Courant alternatif no 160 juin 2006

SOMMAIRE
Edito p. 3
IMMIGRATION
Modification de la loi CESEDA: la suspicion généralisée et l'exception en Outre-Mer p.4
Le Réseau Education Sans Frontière p.7
La lutte des sans-papiers en Belgique et à Boulogne sur Mer p.8
ANCSEC: vers la fin de l'aide aux immigrÉs p.9
MOUVEMENT ANTI-CPE
Chronique étudiante du mouvement limougeaud p.11
Répression à Lyon p.16
RUBRIQUE BIG BROTHER p.17
SOCIÉTÉ
Contre l'agriculture industrielle et... contre le travail p.18
SANS-FRONTIERE
Iran: entre menaces de guerre et lutte des classes p.19
MÉMOIRE OUVRIÈRE
1956: la révolution hongroise p.21
CAMPING LIBERTAIRE été 2006 p.24

EDITO

La meilleure façon de résister, c’est de passer à l’offensive.

Après les révoltes des banlieues et le mouvement anti-CPE, qui – malgré leurs limites - ont contribué à ébranler le pouvoir autour de vraies questions, nous venons d’assister à un matraquage médiatique autour de “ l’affaire Clearstream ”. Que nous importent ces querelles de politiciens ? Que certains hommes politiques profitent de leur position pour faire des profits financiers, cela n’aurait rien de nouveau. Que certains essayent de se débarrasser d’un rival en tentant de le mouiller dans une affaire louche, cela ne fait que nous ramener aux plus belles heures de la troisième république.

Ce feuilleton médiatique a une double fonction. Tout d’abord nous convaincre que les politiciens sont “ tous pourris ”, et nous sommes déjà convaincus que c’est en très grande partie vrai. Chirac vient d’en administrer une nouvelle preuve en amnistiant éhontément son copain Guy Drut. Mais ce faisant on suggère aussi qu’ils sont tous pourris sauf… l’innocent calomnié Sarkozy ou Le Pen, dénonciateur de la “ ripouxblique ”. Bref, la dénonciation de ces comportements inadmissibles peut faire le lit de la droite extrême ou de l’extrême droite, comme elle a contribué à amener Pétain au pouvoir.

Ensuite, comme tout matraquage médiatique, il a pour fonction de nous détourner des vrais problèmes, de l’exploitation économique et du mépris des hommes et des femmes qui sont exclus par les classes dominantes. En ce sens, le feuilleton Clearstream avait surtout pour fonction de nous faire attendre le mondial de foot où chacun pourra oublier ses soucis en regardant des millionnaires se renvoyer des balles, comme viennent de le faire nos dirigeants, mais sous une forme plus ludique, à même de séduire les foules.

Comment combattre cette dérive vers le populisme qui nous promet de la rigueur et des jeux virils ? En rappelant que l’important ce n’est pas que tel politicien abuse de ses fonctions ou que tel patron s’octroie un salaire inimaginable. Le vrai scandale c’est tout d’abord l’existence d’un système économique, le capitalisme, qui permet aux possédants d’exploiter le travail des autres humains et de piller à leur profit des richesses qui devraient contribuer au bien-être de tous. Le vrai scandale c’est aussi d’abandonner son pouvoir de participer à la gestion commune de la cité (la politique au vrai sens du terme) à des élus qui ne tiennent aucun compte des souhaits de leurs mandants.

Il est donc plus que jamais nécessaire de passer à l’offensive contre ce système politique et économique. Passer à l’offensive, c’est tout d’abord avoir des analyses claires de ce que l’on tente de nous imposer ; c’est forcer au débat, amener des contradictions lorsqu’on tente de nous imposer un consensus. Une des avancées de ces dernières années, c’est le développement, en partie grâce à Internet, de moyens d’information, de communication, de débats au service des luttes, contournant l’information standardisée que nous serinent les média. Les étudiants et lycéens ont largement utilisé ces moyens pour se mobiliser contre le CPE, mais il faudrait encore beaucoup d’occasions comme celle-là pour renforcer les analyses critiques qui ont émergé çà et là.

Cependant ces moyens ne sont pas forcément à la portée de tous. Economiquement ou culturellement parlant, ils sont moins accessibles aux plus précaires, aux plus exploités, aux exclus, qu’aux classes moyennes. Cela explique sans doute que la révolte des banlieues, bien que chargée de significations accusatrices très lourdes face à notre société en soit restée pour beaucoup au niveau du spectacle médiatique de la révolte.

Enfin, c’est par l’expérience des luttes que l’on s’enrichit et devient capable à la fois de mettre en avant les revendications les plus fondamentales et de les porter au-delà du simple réflexe défensif. C’est peut-être ce qui est en train de se passer actuellement au niveau des luttes des sans papiers et de leurs soutiens. Au niveau des soutiens tout d’abord, il y a bien sûr des réactions humanistes de défense des personnes menacées d’expulsions ; mais lorsque ce soutien prend la forme d’engagements massifs à la désobéissance civile, c’est le fondement même du pouvoir qui est ébranlé. Ce sont des hommes et des femmes qui se redressent et disent : “ notre conception de la politique, de la vie en commun ne reconnaît pas vos lois ”.

Enfin au niveau des sans-papiers eux-mêmes , ce qui est porteur d’espoir actuellement, c’est le fait que des luttes offensives émergent, sous diverses formes, pour des régularisations massives alors qu’en ces temps difficiles on aurait pu en rester à des résistances contre les nouvelles lois ou contre les expulsions. Il en va de même au niveau des salariés : une lutte en résistance contre des suppressions d’emplois est toujours à moitié perdue alors qu’une lutte pour améliorer ses conditions de travail ou de revenus est toujours un pas en avant.

Si beaucoup de jeunes viennent de faire l’expérience - toujours amère - de la reprise du travail, ce n’est pas seulement parce que le retrait du CPE n’était qu’une demi victoire… du pouvoir qui a réussi à maintenir le reste de sa loi de régression sociale, c’est surtout parce qu’une lutte sociale est toujours un moment fort où l’on se sent exister vraiment. “ La libertat qu’ei lo camin. ” comme dit une chanson du groupe Nadau. La liberté c’est le chemin… C’est dans l’action collective que nous créons dès aujourd’hui notre libération économique et politique. A nous de leur aider à comprendre qu’il serait illusoire d’attendre un an pour voir un changement politique factice et qu’il vaut mieux au plus tôt repartir à l’offensive.

Limoges, 29 mai



Modification de la loi CESEDA : La suspicion généralisée et l'exception en Outre-mer

Le gouvernement ayant demandé l'urgence, le texte adopté par l'Assemblée nationale le 17 mai 2006 sera examiné par le Sénat à partir du 6 juin. Une commission mixte paritaire Assemblée-Sénat sera convoquée dès le vote du Sénat pour mettre au point un texte commun qui sera soumis aux deux assemblées pour une adoption définitive par le seul Parlement avant le 1er juillet 2006, date prévue pour l'entrée en application de ce texte.

Je ne reviendrai pas dans ce texte sur l'analyse proposée dans le numéro de mars de Courant alternatif. Je signalerai simplement que lors de la présentation de son texte, Sarkozy a rendu un hommage au Parti communiste pour les amendements proposés, prouvant que sa loi n'était pas aussi liberticide que l'on voulait le dire.

