discours accusateurs dignes dun ministère de la propagande, avec la complicité de tous les pouvoirs : presse, radios, télés, universitaires, artistes, spécialistes, leaders dopinion en tout genre, etc. Nous ne reviendrons pas ici sur ce matraquage, qui nous aura au moins rappelé ce quest la vraie nature de la propagande dEtat dont certains pouvaient penser quelle était lapanage des régimes totalitaires. Mais leurs combines nont pas fonctionné... Chacune de leurs déclarations, de plus en plus crispées, hargneuses et malhonnêtes, ne faisait daccroître le rejet dont elles étaient lobjet et que confirmer le rejet dont la classe politique comme les médias étaient de plus en plus lobjet depuis quelques années. Et même si lon peut être sceptique quant à lapprofondissement ultérieur de ces critiques, cela fut fort réjouissant. Lun des arguments avancés par les ouistes du PS pour démolir le non est que ce dernier fut multiple et contradictoire. Et, logiquement, ils ne veulent pas reconnaître que leur oui fut tout aussi contradictoire et multiple, entérinant ainsi le fait que les différences entre eux et lUMP sont devenues quasiment nulles (ce que pour notre part nous affirmons depuis bien longtemps) ! Si, bien entendu, il existe une dimension de repli, de frilosité, exprimée par le non, que dire du oui, qui sest enfermé dans une vision du monde parfaitement finie et close ? Une vision collée au « politiquement correct », qui considère que notre système est le meilleur et qui délimite le monde à un horizon borné par la suffisance de sa supériorité économique et institutionnelle ? Un horizon de « petit-bourgeois » qui ne voit le monde quà son image et qui veut tout uniformiser (puisque cest le meilleur système !). Contrairement à ce qui a été parfois affirmé, les échos xénophobes nont pas été présents de manière forte dans les campagnes pour le non. Même le FN a été à ce propos remarquablement discret. Cela ne signifie pas, bien sûr, que limportant fonds xénophobe qui existe depuis plus dun siècle au cur de la société française a disparu ni même diminué ! Simplement, il a trouvé moins de possibilités de sexprimer dans un débat dont le contenu est majoritairement apparu comme une critique (même partielle !) du libéralisme et une réémergence du « social » (même si majoritairement dans une perspective étatiste). Contrairement à certaines élections précédentes, comme celle du 21 avril 2002, ce nest pas linsécurité qui a dominé les débats pendant la campagne électorale, ce sont les questions économiques et le libéralisme. Le capitalisme nest pas réformable Mais le non de gauche reste prisonnier de sa logique institutionnelle et de sa croyance que lon peut réformer le capitalisme. Les Verts sont devenus au fil des ans un parti institutionnel composé en grande partie délus locaux qui ne peuvent se permettre dabandonner cette fameuse « culture de gouvernement » chèrement acquise. Or ils ne sont, dans la plupart des cas, pas en mesure de conserver par eux-mêmes des élus quils ne doivent quà la bonne volonté et aux calculs du PS. Ce qui ne peut que les conduire à accepter une nouvelle version de gauche plurielle, en dehors de toute considération idéologique ou éthique. Les clivages entre les ouistes et les nonistes verts laissera des traces seulement sur la question de savoir qui va diriger le parti pour mener la seule ligne possible : composer avec le PS. Le PC a surfé habilement sur la vague du non, mais lui aussi a besoin, plus que jamais dans son histoire tumultueuse, et plus que les Verts sans doute, de se cramponner à cette culture de gouvernement. Certes la tentation de rompre avec la gauche institutionnelle est présente chez une partie de ses membres, mais limpossibilité quil aurait de coiffer efficacement l« autre gauche » (LCR, attac et autres...), laisse peu despace crédible à la tentation duvrer à la construction dune nouvelle force autonome à lextrême gauche. Cest donc bien, là encore, la reconstitution dune néo-gauche plurielle qui sera négociée, pour la survie même de lorganisation. Mais avec une légitimité et une force plus importantes puisque dans le camp des vainqueurs. Pour les Verts comme pour le PC il sagira darracher à un PS affaibli, des concessions sous forme délus plus nombreux que dans la défunte gauche plurielle. A ce jeu le PC sera plus crédible et offensif que les Verts considérablement déchirés une fois de plus. Fondamentalement il faut sattendre à ce que les partis ou mouvements qui ont composé lépine dorsale du non semploient davantage à organiser une réconciliation citoyenne au lieu duvrer à lélargissement des fractures de