Courant alternatif no 158 avril 2006

SOMMAIRE
Edito p. 3
SOCIAL CPE
Pourvu que cela dure ! p. 4
Paris brûle-t-il ? p. 5
A Strasbourg... p.7
AuPays Basque... p.8
A Reims ... p.8
Violence ? Vous avez dit violence ? p.9
Communiqué/Tract commun CGA-OLS-OCL p.10
SOCIAL
L’apprentissage à 14 ans p.11
Suivi mensuel ANPE p.12
BIG BROTHER p.13
SOCIÉTÉ p.14
Regard sur la “pute pride” parisienne p.15
EDUCATION
De la violence en milieu scolaire (suite) p.16
SANS-FRONTIERE
Suisse : une grève étonnante ! p.19
Non au TGV Lyon-Turin p.21
30 ans d’occupation marocaine au Sahara occidental p.22
A LIRE p.24

EDITO

Les mouvements sociaux de résistance à la destruction de près d’un siècle d’acquis des luttes ouvrières se succèdent et s’accélèrent depuis plusieurs années. La précarité dans le salariat qui implique nécessairement la précarité dans tous les aspects de la vie touche aujourd’hui, en France, plusieurs millions de personnes. Cette précarité est encore plus massive dans certains pays européens comme l’Espagne et la Grande Bretagne. C’est l’objectif majeur du capital, de son serviteur l’Etat et ses gestionnaires élus “ démocratiquement ” par de moins en moins de “ citoyens ”. Ce n’est pas une nouveauté, c’est même un retour aux sources de l’exploitation de l’homme par l’homme.

La précarité n’est pas liée à la seule politique du gouvernement actuel. La “ gauche ” a en son temps généralisé l’usage de contrats précaires : CES, CEC, emploi jeunes, vacataires du public, etc.. En Allemagne, l’accord de “ grande coalition ” scellé le 11 novembre entre la droite (CDU) et la gauche (SPD) prévoit le passage de la période d’essai de six mois à deux ans. “ Galouzeau ” n’a donc rien inventé, si ce n’est de découper les entreprises en taille (le CNE réservé aux entreprises de moins de 20 salariés), les prolétaires en âge (le CPE) avant de tenter d’aller vers un contrat de travail unique où le patronat aurait (entre autres), comme au Royaume-Uni, la possibilité de licencier sans devoir le justifier durant les deux premières années de travail.

Le CPE n’est qu’un aspect parmi d’autres de cette attaque du système capitaliste. Mais, son contenu de classe et sa discrimination envers les jeunes ont été perçu par des millions de personnes. La méthode du “ Galouzeau de service ” qui croyait passer en force comme ses prédécesseurs en se passant même d’inviter à sa table les traditionnels partenaires sociaux, a déplu, révolté et enflammé une grande partie de la jeunesse de ce pays qui s’est très progressivement senti humilié et réduit à une marchandise.

La mobilisation s’est faite très lentement dans un contexte social global jalonné depuis des années de défaites (retraites, privatisations, délocalisations, etc.). Il ne nous restait plus qu’à nous satisfaire du rejet du traité constitutionnel de l’Europe et du pourcentage croissant des électeurs s’abstenant lors des tournées du cirque électoral. Mais la mayonnaise a monté progressivement pendant des semaines sans que le pouvoir ait eu l’intelligence de trouver des appuis réels dans la société. Même la direction de la CFDT et autres CGC, le MEDEF ont été négligé !

C’est ainsi que nous assistons à la naissance d’un véritable mouvement social qui englobe non seulement les étudiants, des lycéens, mais aussi une partie des précaires atomisés, des travailleurs, des intermittents, des chômeurs… Des jonctions intergénérationnelles ont lieu y compris, mais pas seulement, avec le bon peuple de gauche (au sens large) qui cache de plus en plus mal sa mauvaise conscience d’avoir voté Chirac contre Le Pen en 2002 (sans illusion car si c’était à refaire,... il le referait !).

Dès le départ, ce mouvement chez les étudiants ne s’est pas majoritairement restreint à la lutte contre le CPE. Il a englobé le CNE qui est passé voici quelques mois comme “ une lettre à la Poste ”, l’apprentissage à 14 ans et toute la loi sur “ l’égalité des chances ”, l’amnistie pour les lycéens condamnés l’an passé et pour les émeutiers de novembre. Puis, dans beaucoup d’AG, fut abordées toutes les lois liberticides et les projets comme celui concernant la prévention de la délinquance, l’immigration choisie, … Ce refus de la précarité par les étudiants et les lycéens fait écho aux émeutes de novembre dernier. Aujourd’hui, plus aucun jeune ne croit à cette société. Bien sûr, le “ bac + x ” s’en sortira forcément mieux, en moyenne, que le jeune sortant de l’école sans diplôme. Mais on voit des ponts s’établir de-ci de-là entre sans papiers, intermittents, précaires, jeunes des villes … et jeunes des banlieues.

