Courant alternatif no 161 été 2006

SOMMAIRE
Edito p. 3
REPRESSION
Nous sommes tous des délinquants p.4
L’été de tous les dangers p.7
COLONIALISME
Ils refusent la retraite du combattant pour eux-mêmes p.8
Rubrique Big Brother p.10
DOSSIER:
LES EMEUTES DES BANLIEUES AU REGARD DU MOUVEMENT ANTI CPE p.11
COLONIALISME
Comment se fait un département français ? L’exemple de Mayotte P.23
DÉVELOPPEMENT
autoroutes maritimes : l’idéologie techno-marchande a encore frappé p.24
SANS-FRONTIERE
Mexique : où l’or bleu est signé Coca-Cola p.27
Contre les barrages en Islande p.28
DEBAT
Retour sur une manif p.31
LIVRES p.32

EDITO

L'état du monde continue de s'aggraver, les pauvres font les frais des politiques des puissants et les luttes se multiplient …. Comment éclairer un sujet plus qu'un autre sans opérer ce qu'à longueur de journée les médias officiels font, c'est-à-dire un tri hiérarchisé selon la proximité de l'événement, la nationalité des victimes et l'air du temps qu'il fait.

Commencer par les infos franco-françaises ou coloniales puis les préoccupations du peuple français et en rapide flash les calamités du monde extérieur… Au plus près, ce sont les mouvements de soutien aux familles en danger d'expulsion qui invoquent la désobéissance civile pour s'opposer à la logique d'Etat ; un sursis est accordé juste pour l'été pour permettre au gouvernement de partir en vacances sans risquer une confrontation sociale et la contagion des revendications à tous les sans-papiers, stopper la colère avant qu'elle ne s'organise trop.

Puis la chaleur de l'été, les risques de pollution et le recensement des vieux avant qu'ils ne s'échappent pour de bon et la rage de devoir supporter une telle gestion sociale et médicale dans un pays hyper développé ! Malgré tout, la France va bien : le chômage baisse (en fait, c'est le nombre de chômeurs recensés par l'Etat qui diminue), l'équipe de foot se qualifie et le président fait un bilan très positif de l'action de son premier ministre (sans toutefois faire référence à l'augmentation de 27% des profits).

Mais alors pourquoi les gens sont-ils encore dans la rue ? Certes la question n'a que peu d'importance, l'essentiel c'est l'économie, établir et commenter un bilan qu'il soit positif ou négatif d'ailleurs, l'attention portée aux chiffres détourne ainsi le regard des vraies questions. On peut ajouter à cet excellent bilan, les centaines de sans-papiers expulsés chaque jour, les arrestations tout azimut de tout ce qui bouge, se voit ou dérange car le gouvernement revendique cette politique de nettoyage administratif qui touche cependant concrètement des familles, des enfants, des plus pauvres et démunis ; ce sont des atteintes à la vie de personnes réelles qui subissent le diktat d'un bilan chiffré.

Et puis, il ne se passe rien hors de l'hexagone qui vaille d'être commenté, même si depuis près de deux mois des milliers d'étudiants en Grèce occupent plus de 350 sites académiques, subissent une répression digne des heures noires de la dictature des colonels, dans l'indifférence des médias européens pour leur lutte contre le libéralisme capitaliste et les critères de gestion imposés par l'OMC et l'Union Européenne qui visent à privatiser l'enseignement universitaire. Donc si tout va bien en France, tout va mieux dans le reste du monde : les américains continuent de consolider la démocratie en Irak qui "avance à grands pas" ; les européens progressent dans tous les domaines et le "Mondial" prouve bien cette supériorité de l'Europe du football sur le reste du monde !

Les américains, eux, font des progrès sémantiques à Guantanamo où 38 prisonniers ont été innocentés de l'accusation "d'ennemis combattants"; ils sont devenus des N.E.C –not enemy combatants – mais lorsque des avocats ont réclamé leur libération, l'administration a rectifié cette "erreur" : les 38 ne sont pas des N.E.C mais des N.L.E.C – no longer enemy combatants- c'est-à-dire qu'ils ne le sont plus, ils deviennent des "anciens" combattants ennemis qu'il faut garder autant que nécessaire. Quant aux tentatives de suicides en nombre ce sont des "conduites auto destructives manipulatrices", un suicidé de Guantanamo est un kamikaze qui s'en prend à l'image de l'armée américaine.

En fait, le bonheur démocrate n'est jamais bien loin ... mais malheureusement il y a eu une fausse note dans ce bonheur généralisé, c'est ce soldat israélien kidnappé par de barbares palestiniens (il y a près de 10 000 prisonniers palestiniens –hommes, femmes et enfants- dans les geôles de l'Etat d'Israël, sans procès, ni avocats pour la plupart) car un soldat israélien n'est jamais simplement un militaire d'une des armées la plus puissante du monde et "la plus morale" ; il y a ce trait d'union atavique avec les autres pays occidentaux. Ce soldat est le symbole de toute une idéologie et d'un système de valeurs qui pèsent évidemment plus que les 10 000 "terroristes" emprisonnés. Alors c'est une pluie de 350 obus en une opération, nommée cyniquement "pluie d'été",qui s'abat sur une bande de terre de 45 km de long pour 6 à 10 km de large, dans laquelle sont enfermés 1,3 million de palestiniens, c'est l'usage de la force armée maximum pour -nous le répètent sans cesse les journalistes autorisés- délivrer un jeune caporal franco-israélien … un seul être manque et c'est la destruction totale programmée car Israël est fragile ! Ne suffit-il pas d'un spectacle de théâtre joué par des enfants palestiniens pour menacer son existence et obtenir ainsi de la mairie de Cenon(33) l'interdiction de la représentation ! Ou d'un journaliste au nom à consonance maghrébine que molesteront les services de sécurité israélien à Paris (devant le mur des justes!) demandant que FR3 envoie une autre personne, moins suspecte!