classe. Cela est dabord vrai pour les nonistes du PS, bien sûr, mais aussi pour attac, les Verts et même le PC. Quant à la LCR elle sera prise une nouvelle fois dans une contradiction qui consiste à opérer un va-et-vient entre un discours teinté de classissisme révolutionnaire et une stratégie dunité avec les partis de gauche réformistes. Cest que, tout comme létaient et le sont toujours les classes moyennes, le citoyen est un Homme totalement abstrait. Il correspond à... une moyenne inexistante, un être hybride allant socialement du cadre supérieur, à limmigré clandestin, de lartiste grassement payé au balladin intermittant. Cest pourquoi on peut dire que les mouvements citoyens, comme lidéologie du même nom, ont remplacé, dans le champ politique, la tentative avortée des années 70 de crééer un mouvement centriste dont Giscard fut lemblème et Bayrou lavorton. Ces mouvements citoyens, même teintés dhumanisme et dantimondialisation, ne sont pas à même de prolonger les symtômes positifs du référendum en ce sens quau lieu dapprofondir les antagonismes de classe il voudront les combler en remettant sur la scène ces citoyens et citoyennes abstraits, et ce, avec laide des nouveaux syndicats apparues depuis une quinzaine dannées. Ils feront une nouvelle fois appel à la raison, au bon sens des décideurs, à lesprit citoyen pour tenter dadoucir les rapports sociaux et obtenir des mesures plus justes. Le cadre de leurs revendications, aussi respectables soient-elles, cest lEtat. Leur objectif ? Un Etat « social » et « providence ». Mais lEtat, par définition, est toujours lié au Capital. Or, un capitalisme raisonnable ça nexiste pas. Le capital sinvestit toujours là où le profit peut être maximum et il en sera toujours ainsi tant quil sera debout. Ne pas affirmer haut et fort cette évidence au prétexte que la révolution nest pas à lordre du jour, ni même dans la tête dune minorité significative desprits, ramène inévitablement à une impasse, à une politique démagogique et finalement au renforcement du système actuel. La voie étroite des perspectives Pour autant, rien nest simple ! Deux erreurs sont à éviter. Lune, que la satisfaction vis-à-vis des résultats du référendum et des résistances qui lont précédés nous illusionnent sur les capacités et lefficacité des regroupements et des recompositions à venir. Que lon oublie que les Mélanchon, Fabius, Montebourg et autres sont des nationalistes qui uvreront à réintégrer la constestation au sein même du système. Que lon oublie que nous navons pas assisté à une rupture avec le capitalisme et quune telle rupture ne peut provenir dun résultat électoral. Lautre serait de se complaire dans un strict repli critique qui se contenterait de décortiquer et danalyser chaque élément du puzzle politique qui sétale devant nous, avec justesse peut-être, mais dune manière si froide et lapidaire quelle interdirait en définitive toute perspective de pratique sociale. Entre les deux, la voie est étroite, mais sans doute empruntable. JPD |
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COGEMA-AREVA EN CORRECTIONNELLE |
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Pour la première fois de son histoire, la COGEMA (devenue AREVA) passait en procès en correctionnelle le 24 juin dernier, accusée des délits de pollution des eaux et de dépôt et abandon de déchets. Il sagissait de laboutissement dune procédure menée depuis six ans par la petite association Sources et Rivières du Limousin contre la multinationale du nucléaire.
Malgré une mobilisation modeste, ce procès a eu un retentissement médiatique assez important. Suffisant en tout cas pour donner des sueurs froides aux élus locaux complices de COGEMA. Histoire dune pollution COGEMA a exploité les gisements duranium du nord de la Haute-Vienne (secteur de Bessines en particulier) pendant cinquante ans de 1949 à 2001. Lexploitation a eu lieu en surface (à ciel ouvert) et en galeries souterraines. Cette exploitation a conduit à stocker des stériles et des boues résultant du traitement du minerai (des dizaines de millions de tonnes) en comblement dexcavations et de vallées. Labandon des premières mines intervient dès les années quatre vingt ; des arrêtés préfectoraux imposent un réaménagement des sites dexploitation et une surveillance de lenvironnement. En 1993 un rapport commandé par le Ministère de lenvironnement insistait sur les dangers liés au stockage de résidus radioactifs, notamment le caractère aléatoire de mesures de précaution alors même que certains déchets avaient une durée de vie très longue. Sur la pression des associations, le Conseil Général de la