La suspicion généralisée

Pour les conjoints de Français, la lutte contre les mariages blancs devient un prétexte pour restreindre les droits : pour obtenir des papiers les étrangers mariés avec des français devront obligatoirement retourner dans leur pays d’origine pour y attendre la délivrance hypothétique d’un visa de long séjour. Ceux qui arriveront à obtenir des papiers devront faire preuve d’une stabilité dans le couple exemplaire : le titre de séjour sera retiré si les époux se séparent pendant les quatre années qui suivent le mariage. La fin de la délivrance de plein droit d'une carte de résident aux conjoints de français va faire basculer des étrangers dans l'irrégularité et l'attente de l'octroi discrétionnaire d'un titre de longue durée. De plus le délai de mariage permettant de solliciter une carte de résident passe de deux à trois ans. Par ailleurs, la durée de communauté de vie permettant aux conjoints de Français de demander l’acquisition de la nationalité française passerait de deux à quatre ans si le couple réside en France et de trois à cinq ans si le couple réside à l’étranger.
Après la lutte contre le mariage de complaisance, le gouvernement traque les reconnaissances en paternité de complaisance. Les reconnaissances d’enfant, comme pour les mariages, donnera lieu à une saisine du procureur de la République qui pourra s’opposer à l’enregistrement de la reconnaissance ou faire procéder à une enquête de police. La reconnaissance d’un enfant qui était jusqu’à présent l’affaire du couple, deviendra celle de la justice. Les parents d’enfants français devront attendre trois ans de séjour régulier au lieu de deux actuellement pour pouvoir solliciter une carte de résident, que la préfecture n’est de toute façon pas obligée d’accorder.

L’Outre-mer – laboratoire de la “lutte contre l’immigration clandestine”

Dans un article très controversé dans Le Figaro magazine du 17 septembre 2005, le ministre de l’outre-mer, François Baroin, présentait une situation apocalyptique : “A Mayotte et en Guyane, plus d’un habitant sur quatre est un étranger en situation irrégulière. En Guadeloupe, le nombre de personnes en provenance d’Haïti ayant sollicité une demande d’asile est passé de 135 en 2003 à 3682 en 2004. La majorité des reconduites à la frontière concernent l’Outre-mer. Si, en métropole, on avait le même taux d’immigration clandestine, cela ferait 15 millions de clandestins sur le sol métropolitain. Vous imaginez les tensions sociales possibles”. “A situation particulière, politique particulière. (…) Une loi viendra dans les tous prochains mois compléter [le dispositif actuel] procédant à l’indispensable adaptation de notre droit à ces situations particulières notamment à la Guadeloupe, à la Martinique et à Mayotte”. Il s’agira de “permettre le contrôle de toute personne” dans une zone frontalière, de “saisir ou détruire tout véhicule ayant transporté des clandestins”, … A Mayotte “deux tiers des mères sont comoriennes, et environ 80% d’entre elles sont en situation irrégulière. On estime à 15% le nombre de ces mères qui retournent aux Comores après avoir accouché. Les situations sont différentes, il ne s’agit pas de faire un calque. Cela permet de faire bouger les lignes, de sortir des tabous. Le droit du sol ne doit plus en être un.”
A la faveur de discours dramatisant l’ “invasion de clandestins”, la section outre-mer du projet de loi s’occupe prioritairement de renforcer les mesures d’exception et de tester une réforme de la nationalité sur des territoires isolés. Pour s'en convaincre, il suffit de lire le TITRE VI DISPOSITIONS RELATIVES À LA MAÎTRISE DE L'IMMIGRATION OUTRE-MER du texte adopté par les députés. Une extension des dispositifs antérieurs d’éloignement et de contrôle a été prévue : pas de recours suspensif contre les arrêtés de reconduite à la frontière en Guadeloupe, éloignement expéditif des pêcheurs vénézuéliens en eaux guyanaises, les contrôles d’identité sont étendus, pour cinq ans, en Guadeloupe et à Mayotte sur une zone comprise entre la frontière maritime et une ligne située à un kilomètre, à Mayotte, le temps maximal pendant lequel une personne peut ainsi être arbitrairement retenue est porté à 8 heures.

Les principaux amendements retenus par les députés

Une bataille des amendements a eu lieu, dans laquelle les ultras se sont lâché ("Les progressistes des beaux quartiers apprécient l'exotisme des immigrés, surtout celui de leurs gens de maisons", "Nous avons plaisir à recevoir ceux que nous invitons, à offrir le gîte et le couvert. Mais que dire dès lors de ceux qui s'invitent sans solliciter notre accord, qui sont entrés par effraction, …", "Quelle que soit sa force morale, il existe un seuil d'immigration au-delà duquel un pays ne peut plus se reconnaître dans le miroir").
Concernant les étudiants, le non-respect des règles concernant la réglementation sur le travail (un mi-temps annualisé) entraîne le retrait de la carte étudiant.

Concernant les cartes de séjour liées au travail, la carte "saisonnier" n'autorise pas au séjour plus de 6 mois. Le retrait de la carte "salarié" (pour un contrat supérieur ou égal à 12 mois) ou "travailleur temporaire" (contrat inférieur à 12 mois) n'est plus automatique lorsque les conditions de délivrance ne sont plus remplies (en particulier en cas de rupture de contrat). Une carte "salarié en mission", valable 3 ans, est établie pour tout étranger détaché pour tout employeur établi hors de France, entre établissements d'une même entreprise ou entre entreprises d'un même groupe. Des restrictions ont été apportées à la carte "profession commerciale, industrielle ou artisanale" (il faudra justifier "d'une activité économiquement viable et compatible avec la sécurité, la salubrité et la tranquillité publique". Dans le cadre de la lutte contre le travail illégal, l'accès au traitement automatisé des autorisations de travail sera ouvert aux agents chargés de la délivrance des titres de séjour et les inspecteurs du travail pourront avoir accès aux traitements automatisés des titres de séjour.
Concernant la carte de résident, pour ceux qui auront commis des actes de rébellion, des menaces ou intimidations contre des personnes exerçant une fonction publique, la carte de résident sera remplacée de "plein droit" par une carte temporaire "vie privée et familiale". Il ne peut y avoir de retrait de la carte de résident en cas de rupture de la vie commune lorsqu'un ou plusieurs enfants sont nés de cette union et que le parent contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation des enfants. Il ne peut y avoir de retrait non plus en cas de violences conjugales.
Concernant le regroupement familial, il est prévu de lier les ressources à la taille de la famille et conditions de logement aux régions d'accueil. Pour les conditions de ressources au regard des conditions de logement, il y aura un avis du maire, réputé favorable après un délai de 1 mois à compter de la saisine. Les jeunes arrivés avant l'âge de 13 ans devront résider habituellement en France avec leurs parents (légitimes, adoptifs ou naturels) pour obtenir une carte "vie privée et familiale". Exception est faite pour les jeunes dépendants de l'Aide Sociale à l'Enfance (ASE). Concernant les conjoints de français (qui ne rentrent pas dans le cadre du regroupement familial au sens de la loi), il ne peut y avoir refus du visa long séjour que motif d'ordre public, annulation du mariage ou fraude au mariage. Le code de la Sécurité Sociale a été modifié : la polygamie devient une cause de non-versement des prestations familiales.
Concernant la régularisation de plein droit des "clandestins" de plus de 10 ans, abrogée par la nouvelle loi, une régularisation au cas par cas pourra avoir lieu par les préfets qui demanderont leur avis aux maires. L'avis de la Commission nationale d'admission exceptionnelle au séjour, éventuellement composée des représentants de l'administration, d'associations et d'élus sera aussi demandé.
Concernant la criminalisation des étrangers, l'exception en faveur des familles aux sanctions pour aide au séjour irrégulier ne s'applique plus si le bénéficiaire de l'aide vit en situation de polygamie. A l'infraction de mariage frauduleux vient s'ajouter celle de reconnaissance d'enfant frauduleuse.
Concernant les reconduites à la frontière, l'Arrêté Préfectoral de Reconduite à la Frontière (APRF) notifié par voie postale est abrogé. Le délai de recours devant le tribunal administratif de l'Obligation de Quitter le Territoire Français (OQTF -qui regroupe en un seul document l'Invitation à Quitter le Territoire - IQF - et l'APRF) est porté de 2 à 4 semaines.

