Courant alternatif no 159 mai 2006

SOMMAIRE
Edito p. 3
SOCIAL CPE
Leur démocratie n'est pas la nôtre p.4
La lutte à Reims p.5
A Boulogne sur Mer ... p.6
SOCIAL
Le congrés de la CGT p.7
NUCLÉAIRE
Manif anti-EPR à Cherbourg p.8
SOCIÉTÉ
Le planning familial a 50 ans p.9
IDÉOLOGIE
Les nouveaux réactionnaires ne sont pas ceux que l'on croit p.11
A LIRE p.13
Des bagnes pour enfants dans le Tarn p.13
SOCIÉTÉ
La situation des militants d'AD p.14
RUBRIQUE BIG BROTHER p.15
Justice et psychiatrie p.16
SANS-FRONTIERE
PAYS BASQUE : la paix n'est pas une fin en soi p.17
CAMPING LIBERTAIRE été 2006 p.20
Israël-Palestine: quelle frontière? p.22

EDITO

Une victoire inachevée

Comme la victoire du NON au référendum contre le Traité de Constitution Européenne, comme la révolte des banlieues en Novembre, le mouvement anti-CPE a surpris par sa force, son ampleur et sa détermination. Face à la fermeté du gouvernement, étudiants et lycéens répondent par les occupations de Facs et de lycées. Face à la rigidité du premier ministre qui joue la montre et la lassitude, le mouvement anti-CPE s’enkyste en “ acte politique ” et la grève se pare de rêve d’espoir, et de fête.
L’individualisme, le chacun pour soi est jeté hors des amphis pour ressortir des Assemblées Générales en une force collective, solidaire et unitaire. En peu de temps, cette génération dite apolitique acquière sa maturité politique pour poser le problème de la précarité dans sa globalité. D’où l’ouverture des AG d’étudiants en AG de ville, où chômeurs, précaires et salariés sont invités à venir échanger. Elles deviennent les lieux de politisation, où nombre de sujets sont abordés sans tabou. Les A.G. massives vont devenir le centre politique de cette autonomie, qui va nier partis politiques et organisations syndicales. Etudiants et lycéens s’auto-organisent, et prennent des initiatives vers les ANPE, des boites d’intérims où des entreprises afin d’élargir la lutte. Les comités de grève ou d’action et leurs commissions deviennent des lieux et des instruments de démocratie directe. Des délégués sont mandatés, élus et révocables. Les encartés syndicaux n’ont pas plus de voix que les non syndiqués. Un mouvement qui se placera sur un terrain offensif d’affrontement de classe : exploités du monde du travail contre exploiteurs au service du capital. 25% des étudiants ou étudiantes sont des précaires.
Face à cette offensive et devant l’échec d’une politique d’attentisme, en vue du pourrissement de la lutte, la bourgeoisie change de tactique et D. De Villepin est obligé de s’effacer devant N. Sarkosy. Son retour au premier plan sera préparé et porté par la presse. Tout en maintenant des échanges avec les organisations syndicales, il essaie d’enfermer le mouvement dans le piège de la violence policière, de la provocation, puis de la répression. Cette stratégie sera vouée à l’échec. Par sa maturité et son autonomie politique qui font sa force, par la multiplicité de ses actions, et par la fluidité de son auto-organisation le mouvement saura éviter le piège de la provocation policière, constituée par la présence de CRS et de policiers en civil dans les cortèges, parfois aidés par les services d’ordre syndicaux. Ainsi les incursions de casseurs pour dépouiller les manifestants, devant une passivité policière étonnante, était longuement et complaisamment filmé ou photographié par les médias. Le pouvoir espérait alors distiller la peur, casser les solidarités et l’unité en démoralisant les manifestants, semer le doute chez les salariés et freiner les sympathies de l’opinion. La tactique Manif / Violences, Etudiants / Casseurs échouera. Le message ne prend pas et ce n’est pas faute d’avoir été pleinement relayé par les médias propagandistes. Sarkosy devant déclarer qu’il fait la différence entre les gentils étudiants et lycéens et les voyous, les casseurs.
Cette maturité politique va très vite permettre au mouvement d’assumer son autonomie. Plus le premier Ministre s’entêtait, plus le mouvement écartait et déjouait les tentatives de récupération des partis et syndicats visant à le canaliser et le noyauter. Tel, l’apparition de syndicats “ jeunes ” dans les manifs : CGT jeunes , CFDT jeunes, FO jeunes, UNSA jeunes… mais en vain. Sentant le danger, ces organisations supplétives du pouvoir, ont dû très vite s’adapter pour accompagner ce mouvement. Alors qu’elles ont de tout temps accompagné (ouvertement : CFDT ou par un laisser faire : CGT) l’offensive anti-sociale de la bourgeoisie contre les travailleurs, y compris dans la généralisation de la précarité. Elles ont dû trouver, malgré leurs divergences de forme, une unité syndicale de façade contre le gouvernement. Ce qui les conduira à radicaliser leur discours en exigeant le retrait du CPE avant toute ouverture de négociations. Ces organisations ne voulaient à aucun prix que les travailleurs ne se mobilisent massivement avec les étudiants et lycéens. Elles refusaient l’idée de grève générale, hantées par le spectre de Mai 68. Pas celui des étudiants sur les barricades, mais celui des 10 millions des travailleurs, de grévistes occupant leurs lieux de travail et bloquant l’économie. Elles n’ont eu de cesse de chercher discrètement, avec les dirigeants de l’UMP et autres partenaires au pouvoir, une sortie rapide de cette crise. Il n’y a qu’à voir avec quel soulagement et précipitation elles se sont ruées, les unes derrière les autres, à la rencontre des représentants et présidents de l’assemblée nationale et du sénat. Pour ensuite nous présenter l’effacement du CPE, de la loi sur l’égalité des chances, comme une grande victoire et nous faire oublier leur attentisme consensuel sur les autres mesures du projet de loi. Mais l’hymne de la victoire, qu’elles ont si énergiquement entonné, a laissé un goût amer sur plus d’un campus, et la déception d’une lutte inachevée chez plus d’un étudiant, d’un lycéen, voire de salariés engagés à leur côté.
Leur victoire n’est pas la nôtre pourrait-on dire ! Certes nous ne bouderons pas la satisfaction d’avoir fait échec à la politique du gouvernement sur ce point. La bourgeoisie, veut occulter la victoire des étudiants et lycéens par le triomphalisme éhonté de ses supplétifs syndicaux. B.Thibault va l’utiliser pour asseoir encore plus son orientation réformiste dans la CGT, lors du 48e congrès à Lille. Ne soyons pas dupes, la bourgeoisie concertera davantage ses partenaires syndicaux en les institutionnalisant encore plus dans les rouages du capital. C’est une des “ décisions ” que proposera le secrétaire général de la CGT à ses congressistes en guise de modernité syndicale. Notons, que c’est ce même déni de concertation qui a vexé Chérèque et poussé la CFDT à refuser le CPE alors qu’elle venait de signer le 9 Mars le contrat “ seniors ” qui accompagne la précarité chez les retraités..
La victoire réside dans la capacité qu’a eu cette génération à faire de la politique en se réappropriant sa vie, en reprenant ses affaires en main et en en assumant sa gestion directe durant la lutte. certes, avec des hésitations, mais aussi avec assurance et conscience, selon les lieux. Il ne s’agit pas de mythifier cette lutte mais de tirer les enseignements de ses forces et de ses faiblesses pour nos prochaines luttes à venir. Capacité politique qui a aussi, permis d’éviter le piège de l’enfermement dans une dynamique générationnelle d’étudiants, pour trouver des solidarités de classe intergénérationnelles constatées dans les manifs et les actions.
Victoire aussi contre ces intervenants médiatisés, chiens de garde de la bourgeoisie, néo réactionnaires venus nous démontrer que le mouvement était une fois de plus rétrograde, passéiste, que nous tournions le dos au progrès de la mondialisation, que nous nous fermions à la modernité etc. Mais ils se gardaient bien de nous expliquer pourquoi, en Grande Bretagne et en Allemagne se déroulaient des grèves massives de salariés démontrant que le prolétariat du vieux continent européen commençait à relever la tête. Victoire donc, contre ces têtes mal-pensantes, suintant l’idéologie dominante qui traduisent toutes luttes de résistances en un combat dépassé et voué à l’échec.
Oui, la bourgeoisie a été inquiétée. Pas par les casseurs mais par les trois millions de manifestants qui ont défilé dans les rues. Elle saura en tirer les leçons et se préparer à réprimer les luttes et mouvements sociaux qui ne manqueront pas de surgir, tant les causes de révolte sont nombreuses et insupportables pour les opprimés et les exploitées.
Malgré la sainte alliance entre tous les défenseurs de l’ordre et du capital, les forces qui ont animé et dynamisé le mouvement sont encore intactes. Elles vont sans doute obliger la bourgeoisie à revoir pour l’instant, à la baisse son offensive contre d’autres secteurs de salariés, sous peine de souffler sur des braises encore chaudes.
Cette victoire inachevée ne doit pas conduire à la déception pour une résignation future mais au contraire, nous renforcer pour d’autres luttes et sans doute d’autres victoires.
OCL CAEN le 20. 04. 2006