Haute-Vienne et du Conseil Régional du Limousin commandent une étude à la CRIIRAD (Commission de Recherche et dInformation Indépendantes sur la radioactivité). Celle-ci dresse, dans un rapport rendu en février 1994, un premier bilan de limpact des activités minières sur le milieu aquatique. Ce rapport ne connaîtra aucune suite particulière, ni de ses commanditaires, ni des diverses administrations compétentes, en dépit de la preuve de multiples délits de pollution de la part de lexploitant, ainsi quune défaillance coupable de ladministration. En 1995, Sources et Rivières du Limousin, une association de la protection de lenvironnement dont lobjectif est la connaissance et la préservation de leau et des écosystèmes aquatiques, décide, face à linertie générale, de donner suite à ce constat. Elle engage un processus de contrôle de létat des eaux sur plusieurs points significatifs du bassin. Elle renouvelle lopération en 1996 et 1997. Les analyses confirment un niveau de radioactivité important et également une pollution chimique. A lautomne 1998, alors que depuis plusieurs années des associations (et en particulier lOAL Organisation Anarchiste de Limoges) annonçaient quil devait être gravement pollué, intervient la vidange du lac de St Pardoux (pôle touristique du département). Le Conseil Général, gestionnaire du site, accepte de faire réaliser une étude, espérant démontrer le contraire. Lanalyse des boues et de poissons fait apparaître une radioactivité importante et une teneur significative en uranium 238 dans les sédiments. Plusieurs rapports, notamment de la CRIIRAD confirment cet état des lieux et les rapports et analyses déjà intervenues. Pour rassurer les populations et préserver lactivité touristique à court terme, les autorités publiques décident de recouvrir les boues polluées dune couche de sable dune vingtaine de centimètres, rien nest prévu pour éliminer les causes des pollutions. Les matières radioactives, charriées par les ruisseaux (et en particulier le Ritord) traversant les anciens sites miniers continuent de saccumuler dans le lac. La Gartempe entraîne les déchets du secteur de Bessines jusque dans le département voisin de la Vienne. En janvier 1999, lors de lenquête publique relative à la mise en conformité du périmètre de protection de la retenue du Mazeaud (lune des réserves deau de la ville de Limoges), le commissaire enquêteur diligente une expertise sur le ruisseau du Marzet où se jettent des eaux provenant de lancien site minier « Les Gorces-Saignedresse ». Le rapport du Pr. Mazet, souligne par exemple que les installations devant servir à lépuration des eaux du bassin minier sont «hors dusage ». Le préfet, comme COGEMA, nie tout risque et toute pollution. Néanmoins le préfet prend un arrêté imposant à COGEMA de dévier les eaux découlement des mines pour contourner la réserve deau potable de la ville de Limoges et les déverser en aval dans la petite rivière La Couze, considérant le niveau de dilution de la pollution suffisant. Il demande enfin un contrôle renforcé sur ce secteur. La mise en route de laction en justice Cest en mars 1999 que Sources et Rivières du Limousin décide de déposer une plainte avec constitution de partie civile contre COGEMA auprès du Tribunal de Grande Instance de Limoges pour : - pollutions (articles L 432.2 et s et L 232.2 et s. du code de lenvironnement.) - abandon de déchets ( Art. 24.1 et 24-3° de la loi déchets du 15 juillet 1975 devenu L541.46 et L 541.47 c. env.) - mise en danger dautrui ( L 223.1 et 2 du Code pénal) Le parquet de Limoges instruira sur ces trois chefs daccusation. Le juge a entendu lassociation plaignante, a convoqué la Présidente de COGEMA (A. Lauvergeon) ainsi que les administrations concernées (DDASS et DRIRE). En mars 2002, Sources et Rivières du Limousin est rejointe par la fédération France Nature Environnement qui se constitue également partie civile au procès. Ces associations sont épaulées dans leurs démarches judiciaires par des juristes issus du département « droit de lenvironnement » de la faculté de droit de Limoges En septembre 2002, après un peu plus de trois ans dinstruction, le juge dinstruction de Limoges décide de mettre en examen COGEMA. Le 13 mai 2003, le Procureur de la République près le TGI de Limoges requiert un non-lieu en sappuyant sur un rapport fourni par la DRIRE (Direction régionale de lindustrie, de la recherche et de lenvironnement) qui dédouanait complètement COGEMA de sa responsabilité. Evidemment, après avoir fermé les yeux pendant des années, la seule possibilité pour cette administration (qui défend lindustrie au détriment de