Mais on parle peu de guerres en ces temps dans les journaux de l'été : juste d'une force européenne de pacification en République Démocratique du Congo (RDC) et aussi de représailles armées en Palestine contre ces terroristes de palestiniens. Mais il s'agit de forces armées, de technologie militaire sophistiquée, de moyens disproportionnés utilisés contre des populations démunies qui meurent sous les bombes, qui meurent des destructions de leurs ressources minimum : famine, manque d'eau … des milliers de victimes mortes, blessées ou emprisonnées. Qu'il s'agisse de l'Afrique ou des offensives armées d'Israël, rien ne se fait dans la nuance et pour retrouver un soldat à Gaza on peut tuer des centaines d'autres personnes et surtout en profiter pour continuer à détruire ce qui reste d'un pays qui s'appelle toujours Palestine!…. En RDC, énième intervention armée occidentale, déploiement de force du Nord au Sud et mise en place d'un contrôle néocolonial avec les barrages et les soldats qui arrêtent les autochtones. L'Eurofor-RDC s'installe avec 2000 hommes qui s'ajouteront aux 17000 casques bleus déjà sur place pour surveiller les élections prévues le 30 juillet avec mission d'y rester pour les 4 mois qui suivent. La RDC, pays dont le sous-sol est un des plus riches du monde, qui a eu plus de 4 millions de morts soit plus que la seconde guerre mondiale occidentale, victimes de la faim et de la maladie, ce pays va bénéficier de la protection des armées les plus riches et les plus modernes du monde …. Qui pourtant n'ont rien vu ce 30 juin quand la dispersion policière d'une manifestation fait 10 morts dont 9 civils à Matadi, un responsable de la Monuc (mission de l'ONU en RDC) reconnaît ne rien savoir de ce qui s'est passé !

Non, le monde ne marche pas à l'envers, c'est nous qui avons la tête en bas et pour faire la révolution, selon les conseils de la gauche et de l'extrême gauche en France, il faut d'abord remettre nos pieds sur terre, bref se changer soi-même puisque le monde est tel qu'il est, il faut s'adapter avant de le changer sans trop de dégâts pour les privilèges occidentaux !

Consensus général, mondial et planétaire, le monde ne peut pas changer, il peut s'améliorer, se réformer mais il faudra lutter avec énergie et croyance contre tous ces rebelles qui veulent foutre en l'air "nos démocraties"!

Est-ce cette logique qui explique que si cette année on a vu en France de vraies révoltes, l'une a récolté la répression et un certain mépris politique, l'autre, menée par des millions de manifestant-es qui ont fait reculer le gouvernement d'un tout petit pas, a été encensée par l'opposition politique de tous bords? Des banlieues aux universités la marge est encore grande et le débat mérite d'être posé, ce que propose le dossier dans ce numéro.

De toutes les façons il faudra détruire ce vieux monde avec sa modernité citoyenne, le changer est un impératif qui ne s'accorde pas avec les réformes, ni les consensus de toute sorte, la torpeur de l'été ne peut endormir notre volonté d'en finir avec cette société de classes.


NOUS SOMMES TOUS ET TOUTES DES DELINQUANT/E/S

L’insécurité est le principal hochet avec l’immigration des prétendants au trône en 2007. Depuis plus de deux ans, L’Etat français par les élucubrations de son sinistre de l’Intérieur nous promettait une loi sur la “ prévention de la délinquance ”. On en connaissait les grandes lignes qui ont très peu changé entre la première version de l’automne 2003 et la dernière datée du 25 mai 2006.

Cet avant-projet a donc été présenté au conseil des ministres le 28 juin. Il sera discuté à l’Assemblée Nationale en septembre et sera l’une des pièces maîtresses du candidat Sarkozy aux élections de 2007.
Dans sa forme actuelle, il comporte cinquante articles pour une quarantaine de pages. Il modifie certains articles du code général des collectivités territoriales, du code de procédure pénale, du code de l’action sociale et des familles, du code de la sécurité sociale, du code de l’éducation, du code de la santé publique, du code de l’urbanisme, du code de la route, du code pénal et enfin de l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante ! Cela a donc impliqué la création d’un comité interministériel dont le secrétaire général nommé par décret (actuellement c’est le Préfet Halgesteen qui assume cette fonction) est placé auprès du ministère de l’intérieur.

Nous n’allons pas ici vous donner en détail le contenu de cet avant projet, d’autant plus qu’il devrait connaître encore des modifications de forme car il semble bien que le pouvoir marche sur des œufs et a intérêt à bien choisir ses mots afin de limiter la fronde y compris dans son propre camp comme nous le verrons plus loin. Néanmoins les grandes lignes de cet avant-projet n’ont pas changé depuis qu’il est en chantier, c’est à dire depuis plus de deux ans.