LE CONGRÉS DE LA CGT

La CGT a tenu son congrès du 24 au 28 avril à Lille. Mille délégués pour « débattre » de l’orientation de la confédération pour les trois prochaines années. Dans les faits, il s’agit bien plus de confirmer la ligne politique impliquée par son secrétaire Bernard Thibault et appuyée sur l’idéologue maison J C. Le Duigou.

Une orientation sans surprise.

Les documents d’orientation de ce 48° congrès ont été synthétisé dans un quatre pages, compilant « 25 décisions » autour de trois axes. Le syndicalisme, acteur essentiel de solidarité et de conquêtes sociales, la démocratie au cœur des enjeux de transformation du travail et de la société, et, développer l’organisation syndicale.
En lisant ces « décisions » reflets de l’idéologie maison, on en oublierait qu’il s’agit de la CGT si son sigle, maintes fois répété dans le texte ne nous le rappelait.
En réponse aux questionnements que se posent légitimement les salariés dans leur ensemble et surtout les militants de cette centrale engagés dans les luttes (salaires, licenciements, conditions de travail, voir la précarité: remise en avant, et avec force par le mouvement lycéen et étudiant dans leur lutte contre le CPE, etc) on n’y trouve qu’un verbiage indolore pour le patronat et le capital.
Pour répondre aux enjeux politiques et sociaux de notre temps, et relever les défis de la mondialisation imposés par le capital nous ne lisons dans la décision 1, qu’un vague « Solidarité placée au cœur des objectifs de la CGT.. par une action revendicative qui réponde aux aspirations individuelles des salariés, chômeurs, retraités… » ou dans la décision 2 : « déployer la CGT vers les petites entreprises …avec pour enjeu déterminant, atteindre le million de syndiqués. » Notons qu’elle revendiquait 720 000 adhérents fin 2004.

Pour un syndicalisme rassemblé.

Dans la décision 3, on y lit « le rassemblement du syndicalisme demeure un objectif essentiel.. » Le rassemblement auquel se réfère l’équipe confédérale n’est pas celui des travailleurs sur des bases de lutte de classe, celui de l’unité par et pour les travailleurs en lutte mais celui des centrales, des bureaucraties, sur des thèmes et sujets communs pour avancer dans le cadre de concertations.

Projet de rassemblement que l’on découvre dans les décisions 4 et 5 où l’intérêt, les aspirations individuelles et citoyennes l’emportent sur les revendications de classe d’intérêt collectif. Il s’agit d’un rassemblement autour d’un syndicalisme d’accompagnement entamé voici plus de dix ans et dont nous avons eu l’illustration lors du mouvement anti-CPE. Où l’ unité syndicale au sommet a soutenu le mouvement comme la corde soutient le pendu. L’heure est au rassemblement entre responsables syndicaux nationaux et européens autour de la Confédération Européenne des Syndicats (CES), que l’on a pu voir à l’œuvre lors du référendum sur le traité de constitution du 29 Mai 2005.

Un syndicalisme rassemblé avec pour objectif, d’intégrer la nouvelle confédération mondiale en gestation autour de l’internationale chrétienne, sociale démocrate avec L’AFL-CIO américaine. Nouvelle confédération syndicale mondiale où se retrouveront un ramassis de collabo du capital et de réacs syndicaux dont le fond de commerce était l’anti-communisme.
Décision 6: « Déployer des pratiques de négociations démocratiques et offensives pour en faire des moyens de progrès social » Décision 7 :« Conquérir et nourrir le nouveau statut du travail salarié par la conquête d’un ensemble de garanties individuelles et collectives »... Enterrée la lutte des classes. Ce congrès achève l’orientation d’un syndicalisme de confrontation « light » entre partenaires sociaux respectables et responsables qui fait grande place à la démocratie. Entendons par là : la négociation entre gens réalistes dans le cadre des difficultés rencontrées par la bourgeoisie et le capital français face à la mondialisation.