lenvironnement) était de continuer à affirmer quil ny avait pas de pollution. Le 18 août 2003, le juge dinstruction prend une ordonnance de renvoi de COGEMA (AREVA) devant le Tribunal Correctionnel de Limoges afin quelle y réponde des délits de pollution deau et dabandon de déchets. Son courage ayant des limites, il na pas retenu la « mise en danger de la vie dautrui », comme si la pollution radioactive navait pas de conséquences mortelles ! Le jour même le parquet fait appel de lordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel, en saisissant la chambre dinstruction de la Cour dAppel de Limoges. Les complicités administratives et politiques COGEMA, affirme avoir toujours respecté les arrêtés préfectoraux ainsi que la réglementation et sêtre soumise aux contrôles de la DRIRE. Le 20 octobre 2003, Sources et Rivières du Limousin demande à la DRIRE de lui communiquer les contrôles effectués sur lexploitant COGEMA au cours des dix dernières années. En labsence de réponse de la DRIRE dans les délais, lassociation saisit la Commission dAccès aux Documents Administratifs (CADA) et menace ce service de saisir le Tribunal Administratif en cas de non-communication. Des documents sont enfin envoyés révélant que la DRIRE sest toujours appuyée sur les analyses de COGEMA pour valider ses informations, la DRIRE nayant pas procédé elle-même à lexamen de létat des eaux ou de la nature des produits stockés sur le bassin minier. En décembre 2003 et janvier 2004, le préfet de la Haute-Vienne prend des arrêtés imposant à la COGEMA de sécuriser le lac de St.-Pardoux, en contrôlant les pollutions issues du bassin minier et détablir un bilan de la situation réglementaire et des conditions de réhabilitation des différents sites miniers dans le nord de la Haute-Vienne. Même sil se réserve le droit de demander une expertise indépendante (dans le futur ), le préfet, comme le faisait la DRIRE, confie à la COGEMA un auto contrôle qui lui permettra de confirmer ce quelle énonce toujours, cest à dire quelle respecte les normes et quil ny a pas de pollution. Si ladministration est complice de la COGEMA, les élus locaux socialistes (maires et conseillers généraux) le sont tout autant. Certains ont été salariés de la COGEMA, dautres ont bénéficié personnellement ou ont fait bénéficier leur entourage ou leur commune (musée de minéralogie) des « largesses » de la multinationale. Dautres engagés dans lopération de développement touristique du site de Saint-Pardoux ne peuvent supporter de voir son image ternie par les déclarations décologistes ou les tracts de lOAL Très récemment le conseiller général présidant létablissement public (EPIC) du lac de Saint-Pardoux écrivait dans la presse locale que « les intégristes de lécologie ( ) prennent en otage la population locale et les touristes ( ) sont « les assassins » de notre tourisme et de notre environnement alors quil ny a aucun risque ». Il ajoutait quil envisageait « de porter plainte un jour pour diffamation et fausse nouvelle ». En tout cas pour linstant, cest COGEMA qui fait lobjet dun procès. Le renvoi en correctionnelle Le 26 mars 2004 la Chambre dinstruction de la Cour dAppel de Limoges rend un arrêt historique contre COGEMA, en confirmant son renvoi en correctionnel. Ce renvoi est très intéressant dans ses arguments et ne fait aucune concession à la multinationale en relevant : - « Laffirmation selon laquelle la COGEMA respecterait les prescriptions techniques qui lui ont été imposées de même que les normes applicables, est contredite par de nombreuses pièces du dossier. » - « Des charges existent donc permettant de conclure à la gestion techniquement non réglementaire des activités de la société COGEMA. » - « Le fait, comme le relève le ministère public, que ces dépassements naient pas donné lieu à létablissement de procès-verbaux dinfraction par la DRIRE ne signifie pas quils sont conformes aux prescriptions, mais plutôt que cette dernière na pas exercé son pouvoir de contrôle de manière complète. » - « Comme lont souligné les parties civiles, cette pollution est aussi caractérisée en matière chimique puisque la présence de produits absents naturellement dans les eaux a été démontrée à laval des sites dans les eaux. La présence de fluorures démontre, par exemple, les conséquences directes dune exploitation minière. Rappelons que certains des sites incriminés abritaient également des installations de traitement du minerai par attaque acide. Un certain nombre de substances chimiques se retrouvent ainsi dans les résidus de traitement de minerai enfouis dans les sites. Que cette activité soit autorisée ne