Les réactions en France
Dès la connaissance des premières propositions de Sarkozy, quelques associations, Act Up-Paris, Cimade, Comede, Fasti, Gisti, LDH, MRAP, et le 9ème Collectif des sans papiers vont réagir. Ils seront à l'initiative du collectif Contre une immigration jetable qui va alimenter le débat. L'appel lancé va recevoir la signature d'environ 460 associations, organisations syndicales et politiques et partis. 2 manifestations, l'une musicale en pleine contestation du CPE, l'autre dans la rue, ont fait descendre respectivement 5 000 et 35 000 personnes. La 2ème manifestation, en plein débat parlementaire, a été massivement constituée de sans papiers et de personnes issues de l'immigration.
La gauche, signataire de l'appel, aura été incapable, à l'assemblée, de démontrer le caractère d'immigration jetable de ce projet opposant immigration "choisie" (pas par les immigrés) à immigration "subie". Il faut quand même savoir qu'en cas de reprise du pouvoir par la gauche en 2007, le PS n'abrogera pas cette loi. Le projet de "régularisation massive" de Fabius a provoqué une levée de bouclier. "En 2007, nous devrons commencer par évaluer la situation. Il faudra tout remettre à plat et construire un système aussi pérenne que possible". Chevènement ne disait rien d'autre en 1997…
La contestation a quand même débordé le champ habituel des immigrés et de ceux qui les défendent. La coordination nationale des étudiants en lutte contre le CPE a toujours mis en avant dans ses revendications la lutte contre la loi CESEDA 2. Mais ce sont surtout les organisations chrétiennes qui se sont mises en avant et ont refusé toute négociation avec Sarkozy. "(…) Ce projet veut d’un côté attirer les étrangers talentueux et compétents, ou utiles pour combler certains besoins de main d’œuvre, mais de l’autre augmenter les obstacles pour ceux qui doivent bénéficier des conventions signées par la France sur les droits fondamentaux. Le durcissement des procédures et les allongements multiples de délai vont mettre en danger la solidité des couples avec des incidences notables sur leurs enfants. Le projet accule à la désespérance les milliers d’étrangers présents depuis longtemps en France, “sans-papiers”, à l’heure où il entrouvrirait le marché du travail. Cette réforme s’inscrit délibérément dans une perspective utilitariste. Seront acceptables en France les étrangers perçus comme nécessaires pour l’économie, la personne humaine et sa situation personnelle devenant secondaires et ses droits restreints. Il est de notre devoir de chrétiens de rappeler que l’homme doit toujours être au cœur de nos choix et la loi toujours viser à protéger les plus faibles. (…) Motivés par la solidarité et la défense des plus faibles, en partenariat avec de nombreux membres de la société civile, nos organismes, mouvements, associations et services chrétiens refusent que des mesures de plus en plus restrictives propulsent des milliers d’hommes et de femmes dans la précarité et le désespoir. (…) Nous nous engageons à agir pour que notre société porte un autre regard sur l’immigration."
Soulignons aussi l'initiative du Réseau Education Sans Frontières, avec sa pétition concernant les jeunes scolarisé, "Nous les prenons sous notre protection !" qui se veut plus offensive (et que vous pouvez signer sur www.educationsansfrontieres.org).
A noter aussi une mobilisation des acteurs de la justice : à l'appel entre du Syndicat de la magistrature, une grève devrait avoir lieu le 7 juin, dans laquelle vont se retrouver de nombreux magistrats des tribunaux administratifs qui contestent la fusion entre invitation à quitter le territoire et reconduite à la frontière.

Le bide de Sarkozy en Afrique
Sarkozy se souviendra certainement pendant longtemps de sa visite au Mali et au Bénin où il s’est rendu pour expliquer la nouvelle politique française sur l’immigration. Car c'est aussi en Afrique que se mène une campagne électorale française. Dans ces deux pays dont le choix n’est pas innocent, Sarkozy qui s’est fait taxer, entre autres, "de raciste, de xénophobe, d’ingrat" par des populations en colère, a pris la mesure exacte de l’hostilité des Africains à sa politique qui vient réglementer de manière encore plus draconienne, l’entrée et le séjour des étrangers en France ainsi que le droit d’asile. A Bamako comme à Cotonou, le ministre français de l’Intérieur a répété à ses interlocuteurs et à qui veut l’entendre que son pays ne veut plus subir les “irrégularités” et le “laxisme” dans la gestion des flux migratoires.
Ces mesures répondent avant tout à des préoccupations de politique intérieure. Ainsi pouvait-on lire dans un journal africain : "Si, pour la seconde fois, l’élu de Neuilly modifie la politique d’immigration, c’est pour se rallier l’extrême droite française et satisfaire les demandes du patronat. Elle jettera des centaines de milliers d’immigrants sur les barbelés de Ceuta et Melilla ; elle les mettra en péril sur les barcasses qui s’aventurent sur la Méditerranée ; elle les soumettra aux nouveaux trafiquants d’hommes et aux refuges dangereux des squats. Et comme toutes les lignes Maginot, le barrage sera contourné.".
Et dans un autre : "Les esclavagistes testaient les muscles et la bonne santé des Noirs ? Les collaborateurs de Nicolas Sarkozy regarderont de près le CV et privilégieront tel ou tel venant d'Afrique, en fonction de la demande du moment et des intérêts directs de son pays, à qui "personne ne doit contester le droit de choisir qui vient travailler chez nous". Ce que résumait d'ailleurs un homme politique français, pourtant classé à droite : "Du temps des grands bourgeois, ils vérifiaient la musculation et la dentition. M Sarkozy propose de vérifier les neurones. Mais ce qui est choquant, c'est qu'on va attirer en France des cerveaux dont la formation a été payée par les pays d'origine. On est en train de piller les forces vives de ces pays. (…) Mais au fond, pourquoi se cacher derrière l'hypocrisie ambiante ? Sarkozy met simplement un peu plus vite en application des mesures prises lors d'un récent sommet du G7, le groupe des 7 pays les plus riches du monde, qui souhaitent désormais garder à distance raisonnable cette horde d'Africains, venant des pays les plus pauvres de la planète, plus exactement des pays les plus appauvris ?".