Le Maire fouettard
Le maire devient le coordonnateur et l’animateur de la prévention de la délinquance dans sa commune. Si ce n’est pas déjà fait, il doit présider le conseil local de prévention de la délinquance qui devient obligatoire pour les villes de plus de 10 000 habitants. Rappelons qu’il s’agit de tables rondes où se retrouvent régulièrement la police nationale ou la gendarmerie, la police municipale si elle existe, les associations d’éducateurs, les bailleurs sociaux, la société de transports de la ville, l’éducation nationale, l’autorité judiciaire, …et des
élus (maire, adjoints et conseillers généraux).
Le maire doit être informé de toute intervention d’un professionnel de l’action sociale au profit d’une personne ou d’une famille présentant des difficultés sociales. Si plusieurs travailleurs sociaux interviennent, sur un même “ cas ”, le maire devra en collaboration avec le président du Conseil Général désigner un travailleur social pivot assurant la coordination des actions.
Tout ce monde, acteurs sociaux, professionnels de santé et élus seront “ autorisés à partager les informations et documents nécessaires à la continuité ou à l’efficacité de la veille éducative ou de l’action sanitaire et sociale ”… mais le maire ne devrait recevoir du travailleur social-pivot que “ les informations qui sont nécessaires à l’exercice des compétences qui lui sont dévolues par la loi dans le domaine sanitaire et social et de la veille éducative”. Ainsi sera, paraît-il, préservé “ le secret professionnel ” !
Pour les communes de plus de 10 000 habitants, le maire pilotera un “ conseil des droits et devoirs des familles ”. Ce conseil sera chargé d’entendre les familles en difficulté, de leur adresser des recommandations, de leur proposer des mesures d’accompagnement parental (qui existent déjà) et le cas échéant de passer au stade supérieur en saisissant le président du conseil général en vue de la conclusion du “ contrat de responsabilité parentale ” inclus déjà dans la loi dite “ pour l’égalité des chances ”. Le maire aura le pouvoir de proposer au juge des enfants, conjointement avec la caisse d’allocations familiales la tutelle aux prestations sociales. Cette tutelle sera alors exercée par le travailleur social pivot.
Le maire pourra aussi organiser le “ rappel à l’ordre adressé au mineur ” pour des faits non pénalement punissables, en présence de ses parents. De plus, les autorités académiques lui adresseront régulièrement la liste des élèves de sa commune qui auront fait l’objet d’un avertissement pour défaut d’assiduité scolaire. Il pourra constituer un fichier municipal “ alimenté par les données à caractère personnel relatives aux enfants en âge scolaire domiciliés dans sa commune, qui lui sont transmises par les organismes chargés du versement des prestations familiales ainsi que par le recteur ou l’inspecteur d’Académie ”.
Les maires et à Paris, les commissaires de police, pourront prononcer “ par arrêté, au vu d’un certificat médical ou, en cas d’urgence, d’un avis médical, l’hospitalisation des personnes dont les troubles mentaux nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteintes de façon grave à l’ordre public ”. Dans ce cas, le maire aura 24 heures pour en référer au Préfet.

Le maire deviendra donc le supérieur hiérarchique des travailleurs sociaux, le destinataire d’importantes informations sociales et de santé de ses administrés. Il sera même informé dans les 24 heures de toute sortie d’essai d’un hôpital psychiatrique d’un malade résidant habituellement dans sa commune. De fait, il sera doté de pouvoir de sanctions civiles et financières.

Si vous habitez “ à la campagne ”, vous ne serez pas oublié car en plus du maire les gardes champêtres se voient dotés de pouvoirs plus importants. Ils pourront ainsi dresser des P.V. et dépister l’alcoolémie et les stupéfiants des automobilistes.

“ L’intégration républicaine ”
“ Il est créé un service volontaire citoyen de la police nationale dont la mission s’inscrit dans le renforcement du lien entre la nation et la police nationale ”. Il sera constitué de volontaires agréés (plus de 17 ans, français ou européen, ne figurant pas sur les fichiers de la police et de la gendarmerie) qui se verront “ confier des missions de solidarité, de médiation sociale et de sensibilisation au respect de la loi, à l’exclusion de toutes prérogatives de puissance publique ” ” (ouf ! ils ne seront pas armés…tout de suite !). D’un côté ça pue la création d’une jeunesse milicienne, d’un autre ça étend à la police nationale ce qui existe déjà pour l’armée et qui a toujours été défendu, promulgué par la gauche.
Lorsque ce citoyen-volontaire aura eu sa candidature retenue, il souscrira un engagement d’une durée d’un à cinq ans renouvelable, “ qui lui confère la qualité de collaborateur (que ce mot est bien choisi …) occasionnel du service public ”. En fait, il s’agit de l’extension à la police nationale des réservistes de l’armée.
Quant aux bons citoyens qui feront un service civil volontaire prévu par la loi pour “ l’égalité des chances ”, la durée de leur “ service ” sera prise en compte dans “ le calcul des limites d’âge et des anciennetés prévues pour l’accès aux concours des fonctions publiques ”. Ils pourront même en faire état pour la Validation des Acquis de l’Expérience (loi du 2 janvier 2002).