libère en aucun cas lexploitant de son obligation de résultat quant à linnocuité de cette activité pour lenvironnement. » - « - La COGEMA a réalisé dimportants profits avec lexploitation du minerai duranium. Il apparaît socialement normal que le coût environnemental de cette activité ancienne ne soit pas supporté par les habitants du Limousin. Il revient à la COGEMA de résoudre les problèmes de dispersion révélés par les différentes études. La réalisation de ces diverses infractions a permis à la société COGEMA de réaliser des économies sur les coûts dexploitation du site, réduisant à minima ses frais dinvestissement et dentretien des infrastructures techniques de dépollution (lesquelles sont à lévidence rudimentaires, et constituent pour lessentiel des bassins de lagunage des eaux dexhaure). » Le procès du 24 juin Dans une ultime tentative déchapper au procès, la COGEMA se pourvoit en Cassation contre larrêt de la Cour dAppel de Limoges. Le 4 novembre 2004, la Cour de Cassation déclare irrecevable le pourvoi formé par COGEMA, confirmant ainsi la décision de la Cour dAppel de Limoges et le renvoi devant le tribunal correctionnel de Limoges pour les délits de pollution des eaux et dépôt et abandon de déchets. Ce procès était annoncé comme un « procès historique » puisquil sagissait pour la première fois de la mise en examen pour pollution de ce géant du nucléaire. Les associations et partis soutenant laction de Sources et Rivières du Limousin (Réseau sortir du nucléaire, Maison des Droits de lHomme, Verts, LCR) avaient essayé de mobiliser, mais il ny avait quune centaine de personnes pour pique-niquer face au tribunal. Ce nest pas surprenant lorsquon se limite à un travail dexpert et ne destine ses réflexions quau milieu militant. La presse locale et nationale était présente mais avec des attitudes très différentes. Si LEcho, proche du PC, a choisi de ménager la chèvre et le chou (ce qui est nouveau, car il y a quelques années il prenait systématiquement la défense de COGEMA et de ses travailleurs syndiqués CGT), Le Populaire, dorigine socialiste, trouvait « Sources et Rivières, bien seule » et semblait soulagée de voir que les arguments de la COGEMA étaient repris par le procureur. La palme de la soumission aux nucléocrates pouvait être décernée ce jour-là au Monde qui avait refusé de passer un article « en amont » du procès de sa correspondante locale et publié un cahier central de 4 pages de publicité pour AREVA. Le procès lui-même qui a duré une journée a consisté essentiellement en un débat dexperts scientifiques et juridiques. Sources et Rivières du Limousin nétait pas complètement seule puisquelle était appuyée par la CRIIRAD qui a confirmé les études passées par de nouvelles analyses. "Début 2005, les résidus radioactifs sont toujours là, a témoigné, vendredi 24, Bruno Chareyron, ingénieur à la CRIIRAD, la situation n'a pas changé." Par contre, il est vrai quelle avait face à elle non seulement COGEMA-AREVA et ses huit avocats, ainsi que la DRIRE, mais également le procureur de la République de Limoges. Après ce débat très technique, où chaque camp s'est opposé une série de chiffres, d'analyses, de normes et de décrets, il a considéré que les arguments des écologistes nétaient que des hypothèses et en a conclu que « dès lors que la personne poursuivie a respecté la réglementation, lélément moral de linfraction litigieuse ne saurait être établi ». En conséquence, il na pas requis de peine et a préféré sen « remettre à lappréciation du tribunal ». Le jugement a été renvoyé au 14 octobre. Les enjeux Ce procès est intervenu dans un contexte où la mobilisation locale contre le nucléaire est très faible. La date éloignée du jugement a sans doute été choisie pour calmer le jeu. Pourtant les enjeux sont de taille. Ce procès, sil ne sétait pas enferré dans un débat technique aurait dû faire apparaître plusieurs points : - la nécessité didentifier précisément létat des lieux des pollutions sur lensemble de lancien bassin minier (et non seulement sur quelques points sensibles) ; - la nécessité de procéder à une étude sanitaire des conséquences de cette pollution sur la population, en matière de cancers et de leucémies en particulier ; - lobligation de mise en sécurité des populations vivant sur le secteur minier, mais aussi de lensemble des espèces et des écosystèmes ; - lutilité dinstaurer enfin un débat sur les conditions dexploitation minière en Limousin pour identifier les responsabilités industrielles, administratives et politiques de cette pollution ; - la nécessité de faire payer à lexploitant les coûts correspondant à lensemble des