Et pour terminer, je ne résisterai pas au courrier d'un lecteur dans un autre journal, qui était une lettre ouverte à Sarkozy : "Vous pouvez bien affréter ces humiliants charters de “retour au pays” qui blessent profondément l’âme hospitalière africaine, elle qui garde mémoire d’avoir été convoquée pour défendre la mère patrie, vous pouvez bien mettre une troisième rangée de grillage à Ceuta et Mellilla (Que faisons-nous encore là-bas ?) ou faire disparaître le camp de Sangate, vous pouvez bien organiser des reconduites aux frontières sous les feux des caméras de télévision, cela rassurera peut-être vos opinions publiques mal informées, mais cela n’arrêtera pas l’arrivée des réfugiés économiques.
Ils arriveront quand même parce que les gouvernements français et européens n’ont jamais vraiment souhaité que les paysans d’Afrique de l’Ouest (80% de la population) puissent vivre du travail de leur terre. Vous refusez d’acheter leurs produits à un prix rémunérateur qui leur donne la possibilité de rester chez eux. Vous refusez d’investir dans l’agriculture familiale qui seule peut fixer les populations chez elles. (…)
Ils arriveront quand même parce que vos collègues chargés du développement l’ont trop souvent réduit à des aides budgétaires ou à des prêts ponctuels favorisant des régimes corrompus à la tête d’Etats où règnent le non-droit, la corruption et le racket permanent des plus faibles. Peu de chances alors de voir les plus jeunes se motiver dans un tel environnement. Ils veulent venir en Europe, et ils viendront.
Ils arriveront quand même parce que, quittant la campagne, ces jeunes ne trouvent dans les villes sous-équipées ni travail, ni considération, ni perspectives d’avenir. Les quelques emplois qui existent sont déjà aux mains d’une minorité qui se les réserve. Restent les seuls chemins de l’aventure que "TV5 monde" fait briller à leurs yeux. Ils rêvent de l’Europe.
Ils arriveront quand même parce que finalement vous en avez besoin
- dans l’agriculture (légumes, fruits et primeurs) parce que la grande distribution, en écrasant les prix, ne permet pas de salarier normalement ceux qui produisent et récoltent,
- dans le bâtiment, parce que les contrats de sous-traitance de nos grands groupes BTP, s’ils favorisent la création d’importants bénéfices, ne permettent pas non plus de rémunérer normalement la main-d’œuvre de ce secteur,
et parce qu’il faudra bien remplacer l’importante génération du “baby-boom” qui commence à prendre sa retraite."

Camille, OCL Reims, mai 2006

CPE : CHRONIQUES ETUDIANTES DU MOUVEMENT LIMOUGEAUD

Comme de nombreuses villes de France, Limoges a été le témoin d’un important mouvement de protestations contre le CPE et la politique anti-sociale du gouvernement, largement porté par la jeunesse, qui a pris de l’ampleur au fil du temps. Mais si la capacité des jeunes limougeauds à se mobiliser ne fait aujourd’hui plus aucun doute, en revanche leurs formes des mobilisation restent parfois ancrées dans des représentations dépassées qui ont du mal à accepter les marges. Le mouvement a ainsi vu s’opposer un militantisme très traditionnel, syndical et hiérarchisé, fortement ancré dans la région, et des formes d’actions plus autonomes, critiques et spontanées, encore en phase d’émergence sur la ville.


Dès la fin janvier, des réunions sont été organisées dans les lycées, et les premières assemblées générales ont lieu en fac de lettres à la même époque. Elles réunissent à la fois des étudiants syndiqués (AGEL-FSE, Sud Etudiant, UNEF, Confédération Etudiante) ou encartés (MJS, LCR), et des étudiants sans attache particulière mais qui réalisent l’ampleur de la casse sociale...ainsi que quelques travailleurs (dont la CGT-Jeunes) et précaires (dont AC ! Limoges). De 20 participants, on passe rapidement à 40, 60, 80 personnes. Avec à chaque fois à la fin de la réunion, la volonté d’impulser une mobilisation sur la ville, de continuer à informer les étudiants, de faire en sorte que la révolte soit à la mesure de l’agression. Interventions en amphis, rédaction et diffusion de tracts, assemblées générales régulières, organisation de manifestations de ville répondant aux appels nationaux, tenues de tables d’information dans le hall de la fac ont été la règle pendant quelques temps.

Le vote du blocage et la montée de la mobilisation

La semaine précédent le 7 mars, annoncée comme une grosse journée d’action nationale, la centaine d’étudiant qui participe aux assemblées générales décide de tenter un blocage pour le lundi 6, comptant sur ce moyen pour réunir un maximum d’étudiants à l’AG prévue cet après-midi là.
Près de 700 personnes (sur 3500 inscrits dans l’UFR) participeront à cette première “ grande AG ” en fac de lettres : le vote sera en faveur du maintien du blocage. Et si les échos d’une mobilisation d’ampleur au niveau national (Rennes II était déjà bloquée depuis le 7 février, d’autres facs suivaient jour après jour) ne sont pas pour rien dans cette décision, l’effet du blocage de la fac de Lettres sur la ville est certainement du même ordre, permettant en outre aux étudiants engagés d’orienter leurs énergies à l’extérieur de la fac.
Courant mars, sur les sites qui ont déjà entamé une information comme sur ceux qui sont encore épargnés, les blocages se multiplient ; les grands lycées de Limoges, la fac de Sciences, l’IUT, les lycées de l’académie, la fac de Droit...entrent successivement en mobilisation.
Dès la fin mars, il ne reste presque plus un lycée public sur toute l’académie qui ne soit bloqué...beaucoup le resteront jusqu’au retrait du CPE, malgré parfois des heurts avec l’administration. Et si Lettres, Sciences et IUT resteront aussi en grève jusqu’au retrait, en revanche le mouvement sera vite désamorcé en Droit par un vote à bulletin secret qui n’autorisera le blocage que les jours d’action nationale. En Médecine et Pharmacie, aucune mobilisation n’aura lieu, sinon quelques participations marginales aux manifs. L’école d’éducateurs viendra, elle, grossir les rangs les jours de manifs, mais sans réelle organisation interne ni blocage.
Par ailleurs, il faut noter que les étudiants en STAPS (Sciences et Techniques des Activités Physiques et Sportives) ont entamé un mouvement de grève qui se poursuivra pendant toute la durée de la lutte contre le CPE. Cependant, ils souhaitent lutter de manière autonome, gardant des revendications très précises et sectorielles qui représentent le principal objectif de leur mobilisation.