Tolérance zéro
Comme le dit “ l’exposé des motifs ” de cet avant-projet de loi : “ Aucune infraction dont l’auteur est identifié ne doit rester sans réponse, en particulier toutes celles qui peuvent apparaître vénielles au regard de leur faible impact sur l’ordre public ou des dommages négligeables qu’elles génèrent et dont la banalisation tend à délégitimer la moindre sanction ”.
La tolérance zéro sera donc appliquée, mais ce n’est pas nouveau car les tribunaux pour enfants sont déjà engorgés par des “ affaires ” bénignes. C’est ainsi, par exemple, qu’un mineur est passé devant le juge pour enfants de Reims l’été dernier pour avoir volé un paquet de bonbons. A noter, que son matériel génétique avait été préalablement prélevé (ce qui est systématique au point de gréver sérieusement les budgets alloués aux enquêtes criminelles !).
Sept articles de l’ordonnance de 1945 relative à l’enfance délinquante sont modifiés. Les mineurs sont “ découpés ” en 3 tranches d’âge : Les moins de 13 ans, les moins de 16 ans et les 16-18. Remarquons déjà que toutes les mesures possibles pour les moins de 16 ans sont applicables pour tous les mineurs de moins de 13 ans. Normalement, les moins de 13 ans ne risqueront pas encore l’enfermement, mais est instauré le placement sous contrôle judiciaire des mineurs de moins de 16 ans, “ dés lors que la peine d’emprisonnement encourue est supérieure ou égale à 7 ans ”, mesure applicable pour tous les primo délinquants. Si ce contrôle n’est pas respecté, le mineur a de gros risques de se retrouver dans un centre fermé. Sans entrer dans le détail, la panoplie de la répression des mineurs s’est encore élargie : cela va, pour les plus jeunes de “ l’avertissement solennel ”, du “ stage de formation civique ” aux mesures de placement en internat dans une institution ou un établissement public ou privé d’éducation ou de formation professionnelle, aux mesures d’activités de jour, … Cette nouvelle “ mesure d’activités de jour consiste en la mise en œuvre pour le mineur d’activités d‘insertion professionnelle ou scolaire au sein du service auquel il est confié ”. Mais, cela existe déjà sous un autre vocabulaire : activités d’insertion professionnelle, encore un effet d’annonce.
Par contre “ La présentation immédiate devant le juge pour enfants aux fins de jugement ”(1) semble être un ersatz de la procédure de comparution immédiate pour les majeurs. A noter que Perben, en 2002, voulait instaurer une sorte de comparution immédiate pour les mineurs mais il avait été rappelé à l’ordre par le Conseil constitutionnel.

Quelques extensions ou confirmations de l’existant répressif
Cet avant-projet contient d’autres mesures telles que :
- “ La sanction-réparation ” qui consiste à l’indemnisation du préjudice de la victime qui peut-être exécutée en nature avec l’accord de la victime et du prévenu. A noter que cette mesure existe déjà.
- L’augmentation de la répression concernant l’usage de produits stupéfiants et l’alcool pour des personnes dont l’emploi consiste à transporter du public. Attention, si l’alcool consommé ponctuellement disparaît relativement rapidement des analyses dans le dépistage, il n’en est pas de même pour l’usage de cannabis (par exemple).
- Les médecins auront l’obligation à révéler les cas de maltraitance liés à des violences au sein du couple sans avoir l’assentiment de la victime.
- Constitution d’un fichier national dépendant du ministère de la santé concernant les personnes hospitalisées d’office et consultable par les autorités judiciaires et le préfet qui est une extension des fichiers “ HOPSY ”, départementaux, en vigueur depuis 1994.
- Elargissement des structures susceptibles de proposer un T.I.G. (Travail d'Intérêt Général) : entreprises de transport public, logeurs sociaux, ….

Les résistances à ce projet
Une première mobilisation locale avait vu le jour à l’automne 2003 à partir d’une tentative de protocole entre un service associatif de prévention de Chambéry qui obligeait les travailleurs sociaux à fournir leurs informations aux services de police sur “ des jeunes repérés en risque de délinquance ”.
Dès lors un mouvement de contestation de cette pratique s’est développé, d’autant plus que les grandes lignes de l’avant-projet de loi sur la prévention de la délinquance commençaient à être connues. Un collectif national unitaire de résistance à la délation s’est alors constitué (2).
Ce mouvement d’opposition a donné lieu à deux manifestations nationales en janvier et mars 2004. Puis la divulgation des “ fiches de Vitry-le-François ”, répertoriant nominativement toute personne de cette ville ayant eu affaire à quelque organisme social que ce soit, a donné lieu à une troisième mobilisation d’ampleur nationale (juin 2004). Ce fut ensuite l’attente de cet avant-projet de loi qui n’en finissait pas d’être reporté. Néanmoins d’autres manifestations nationales ont eu lieu (janvier 2005, avril 2006). Actuellement, de nouvelles initiatives de mobilisation fleurissent ici ou là mais cela ne déborde pas, malheureusement, le cadre professionnel des travailleurs sociaux.