Un congrès où les débats esquiveront les désaccords ainsi que les désaveux ; Tel le débat sur le traité constitutionnel européen où le comité central national (CCN :le parlement CGTiste) avait prôné le NON désavouant B Thibault et sa clique qui siégent à la CES. Souvenons nous que ce dernier, avait attaqué et désavoué ce même CCN et son manque de démocratie. Pas un mot à ce sujet dans les textes préparatoires.

De même, l’absence de bilans et d’éventuels débats sur les réformes que la confédération a laissé entériner sans prise de position claire et nette. Telles les lois Aubry, la réforme Fillon sur les retraites ou celle de Douste-Blazy sur la SECU. Sur les perspectives de luttes à venir, un silence. Un silence qui confirme l’orientation réformiste de cette centrale et enterre une fois pour toutes le « Où va la CGT? » La décision 12 explicite : « Le congrès revendique des droits et moyens nouveaux dans les comités d’entreprise, les CCE, comités de groupes nationaux et européens, dans l’ensemble des institutions représentatives, afin de permettre l’intervention légitime des salariés sur le choix de gestion. » Bref une orientation de co-gestion clairement définie.
L’équipe confédérale, n’hésite pas à esquiver le débat par une présentation aussi vague qu’ambiguë. Ainsi dans la décision 13 où il est écrit que « Le congrès …milite pour le plein emploi solidaire partout dans le monde… » S’agit-il de défendre le plein emploi, de lutter contre les suppressions ou les fermetures de boites ou est-il sous-entendu d’accepter les licenciements patronaux dans le privé et les suppressions de postes dans le public au nom d’un réalisme économique et national ? S’agit-il d’accepter les plans sociaux et préserver des emplois au nom de la solidarité ? Souvenons nous voici peu, lors de la lutte à la SNCM à Marseille où, pendant que les salariés luttaient contre la privatisation de l’entreprise et les suppressions de postes, B Thibault lui même à Paris, négociait l’acceptation du plan du gouvernement sans concertation et au mépris des travailleurs en lutte.
Primauté donc de la proposition et de la négociation sur les luttes, le rapport de force et l’action pour peser et gagner dans les revendications.

Où vont les militants ?

Ainsi, au long de la lecture de ce quatre page, nulle trace de Travailleurs, ouvriers, pas plus de lutte de classe que d’offensive anti-sociale menée par le patronat ou le capital contre les travailleurs. Tout au plus, des contradictions à résoudre, juste un blocage partenarial dû à un manque de démocratie dans l’entreprise. Il est vrai que depuis le 45° congrès « la socialisation des moyens de production et d’échange » effacée des statuts n’est plus à l’ordre du jour.
Un congrès où les oppositions n’auront que peu de prise. Ces oppositions diverses et éparses tenteront malgré tout de faire entendre leurs grognes et leurs critiques mais cela n’ébranlera en rien B. Thibault et son projet de « syndicalisme rassemblé ». La rigidité de De Villepin durant le conflit contre le CPE l’a remis en selle, et a conforté sa stratégie.
Ensuite, le mode de désignation des délégués ne permet pas un débat démocratique avec les délégués « mandatés » critiques ou pas. Le verrouillage est de règle. Les voix critiques n’ont qu’un droit de parole vite circonscrit, sauf pour les structures, ou bastions déjà oppositionnels.
Les oppositions sont hétéroclites et confuses. Certaines sont arc boutées sur des défenses corporatistes ou idéologico-staliniennes avec des apparatchiks se sentant menacés. D’autres oppositions lucides sur les orientations adoptées à leur corps défendant, restent ancrées dans un syndicalisme de classe, internationaliste, anti-capitaliste et se tournent vers l’avenir et l’attente d’une hypothétique reconstruction syndicale de transformation sociale.

MZ Caen le 18 04 2006


LES "NOUVEAUX REACTIONNAIRES" NE SONT PAS CEUX QUE L'ON CROIT!

S’adapter, même aux pires horreurs ; accepter le monde tel qu’il est puisqu’il est inéluctable et naturel, puis s’y couler, même si, à l’évidence, il va très mal ; avoir le regard fixé vers l’horizon radieux du progrès comme dans les images stalino-maoïstes que les premiers communiants des PC utilisaient pour marquer les pages des œuvres du petit père des peuples et qu’on aurait cru d’un âge révolu.

Tel est le credo qui vous taxera de réactionnaire, de rétrograde, d’archéo quelque chose, pour peu que vous ne vous y conformiez pas. Vous doutez de l’avenir de l’Europe ? vous ne voudriez pas bosser plus de 40 heures et pas après 60 ans ? vous pensez que les soins devraient être gratuits ? Que les gros sont trop gros ? Bref vous êtes un passéiste, has been, rétrograde, ringard, étriqué, conservateur... et REACTIONNAIRE ! L’horreur ! Une litanie qui nous fut une nouvelle fois répétée jusqu’à la nausée pendant le mouvement anti CPE ! Comme il le fut en 1995 lors de la lutte contre le plan Juppé, puis lors du référendum sur la constitution européenne...


Dans un petit livre, Le rappel à l’ordre, Enquête sur les nouveaux réactionnaires, paru en 2002, Daniel Lindenberg (DL) s’attaquait à un certain nombre d’intellectuels supposés avoir été de gauche (voire gauchistes ou communistes) qu’il accusait de défendre un “ nouveau moralisme ” (soupçonné par lui de n’être qu’un retour à l’ordre moral), de s’opposer à la “ pensée de 68 ”, d’être contre la culture de masse, contre les Droits de l’Homme, l’antiracisme et le féminisme, contre l’Islam... au bout du compte d’être une menace contre “ notre démocratie ”... Ils auraient ainsi ouvert la porte du second tour de la présidentielle de 2002 à Jean-Marie Le Pen 1... (Comme sur le reste, nous le verrons, Lindenberg se garde bien de nous livrer la moindre analyse politique, sociale ou économique sur la crédibilité d’un danger fasciste en France.)
Après le bruissement de quelques rumeurs dans le petit monde politico-intellectuel français lors de la sortie du livre, la polémique semblait éteinte jusqu’à ce qu’elle se ranime de nouveau et s’enflamme au moment des émeutes banlieusardes, et juste avant le mouvement contre le CPE... dans la perspective des élections présidentielles de 2007.
A coup sûr, ceux que Lindenberg dénonce sont bel et bien réactionnaires dans le sens courant que le terme a pris en politique, c’est-à-dire opposés à tout changement allant dans le sens d’une plus grande égalité et d’une plus grande justice sociales.