Jeu de positions, routinisation et installation de zones de pouvoir

Les habitudes sont prises très rapidement après cette phase d’émergence d’un mouvement fort. Tout de suite, dès que l’on sait que “ c’est parti ”, les volontés d’organisation unitaire, de représentation légitime et crédible, se mettent en branle. Les acteurs du “ mouvement social ” qui ne s’étaient pas encore manifestés viennent à la rencontre des étudiants et lycéens, souvent à leur demande.
De manière globale, la forme d’organisation adoptée lors de ce mouvement reprend les schémas classiques de “ la ” mobilisation étudiante : une assemblée générale “ souveraine ” rassemble tous les étudiants qui ont envie de faire entendre leur avis ou de s’informer sur la mobilisation. Cette AG définit des objectifs et des revendications en procédant par vote à main levée, puis ses décisions sont mises en application par le comité de lutte. Celui-ci se réunit en général après l’AG, sur la base du volontariat, pour répartir les rôles dans les différentes commissions. Ces commissions se réunissent ensuite dans la fac pour organiser leurs activités.
A l’AG suivante, ont fait un bilan des activités depuis la dernière AG, un tour d’horizon de la mobilisation locale et nationale, on ajoute parfois des revendications ou de nouvelles décisions, et la machine repart sur le même principe. Il faut préciser ici que la tribune de l’AG est composée de participants au comité de lutte, qui préparent l’ordre du jour en amont de l’AG.
Chaque site mobilisé est censé fonctionner sur ce modèle, et la coordination doit avoir lieu dans les AG de ville...mais la domination de la fac de Lettres s’installera rapidement et restera effective pendant tout le mouvement ; on y croisera bientôt de nombreux participants venus de l’extérieurs, lycéens, étudiants, profs du secondaire, universitaires, éducateurs, travailleurs syndiqués ou non, chômeurs et précaires.
Ce recentrage sur la fac de Lettre, critiqué mais jamais dépassé, trouve certainement sa source dans les formes d’organisation adoptées et dans les propriétés sociales des “ initiateurs ” du mouvement :
- la fac de Lettres réunit en effet de nombreux étudiants syndiqués ou encartés, qui peuvent tout de suite adopter la posture du militant expérimenté, personne-ressource à même de faire partager son expérience et ses savoir-faire ;
- de plus, elle jouit déjà d’une réputation de terreau des mobilisation, à la fois à travers la mémoire du mouvement anti-LMD de 2003 (plusieurs semaines de blocage), et par l’activité des militants ancrés sur ce site, dont beaucoup sont en lien avec d’autres acteurs syndicaux ou politiques de la ville de Limoges ;
- enfin (et surtout ?), les formes d’organisation adoptées permettent rapidement l’installation d’une certaine autorité du noyau de la fac de Lettres. En effet, si plusieurs sites ont commencé à se mobiliser en même temps, c’est en Lettres que l’organisation prend la forme la plus complète : ici apparaît le premier “ comité de lutte ”, qui réunira entre 30 et plus de 100 personnes. Il se divise les tâches, créant une commission action, un service d’ordre, des responsables pour les contacts presse, pour l’affichage, pour les piquets de grève, pour la prise de contact avec les autres sites et les autres secteurs, pour l’organisation d’activités sur la fac, pour la trésorerie.
Certaines tâches jugées indispensables sont ainsi définies et séparées dès les premiers temps. Ce comité de lutte est celui qui accentuera le plus cette division, sans rotation, constituant des commissions d’autant plus étanches que le nombre permet d’éviter la pluri-inscription (alors qu’en fac de Sciences, le faible nombre de participants au comité de lutte - entre 5 et 20 - oblige chacun à considérer et partager les rôles et les enjeux).

A la mi-mars, une certaine routine s’est donc installée : des tracts sont régulièrement édités (il s’agit surtout d’un relevé des décisions et revendications de l’AG) et diffusés en ville, sur le boulevard, lors des manifestations et actions. Des rendez-vous sont donnés au petit matin pour que les étudiants puissent soutenir les lycéens qui rencontrent des difficultés. Un soutien sera également apporté aux salariés de Madrange entrés en grève fin mars, des diffusions de tracts ciblés sur la convergence avec les travailleurs seront organisées dans les zones industrielles. Des réunions intersyndicales sont organisées en amont des manifestations nationales, où syndicats de travailleurs et étudiants mandatés coordonnent leurs actions (il s’agira le plus souvent pour les grosses centrales de laisser la tête de cortège aux étudiants en échange d’un engagement à ne pas réaliser d’actions coup-de-poing, jugées dangereuses et médiatiquement contre-productives...).
Les actions sont préparées par la “ commission action ” de la fac de lettre, élargie aux étudiants et lycéens d’autres sites qui veulent la rejoindre...sur le site de la fac de lettres. Lâcher de banderoles, prises de parole, blocage des carrefours et occupations symboliques seront les principales formes d’action pendant cette lutte. Ainsi, le MEDEF sera envahi trois fois (et saccagé la troisième), la gare deux fois, la CCI occupée une fois, tout comme la Direction Départementale du Travail, de l’Emploi et de la Formation Professionnelle. Deux journées de blocage des carrefours auront lieu, une fois ciblé sur le centre ville, une autre fois sur les carrefours périphériques...jusqu'à l’expulsion par les forces de l’ordre.
Le service d’ordre se pose dès le départ comme l’organe “ responsable de la sécurité des manifestants ” : postulant une méconnaissance des risques de répression jugés important, son travail sera donc d’encadrer les manifs, de surveiller les policiers et les renseignements généraux, de censurer les actions jugées trop dangereuses, de prendre particulièrement soin des lycéens, de donner l’alarme lorsqu’il estime qu’une intervention policière est probable.
Sur les facs (Lettres et Sciences), les principales activités sont le maintien du blocage, l’organisation et la tenue des AG, les réunions de commissions, l’affichage des rendez-vous, la proposition d’activités amenant réflexion et débats.
Cette dernière tâche, lancée dans la deuxième semaine de blocage, permettra notamment de recevoir un psycho-sociologue argentin qui évoquera l’histoire récente de son pays, sa mise à genoux par le FMI puis la crise, suivie par des initiatives populaires de démocratie locale et par la réorganisation de l’Etat. Plusieurs films seront également projetés, l’un en écho à cette intervention (“ Busqueda Piquetera ”, sur le mouvement des piqueteros), d’autres sur les luttes sociales (Jusqu’au Bout), la guerre d’Espagne (Land and Freedom), l’utopie et la critique sociale (l’An 01, l’Ile aux Fleurs)...