Des réticences chez les maires
Il n’y a pas que les travailleurs sociaux qui sont inquiets quant à leur pratique professionnelle et leurs relations, déjà difficiles, avec les usagers. En effet, les maires organisés dans le Forum français pour la sécurité urbaine qui fédèrent plus de 120 villes au niveau français et 300 en Europe sur les questions de sécurité et de prévention de la délinquance ne veulent pas d’un pouvoir de sanction, ni participer à la mise sous tutelle des allocations familiales. Evidemment, localement cela peut mettre en danger leurs pratiques clientélistes. Mais il n’y a pas que cela car de part ses fonctions déjà existantes qui lui donnent le statut d’Officier de Police Judiciaire, le maire de certaines villes est déjà vécu comme étant le supérieur hiérarchique de la gendarmerie et de la police nationale intervenant dans sa commune. Il faut dire qu’il est déjà le chef de la police municipale lorsqu’elle existe. Alors ce projet de loi leur fait craindre des réactions des administrés réprimés. Faudra-t-il qu’ils soient eux-mêmes, leur famille, leur résidence, protégés en permanence par la police comme le maire de Montfermeil après la promulgation de son arrêté interdisant aux jeunes de circuler à plus de 3 dans le centre ville ? D’un autre côté, les maires risquent d’être encore plus sollicités qu’actuellement pour des affaires courantes de voisinage. Et en cas de non-suivi de “ main courante ” ou dépôt de plainte, certains maires redoutent que leurs administrés ne leur demandent un peu trop souvent des comptes.

Une loi parmi d’autres !
Cette loi devrait multiplier les fichages, les pouvoirs de la police (perquisition et dépistage dans les lieux à usage professionnel de transport public, possibilité d’infiltrations, de provocations aux délits, d’acquisition de stupéfiants c’est à dire légalisation, sous contrôle du procureur, de méthodes troubles de la police), les contrôles des personnes suspectées de déviance. En complément aux sanctions, cette loi imposera des stages de rééducation (stages de responsabilité parentale, stage de sensibilisation aux dangers liés à l’usage des stupéfiants, stages de formation civique) qui sont déjà en place actuellement dans certaines villes, bien que de façon assez inorganisée : pas de financements prévus, par exemple, ni maîtres d’œuvre désignés… . A quand les camps de rééducation républicaine ?
Le fil conducteur de cette loi est la stigmatisation des populations en difficultés comme potentiellement délinquante.
Un jeune qui sèche les cours sera considéré comme un délinquant potentiel qu’il faut prévenir, contrôler, ficher, encadrer et remettre de force dans le droit chemin. Si on ajoute à cela, le recours à la technologie, la circulation d’informations nominatives qui était jusqu’à maintenant encadrée (au moins juridiquement) par le secret professionnel, le pouvoir des petits notables élus, on en arrive à une société où les espaces de liberté, de contestation de l’ordre capitaliste et de l’ordre républicain, de vie ou de survie en dehors des clous n’existent quasiment plus et cela dès la naissance. A noter que les mesures évoquées dans le rapport de l’INSERM concernant le dépistage précoce des troubles du comportement des jeunes enfants ont été retirées de ce projet car elles devront être insérées dans le futur projet de loi concernant la protection de l’enfance.
Ce projet de loi vise naturellement les jeunes de banlieues. C’est ainsi que l’exposé des motifs de ce projet commence par un rappel des “ violences graves qui ont touché la France en novembre dernier ”.
Mais cette loi ne marque pas le passage à l’Etat totalitaire, n’en déplaise à ceux et à celles qui tenteront dans quelques mois de nous faire voter à gauche contre Sarkozy (ce qui ne les empêchera pas dans un éventuel 2ème tour droite/extrême-droite d’appeler à voter Sarkozy pour faire barrage à Le Pen…). On peut faire aisément l’analyse qu’on est déjà entré progressivement dans une forme de totalitarisme depuis longtemps lorsqu’on considère l’évolution du droit pénal depuis une vingtaine d’années. Cette loi sera de la même veine que les précédentes : loi de sécurité quotidienne du gouvernement Jospin, loi sur la sécurité intérieure de Sarkozy, les lois Perben I et II, la loi sur la récidive, la loi sur l’égalité des chances … Toute la classe politique de droite comme de gauche n’a plus d’autres moyens de gérer les affaires : quelques carottes et beaucoup de bâtons. N’ayons pas la mémoire courte. En octobre 1997, le P.S. organise un colloque à Villepinte dans la région parisienne. Un glissement tout à fait logique a lieu : les causes sociales ne sont plus l’essentiel pour expliquer la petite délinquance, ces causes deviennent d’ailleurs “ des excuses sociologiques ” ; la responsabilité individuelle devient le principal facteur des petits troubles quotidiens à l’ordre public qui prennent le nom d’incivilités. Cette gauche va donc officiellement adopter ce type de raisonnement qui est l’un des fondements de l’idéologie libérale.
Ce qui est choquant avec ce retour de la droite au pouvoir en 2002, c’est le rythme de ce que nos dirigeants appellent des “ réformes ” et aussi le style populiste de ce ministre de l’intérieur spécialiste des effets d’annonce. Mais il n’y a pas de changement de nature de gestion du système capitaliste. La classe politique n’est plus en mesure de faire rêver la masse grandissante des exclus dans un quelconque projet de société. Que la gauche revienne aux affaires et tout ce panel de lois répressives ne sera pas abrogé pour autant, à moins qu’un mouvement social d’envergure l’y oblige. Pour ceux et celles qui en douteraient encore, il suffit de se souvenir de l’arrivée de la gauche plurielle au pouvoir en 1997 qui s’est bien gardé d’abroger les mesures prises par Pasqua.
De très mauvaises langues pensent qu’avec un gouvernement de droite on n’a plus de chance de se retrouver des millions dans la rue … mais ce sont des mauvaises langues qui observent et vivent les mouvements sociaux depuis 1981 !