Pour que vive la modernité !

Mais Lindenberg, lui, n’utilise pas le mot “ réactionnaire ” dans ce sens là, mais au pied de la lettre : être réactionnaire, selon lui, revient à être opposé (ou méfiant) vis-à-vis de ce qui est nouveau, à la marche du monde comme il va, à ce qui bouge et innove, et être, par conséquent, tourné vers un passé auquel il serait préférable de revenir, ou, au pire, pour le maintien du statu-quo... Défense de l’ancien, de l’archaïque, une attitude ringarde, en somme... Il s’agit d’une “ réaction ” et d’une peur vis-à-vis de l’innovation, du neuf, de ce qui bouscule et dérange. Mais, là encore, Lindenberg ne décrit ni n’analyse la réalité politique et sociale de ces innovations qui dérangent et sont combattues par les ringards en question. Rien non plus sur le pourquoi de ces frilosités, autrement dit : peu importe ce qui est nouveau pourvu que ça le soit, peu importe ce qui est rejeté pourvu que vive la modernité !

Or le terme “ réactionnaire ” n’a de pertinence que si on le replonge dans un contexte historique précis. Au XIXe siècle royalistes et républicains pouvaient être tour à tour taxés de réactionnaires lorsqu’ils œuvraient à “ revenir ” au système qu’ils chérissaient sous un régime dirigé par leurs adversaires. Sous les dictatures fascistes les gens de gauche étaient réactionnaires s’ils se battaient pour un retour à la République, comme l’étaient, et le sont encore, les nostagiques d’un ordre caporalisé sous une “ République laxiste ”.

Dans le cas contraire, si le contexte n’est pas resitué et la continuité historique décrite, il ne s’agit que d’une incantation destinée à clouer au pilori l’adversaire que l’on veut disqualifier (Fasciste ! Réac !, etc.). Sont ainsi visés toutes celles et ceux qui, actuellement, contestent la modernité et ne s’y plient pas. Et derrière les authentiques réacs que notre homme fustige, sont visés tous ceux qui n’acceptent pas le monde tel qu’il est et où il va.

Ce fut par exemple le cas en 1995 lorsque Lindenberg fut à l’origine du Manifeste de gauche de soutien au plan Juppé ! Un plan “ nouveau ”, “ dans le vent ” comme son maître d’œuvre, et qui “ prenait les problèmes à bras-le-corps ” en s’opposant aux corporatismes divers et variés accrochés aux vieux systèmes obsolètes (celui des retraites, de la sécurité sociale, etc.). Et à cette époque, ce ne fut pas aux intellectuels - qu’il castagne aujourd’hui, sept ans plus tard - qu’ils s’opposa mais à tout un mouvement social mené par le prolétariat salarié 2.

En fait, Daniel Lindenberg n’est qu’un défenseur de l’ordre économique et social actuel , celui de la mondialisation rebaptisée “ ouverture sur le monde ”, celui du libéralisme conquérant compris comme nouvelle liberté de la remise en cause des miettes accordées par les luttes aux salariés et assimilée à un rejet d’antiques carcans obsolètes. Il considère que c’est au sein même de cet ordre, en l’améliorant sans le contester, que la gauche doit mener une politique “ progressiste ” pour approfondir la démocratie. Il veut, pour cette tache, une gauche novatrice dans un grand rassemblement au centre. Lindenberg est un homme de gauche et le fait savoir. Pas étonnant que les journaux Le Monde et Libération se soient fait les publicitaires actifs de son opuscule !

Les ennemis de nos ennemis ne sont pas forcément nos amis

Une nouvelle fois nous allons voir que les ennemis de nos ennemis ne sont pas toujours nos amis, contrairement à ce que les arcanes de la politique et de la pensée binaire et molle prétendent.

Qui sont les gens attaqués dans son pamphlet ? Un certain nombre d’intellectuels de gauche, souvent ex-communistes, parfois ex-gauchistes, supposés ex-soixantuitards, qui jugent catastrophique l’évolution du monde et se replieraient, de dérive en dérive, sur les positions précités. Citons P.A Taguieff, Marcel Gauchet, Alain Finkelkraut, Pierre Manent, Philippe Muray, Shmuel Trigano, Régis Debray, et même Luc Ferry entre autres, ainsi que les écrivains M. Houellebecq et Maurice Dantec. Autant de grands esprits capables de tout dire et son contraire, qui se sont souvent davantage illustrés par leur âme de procureur et d’inquisiteur que par leur engagement au service de l’indivisible liberté !
Ces tristes héros d’une tempête dans un verre d’eau en sont présentement à peu près au niveau des brèves de comptoir lorsqu’ils expriment le fond de leur pensée : “ Tout fout l’camp ma brave dame ! J’te foutrait un coup d’balais là’dans ”, “ Y’a plus de morale ”... Il ne manque plus que le fameux “ Faudrait une bonne guerre ! ”... (Mais non, je me trompe, la guerre ils l’ont et ils la soutiennent : jadis dans l’ex-Yougoslavie, présentement en Irak et en Afghanistan, nos néo-réactionnaires ne sont jamais avares d’un soutien au rédempteur yankee). Ils rejoignent ainsi un Alexandre Adler stalinien reconverti au Figaro et devenu aussi proaméricain qu’il fut prosoviétique, où une ex, elle aussi, Blandine Kriegel, devenue conseillère de Chirac et auteure d’un rapport sur la violence à la TV dont les appels à l’ordre moral serviront à coup sûr de programme à Ségolène Royal !
Pourtant, contrairement à ce que laisse entendre Lindenberg, ces néosréactionnaires ne sont pas si nouveaux que cela et n’ont jamais vraiment eté des parangons de “ progressisme ”!

De très anciens “ néoréactionnaires ”

Par exemple, figure centrale mais non unique de cette gallerie, disparâtre sur quelques points, très semblable sur d’autres, les “ anciens nouveaux philosophes ”. Et le moins qu’on puisse dire c’est qu’il n’y a aucune dérive les concernant. Ex-chevaliers servants d’un ordre stalinien d’obédience maoïste bien au-delà de leur adolescence, fervents serviteurs du nouvel ordre mondial étatsuniens ensuite, ce sont des hommes d’ordre, amoureux de l’encadrement des masses, adorateurs de l’Etat d’Israël et sionistes convaincus, préférant l’injustice au désordre. Des “ réacs ” sans doutes mais néo, non !