Remercions “ Galouzeau ” de permettre, par son mépris social, à une nouvelle génération de jeunes d’avoir une occasion comme jamais de se politiser. Rien ne vaut une bonne grève avec occupation et blocage, des heures, des jours et des nuits d’échanges et de débats même houleux, des manifs, … pour permettre de nous armer contre le capitalisme. Plus cela dure longtemps, mieux c’est ! Nous avons rarement dans une vie l’occasion de cesser d’être raisonnables et soumis à l’ordre établi. Il faut donc la saisir, la vivre selon ses envies, ses moyens. Dans Grève, il y a Rêve !
Nous avons eu la chance que le Pouvoir ait cru, pendant plusieurs semaines, pouvoir se passer de ses partenaires sociaux qui ont été contraint d’accompagner et de suivre le mouvement. Mais les liens de la collaboration vont naturellement, dans les prochains jours, se renouer car leur “ maison France ” (ils n’osent pas encore utiliser le mot “ patrie ”) est en danger. Elle est effectivement en danger ! La trouille de la radicalisation du mouvement s’empare tout naturellement de toute la classe politique et syndicale. D’autant plus que leur dernière “ bouée de sauvetage ”, le Conseil Constitutionnel saisi par la gauche parlementaire, vient de reconnaître que cette loi est finalement conforme à la Constitution de l’Etat français ! Génial ! Nous ne pouvions espérer mieux… Après avoir contesté une loi votée, le mouvement va-t-il continuer, se développer, s’étendre quantitativement et qualitativement par une extension de ses revendications en piétinant allègrement leur parlementarisme. l’Etat veut aller à l’affrontement, allons-y ! Il a beaucoup à y perdre et nous avons tant à y gagner !

Il y a bien d’autres citadelles à prendre et à détruire avant de construire un autre monde.

O.C.L. Reims le 30/3/06


PARIS BRÛLE-T-IL ?


De l’agitation militante…à la grève universitaire
Les universités parisiennes ne se sont pas mobilisées tout de suite dans le mouvement social actuel, amorcé par la contestation du CPE. Depuis fin janvier, il s’est mis en place un boulot d’information face à la loi d’égalité des chances sur la plupart des facs. Les Assemblées Générales ne rassemblaient pas énormément de monde. A Jussieu, il fallut plusieurs semaines avant de réunir quelques centaines de personnes afin de voter le blocage.
Les premières manifs, début février, étaient encore essentiellement composées de militants et parsemées d’embrouilles entre orgas ou syndicats. Les débrayages ne fonctionnaient que très peu. Les AG inter-facs après les manif ne rassemblaient guère plus de cent personnes. Beaucoup d’étudiants étaient en partiels ou en vacances. Tout le monde n’était donc pas réuni sur les facs. Le mouvement parisien a donc réellement commencé fin février, alors que la manif du 7 de ce mois avait déjà réuni beaucoup de monde dans d’autres villes. Les blocages des facs de Toulouse et Rennes furent un argument majeur pour convaincre les étudiants de se bouger (prendre le relais des facs qui partaient en vacances). La venue d’un camarade de Rennes à la fac de Censier, par exemple, fut déclencheur de la mobilisation sur ce site. Les premiers blocages ont commencé à Tolbiac et Nanterre. Puis, il y a eu un effet boule de neige sur Paris, soit une généralisation du mouvement. Malgré tout, certaines annexes de facs (souvent en Droit) restent en marge du mouvement. Des cours s’y tiennent.
Peu à peu, les occupations de nuit ont débuté, ce qui ne fut pas sans poser de problèmes, vis à vis de l’administration, mais aussi entre étudiants, et même entre grévistes. Une coordination parisienne s’est montée pour faire le lien entre les facs, surtout pour les manifs. Les actions communes sont plus à l’initiative de personnes qui se connaissaient ou ont tissé des liens. Les lycées ont rejoint le mouvement après le discours de Villepin à la télévision, le 12 mars. Les manifs ont encore gonflé. Les lycées du 93 sont en général assez actifs (manifs sauvages, actions, …) mais se heurtent plus à la répression. Bien que les grévistes aient tendance à s’enfoncer dans des AG longues, ennuyantes et peu productives, occupations, actions ou manifs sauvages font vivre le mouvement.