opérations de surveillance et de mise en sécurité. Cela permettrait dintégrer au plan national tous les coûts de la filière nucléaire, y compris ceux résultant des conditions dexploitation des mines, et de démontrer que le nucléaire nest ni écologiquement ni économiquement viable ; - la nécessité de faire cesser au niveau national et international les exploitations des mines duranium, et en première urgence dans les pays comme le Niger où elles se font dans le plus grand mépris des normes minimales de sécurité ; - et finalement lurgence de larrêt immédiat du nucléaire. Les écologistes « responsables » nont pas tort dattaquer aussi la filière nucléaire par cet aspect de lexploitation minière et des déchets qui en résultent, mais en restant dans les débats dexperts ils nous condamnent encore pour des décennies à devoir espérer une sortie progressive du nucléaire Limoges |
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LE PRINTEMPS ROUGE DE LIMOGES |
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En 1990, les éditions Belin et Souny publiaient conjointement le livre "Limoges la ville rouge, Portrait d'une ville révolutionnaire", écrit par l'historien américain John M. Merriman. Ce livre était la traduction de sa thèse publiée quelques années auparavant par Oxford University Press. "Au 19e siècle, écrit J. Merriman, c'était Limoges et non Paris, qui était la ville rouge. De toutes les autres villes, seule Narbonne, moins importante, se trouvait aussi régulièrement à l'avant garde de tous les conflits politiques et sociaux. Le rôle de premier plan joué par Limoges dans les mouvements d'extrême gauche de 1848 n'est qu'un des réveils révolutionnaires parmi d'autres ; sa tradition militante va de 1830 à 1871, et après les deux décennies relativement calmes qui suivent la Commune, elle connaît un nouvel élan avec la municipalité socialiste de la Belle Époque (1895 - 1905) quand les conflits politiques semblaient faire partie de la vie quotidienne : en 1905, une série de grèves et de manifestations violentes ( ) mettent de nouveau Limoges à la une de l'actualité et sont comme le signal des mouvements de grève qui vont se répandre partout en France les deux années suivantes." La transformation de la manufacture en usine Cette année, le centième anniversaire des évènements de 1905 à Limoges a été l'occasion de revisiter cette histoire constituante chez les vieux militants ouvriers de cette identité de "ville rouge". Limoges, à partir de la deuxième moitié du 19ème siècle connaît une expansion rapide. La population passe de 42 000 habitants au début du Second Empire à 90 000 en 1905, sous l'effet de l'avènement de la grande industrie, notamment la porcelaine et la chaussure. En 1897, deux lignes de tramways relient les quartiers neufs aux vieux noyaux urbains et aux bords de Vienne. La porcelaine est l'industrie emblématique. Les peintres en sont la figure dominante, au niveau de la classe ouvrière. Oui mais voilà, au niveau des patrons, les figures emblématiques sont les frères Haviland, Charles et Théodore, citoyens américains ayant chacun leur usine. Ces quakers ont développé l'industrie de la porcelaine avec des méthodes de rationalisation importées des États Unis. Le taylorisme, en cette fin de 19ème, attaque directement les métiers emblématiques de cette industrie qui emploie 13 000 personnes en 1905. Limoges, à ce moment-là, compte 32 000 ouvriers salariés pour une population d'un peu moins de 100 000 habitants. Dans ce contexte, le peintre sur porcelaine est devenu davantage un rouage dans une chaîne de production qu'un artiste indépendant, pouvant se payer une personne pour lui faire la lecture pendant son travail comme un demi siècle plus tôt. Sa formation est beaucoup moins poussée. On lui demande simplement de savoir reproduire en série des modèles qu'on lui impose.. Les tâches les plus ingrates sont attribuées à des journaliers recrutés dans la masse des migrants, parfois logés par les patrons dans des dortoirs très sommaires. L'autre aspect de la transformation de la manufacture en usine, c'est l'entrée des femmes dans ce système du salariat. A Limoges, en 1905, elles représentent 21 % de la main d'uvre des grandes firmes. Elles sont particulièrement exposées aux mauvaises conditions de travail : les espaceuses inhalent les poussières des pièces époussetées après leur cuisson, les décalqueuses respirent les effluves toxiques des poudres et des vernis. Dans les ateliers de décor, elles représentent 50 % des emplois mais leurs salaires sont de trois à six fois inférieurs à celui d'un peintre qualifié. Une augmentation des