Denis, Reims le 22/6/6

Notes
(1) Cette citation, comme toutes les précédentes sont extraites de la version du 25 mai de cet avant-projet de loi ou de l’exposé des motifs du 16 mai.
(2) Dans ce collectif on retrouve : La CGT, FSU, SUD, CNT, Syndicat de la Magistrature, Syndicat des Avocats de France, AC !, Union syndicale de la psychiatrie, coordination des étudiants en travail social, collectif pour les droits des citoyens face à l’informatisation de l’action sociale, LDH,…

Encart
L’ordonnance de 1945
La loi de référence pour les mineurs est l’ordonnance de 1945 qui fait prévaloir, dans son esprit, l’éducatif et la prévention sur le répressif. Sarkozy aime marteler qu’“ un mineur de 1945 n’a plus rien à voir avec un mineur de 2006 ”. Il feint d’ignorer que l’ordonnance actuellement en vigueur a été modifiée 21 fois en 60 ans !



"BGV et Autoroute Maritime":l'idéologie techno-marchande a encore frappé !

Pour l'Union Européenne, premier exportateur mondial, la circulation de la marchandise ne souffre pas les temps morts. Ainsi, l'annonce faite il y a peu d'un projet d'"Autoroute de la Mer", résonne déjà comme une prochaine étape dans la course au "toujours plus et plus vite".
Un accord liant différents ports européens signé à la C.C.I de Boulogne sur mer, prévoit la création de lignes maritimes à "Grande Vitesse". Des fruits et légumes en provenance d'Espagne y seront acheminés vers l'Europe du Nord, quand en retour, des tonnes de poissons nordiques prendront le chemin inverse. Discrètement saluées par quelques écologistes (1) comme une alternative au transport routier, ces nouvelles voies rapides n'en seront qu'une extension aux effets bien connus : vitesse, frénésie technique, spécialisation des espaces et des productions, préjudices naturels et enjeux géostratégiques.



Le projet voit le jour en juin 2003, à la demande de la Commission Européenne. Le groupe 'Van Miert' (2), en charge du Réseau Trans-européen de Transport (RTE-T), soumet au rapport un point qualifié de prioritaire qu'il baptise ''Autoroute de la mer'. Son intention est de répondre à l'exigence d'une circulation toujours plus flexible de la marchandise qui, selon ses estimations, progresserait pour l'ensemble de l'Union de 70% d'ici à 2020. Van Miert envisage en conséquence un transfert massif du fret de la route à la mer, afin de désengorger les grands axes routiers. Ces lignes maritimes s'étendraient le long de quatre corridors ceinturant le littoral du Nord au Sud de l'U.E (3), pour ensuite rejoindre la Mer Noire et, potentiellement, le canal de Suez. A une condition toutefois, poursuivre la restructuration des modes de transport permettant à terme, la mise en réseau de chacun d'entre eux. L'enjeu est de taille car, l' 'intermodalité' aspire à tisser une toile permettant aux marchands européens de réduire les ruptures de charge, et donc les coûts.

Une fois le dossier bouclé, il ne restait qu'à le vendre. Quoi de mieux pour ce faire, que d'en appeler au 'Progrès' incarné dans un 'concept Innovant', fruit des recherches en matière d'aménagement portuaire et de navigation. Comme il date un peu, et ne pouvait se prévaloir du label 'Développement durable', il sera simplement 'Écologique'(4). De fait, le groupe Van Miert use d'une langue commune aux cénacles d'experts-décideurs', interchangeable quelqu'en soit l'objet et le lieu. Et s'il fallait encore s'en convaincre, lorsque le président de 'Réseau Ferré de France'(RFF), ou le 'Comité pour la Liaison Lyon-Turin' évoquent le T.G.V. transalpin, l'écho répond sur le littoral : 'L'objectif est d'atteindre 40 millions de tonnes par an, alors que les trains n'en transportent que 9 millions aujourd'hui par le tunnel du Mont-Cenis... L'ambition est de s'unir pour promouvoir la liaison dans une logique industrielle au service de l'Economie, de l'Environnement et de l'Europe'.

Réforme portuaire à l'horizon

Au demeurant, ce dossier risque de relancer la 'réforme des ports'. Les patrons et l'Etat sont catégoriques sur la question : les hydrocarbures et les matières premières tiennent une place prépondérante, mais le fret demeure l'activité à plus forte valeur ajoutée. Pour devenir compétitifs, les ports français n'augmenteront le volume du trafic de conteneurs, qu'à la condition de parer aux conflits sociaux. Certes, la grande mobilisation des dockers cet hiver à Strasbourg a, pour un temps, calmé les ardeurs patronales mais cela ne saurait durer. D'autant que du côté du 'Ministère de l'Equipement', le retard pris dans le développement de zones logistiques indispensables pour jouer la concurrence, se justifie d'abord par l'insuffisance de la réforme portuaire de 1992...et le poids prépondérant des syndicats d'ouvriers dockers dans la gestion de la place portuaire' et de renchérir : ' La culture marchande des ports français est insuffisante. Les ports français, et en particulier Marseille, sont encore handicapés par des conflits sociaux'(5). A contrario, le Bénélux fait figure de modèle avec sa culture 'traditionnellement marchande, aux coûts de manutention moins élevés, et à la main d'oeuvre réputée plus efficiente'. La messe est dite ! Enfin, pour ainsi dire car, l'efficacité exigée suppose la spécialisation d'un certain nombre de ports et la relégation des places moins stratégiques ou qui ne pourront se doter des moyens et services adaptés. Pour elles, c'est l'annonce de la disparition du secteur fret.

Chronophobie du capitalisme.