De la bureaucratie … à l’autonomie.

Une des particularités de Paris est de rassembler tous les pouvoirs (on se fade la plupart des chefs des orgas !) Ainsi, les sections UNEF des grosses facs se sont tout de suite montrées offensives pour mener la danse dans la bataille contre ce gouvernement (qui n’est pas celui à qui elle aimerait obéir !) Nous avons pu voir à Jussieu de magnifiques batailles pour le contrôle des tribunes d’AG entre tendances de l’UNEF (trotskos et soc-dém) : batailles qui font fuir les gens, stérilisent les débats et reproduisent des schémas de domination pour les uns et de passivité pour les autres. A Tolbiac, l’UNEF n’a pas hésité à casser la gueule à ceux qui avaient fait une banderole unitaire sur la fac. L’AG est souvent utilisée comme un lieu pour faire avaliser leurs décisions (à la recherche de légitimité et de démocratie). Les cas d’oublis d’inscription sur les listes, de monopolisation de la parole, etc. sont très fréquents. Cependant, ils peinent parfois à contrôler les tribunes d’AG ; les cas sont variables suivant les facs et moments, et souvent dus à la capacité de la “résistance” à se coordonner. La majorité des étudiants du mouvement ne sont pas encartés. Il existe une certaine méfiance vis à vis des orgas, politiques ou syndicales, ce qui semble positif.
Pour autant, de nombreuses initiatives offrent des perspectives plus réjouissantes quant à l’auto-organisation du mouvement. En règle générale, les syndicats sont débordés, n’arrivent que très peu à envoyer leurs délégués aux coords nationales… A Tolbiac, l’UNEF se fait régulièrement huer lors de leurs prises de parole.
Avant les blocages, il y a eu différentes initiatives pour des interventions (dans les TD et amphis) sous forme de discussions, plutôt que de discours syndicaux unilatéraux. Dans l’optique de favoriser la réappropriation de la parole par les personnes en luttes, des étudiants et chercheurs de Jussieu se sont réunis autour d’un canard au ton critique : vis à vis du travail, de la recherche, des orgas… A Censier, heureusement que des étudiants pas dupes aidés par des acharnés troskystes et des éclairés libertaires (!) se sont investis pour tenter de déborder les bureaucraties aux visés électorales. Les AG qui abordent le fond du problème s’avèrent plus productives. Aussi, tout un tas de gens tente d’ouvrir un lieu de rassemblement, de débat, pour coordonner des actions plus offensives sur la ville. L’occupation de L’EHESS, qui a duré quatre jours, a été réalisée dans cette optique, bien que perturbée par l’individualisme de quelques “casseurs/voleurs” ! L’idée était aussi de créer un espace de croisement entre étudiants, salariés, chômeurs… “Tous précaires, tous solidaires”

Des blocages…aux débats.

Les soc-dem souhaitaient renforcer la mobilisation avant de bloquer les facs. Or, les blocages ont justement permis à la mobilisation de s’amplifier puisqu’il ne se pose plus le problème des cours pour participer aux actions, manif, AG, … En général, sur les sites de petites tailles (souvent les annexes), cela permet de créer de l’animation. A Censier, il y a beaucoup d’affiches, de concerts. A Javelot (une annexe de Jussieu), à été voté la réappropriation des lieux plutôt que le blocage, ce qui a débouché sur l’organisation de discussions, des projections de films, … Des étudiants de Tolbiac organisent même une fête pour l’anniversaire dès un mois de grève ! Le problème est que parfois cela (le blocage) pourrit un peu les choses, surtout dans les grosses facs : il n’y a plus d’espace de rencontre en dehors des AG stériles et interminables (digne des nuits de l’assemblée nationale !). Les étudiants ne viennent plus, comme à Nanterre, quand les cours ont été banalisés par la présidence et remplacés par des débats et projections par les étudiants. Les décisions de fermeture de site, prise par les administrations, cassent les dynamiques de lutte. A la Sorbonne (avec plein de flics) ou à Nanterre, cela a débouché sur des affrontements violents avec les vigiles. En tout cas, les blocages lancent de nombreux débats, notamment avec les “anti blocages” qui s’organisent plus ou moins, en tentant parfois de s’écarter de la récupération politicienne des pro-CPE comme l’UNI. En tout cas cela fait venir en AG, encourage de nombreuses discutions sur les questions de la violence, de la démocratie, de la légitimité de ce que font les étudiants, d’être syndiqué ou non, des diplômes (sur le fait du passage des examens), … Cependant le débat autour de la question du travail est difficile à impulser. C’est pourtant un enjeu important de cette grève que de dépasser la question du CPE, pour réfléchir sur le salariat. Toute fois, des discussions ont lieu, beaucoup de textes circulent. On a aussi vu apparaître de magnifiques banderoles : “travail, précaire ou garanti, non merci !”, “CPE, CDI, c’est toujours le STO !” et des graffitis sur la question lors de diverses occupations.