L’impossible critique

Rapidement, apparaissent au sein de la fac de Lettres différentes critiques.
Les participants au comité de lutte, qui passent leurs journées à mettre en œuvre les décisions de l’AG, se trouvent trop peu nombreux ; ils déplorent que seule une moyenne d’une cinquantaine d’étudiants soit réellement active, les autres se contentant de voter les décisions en AG et de rentrer chez eux.
Du côté des certains étudiants, qui ne participent pas tous au comité de lutte, apparaît un sentiment plus diffus de malaise : le comité de lutte est critiqué pour la fermeture de ses commissions (quand un commission estime qu’elle a assez de participants, elle décide souvent de ne plus accueillir personne), pour la difficulté à s’y intégrer (il vaut mieux arriver avec une proposition bien ficelée pour qu’elle soit adoptée), pour sa relative opacité (l’affichage n’étant pas parfait, il vaut mieux être présent aux réunions du comité de lutte pour être au courant de ce qui se prépare).
Au-delà de cette fac, les étudiants et lycéens mobilisés dans les autres secteurs ressentent également très fortement la position de pouvoir du comité de lutte de la fac de Lettres, et subissent souvent une organisation et des décisions auxquelles ils n’ont pas participé.
Bref, on a d’un côté des étudiants très actifs reprochant aux autres de ne pas assez se mouiller, et de l’autre des étudiants motivés ne trouvant pas leur place dans cette forme d’organisation.
Emerge alors, au sein du comité de lutte comme en-dehors, l’idée que l’organisation interne pourrait être plus réfléchie, que la faible implication des étudiants n’est peut-être pas que de leur fait, mais aussi d’une relative inaccessibilité du comité de lutte.
On peut reconstituer a posteriori plusieurs critiques qui cherchent à expliquer et dépasser cette situation :
- A propos de la démocratie en assemblée générale :
Lors des AG (qui durent parfois trois heures), le nombre de personnes qui parlent est très limité : pas plus de quinze en général, dont une grosse majorité de participants au comité de lutte. Ceux qui prennent la parole plusieurs fois sont encore plus rares, et tous très actifs dans le mouvement. De plus, l’assemblée générale étant préparée de manière très précise en amont, il est difficile de sortir du cadre fixé pour réellement écouter l’amphi.

- A propos, de la quasi-absence d’un débat de fond. :
Sans réflexion plus large sur les questions politiques et sociales, on reste braqué sur la question du CPE et des revendications déjà votées, sans vraiment développer d’analyses sur le système social, scolaire, la globalité des attaques antisociales, les éventuelles contre-propositions.
Cette lacune est largement liée à une position prise dès les premiers temps du mouvement : l’absence d’apparition dans le mouvement des structures syndicales et des organisations politiques. Hormis le fait qu’il leur est impossible d’apporter leurs propres analyses, qui auraient pu enrichir la réflexion de tous, ils subiront également des expulsions autoritaires : ainsi, lors d’une manifestation, les Jeunesses Communistes venues diffuser leurs tracts dans le cortège étudiant et lycéen en seront expulsés sans ménagement. De même, le collectif AC ! Limoges venu installer un infokiosque dans le hall de la fac après une assemblée générale, sera pris à parti immédiatement par cinq étudiants dénonçant une volonté de manipulation et de récupération, et mis à la porte.

- A propos de l’organisation du comité de lutte :
En répartissant d’emblée le travail entre les différentes commissions, il exclut de fait les propositions qui ne répondent à aucune spécialité. En décidant de fixer un nombre limité de personnes, les commissions excluent nombre de bonnes volontés, qui ne savent comment s’engager seules, et du coup ne s’engagent pas. Enfin, la spécialisation des tâches et l’absence de rotation ont des conséquences néfastes : très peu de gens savent tout faire, les autres ne sont compétents que sur une tâche donnée (assurer le service d’ordre, s’occuper des piquets de grève, afficher les informations...). Cette différence dans la répartition des compétences mettra un petit nombre de personne en situation de leaders, seuls aptes à réfléchir à la globalité de la lutte et des activités du fait de leur expérience, et dominant de facto le reste des personnes engagées.

- A propos de l’autorité de certaines personnes ou commissions :
Le service d’ordre, “ responsable de la sécurité des manifestants ”, s’appuie sur cette responsabilité pour légitimer une réelle autorité sur l’organisation des manifs et actions. Il sera accusé de diffuser une certaine paranoïa vis-à-vis de la répression policière, qui justifiera de nombreuses censures. Plusieurs actions seront interdites, des manifestants souhaitant bloquer seuls des carrefours seront stoppés et sommés de rejoindre le cortège, des lieux occupés seront abandonnés sur l’ordre de membres du service d’ordre.

Enfin, les militant-e-s aguerri-e-s qui tiennent la tribune en AG comme au comité de lutte, exercent une relative censure (par discrédit, par omission...), certes plus ou moins consciente, sur la définition de ce qui est légitime ou pas (en termes d’actions comme de revendications) .
Bref, au bout de quelques jours de cette organisation, on se rend compte d’un fait global : les participants au mouvement ne peuvent se l’approprier réellement, dans la forme (modalités d’organisation et d’action) comme dans le fond (sens, représentations et discours) ; la lutte est surtout menée par le comité de lutte de la fac de Lettres, et plus précisément par certaines personnes très actives dans ce comité, en fonction d’un modèle réifié, prédéfini et inamovible. Il existe ainsi un certain monopole dans la définition de ce qu’il faut faire, de ce qu’il faut dire - et comment. Ceux qui acceptent ce cadre ou s’y soumettent trouvent rapidement leur place dans l’organisation. Ceux qui le refusent, en revanche, sont ignorés ou discrédités.
Courant mars, un groupe d’étudiants qui souhaitait remettre en question le comité de lutte relaye plusieurs de ces critiques, et émet en comité une proposition simple : que la prochaine assemblée générale soit éclatée en petits groupes (avec chacun un animateur pour la répartition de la parole et la prise de notes), de manière à ce que tous puissent s’exprimer, définir le sens et les modalités de la lutte dans laquelle ils s’engageaient, s’approprier ses buts et sa mise en œuvre. On propose ensuite une réunion plénière qui permettrait de faire ressortir des convergences de points de vue et d’objectifs...mais aussi des divergences, qu’il faudrait laisser s’exprimer malgré tout.
L’objectif de fond de cette démarche est d’amener l’ensemble des participants du mouvement à se le réapproprier, ce qui impliquerait finalement de repenser l’organisation interne pour permettre diverses formes d’implication.
La proposition sera refusée. Le risque est trop grand, ça va être le bordel, et puis les critiques ne sont pas légitimes : les AG sont démocratiques, les débats de fond ont lieu dans celles-ci et dans les commissions, tout va bien comme ça. On arrachera quand même le droit de “ tenter l’expérience ”, par la banalisation d’une journée qui sera “ journée de débats ”, qu’on organisera comme on veut : malgré elle, la “ commission débats ” est créée. Tentant de tirer profit de ses propres critiques, elle s’organisa dès le départ de manière autonome : avec son propre affichage, son propre tract d’appel, son propre budget, et affiche d’emblée la couleur pour cette première journée, intitulée “ Libérons la parole ! ”.
Au total, quatre demi-journées de débats seront mises en place. Elles commencent par un petit déjeuner (à prix libre), se poursuivent par des discussions en groupes de 10 à 15 personnes, puis une synthèse collective est réalisée à la fin de la matinée avant de partager le repas du midi. La première expérience réunit près de 70 personnes, les suivantes 50, puis 15, puis à nouveau une soixantaine. L’espace des débats est le seul dans lequel s’impliquent des personnes opposées au blocage ou critiques vis-à-vis de l’organisation adoptée, le seul dans lequel on discute réellement du modèle capitaliste, de la domination, du pouvoir, où les thèmes abordés débordent largement les questions étudiantes ou sectorielles. Résister n’est pas que contester, c’est aussi créer...créer des alternatives, des réseaux, des imaginaires. A mesure que le mouvement avance, que le temps passe et s’accélère, se pose aussi la question de l’engagement : il ne s’agit pas de s’engager à fond pendant un mois _, puis de laisser les choses retomber comme un soufflé pour retrouver son quotidien déprimant...il s’agit d’inclure la lutte dans le quotidien, de mettre en place des réseaux durables et solides, et non exceptionnels.