luttes sociales Avec la rationalisation qui déqualifie pour mieux dominer, s'impose une discipline plus stricte. Le patron devient plus distant. Il s'incarne à présent dans les directeurs assistés par des contremaîtres. jusque là, les ouvriers avaient su se ménager des espace de relative liberté, notamment en préservant la maîtrise de la circulation entre le dedans et le dehors de l'usine. L'irrespect des horaires était généralisé. On allait et venait en fonction des besoins. Vers les onze heures, les femmes allaient préparer le repas. Avec la rationalisation, l'usine est clôturée. Les entrées et les sorties sont filtrées. Une sirène dicte le commencement et la fin du travail. Des règlements stricts organisent la vie de l'usine. Tout cela est très mal vécu par la population ouvrière. Ces nouvelles conditions de travail entraînent une augmentation des luttes sociales. Celles-ci atteignent leur apogée, en nombre et en intensité, en 1905. Une vingtaine de conflits éclatent cette année là, dont huit dans la chaussure et sept dans la porcelaine. Ces grèves ne portent pas sur les salaires mais sur la contestation de l'autorité du patron ou de ses représentants. les ouvriers limougeauds ont atteint un bon niveau d'organisation qui leur confère une force avec laquelle le patronat est obligé de composer. Depuis 1895, les syndicats de Limoges, incorporés dans la CGT en septembre, disposent d'une bourse du travail.. En 1905, 37 des 50 syndicats fondés à Limoges y sont affiliés. Cela représente un effectif de 3 500 adhérents sur le 4 000 syndiqués que comptent alors Limoges. dans ce contexte, la ville est gérée par des socialistes, depuis 1895. La mairie subventionne la bourse du travail, soutient financièrement les caisses ouvrières de chômage, encourage la création d'écoles et de crèches, de cantines scolaires et institue des "fourneaux économiques" à destination des plus défavorisés. En 1901, les socialistes révolutionnaires prennent le contrôle de la bourse du travail. En 1903, le nouveau règlement de la bourse se réfère explicitement à la notion de lutte des classes. Un comité de grève clandestin y siège en permanence. Il fonctionne comme une société secrète ouverte aux "bagnards de la fabrique". Il prône le sabotage et encourage à mener des expéditions punitives contre les chefs trop zélés. A St-Junien, l'autre ville ouvrière du département, les anarchistes contrôlent le syndicat des gantiers, industrie principale de cette ville. En 1902 et 1903, s'y succèdent des assauts d'usines, des chasses aux "jaunes" et des affrontements avec les forces de l'ordre. Le chef, voilà l'ennemi Dans ce contexte, que s'est-il passé en 1905 à Limoges ? Le 27 mars, trois peintres de l'usine Théodore Haviland sont renvoyés. Cette mesure suscite la colère de leurs camarades. Le calme revient le lendemain avec leur réintégration. Mais deux jours plus tard, l'agitation reprend contre le directeur d'atelier, jugé trop autoritaire et à l'origine de ces licenciements. Mais là dessus, Haviland reste intraitable, estimant que son autorité de patron est en jeu. Le directeur d'atelier, lui, préfère partir pour Angoulême, estimant sa sécurité menacée à Limoges. Par ailleurs, les ouvrières l'accusent d'exercer à leur rencontre le droit de cuissage, symbole d'une autorité sans limite. Mais depuis le début de l'année, d'autres conflits ont éclaté, prenant pour cible le personnel d'encadrement, notamment dans la chaussure. Ainsi peut on lire dans le Socialiste du Centre, du 2 avril 1905, l'organe local du parti guesdiste : "La guerre aux chefs, directeurs, est de partout ; partout, ils sont insupportables et veulent imposer leur morgue, leurs humiliations, mais aussi de tous côtés les ouvriers regimbent." face à cette combativité ouvrière, le patronat s'organise. La question du pouvoir dans l'entreprise est posée par tous ces mouvements qui se succèdent. Il refuse de céder sur la question des contremaîtres et brandit la menace du lock out, dès le mois de mars. Aussi, le 13 avril, 23 patrons décident la fermeture de leurs usines, mettant le feu aux poudres. Depuis février et mars, plusieurs usines et domiciles de patrons étaient assiégés, jour et nuit par les ouvriers. des membres de l'encadrement ont parfois été molestés. la presse de droite et les représentants de l'Etat s'inquiètent de tous ces incidents qui mettent en cause le droit de propriété. Les anarchistes sont stigmatisés : "Leur état d'esprit, écrit un commissaire de police, méconnaît tous droits de justice et tout parlementaire parlant au nom de l'autorité leur paraît grotesque. Ils agissent sous l'action dominante