De la Sorbonne… aux barricades.

Il semble nécessaire de revenir sur les événements de la Sorbonne pour contrer l’éternel discours pourrissant des médias - qui vise toujours à falsifier les événements et stigmatiser sur des casseurs - toujours au service du pouvoir.
La fac de la Sorbonne ne s’est réellement mobilisée que très tardivement, c’est une fac élitiste. Cependant, beaucoup d’étudiants extérieurs – relayés de l’intérieur par des sorbonnards - se sont rendus compte qu’il s’agissait là d’un enjeu de taille que de bouger cette fac. Plusieurs manifs sauvages qui y finissaient furent arrêter par les keufs, qui filtraient l’entrée (hé oui) et abondaient dans le quartier (alors qu’ils étaient peu présents ailleurs). Aussi lorsqu’un rendez-vous fut donné pour bloquer les cours (sur décision de l’AG), la direction n’hésitât pas à fermer les portes, coupant ainsi cour à toute possibilité de mobilisation. Pourtant la décision d’occuper fut prise, puis effectué (une première depuis 68 !), ce qui entraîna tout de suite un soutien extérieur face au dispositif policier empêchant l’ouverture de l’occupation. Dès le deuxième soir d’occupation, l’arrogance de la présence policière a tourné en affrontement. Des barricades, plutôt symboliques certes, ont concrétisé l’augmentation de la tension depuis l’après midi (avec notamment des premiers affrontements Place de l’étoile, par ailleurs très bien maîtrisés par les syndicats). Le lendemain après-midi, une autre manif sauvage finit dans le quartier. Après avoir fait sauter un barrage de flics, les manifestants ont pu pénétrer par une fenêtre, à la surprise générale ! L’occupation s’est relativement bien passée malgré les excès de quelques citoyennistes qui voulaient imposer leur SO et qui ont tenté de s’opposer à l’expulsion de Melanchon (sénateur PS venu tenter de récupérer le mouvement), … Des occupants ont tout de même tenté de faire fuir la police, qui empêchait l’ouverture de la Sorbonne, en leur balançant des chaises sur la gueule. Dans cette même soirée, vers 4h, la fac fut évacuée, sans trop de débordements (3 flics par personne !). De la, ont débuté les affrontements au mot d’ordre de “libérons la Sorbonne”. Au-delà du CPE, on entendait beaucoup de manifestants (et pas que les anars) chanter “à bas l’état, les flics et les patrons”.
La Sorbonne a largement focalisé l’attention des médias et du pouvoir. Pourtant, il faut bien voir que la majeure partie de la mobilisation se déroule sur les facs.

Des “casseurs” … à l’action directe.

Les affrontements de la Sorbonne, mais aussi les fins de manifs ont regroupé ceux qu’on appelle les “casseurs”. Ils réunissent largement au-delà des franges autonomes ou anarchistes. On peut être étudiant ou lycéen et jeter des pavés ! Les gens qui s’affrontaient aux forces de l’ordre ne sont pas des professionnels de la casse mais des gens qui en ont ras-le-bol : chômeurs, étudiants, lycéens, précaires… La casse est souvent ciblée : grosses bagnoles, banques, grands magasins, mac-do. La peur de la bavure – qui pourrait coûter chère à Sarko – a au départ permis aux manifestants d’en mettre plein la gueule aux flics. Toutefois, la machine répressive s’est quand même bien lancée au bout d’une semaine. Plusieurs centaines d’arrestations ont eu lieu, les procès risquent de se multiplier les prochains mois.
Toutefois, on a vu apparaître de plus en plus des groupes de jeunes qui s’en prenaient, certes aux CRS, mais aussi aux manifestants : vol de portable, lynchage… Ces bandes de potes pourraient contribuer malheureusement à écœurer les manifestants de se rendre aux mobilisations.
En ce qui concerne l’action directe, elle reste limitée dans la multiplication, malgré un potentiel énorme. Certains opposent la mobilisation de masse à l’action directe, qui ferait fuir les étudiants ! Souvent les actions se limitent au blocage de carrefours, alors que les objectifs et les personnes intéressées pourraient se multiplier.