Pour étayer notre propos, revenons sur un aspect qui concentre les attaques de DL à l’encontre de ces intellectuels, la critique qu’ils font de la pensée de mai 68. : Il reproche à ces supposés ex-soixantuitards ou ex-communistes, de prôner un retour à l’“ ordre, à l’autorité, à la restauration des valeurs, au culte des racines et des identités constituées ”... donc une réaction.

En fait, ces gens ont toujours été, pour la plupart, du côté de l’ordre. Il est de bon ton actuellement de villipender le fameux “ il est interdit d’interdire ” supposé - à juste titre, selon moi - incarner l’ “ esprit de 68 ”. Pourtant, ces intellectuels n’ont jamais été du côté de ce mai libertaire ! Leur credo était le très stalinien, version Mao, “ pas de liberté pour les ennemis de la liberté ” ! Appliquant à la lettre ce slogan de leur jeunesse (totalement étranger à la “ culture de 68 ! ”) ils se sont fait plus tard une spécialité de la lutte juridique, procédurielle et législative contre le fascime et le racisme, en en masquant ainsi les causes réelles. Véritables “ inquisiteurs ” à défaut d’être “ néo réactionnaires ” ils ont bâti, puis promotionné et vendu leur pensée comme pivot incontestable du convenable et du juste. Et il arriva ce qui devait arriver : le mode de pensée et les juridictions adoubés par eux ont fini par se retourner contre tout ce qui ne pensait pas comme eux, oubliant au passage la réelle réaction, l’extrême droite : c’est ainsi par exemple que Finkielkraut, Alexandre Adler, Shmuel Trigano et Pierre-André Taguieff se sont retrouvés devant la justice... comme témoins à charge contre Daniel Mermet accusé... d’antisémitisme ! Et que certains d’entre eux se sont malenconteusement trouvés en position d’accusés tel l’arroseur arrosé (Taguieff).
On peut également avoir une petite idée de ce qui est considéré par eux comme “ esprit de 68 ” en se remémorant le même Finkielkraut à la TV, visage tordu d’inquiétude et de haine, expliquer que le centre Raymond Aron pourrait être rebaptisé... centre Guy Debord ! Et, toujours à propos du même, on ne peut que s’étonner que ce ne soit que très récemment que les bien-pensants des écrans et de la plume se soient émus des “ dérives ” de la journaliste italienne de gauche Oriana Fallaci lorsqu’en 2002 elle écrivait : “ les fils d’Allah... qui se multiplient comme des rats ”, Finkielkraut affirmait qu’elle “ nous oblige à regarder la réalité en face et à voir enfin ce que sont les Arabes... ”3 . Ou encore lorsqu’en 1998 il vilipendait les pédagogues à la Philippe Mérieux qui sont des “ gardes rouges de la “cuculture” ”, on comprend vraiment ce que peut être la haine de soi !

Enfin pour montrer que leurs positions actuelles n’en font nullement des renégats et sont clairement conformes à leur constitution première, rappellons-nous le livre de Bruckner et Finkielkraut paru vers 1970 Le Nouveau désordre amoureux qui, derrière quelques concessions “ libertarisantes ” propre au politiquement correct de la période, laissait poindre ce qu’ils pensent maintenant de la dérive des mœurs causée selon eux par ce fameux esprit de 68 ! Mai 68 et les années qui suivirent n’auraient été qu’un gigantesque lupanar où tout le monde couchait avec tout le monde, et où, sous l’influence maléfique de W. Reich, l’orgasme était devenu obligatoire et le sexe une contrainte. Pour eux, l’image de Mai 68 ce sont des enfants se jetant des yaourts à la figure en toute liberté dans une salle commune, crasseuse et en désordre, au milieu d’à peine adultes barbus et vêtues de robes roses, changeant obligatoirement de partenaire chaque nuit... Et discutant sans fin de comment refaire le monde, bien sûr. Une vision apocalyptique à faire frémir et à hanter les rêves de ce refoulé inquiet, ancien élève d’une école de jésuites, que fut Bruckner, passé ensuite chez les Maos les plus dogmatiques, les disciples de Tony Negri. Images caricaturales qui, comme souvent, oubliant que mai 68 ce fut aussi et surtout 10 millions de grévistes, n’en considèrent et n’en connaissent qu’un aspect infime et déformé à l’extrême.

Leur démocratie n’est pas la nôtre

Lindenberg confond critique et rejet. Bien évidemment aucun des personnages attaqué ne rejette la démocratie... parlementaire, mais surtout aucun ne la critique réellement !
Ces intellectuels ont simplement tendance à faire leur la devise “ la démocratie c’est cause toujours ”, montrant par là-même qu’à leurs yeux, tout va très bien si on pense comme eux, si le peuple vote bien... mais que dans le cas contraire, mieux vaudrait dissoudre le peuple ou du moins ne pas tenir compte de son avis. Et le moins qu’on puisse dire c’est qu’à cet exercice, ils ne sont pas les seuls !
Et avec eux, Daniel Lindenberg ! Ce dernier, en effet, derrière la critique ciblée sur ces quelques “ réacs ”, se livre à une attaque contre celles et ceux qui n’acceptent ni la mondialisation, ni le nouvel ordre mondial, ni en définitive le capitalisme ; et ce, au nom d’une néo-orientation de gauche 4
En fait, lorsque les uns et les autres parlent de crise de la démocratie il ne s’agit que d’une crise de l’Etat et de sa gouvernance ! Dans leur tête elle ne peut être QUE d’Etat (Parlementarisme) si bien que les faillites étatiques, liées à l’organisation sociale actuelle, apparaissent, à leurs yeux, comme des crises d’un système indépassable et éternel. Or il serait vain de prétendre rechercher, puis de s’y rattacher, une essence de la démocratie qui nous servirait de guide.
Persuadés, comme la plupart des intellectuels, que la démocratie née à Athènes a imprégné toute l’histoire de l’Occident, ils pensent que l’exporter serait donc peu ou prou exporter, au moins en partie, cette civilisation occidentale. On excuse ainsi une attitude pour le moins impérialiste au nom d’une démocratie qui n’a jamais existée et qui fonderait une démocratie qui n’existe toujours pas.