Maintenant, observons ce qui fonctionne afin de comprendre ce que l'on nous prédit à l'avenir. A ce jour, on achemine par mer des conteneurs ainsi que des semi-remorques chargés de fret, à bord de bateaux appelés 'rouliers'(6). Le 'roulier' offre l'avantage d'embarquer des contenants sans qu'il soit nécessaire de manipuler la marchandise. Les cadences de chargement/ déchargement sont rapides et rendent ce mode de transport relativement économique. Insuffisamment semble-t-il, car, bien qu' adapté à l'intermodalité, le roulier est jugé trop lent. Il hypothèque un projet pour lequel le temps et la vitesse détermineront ou non, sa mise en oeuvre. Le 'Mer-Routage'- de l'autre nom donné à ce projet, ne verra le jour qu'à la condition de concentrer des flux de trafics sur mer, à partir d'un outil combiné : le 'Bateau à Grande Vitesse'. Le BGV illustre à son niveau, le rapport que le capital entretient avec le temps, son appropriation et sa soumission à la loi de la valeur.

Plus qu'hier encore, la prolifération d'outils qui concourent tous à 'réduire/détruire le temps à travers l'espace' rendent l'économie du temps plus vorace. Le temps de circulation est par définition un temps mort pour le capital : un temps qui non seulement ne lui rapporte rien mais lui coûte. Les frais de circulation engagés viennent en déduction des profits, raison pour la quelle, il recherche constamment à les réduire dans une course perdue d'avance. Ceci dit, si le capital ne peut supprimer le temps, il le modifie en profondeur et en permanence avec les conséquences que l'on sait dans les secteurs de la production, des transports ainsi que dans la plupart des champs de la vie sociale. A. Birh évoque dans un texte récent (7), le caractère 'chronophobe' du capitalisme dans le sens où, il ampute notre rapport au temps de la dimension d'avenir justement nécessaire à la réflexion et à l'élaboration de possibles. Reprendre la critique de son appropriation par le capital, de l'instantanéité qu'il poursuit car indispensable à sa reproduction, semble en cela intéressant et nécessaire. Et puis, ouvrons la parenthèse - l'opportunité s'offre peut-être d'entamer la discussion avec d'autres considérant pour leur part cette question sous le jour des : '... goûts (qui) tendent à remplacer la critique : pour la vitesse ou contre la vitesse, pour les T.G.V. ou pour les automobiles et les camions, pour le nucléaire ou pour le charbon, etc.',

La vague technologique.

Reste que, aujourd'hui, le fameux 'B.G.V' n'existe que sur le principe. Les énormes catamarans transportant sur la Méditerranée des passagers à grande vitesse sont, à n'en pas douter, les navires les moins éloignés du concept. Hors les eaux européennes, le "Jetfoil", propulsé par deux réacteurs de Boeing, effectue des traversés Hong Kong-Macau à une vitesse de 40 noeuds, mais arrêtons là les comparaisons car, transporter des passagers est une chose, acheminer du fret en est une autre...Voilà sans doute la raison pour laquelle, nous ne serons pas surpris d'apprendre que c'est du côté de projets militaires en cours, dans le cas présent destinés au transport logistique, que la solution a été recherchée. Soulignons au passage que, dans leur version militaire, certains d'entre eux sont destinés à la surveillance et l'interception de l_immigration (8). Le constructeur "BGV-International"(9) travaille ainsi à la réalisation de versions adaptées au transport de marchandises, pour livraison desquelles un accord a été trouvé entre, un armateur et la Chambre de Commerce de Boulogne sur mer.

Voilà sans doute la raison pour laquelle, nous ne serons pas surpris d'apprendre que c'est du côté de projets militaires en cours, dans le cas présent destinés au transport logistique, que la solution a été recherchée (8). Le constructeur 'BGV-International'(9) travaille ainsi à la réalisation de versions adaptées au transport de marchandises, pour livraison desquelles un accord a été trouvé entre, un armateur et la Chambre de Commerce de Boulogne sur mer.

Il faut alors imaginer des cargos capables d'embarquer 150 remorques traçant à 35 noeuds soit 70 KM/h, contre 15 à 20 noeuds actuellement. De son côté, un consortium d'entreprises en lien avec la Commission Européenne, étudierait un projet comparable baptisé 'Seabus-HYDAER'. Ce navire pourrait atteindre la vitesse de pointe d'environ 120 noeuds(220 km/h), soit près de 3 fois celle des ferries actuellement en service (10). Naturellement, la communication entretenue autour de ces projets élude les effets de la vitesse sur le milieu marin. Les navires rapides sont pourtant à l'origine de nombreux accidents, les vagues qu'ils produisent sont différentes de celles générées par les navires conventionnels ou même de celles dues au mauvais temps. 'Elles se rapprochent d'une houle imprévisible que l'on ne voit pas de la surface et qui arrive en se brisant à grande vitesse sur les côtes."(11) Particulièrement dangereuses dans les zones de changement d'allure, elles ont provoqué des échouages, des chavirements et envoyé des hommes à la mer. D'autres incidents ont eu lieu cette fois sur les plages : 'On ne voit pas venir ces vagues qui se développent soudainement entraînant une forte aspiration d'eau vers le large avant de se casser successivement sur la côte. Ce phénomène très surprenant, est fréquent pendant les mois d'été, lors des périodes de vent et de mer calmes'(12).

Pêche et l'agriculture intensive.