De l’arrogance de Villepin… à la grève générale ?

Du point de vue des orientations politiques de la mobilisation, celles-ci restent largement corporatistes. Il y a peu de relation inter pro. Le mouvement étudiant n’arrivera pas à aller plus loin que le seul retrait du CPE s’il n’est pas relayé par les travailleurs. C’était d’ailleurs l’un des enjeux du début du mouvement que de faire le lien avec le CNE, ce qui ne fut pas facile sur Paris. On a vu au fur et à mesure apparaître une multiplicité de revendications sur les facs : augmentation des postes aux concours, amnistie des émeutiers de Novembre, non à la fermeture de la fac de Censier, …
On a du mal à dépasser la seule question du retrait du CPE pour poser des enjeux plus larges - le travail, la précarité – ou carrément imaginer une autre société. Les actions gratuité au restaurant universitaire de Jussieu visaient à montrer que le retrait du CPE n’était pas une fin en soi. Il y a eu aussi des diffs de tracts à l’ANPE à Tolbiac, une action à la FNAC pour mobiliser les travailleurs du site. A Nanterre, les étudiants se sont rendus à La Poste. Bref, des actions sporadiques ont lieu mais manquent d’ampleur. A noter, que dans le 13e arrondissement, des réunions interpro se sont tenues, prolongement des réseaux tissés lors des grèves de 2003. Le prolongement de la mobilisation contribue à ouvrir le mouvement vers d’autres horizons, à renforcer l’engagement politique des étudiants et lycéens. Espérons que les étudiants parisiens arriveront à traverser le périphérique pour se joindre aux travailleurs de la banlieue…

Jean-Eude, Nadia, Seba, Louise, Grizelda, Gildas, Caro et compagnie


CE N'EST QU'UN DÉBUT...POURVU QUE CELA DURE !!!


Largement plus de 2 millions de manifestants sont descendu le 28 mars 2006 dans la rue. Cela constitue un record en France pour la période contemporaine. Ce nombre de manifestants dépasse même les manifs du 12 décembre 1995 contre le plan Juppé. Dans les manifs, une immense majorité de jeunes scolarisés s’est dégagée, ce qui est en soi un espoir car ils et elles se sont mobilisés contre une loi qui les concerne directement, sans oublier tous ceux et toutes celles, de plus en plus nombreux et nombreuses, pour qui le combat contre le CPE n’est devenu qu’un combat parmi tant d’autres (CNE, loi sur “ l’égalité des chances ”, futures lois sur l’immigration choisie et la prévention de la délinquance, les lois sécuritaires, l’amnistie des personnes condamnées lors du mouvement des lycéens du printemps 2005 et des révoltes des banlieues pendant l’automne 2005, …). N’oublions pas que plus ce mouvement dure, plus les gens en mouvement, en particulier des jeunes, s’informent, débattent, prennent conscience des méfaits du système capitaliste, “ se prennent la tête ” sans oublier de faire la fête, se solidarisent, s’ouvrent à tous les aspects de la vie. Rien ne peut remplacer un mouvement à caractère social !

A ce jour, la comparaison avec 1995 s’arrête là car même si beaucoup d’universités sont bloquées depuis des semaines, même si de nombreuses manifs ont vu défiler des cortèges imposant de travailleurs des secteurs public et privé, même si le lendemain de ces manifs a vu un nombre croissant de lycées bloqués (plusieurs centaines) ; aucun secteur économique n’est touché par une grève reconductible de travailleurs mettant en danger la reproduction du capital. Mais, nous ne devons pas oublier qu’en 1995, la SNCF fut le seul secteur à être paralysé plusieurs semaines par une grève massive. La grève générale interprofessionnelle, seule capable, aux yeux de beaucoup de militants, de contraindre le pouvoir à abandonner ses réformes au service du capitalisme, sera –t-elle encore une fois absente à ce grand rendez-vous, comme en 2003 contre les retraites ? Il est inutile, encore une fois, de pleurer sur l’absence de mot d’ordre clair de grève générale reconductible des centrales syndicales, elles qui sont les meilleurs défenseurs de l’ordre économique existant. Dans l’histoire du mouvement ouvrier, les rares fois où le syndicalisme reconnu par l’Etat et le Capital a appelé à la grève générale, c’est parce qu’il y était contraint afin de ne pas perdre sa fonction de contrôle du mouvement social et le faire rentrer, le moment venu, dans les clous de l’ordre existant. Les syndicats ne trahissent jamais puisque leur fonction n’est pas de détruire l’exploitation dans toutes ses facettes mais de l’accompagner dans des limites contractuelles négociées. Alors, si demain les centrales syndicales appellent à une grève générale, il ne faudra pas s’en réjouir mais s’en méfier ! D’autant plus que les salariés encadrés par les appareils syndicaux prendront alors très certainement la tête du mouvement. Le mouvement actuel de la jeunesse risquerait alors de perdre toute son autonomie, toute sa spontanéité, tous ses débordements. Ce mouvement n’a pas à se mettre à la remorque des syndicats et nous espérons qu’il va continuer, par lui-même, à se généraliser à d’autres secteurs d’activité, à d’autres lieux de vie, à d’autres personnes. L’auto organisation de ceux et celles qui luttent est plus que jamais d’actualité.