JPD

(1) Sur ce point, tout est en place pour rééditer ce leurre en 2007, à seule fin de permettre à la gauche de l’emporter : “ Voter socialo au premier tour, ne faites pas les cons comme en 2002 ! ”
(2) On se rappelle que ce Manifeste lancé par la revue Esprit à laquelle appartenait Lindenberg, fut signée par les Gluksman, Finkielkraut, Bruckner, BHL (pour qui la grève fut “ un coup de folie ”), autant d’ennemis d’aujourd’hui attaqués par le Rappel à l’ordre, et par ses toujours alliés de la gauche du centre, Julliard et Rosanvallon... ainsi que par Claude Lefort !.
(3) Oriana Fallaci, La Rage et l’Orgeuil, Plon, Paris 2002 et A.F in Le Point 24 mai 2002.
(4 ) Nous aurons, dans un avenir très proche, l’occasion de nous apercevoir que le socle idéologique du ou des programmes des candidats de gauche, est du même acabit : une acceptation fondamentale des nouvelles donnes du capitalisme à savoir la flexibilité. Sous la plume de Martine Aubry ou dans le bouche de Ségolène Royal cela s’appellera flexi-sécurité ou accompagnement personnalisé, mais il s’agira de la même imposture : faire croire que le monde ne se change pas


CAMPING LIBERTAIRE ETE 2006 du 23 au 30 juillet, en Ariège


Depuis deux ans, l'OCL et l'OLS organisent un camping commun ouvert à toutes et tous, auquel se joignent beaucoup de personnes qui n'appartiennent à aucune des deux organisations. L'idée est de profiter de la période estivale pour discuter de thèmes - voir le programme - sur lesquels nous avons trop peu le temps de nous arrêter lors de notre militantisme quotidien.
Il ne s'agit pas pour autant d'une université d'été où on viendrait écouter la bonne parole ou faire des cours de rattrapage. Nous souhaitons plutôt offrir un espace de dialogue, de rencontre, d'échanges formels mais aussi informels. Un débat se tient chaque soir. Les journées offrent de vastes temps libres que chacun-e occupe à sa guise. En fonction des envies, des débats non prévus au programme peuvent être organisés, proposés à l'improviste ou poursuivre des questions qui se seraient posées durant les discussions précédentes. La vidéothèque, la librairie et table de presse fonctionnent à tout moment. Ce fonctionnement laisse aussi place à toutes personnes qui souhaiteraient faire partager une expérience, présenter une lutte particulière… Ce camping est donc pour toutes ces raisons ouvert à toutes et tous.

Les débats
se déroulent quotidiennement, à la "fraîche", vers 20h30, après le repas du soir. Leur structure n’est pas figée. Des propositions peuvent être faite. Le reste de la journée permet d’insérer d’autres temps de discussions.

Dimanche 23 juillet: pot d'accueil
se retrouver autour d'un verre pour discuter de tout et de rien, pour raconter ce qu'on fait toute l'année, ce qui nous intéresse…


Lundi 24 juillet: L'année Sociale

L'année sociale a déjà été marquée par la révolte des banlieues en réaction au "netto-yage au Kärcher de la racaille". Mais qui aurait prédit après toutes les défaites subies par le mouvement social depuis des années que, dans la foulée, la fin de l'hiver et le printemps 2006 verraient plus de 3 millions de personnes dans la rue sur l'initiative de la jeunesse ? Quel bilan tirons-nous de ce mouvement contre la précarité, tant au niveau local qu'au niveau global ? Quels espoirs pour demain ?


Mardi 25 juillet: Quelles classes sociales aujourd’hui ?

Politiciens, sociologues et analystes de cour rêvent, depuis les années 70, de faire croire que la France tend à n'être constituée que d'une énorme classe moyenne. Or tant les chiffres que les événements qui ponctuent la vie politique et sociale de l'hexagone ne font que démentir cette assertion qui relève de la méthode Coué. La société française est toujours la société de classe qu'elle était dans l'après-guerre. Et, dans ce contexte, bien sûr, une lutte des classes qui, si elle ne se manifeste pas tous les jours de manière spectaculaire, est présente. Ce qui a changé, en revanche c'est :
- Une crise de la représentation politique des classes sociales,
- La perception que ces classes ont d'elles-mêmes qui est souvent brouillée par le discours sur les "classes moyennes",
- La situation "géographique" d'un prolétariat moins regroupé qu'auparavant sur des lieux de travail énormes, homogènes et fixes.

Mercredi 26 juillet: Nouvelles technologies et biométrie. Quelle résistance?

Notre époque est celle de l'accélération. Les publicités vantent la vitesse des voitures et des trains, mais aussi des connexions à Internet, des plats surgelés... Il faut toujours être à la page, posséder le tout nouveau téléphone mobile, la dernière version d'un logiciel, écouter le tube récemment à la mode, etc. Le fantasme de l'Occident contemporain est celui de l'immédiateté. Il faut en finir avec le temps perdu, en finir avec la tradition, pour désirer l'abolition du temps et de l'espace. Mais notre époque est aussi celle de la transparence et de la traçabilité. La biométrie, corollaire du projet global de numérisation et de quadrillage du réel, en est l'exemple le plus criant. Quels bouleversements des comportements, des formes d'organisations sociales, des valeurs de vie et de pensée véhiculent ces profonds changements sociaux ? À qui profitent-ils ?
Et que peut-on faire face au déferlement technologique ?

Jeudi 27 juillet: L'engagement aujourd'hui

En vue d'un Hors série commun entre Courant Alternatif et Offensive, un débat se tiendra sur les formes du militantisme aujourd'hui. Comment peut-on lutter, résister dans une société qui ne va pas dans le sens que nous souhaitons ? Quelles sont les modifications, les modes d'action qui carac-térisent notre époque. Le mouvement social de 2006 a-t-il témoigné d'un changement de structure, d'espaces et de manière de faire de la politique ? Que signifie être révolutionnaire aujourd'hui ? Notre militantisme n'est-il pas victime des logiques du capitalisme : individualisme, média, logique de représen-tation, prépondérance d'internet… Que signifie créer des alternatives dans un monde régit par le système capitaliste ?

Vendredi 28 juillet: Faut-il critiquer le sport ?

Le sport occupe une place majeure dans notre société. Combien de fois par an fait-il la une des médias ! Sa critique est absente. Pourtant l'histoire du sport est traversée d'événements politiques. Et aujourd'hui son rôle n’est-il pas majeur dans la domestication des masses. Il est enseigné dès le plus jeune âge à l'école et en dehors. Et lorsqu'on commence à bosser, l’on retrouve nombre de logique qui existe dans l'entreprise existe aussi dans le sport : hiérarchie, esprit de compétition, dopage pour gagner… Existe-rait-il toutefois un sport ouvrier, rouge à distinguer du sport bour-geois ? Un sport capitaliste et un sport révolutionnaire ? Le sport peut-il véhiculer autre chose que la haine de l'autre, la violence ? Le sport a-t-il été dénaturé par la professionnalisation ou est-il en soit perverti ?