La cristallisation des divergences

La création de cet espace, et la parution de ses premiers comptes-rendus, très critiques vis-à-vis de l’organisation adoptée, de la difficulté d’expression, de la pauvreté du débat de fond, sont très mal perçus par certains. On parle, à propos de la “ commission débat ”, de “ gangrène ”. On dit qu’il ne peut en sortir “ que la merde ”, que cela va diviser les forces. Très peu des personnes engagées habituellement dans le comité de lutte y participent, et il apparaît clairement que les “ publics ” de ces deux espaces ne sont pas les mêmes, n’attendent pas la même chose de cette période de mouvement. Au sein du comité de lutte, ceux qui ne démontent pas l’espace débats attendent qu’il fasse des propositions, qu’il remplisse dans le comité de lutte sa fonction d’espace de propositions et d’intégration de la critique...quelques propositions seront faites, mais à reculons : cet espace ne se pense pas comme une fonction du comité de lutte, mais comme un lieu de réflexions autonomes, en devenir. Pendant un temps, un certain flou domine à propos de cette “ fonctionnalité ”, et la gêne est grande de se retrouver intégré comme fonction d’un espace qu’on souhaitait justement dépasser.

L’émergence de ce deuxième courant de pensée, qui revendique en premier lieu la nécessité de réfléchir sur nos propres formes d’organisation, et non seulement sur les activités tournées vers l’extérieur, sera ainsi source de nombreuses prises de position, qui amèneront une relative cristallisation. Dans les réunions, les AG, les couloirs, les actions, le débat fait rage. Des soutiens s’affirment au fur et à mesure, de la part de l’ensemble du comité de lutte de la fac de sciences et de nombreux lycéens. Et si l’intention de ces critiques n’était pas de créer de la division mais de montrer la nécessité d’une auto-critique, la division se fera pourtant... sur la base du refus affiché de cette auto-critique.

Ainsi, tandis que la forme de lutte adoptée s’affiche sur le mode de l’exception, de la création temporaire d’un rouleau compresseur à même d’arracher la satisfaction de revendications, chez plusieurs personnes se développe l’idée d’un lutte sur le mode du quotidien, de la construction patiente et solide de formes d’existence qui permettent de dépasser les innombrables formes de contraintes et de contrôle. On parle d’ouvrir ou de réquisitionner des lieux de réunion, de monter des associations, des projets. On recherche plus le groupement affinitaire que le consensus froid.
Tandis que la forme de lutte adoptée se base sur le consensus, ne s’autorisant à agir qu’avec l’aval de l’assemblée générale et de mandats, de nombreuses personnes engagées revendiquent des positions dissensuelles, et la possibilité d’agir en petits groupes autonomes. On oppose ainsi aux revendications sectorielles et limitées, et à la division fonctionnelle des tâches sur un modèle fordiste, l’idée d’un fonctionnement basé sur des projets, permettant d’exprimer des frustrations et désirs variés, prenant leur source dans la vie quotidienne de chacun.

Lors des actions, on verra ainsi s’opposer ceux qui souhaitaient limiter l’action à ce qui a été défini en amont, par une commission mandatée, ou à ce qui est autorisé par les personnes responsables des autres, et ceux qui pensent que l’action appartient à ceux qui y participent, et qu’une place doit être réservée à l’initiative et à la spontanéité.
C’est ainsi qu’au fur et à mesure, certaines personnes renonceront à transformer un système figé pour agir en leur propre nom. L’événement le plus marquant de cette prise de position est la réalisation d’une action “ autonome ”, préparée en quelques jours par un groupe de 7 personnes regroupant des étudiants de sciences et de lettres, des lycéens, un enseignant et une précaire. Il s’agit de l’occupation d’un bâtiment vide, lancée en manifestation après avoir diffusé des flyers invitant les manifestant à soutenir l’action à venir. Le bâtiment choisi a une forte valeur symbolique, puisqu’il s’agit de l’ancien quartier général des maquisards menés par G.Guigouin pendant la seconde guerre mondiale. Construite par les Haviland à la fin du XIXème, la grande bâtisse bourgeoise s’étend sur 4 étages de 150m_ et dispose d’une cour intérieure, d’un jardinet, d’une tourelle...appartenant à EDF, elle est en passe d’être revendue au secteur privé.

Presque 150 personnes participeront à cette occupation, et il va sans dire que cette action sera prétexte à accentuer la division. Aucun soutien ne sera apporté par les ténors du comité de lutte de la fac de lettres. Ceux qui passeront voir les occupants feront savoir qu’en cas de répression, il est inutile de compter sur eux.
L’occupation durera 8 heures, mais elle reste encore dans de nombreuses mémoires. Ce fut la seule fois dans tout le mouvement où l’on ne quitta pas les lieux avant l’intervention de la police, poussés par un service d’ordre paniqué à l’idée qu’étant (autoproclamé) responsable de la sécurité des manifestants, il porterait la responsabilité de la répression. L’expulsion se fit sans heurt ni interpellation ; trois identités furent relevées, mais jamais personne ne fut inquiété par la suite.