Cela fait déjà des années, qu’un nombre croissant de personnes, de familles, est exclu dans tous les domaines, que ce soit économique, social, politique, culturel. Dans de multiples lieux de survie, il n’y a plus aucun repère d’appartenance au prolétariat, plus aucun repère de classe. Il n’y a plus d’activité et de présence militante dans nombre de cités plus ou moins délabrées qui vous font raccrocher à une réelle collectivité solidaire. Le phénomène de “ bandes ” s’attaquant aux manifestants en est une des conséquences. Ce phénomène a toujours plus ou moins existé, manipulé là par l’extrême droite, ici par les flics. Ce sont des bandits du bitume, des purs produits de l’évolution du système capitaliste dans nos pays dits développés manipulables à merci.

Ce mouvement social et encore plus les suivants (car ce phénomène ne peut que s’amplifier) doit impérativement prendre en compte collectivement ce problème sans la protection des “ papa ” et autres responsables syndicaux en liaison permanente avec la police qui, naturellement, d’une autre main manipule ces bandits.

Là aussi, c’est l’auto organisation des collectivités en lutte qui peut apporter des réponses. Un service d’ordre doit avoir pour seule fonction de protéger les manifestants des agressions extérieures venant de fachos, de bandits et de flics (c’est à dire des mêmes !), sans oublier, n’en déplaise à certains, qu’un degré de violence ciblé, assumé en actions ou en pensées, par tous et toutes, suivant ses capacités physiques contre ce système de merde est une nécessité incontournable et inévitable de tout mouvement social d’envergure.

Denis, OCL Reims le 30 mars 2006


"VIOLENCE", VOUS AVEZ DIT VIOLENCE ?

Au fur et à mesure que le mouvement s'étend, et que les actions directes se font plus présentes, la question de la "violence" refait inévitablement surface. Si certaines interventions, catégoriques et ignorantes ("la violence, c'est mal !") ne valent guère la peine que l'on s'y arrête, nombre d'autres s'interrogent avec honnêteté sur la violence et son utilité. Question pertinente, la violence n'allant pas de soi, et, comme forme d'expression pour le moins dure, devant être pensée. Voici donc quelques pistes pour contribuer à la réflexion et l'action

Qu'aurait été l'évacuation de la Sorbonne sans la résistance active et spectaculaire d'une partie des occupant·e·s ? Ce n'est pas tous les jours que les flics se prennent des tables sur la tronche, et ce moment est vite devenu un mythe, qui anime les solidarités en France comme à l'étranger, profitant directement à ceux qui sont pourtant les plus prompts à critiquer ces actions, les "pacifistes".

D'une manière générale, les actions "dures", quand elles accompagnent un large mouvement de contestation, sont autant d'outils permettant à celui-ci de s'imposer, d'empêcher les tentatives d'étouffement d'un gouvernement, de se faire entendre ! L'État ne craint pas les marches pantouflardes qui jalonnent les mouvements sociaux depuis des années pour demander une petite part de gâteau. Elles constituent la routine du théâtre démocratique, et n'obtiennent jamais rien de "significatif" (l'histoire des mouvements ouvriers montre beaucoup moins de frilosité de leur côté). L'État craint, au contraire, le dérapage, la perte de contrôle, le potentiel de colère d'un mouvement inflexible, à plus forte raison s'il est capable d'agréger d'autres révolté·e·s (ce que Sarkozy semble, à raison, particulièrement redouter !).

Demandons-nous ce qui fonde notre appréciation d'une action: le seul regard filtré des caméras, aux ordres du gouvernement, comme l'ont montré les expériences pratiques de luttes depuis des années, comme la sociologie critique ?