Samedi 29 juillet: Energies et capitalisme

La tendance actuelle à l'épuisement des ressources énergétiques naturelles fait ressortir des discours catastrophistes sur la fin de notre mode de vie. Les “nucléocrates” utilisent cet argument pour nous imposer une relance de la filière civile. Que doit on en penser ? Y a-t-il un intérêt à connaître précisément l'état des ressources énergé-tiques naturelles et les logiques capitalistes en découlant ? Comment ne pas se faire conseiller du prince en trouvant des solutions à la boulimie énergétique du capitalisme industriel ? "En restant sur le terrain des choix énergétiques, les écologistes sont amenés à se poser en co-gestionnaires de nos vies irradiées, toujours assis à la place que l'Etat a bien voulu leur concéder. D'où les maquignonnages et les jeux de lobby : sortir du nucléaire en 10 ans, 12 ans et demie, 18 ans et 3 mois ou 30 ans, le temps d'épargner pour acheter son cercueil (plomb ou béton ?)."

Plus de détails en page d'accueil du site...


ISRAEL PALESTINE : QUELLE FRONTIÈRE?

Depuis le cessez le feu de 1949 et jusqu’à la veille de la guerre des 6 jours ( juin 67), la communauté internationale a reconnu implicitement cette ligne de cessez le feu (la ligne verte) comme la frontière de l’état d’ Israël. A la fin de cette guerre qui a vu l’occupation de la Cisjordanie, du plateau du Golan et de la bande de Gaza, cette frontière a disparu. Elle existe toujours dans le discours de ceux qui se battent contre l’occupation et donc pour un retour à l’état antérieur, ainsi que pour les diplomates internationaux qui en ont d’ailleurs fait l’objet de multiples résolutions, mais surtout pas pour Israël. Le débat a été relancé à l’occasion des dernières élections.
Qu en est il réellement à ce jour ?

Les termes du débat sont apparemment simples. Le tracé des frontières d’Israël déterminera l’existence ou non d’un état palestinien viable. Cela n’en prend pas hélas le chemin. La logique unilatérale prévaut toujours pour l’état hébreu

L’émergence d’une nouvelle idéologie

Un nouveau « consensus » vient d’apparaître dans la société israélienne : c’est la banalisation du « blocs de localités ». La notion de colonies disparaît du vocabulaire journalistique. Cela permet d’évacuer la notion de culpabilité qui colle trop à ce vocable. Ce tour de passe passe sémantique ne doit pas nous empêcher d’aller au-delà des apparences. Car contrairement à ce que peut asséner le discours médiatique ambiant qui laisserait croire à un glissement à gauche avec l’arrivée des travaillistes au gouvernement, la réalité est out autre. En effet, la réalité politique dans l’opinion israélienne, celle qui fait consensus, se situe clairement à droite. Les programmes des trois grands partis, Likoud, Kadima, et parti Travailliste censés représenter la droite, le centre et la gauche se retrouvent sur les mêmes bases pour la conservation par Israël des grandes colonies : Goush Etzion, Maale Adunim et Ariel. Le dépeçage de la Palestine en trois grands bantoustans est maintenant intégré dans l’esprit collectif israélien, même de la part de ceux qui se disent plus à gauche que la gauche, à savoir les tenants du fameux Plan de Genève. En effet, celui-ci choisit de maintenir, au nom du réalisme, Ma’aleh Adoumim dans les frontières d’Israël.

Maale Adumin, colonie symbole en Cisjordanie

Que représente exactement cette colonie ? C’est l’une des plus extrémiste et la plus dangereuse de Cisjordanie occupée, « c’est la ville qui est destinée à être reliée à Jérusalem pour devenir la grande cité-dortoir de la capitale. Ses habitants sont parmi les colons les plus réactionnires et pour certains les plus extrémistes de Cisjordanie.Cette colonie a été établie sur des terres privées qui ont été confisquées à Abou Dis, Anata, Azariya, A-Tour et Isawiya, puis déclarées « terres d’Etat » au terme d’une procédure juridique peu claire dans le but de couper l’un de l’autre le nord et le sud de la Cisjordanie. Ma’aleh Adoumim est la colonie qui a entraîné la plus vaste expulsion d’habitants hors de chez eux les membres de la tribu bédouine Jahalin contraints d’aller vivre sur les terrains du dépôts d’ordures parsemé ça et là de containers de transports servant d’habitations à de milliers de gens d’Abou Dis, donnant au lieu un aspect où les bidonvilles des banlieues françaises pouvaient être considéré comme de riants villages. Violation flagrante du droit international qui interdit le transfert de populations en territoire occupé. » déclare Gidéon Lévy dans un récent article publié dans Haaretz. Cette nouvelle manière d’appréhender la réalité est inquiétante, car en réalité c’est la confirmation d’un refus d’envisager un paix juste et durable devant permettre aux palestiniens de vivre libre sur un terre qui est la leur. Une fois de plus, l’état d’Israël fonctionne sur le principe du fait accompli, en montrant qu’au vu du nombre d’habitants peuplant à ce jour cette colonie, il est maintenant trop tard, trop coûteux et inhumain,soi disant, d’évacuer ces milliers de personnes, et le tour est joué . Pour Goush Etzion, l’état d’Israël rajoutera en plus des arguments précédents, que cela fait maintenant plus de trente ans que les premiers colons se sont installés et qu’il est maintenant trop tard pour les en déloger.
La décision, adoptée depuis un certain temps , de construire une base de police dans le secteur de la E-1 qui relie Ma’aleh Adoumim à Jérusalem, prévoit donc implicitement la fin absolue de la possibilité d’un accord. Avec cette base, la cité dortoir pourra continuer de s’étendre et la Palestine des accord d’Oslo n’aura plus aucune continuité territoriale . Rien ne va empêcher la création de 3.200 unités d’habitation, avec une région touristique entre Jérusalem et Ma’aleh Adoumim, achèvera la continuité territoriale. De ce fait, même si Olmert prétend avoir renoncé à l’idée du grand Israël, il n’a pas pour autant abandonné le principe du maintien et surtout de l’extension des colonie dans ce qui devrait être la Palestine. Le problème restera en l’état, à savoir une Cisjordanie dépecée ne sera jamais un état palestinien indépendant. C’est précisément à cette fin que les « blocs de localités » ont été créés. Kadima, le nouveau parti de Sharon qui se veut au centre sur l’échiquier politique israélien, dit qu’il aimerait tenter un accord avec les Palestiniens. En réalité, avec ou sans l’arrivée du Hamas à la tête de l’autorité palestinienne, l’état d’Israël continuera sa politique d’évacuer unilatéralement des colonies, poursuivant l’approfondissement de l’occupation et à sa pérennisation.
Les Etats-Unis laisseront faire et Ma’aleh Adoumim deviendra une partie inséparable de la Capitale Eternelle. C’est exactement comme ça, par la même escroquerie, que Ma’aleh Adoumim a été créé : un « camp de travail » d’apparence innocente, destiné à 23 familles et fondé en 1975, est devenu trente ans plus tard une grosse ville de 32.000 habitants dont le territoire municipal est plus étendu que celui de Tel Aviv D’après un rapport de B’Tselem publié en 1999, il y a à Ma’aleh Adoumim 2.120 mètres carrés par habitant contre 76 métres carrés à Abou Dis qui est situé en face, et dont les terres ont été volées au profit de la colonie. Celle-ci s’apparente à une banlieue aisée, avec des espaces verts irrigués, alors que l’eau une denrée précieuse, en règle générale et particulièrement rationnée pour les habitants d’origine que sont les palestiniens.