directe qui n'admet aucune entrave et méconnaît tout principe d'autorité." La municipalité en appelle au calme et veut jouer un rôle de médiation. Mais pour les historiens actuels, deux éléments sont essentiels pour comprendre le déroulement des événements, c'est la culture antimilitariste et la culture anticléricale, communes aux socialistes révolutionnaires, aux anarchistes et aux socialistes réformistes (qui composent la municipalité). Des tracts antimilitaristes sont régulièrement diffusés dans les casernes de Limoges, entretenant un certain climat au sein de l'appareil militaire.. Le lock-out du 13 avril jette à la rue 10 000 ouvriers et ouvrières. Le lendemain, une manifestation, estimée à 10 000 personnes, parcourt la ville. Des incidents éclatent avec les jaunes. Haviland fait hisser le drapeau américain sur son usine. Deux jours plus tard, un millier de personnes envahissent l'usine Haviland et mettent le feu à sa voiture. Le préfet dessaisit le maire de ses pouvoirs de police et en appelle à l'armée. Des barricades sont érigées. Les premiers affrontements éclatent. Une armurerie est pillée et une bomber explose devant le domicile du directeur de l'usine de Charles Haviland. Le 17 avril, la tension remonte quand on apprend que quatre personnes ont été arrêtées. A 16 heures, un cortège se rend à la préfecture pour réclamer la libération des camarades emprisonnés. Le cortège grossit, entre 8 000 et 15 000 personnes. A 19 heures, le préfet annonce que les prévenus sont maintenus en détention. Un millier de personnes se rendent alors à la prison afin de les libérer. Ils parviennent à enfoncer la porte mais se retrouvent face aux soldats qui stationnent dans la cour. Les dragons chargent pour dégager la place. Des barricades sont dressées dans toutes les rues adjacentes pour faire face aux charges de cavalerie. le commandement militaire fait alors donner l'infanterie. Les fantassins reconquièrent l'une après l'autre toutes les barricades. Les manifestants se replient dans un jardin public dont les terrasses dominent la place qui est devant la prison. Les soldats font alors usage de leurs armes, sans sommations. Un jeune ouvrier porcelainier est tué. Le 19 avril, une foule estimée entre 10 000 et 40 000 personnes accompagne la dépouille de Camille Vardelle de son domicile au cimetière. La fin d'un cycle Le 21 avril, la défaite des ouvriers limougeauds est officialisée par un accord avec les responsables patronaux. Celui-ci stipule que les ouvriers reconnaissent la liberté du patron quant à la direction du travail et aux choix de ses préposés. D'après Merriman, la défaite des ouvriers de Limoges, en 1905, marque la fin d'un cycle, avec le renoncement à la révolution et le commencement de l'intégration de la classe ouvrière, avec l'acceptation des règles du jeu. A Limoges cela se traduira par la reconquête de la municipalité par les socialistes réformistes après une parenthèse de quelques années. Ce socialisme municipal va alors s'appuyer sur les organismes coopératifs et mutualistes et développer les structures municipales d'aide sociale. "A l'ombre du beffroi, écrit l'historienne Michèle Perrot, commence un long mouvement d'intégration qui se poursuivra dans l'hémicycle parlementaire. Le citoyen se substitue au camarade, et les fanfares municipales remplacent les trompettes du jugement dernier." A Limoges, un siècle plus tard, la ville est davantage tertiaire qu'ouvrière, le patronat de la porcelaine est toujours aussi arrogant mais il n'emploie plus grand monde, quand à nos socialistes, toujours à la direction des affaires, ils expulsent allègrement les squatters, continuent de détruire tout ce qui rappelle la mémoire ouvrière et même vendent avec l'assentiment de leurs alliés communistes, une partie du patrimoine municipal à des fonds d'investissement. Les socialistes locaux font table rase du passé afin de mieux inscrire la ville dans la logique de l'accumulation. Leurs réseaux de pouvoir sont encore bien vivaces. Sur les décombres de l'une des usines Haviland s'est construit le commissariat central et sur celles de l'autre usine Haviland s'est érigé un centre commercial. Tout un symbole. Christophe Sources : 1905, Le Printemps rouge de Limoges Vincent Brousse, Dominique Danthieux, Philippe Grandcoing ; Culture et patrimoine, Limoges, 2005 Limoges la ville rouge, Portrait d'une ville révolutionnaire, John Merriman ; Belin/Souny, 1990 Le Limousin, terre sensible et rebelle, Collectif, Autrement, Mai 1995 Creuse Citron, journal de la Creuse libertaire, n°4, avril-juin 2005. |
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