S'il est important de penser à l'intelligibilité des actions, en donnant de la visibilité à des idées, à des revendications, via banderoles, slogans, graffitis ("cassons le CPE !") et choix de cibles claires, il serait bon de ne pas oublier la dimension libératrice et révolutionnaire, à une échelle personnelle et collective, de ces moments. L'expérience pratique de la résistance permet non seulement de sortir des violences quotidiennes accumulées face à l'autorité, mais aussi et surtout de vivre un moment d'intensité –ensemble-, lors duquel le temps est suspendu, lors duquel le jeu change de règles. C'est assurément un moment galvanisant que de briser l'isolement habituel, pour se sentir fort·e·s ensemble, légitimes dans la colère, et refuser le confinement imposé par la flicaille, bras armé de l'État, qui, on le sait, n'est là que pour décourager, démobiliser, semer la terreur, fracasser des gueules, bref, casser (les gens, le mouvement) ; et non pour nous protéger ( ! ! !), comme certain·e·s osent encore le bêler !

On dit souvent que la violence, si elle est légitime, est difficilement compréhensible, audible pour le citoyen. À vrai dire, c'est évident quoique comme modes d'action, l'insoumission (refuser le confinement policier et l'enfoncer), la résistance active (caillasser, entre autres choses) et le sabotage (briser des vitres pénibles à regarder) sont aussi des expressions qui parlent à des catégories de la population, "qui ont délaissé la politique, parce que la politique les a délaissés". Quoi qu'il en soit, si bien des gens refusent la "violence" (bien que celle des manifestant·e·s demeure en tout point inférieure à celle du gouvernement), ne peuvent s'y identifier ; si bien des gens s'en vont la rejeter en bloc, fustigeant les casseurs (pure invention policière et médiatique, visant à décrédibiliser ceux et celles qui expriment de manière radicale et déterminée leur opposition, en les faisant passer pour des opportunistes sans rapport avec les manifestations, ce qui est mensonge éhonté), faut-il se demander pourquoi, ou, plutôt, comment remédier à cela ?

Et si tou·te·s les manifestant·e·s occupé·e·s à dénoncer leurs voisin·e·s lanceurs et lanceuses de pavés, sous prétexte que "personne ne va comprendre", consacraient un dixième de ce temps là à expliquer, à faire en sorte que les personnes en question puissent comprendre ; à se montrer solidaires, à assumer ces actions comme composante du mouvement ?

Que l'on soit clair : Il ne s'agit pas nécessairement que tout le monde se transforme en émeutier·e ; à chacun sa manière d'agir, selon son confort personnel et ses envies, dans le respect des autres tactiques ; mais ce dont il s'agit, à l'évidence, c'est de refuser la stratégie de division du gouvernement, qui va sans hésiter distribuer des bons points aux gentil·le·s manifestant·e·s, inoffensifs, pour durcir la matraque contre les autres. Le fait même qu'un gouvernement hostile flatte les étudiant·e·s les plus dociles, opposés à sa politique, devrait mettre la puce à l'oreille à quiconque se méfie.

Cessons donc de jouer le jeu de Sarkozy, et de vouloir être premiers de la classe ! Désertons son monde et ses logiques autoritaires, et nourrissons une opposition plurielle, insolente, qu'elle soit ou non violente ! Nous avons tou·te·s à y gagner, sauf le gouvernement
Reste à savoir si le mouvement anti-CPE veut avoir l'intelligence de s'ouvrir à d'autres mécontentements, pour dépasser la revendication limitée du CPE, qui, il est vrai, ne fait que compléter un dispositif d'exploitation déjà largement rodé.

S'opposer radicalement au CPE et faire en sorte qu'il ne ressurgisse pas sous un autre nom, c'est forcément poser la question du monde qui l'a généré, et lutter pour en construire un autre, fruit de nos envies, des pratiques collectives que l'occupation des facs permet d'ores et déjà d'explorer, sans oublier l'inspiration que peuvent nous procurer les expériences et projets autogestionnaires qui existent depuis des années, mettant en relation recherche d'égalité dans le vivre-ensemble et pratiques d'autonomie vis à vis des systèmes étatique et marchand.

Alors, qu'est-ce qu'on attend ?

Un étudiant ("casseur" à ses heures)


CPE, CNE, PRECARITE...L'offensive patronale vaut bien une grève gènèrale

Le Contrat Première Embauche (CPE) est un nouveau pas dans la démolition des conquêtes sociales fruits de 150 ans de luttes collectives. Comme le Contrat Nouvel Embauche (CNE) pour les entreprises de moins de vingt salarié-e-s, il permet, notamment, aux patron-ne-s de licencier sans motif leurs salarié-e-s pendant les deux premières années suivant l'embauche.