Aujourd’hui

A la suite de cette période de cristallisation, la rupture va en s’accentuant. Les critiques se font de plus en plus vives et passionnelles, une certaine rancœur mutuelle s’installe. Certains se trouvent pris entre les deux courants et permettent de maintenir le dialogue...mais une franche rupture aurait certainement eu lieu si le mouvement ne s’était arrêté de lui-même.
En effet, début mai, le retrait du CPE est annoncé. A l’AG du lundi qui suit, on lutte pour négocier le maintien du blocage au moins pour la manif du lendemain. Les média parlent de baroud d’honneur, l’administration de l’université menace d’imposer un vote à bulletin secret si le blocage ne se lève pas de lui-même. Le doyen de la fac de Lettre, soutien officiel des étudiants en lutte, qui a participé à toutes les AG, milite pour la fin de la grève en brandissant cette menace de l’administration et celle du report des partiels, inévitable au-delà d’une certaine durée...que l’on s’apprête à dépasser. Il faut savoir raison garder, et les militants du comité de lutte en sont eux-mêmes convaincus. L’AG du mercredi fait figure de cérémonie d’enterrement ; on se promet de continuer à se battre, car seule une revendication a été satisfaite...mais par d’autres moyens. Les vacances débutent à la fin de la semaine, et tous les membres du comité de lutte sont d’accord pour continuer à se voir. Un programme est mis en place pour les vacances, qui prévoit des interventions quotidiennes à la radio, une assemblée générale par semaine, deux réunions du comité de lutte et deux réunions de l’espace débats par semaine. Ces vacances doivent être l’occasion de continuer à militer, d’aller plus vers les travailleurs, d’étendre le mouvement à d’autres secteurs, de réellement créer une convergence au niveau de la ville, en commençant par mélanger les comités de Lettres et Sciences. On parle de métamorphose.
Une nouvelle incartade aura cependant lieu avant les vacances, lors du comité de lutte du jeudi : un quiproquo est créé sur la possibilité de se réunir en centre-ville, à l’espace de création culturelle Mais... l’usine (ancienne usine de porcelaine). Alors que la proposition (mal) diffusée était que ce lieu accueille les réunions du comité de lutte pendant les vacances, la proposition réelle est d’accueillir seulement des ateliers de réflexion comme l’espace débats, qui sont plus proches de l’esprit du lieu. Le comité de lutte prendra assez mal ce quiproquo, et devra trouver un autre lieu de réunion. Il est donc décidé que pendant les vacances, le comité de lutte se réunira les lundi et jeudi à la Maison du Peuple (siège de la CGT), et que l’espace débat se réunira à Mais... l’usine les mardi et vendredi. On insiste sur le fait que ces deux espaces ne sont pas exclusifs, que l’on est vivement invité à participer aux deux.
La réalité sera différente : la Maison du Peuple étant fermée en ce lundi férié, la première réunion du comité de lutte se transforme en apéro. Le mardi, à la première réunion de l’espace débat, un important ras-le-bol est exprimé, on commence à parler d’organiser des activités qui ne soient pas contrôlées par le comité de lutte. Une liste de diffusion internet est créée pour échanger nos points de vue. Le mercredi, la première assemblée générale des vacances réunit une trentaine de personnes, étudiants de l’IUT, des facs de Sciences et Lettres, et lycéens. Une autre liste de diffusion internet est créée. Le jeudi, lors de la première réunion réelle du comité de lutte, conflit sur l’existence de deux listes de diffusion séparées. Le vendredi, le groupe débats réaffirme sa volonté d’avoir sa propre liste de diffusion et finalement d’être autonome dans les actions à venir.
Ces quatre réunions ont concerné une cinquantaine de personne, dont une dizaine a participé aux quatre. Se mélangent dans les discussions une réelle volonté de scission, la volonté de changer l’organisation en accord avec les différentes critiques, et la volonté de ne rien changer des formes de lutte adoptées tout en dénonçant le groupe qui veut s’autonomiser.
Le groupe débat a donc décidé d’être autonome. Plusieurs de ses membres resteront cependant des éléments moteurs au sein du comité de lutte. On défend l’idée d’une séparation en expliquant que les formes de lutte ne sont pas les mêmes : le comité de lutte s’attache aux questions étudiantes, il est centré sur la fac et fonctionne sur un mode plutôt syndical ; le groupe de débats réunit des étudiants, des chômeurs et précaires, il s’attache à des activités plutôt centrées sur les alternatives, partant plus du quotidien de tous que d’un secteur d’activité particulier. Les membres du groupe débats se présenteront comme un “ plus ”, un collectif parallèle créée à l’issue du mouvement...certains membres du comité de lutte dénonceront une récupération et une scission.
Un dernier événement verra s’opposer les deux “ courants ” créés à l’issue de cette lutte collective : la manifestation du premier mai. Organisée par une grande intersyndicale à l’échelle de la ville, en coordination avec le collectif de ville des étudiants et lycéens, elle n’aurait été qu’un grand rassemblement de drapeaux aux allures d’enterrement si le collectif de “ la bande à San Precario ” ne s’en était mêlé en répondant à l’appel international de l’Euromayday et en organisant à Limoges un Mayday, comme à Paris et Marseille. La création d’un cortège festif, qui rejoindrait ensuite le cortège syndical, était prévue de longue date par la dizaine de membres de ce collectif, dont certains participaient également aux réunions à Mais...l’usine. Interventions hilares des quatre “ Clownmunistes ”, prières ironico-mystiques de l’Eglise de la Très Sainte Consommation devant le Quick, le Medef ou les distributeurs de billets, chansons détournées et chants de lutte par la Chorale des Résistances Sociales (la chorale d’AC !Limoges), et exorcisme carnavalesque des symboles du capital, du patronat, du patriarcat et des exploiteurs de toutes nature, ont bien réussi ce jour-là à dérider ceux des manifestants qui ne considéraient pas ce cortège comme un ramassis d’ennemis. On aurait pu chercher en vain le cortège des étudiants et des précaires, puisqu’ils étaient (presque) tous réunis autour des effigies de Saint Précaire, le sourire aux lèvres, à la queue du cortège syndical, rejoints par un nombre croissant de travailleurs amusés. “ Nous partîmes quarante, mais par un prompt renfort, nous fûmes vite cent cinquante à rire bien haut et fort ”

Aujourd’hui, nous en sommes toujours là dans nos discussions (devenues rares). Les engagements de tous se sont largement réduits, certainement en lien avec le début des partiels ; mais dans les activités de chacun, qu’il s’agisse d’une démotivation induite par ce qu’ils considèrent comme une scission, ou d’un renoncement à s’engager, le fait est que ceux des membres du comité de lutte qui ne s’engageaient pas à Mais...l’Usine ont lâché du lest. Aujourd’hui ce sont surtout des personnes engagées aussi à Mais...l’Usine qui continuent à faire tourner le “ collectif de ville ” (issu de la fusion des comités de lutte de Sciences et Lettres) ; ce sont des personnes engagées aussi à Mais... l’Usine qui continuent à s’intéresser à l’émission de radio (devenue hebdomadaire). Et c’est encore le “ groupe Mélu ”, même réduit à une dizaine de personnes, qui reste le plus accroché à l’idée de maintenir une activité politique sur l’espace de la ville (on prévoit d’organiser un festival alternatif le 17 juin à Limoges), cependant que d’autres “ anciens ” de feu le comité de lutte se recentrent sur la fac, créent comme par réaction leur propre liste de diffusion internet, et proposent aux étudiants qui ont participé au mouvement de prendre leur carte à la FSE.

Cet historique du mouvement étudiant limougeaud et de son issue, partial et partiel, est surtout pour moi l’occasion de mettre en avant un fait récurrent dans les luttes actuelles : l’opposition entre plusieurs manières de penser l’engagement et la lutte sociale. L’une à visée hégémonique, qui prétend définir ce qui est légitime et ce qui ne l’est pas, ce qui est prioritaire et ce qui relève du simple plaisir ; mais aussi qui pense les mobilisations comme étant des temps forts exceptionnels, fonctionnant comme un rouleau compresseur pour retomber ensuite, la victoire obtenue, dans le quotidien enfin réformé, à partir duquel on construira une nouvelle mobilisation massive. Et l’autre, plutôt comparable à une lame de fond, qui s’adresse à chacun dans ses pratiques quotidiennes, stimulant un réel mouvement, intérieur et collectif, qui nous amène aujourd’hui à refuser de retrouver un quotidien morbide et à chercher avidement des portes de sorties et de dépassement, pour qu’une fois engagés dans ce mouvement, nous nous laissions porter par lui jusqu'à satisfaction de toutes nos revendications intimes et collectives.
L’avenir de nos luttes repose largement sur notre capacité à dépasser des formes d’engagement qui ne sont reproduites aujourd’hui que par référence dogmatique à un passé mythifié, alors même que leur émergence était, elle, liée à des conditions objectives d’où elles tiraient leur pertinence.
Il nous faut maintenant ouvrir les yeux, accepter que le capitalisme s’est transformé et agir en conséquence.

Antoine Veyriras


Notre mémoire: 1956, la révolution hongroise



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