Edifiée en 1975, classée comme zone de développement hautement prioritaire et bénéficiant à ce titre d’importantes aides étatiques, Maale Adumim est devenue la plus grande colonie israélienne de Cisjordanie. Située dans les faubourgs de Jérusalem, elle est forte de 25 000 habitants en 1999. Cette politique de colonisation rampante vise à consolider l’annexion illégale de Jérusalem-Est et rend plus difficile encore l’émergence d’un Etat palestinien.
Sources : Foundation for Middle East Peace (FMEP), Washington, DC.

La France complice de la colonisation

Pour relier cette colonie à la ville actuelle de Jérusalem, rien de tel qu’un moyen moderne de transport. Le 17 juillet 2005, un accord a été signé entre le gouvernement israélien et deux groupes français - Alstom et Connex - pour la construction et l’exploitation d’une ligne de tramway sur des terres palestiniennes : ce tramway doit traverser Jérusalem-Est pour relier Jérusalem-Ouest à Maale Adumim. Le tracé ce cette ligne de tramway passe évidement par la partie palestinienne de Jérusalem. Les autorités françaises ont joué un rôle actif dans la passation du contrat entre Israël et les sociétés Alstom et Connex. Bafouant toutes les résolutions qu’elle a votées, l’état français cautionne ainsi la politique israélienne de colonisation et l’annexion de fait de Jérusalem-Est et bafoue le droit international, en particulier les résolutions le Conseil de Sécurité des Nations-Unies et celles la Cour Internationale de Justice. Dans son avis du 9 juillet 2004, celle-ci stipule que les Etats doivent « ne fournir à Israël aucune assistance qui serait utilisée spécifiquement pour les colonies de peuplement des territoires occupés . Avec la construction de ce tramway, le gouvernement israélien renforce son annexion de la partie palestinienne de Jérusalem et affirme sa volonté de faire de la ville tout entière la capitale de l’état d’Israël. Pour les dirigeants israéliens, il s’agit de préempter sur l’avenir de la ville, annexée illégalement, et décrétée tout aussi illégalement toute entière capitale de l’Etat, alors que la partie palestinienne considère, au contraire, que la ville doit devenir capitale des deux Etats, avenir qui doit être l’objet de négociations, fondées sur le droit international.
La nouvelle idéologie du consensus israélien intègre Goush Etzion et Ariel ; dans ce qui sera la frontière future de l’état d’Israël. Concernant la vallée du Jourdain, celle-ci est de facto partie intégrante d’Israël. Il n’est qu’à voir le nombre de Kibboutz depuis longtemps transformés en entreprises rentables qui l’occupe. Concernant les immenses quartiers dans la partie occupée de Jérusalem, ceux-ci font l’objet d’un épuration ethnique rampante où les constructions sauvages de colonies intégristes rivalisent avec les expulsions et les interdictions de séjour.

Analyse

Du Likoud jusqu’au parti Travailliste, la classe politique est d’accord, sans trop le crier sur les toits pour admettre le principe de la colonisation. Pendant ce temps les chroniqueurs médiatiques parlent d’un nécessaire partage du pays, reprenant les thèses de Kadima sur l’abandon du Grand Israël à propos d’une évacuation dans le futur de quelques colonies, mais surtout sans toucher aux principales Ceci conformément aux déclarations de Sharon de fixer avant 2010 les frontières permanentes d’Israël. Cette idéologie du consensus a entre autre pour origine la notion de séparation, c’est globalement le discours dominant qui est apparu au cours de la dernière période électorale. Celle-ci est elle même justifiée par un élément de propagande non négligeable comme quoi il n’a pas d’interlocuteur valable du côté palestinien. La ficelle aussi grosse soit elle, a bien marché pour décrédibiliser Arafat . L’état d’Israël n’a tellement pas envie de participer à de quelconques négociations, qu’il clame haut et fort Mahmoud Abbas et maintenant encore moins le Hamas, ne peut être un interlocuteur. D’où la démarche unilatérale, appuyé en cela par cette nouvelle idéologie du consensus.

Conclusion

Personne ne peut croire que la démarche unilatérale de délimitation des frontières par Israël revient de fait à la création d’un état Palestinien. Au contraire, la décision unilatérale du tracé des frontières par Israël est dans le proche avenir, la nouvelle étape - commencée avec l’évacuation des colonies de Gaza - dont l’objectif reste : l’interdiction de l’émergence d’un quelconque projet d’état Palestinien juste et viable. Certains ont pu croire, tant du côté de certains pacifistes israéliens que dans une certaine gauche européenne, que le Mur permettrait de délimiter un état Palestinien, hélas bien au contraire. Par la « frontière » qu’il matérialise le Mur a t-il contribué à la constitution d’un état Palestinien ? Sûrement pas. C’est d’abord par le vol de terres, de l’eau, de déplacement de populations, les vexations de toutes sortes, les arrestations arbitraires et l’anéantissement économique et social, que le Mur a contribué à la destruction de la faisabilité d’un état palestinien. Le Mur constituait l’étape précédente qui se prolonge aujourd’hui par la nouvelle : le consensus sur les colonies. Oser parler de la fixation unilatérale des « frontières d’Israël » par Israël c’est tout simplement nier -une fois de plus- les résolutions internationales qui ont déjà déterminé ces frontières, sur la ligne verte de 1967 !

Patrick - OCL Caen - avril 2006

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