La conséquence directe : explosion de la précarité, licenciement prévisible de toutes celles et ceux qui ouvriront leur gueule contre les conditions de travail, les heures sup' non payées, augmentation de la répression antisyndicale, des discriminations racistes et sexistes. La porte sera grande ouverte : toute tentative de lutte dans l'entreprise se soldera par des licenciements "sans motifs".

a même logique va être étendue aux immigrés avec le projet de Loi Sarkozy. Le séjour des travailleur-se-s sera conditionné à l'existence et à la durée du contrat de travail : "Tu n'as plus de travail, tu rentres dans ton pays". Des travailleur-se-s qu'on peut jeter comme des citrons après les avoir bien pressés, voilà le rêve du patronat. L'esclavage moderne avec la bénédiction de l'Etat.

Le CPE est loin de ne concerner que les jeunes

L'ensemble de la société est visé par ce nouveau contrat. Après les moins de 26 ans, les immigré-e-s, qu'est ce qui pourra empêcher le patronat de géné-raliser cette logique pour liquider le code du travail ? La lutte des classes reste une réalité, à l'inverse de ce que nous rabachent des médias aux mains d'une poignée de marchand d'armes (Lagardère, Dassault…).

Et aujourd'hui c'est bien le patronat qui mène l'offensive.

L'objectif : toujours plus de profit. Cela passe par le flicage des chô-meurs, la remise au travail obligatoire des RMIstes…
Car le monde du travail est loin d'être un lieu idyllique. Les boulots de merde succèdent souvent aux contrats précaires. Le salariat n'est rien d'autres que le vol organisé de ce que nous produisons. Et la soumission et la dépendance qu'il entraîne empêche les gens de se révolter face à ce vol. Mais, ce n'est pas la crise pour tout le monde ! Les dividendes des actionnaires n'ont jamais été aussi importants, quand plus de 7 millions de personnes survivent en France sous le seuil de pauvreté. La misère des uns fait la richesse des autres.

L'Etat, dans tout ça, n'est pas un instrument neutre. Il sert d'un côté, à assurer par ses interventions écono-miques et sociales, le profit des entreprises, et de l'autre, à réprimer toutes les révoltes liées à la précarité. Les émeutes de novembre sont en lien direct avec l'explosion de la misère.
Gauche et Droite même combat, au service du capital

La précarité n'est pas liée à la seule politique d'un gouvernement plutôt qu'un autre. La Gauche a en son temps généralisé l'usage de contrats précaires : CES, CEC, emploi jeunes, vacataires du publics, etc. Les politicien-e-s de Gauche ont beau jeu de dénoncer ce qui n'est que la continuité de la casse sociale, qu'ils et elles ont aussi mené. C'est par la lutte que nous combattrons le CPE et la précarité, pas en se laissant séduire par les faux espoirs d'une élection présidentielle de 2007. Si on regarde l'Histoire, le patronat n’a jamais lâché un peu de ce qu'il vole aux salariée-s par les lois, mais par le rapport de force dans les luttes : grèves, occupations...
Les lois, le patronat n'a jamais eu de problème pour les piétiner, quand nous cessons de nous organiser par nous-mêmes et que nous remettons notre sort entre les mains de politicien-ne-s. S'il faut se battre pour le CPE et le CNE, nous devons, si nous voulons en finir avec la précarité, en finir avec l'Etat et le capitalisme.
Sans patrons ni Etat, décidons nous-mêmes

La société, nous pouvons et devons la gérer par nous-mêmes, pour nous-mêmes, au moyen d'assemblées de quartier, sur nos lieux de travail, etc. Reprenons le contrôle de nos vies, personne ne le fera à notre place ! Les politicien-ne-s ne peuvent que gérer le partage des miettes à coups de bâtons. Commen-çons par reprendre le contrôle de nos luttes : refusons les chef-fe-s et la hiérarchie, favorisons les décisions collectives, fédérons les assemblées de lutte...
De rupture en rupture, nous pourrons construire les bases d'une société égalitaire et libertaire. Si l’offensive patronale vaut bien une grève générale...

A nous de la construire !

Coordination des Groupes Anarchistes 93 c/o Secrétariat fédéral 20 rue Terral . 34000 Montpellier
liaison93@c-g-a.org ; http://www.c-g-a.org
Offensive Libertaire et Sociale Paris 21ter rue Voltaire . 75011 Paris
ols.paris@no-log.org ; http://offensive.samizdat.net
Organisation Communiste Libertaire région parisienne c/o L'insurgé bp70118 . 95316 Saint Ouen L'Aumône oclibertaire@hotmail.com ; http://oclibertaire.free.fr


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