Au final, la question demeure : qu'est ce qui motive la mise en chantier d'un tel projet ? On le sait, la circulation de la marchandise, en l'occurrence les fruits et légumes en provenance d'Espagne et le poisson de Norvège, tous deux exploités de façon intensive. A l'autre bout de la chaîne, on retrouve le marché anglais et l'appel d'air qu'il produit depuis plusieurs années. Il absorbe par an et à lui seul 60 000 trajets depuis l'Espagne, auxquels il faudra bientôt associer un trafic irlandais en très forte progression ; sans oublier le marché Rrusse, qui progressivement s'alimente lui aussi en Espagne. On comprend alors l'opportunité pour les patrons européens de rejoindre en 20 heures au lieu de 3 jours par la route, un échangeur (13) situé à quelques kilomètres du Tunnel sous la Manche... Et de faire d'une pierre deux coups, puisque le port de Boulogne sur mer (14) spécialisé dans le conditionnement du poisson à l'échelle de l'U.E sera assurée de ses 100 000 tonnes de poisson livrées dans l'année. Le capital poursuit donc sa logique de spécialisation des espaces et des productions. Les fruits et légumes d'Espagne, produits dans des conditions d'exploitations terribles pour le milieu naturel et les hommes, sont acheminés pareillement à leur élaboration. On casse la vague comme la terre et la vie des sans-papiers exploités des serres d'Alméria et de Huelva. La même logique prédatrice vide les mers des principales espèces halieutiques, intoxique et pollue consommateurs et zones côtières par un élevage industriel qui va croissant.

Un projet à combattre.

Il y a une quinzaine d'années, les patrons et l'Etat annonçaient le passage de l'autoroute A16 sur le littoral Nord, comme le moyen de 'désenclaver' une zone en perdition sociale. Depuis la misère frappe toujours, plus encore et plus durement qu'à l'époque. Cette fois, il ne sera pas aisé de vendre le bébé à une population qui n'attend plus grand chose des caprices et de l'idéologie techno-marchande du capital. Le BGV ne représente pas une alternative au routier et à son engorgement, il en est le prolongement et préfigure la saturation des axes de la circulation maritime.
La bonne nouvelle, c'est l'occasion qui s'offre de poser politiquement les questions essentielles autour de nos besoins réels : quelle alimentation à partir de quelle agriculture et de quelle pêche ? Ouvrir et élargir depuis le littoral, le débat ainsi que le champ de la critique sur le travail et aux transports serait un premier pas fait en ce sens. A suivre donc...

Xavier

Encadré 1 : Spécialisation des espaces et des cultures : l'exemple espagnol.
La spécialisation des espaces et des productions, fait de l'Espagne le fournisseur de fruits et légumes en titre de l'Union Européenne qui reçoit 80 % de ses exportations. Elle consacre 54 % de son sol à l'activité agricole et se place au 4° rang des producteur mondial d'agrumes. Rappelons qu' une grande partie des cultures se fait sous serres, concentrées le long du littoral, sur sol artificiel composé de sable et de fumier. La chaleur permet de produire fruits et légumes tout au long de l'année au prix d'une consommation considérable de fertilisants et pesticides : 6 millions de tonnes par an. L'Espagne est à ce titre un client privilégié des chimistes européens. Ajoutons que, depuis sept ans, cet Etat cultive sur 25 000 hectares du maïs transgénique à des fins commerciales et se retrouve confronté à une contamination majeure des espaces de culture plus traditionnels et de ceux dits biologiques.
Sur les conditions d'exploitation de la main-d'oeuvre sans papiers dans l'agriculture espagnole, nous vous conseillons la lecture de 'La galère de l'or rouge' de Sissel Brodal in 'Politiques migratoires : grandes et petites manoe_uvres' aux éditions Carobella ex-Natura.

Encadré 2 : A terme un couloir vers le pétrole russe.

Lorsque l'on s'attarde un peu sur la prose des 'experts' européens, on comprend qu'ils nourrissent des projets plus sensibles que celui du transport de légumes. Derrière de nouvelles routes maritimes rapides, se profile un possible approvisionnement pétrolier en Sibérie d'où est extrait 25 % de la production mondiale. Actuellement l'approvisionnement se fait par un système d'oléoducs qui traverse le permafrost de Russie dans des conditions très difficiles. Le projet ARCDEV étudie donc :' la fiabilité et la rentabilité d'un couloir maritime reliant les régions arctiques de Russie au marché européen occidental, permettant ainsi à la zone de l'Ob de devenir durant toute l'année une source énergétique stratégique pour l'Europe ;
Le pétrolier finlandais M/T Uikku testera les nouvelles technologies mises au point pour transporter des produits pétroliers liquides à -30 ºC". D
Des industriels et instituts de recherche européens et russes, parmi lesquels d'importantes compagnies pétrolières et des industries de construction et de fourniture navales, plancheraient aujourd'hui sur le projet.


Notes :

(1) : 'La première autoroute de la mer ainsi crée, serait une alternative à la route : une bonne chose du côté environnemental...' in : 'Le BGV pourrait faire des vagues ' : http://verts-boulonnais.ouvaton.org.
Que l'on se rappelle la propagande qui accompagna la mise en service des premières lignes de T.G.V : ' Le T.G.V : Un transport collectif très écologique, moins dévoreur d'énergies...'

(2) :Socialiste flamand, karel Van Miert présidait à cette date le groupe de l'Union Européenne de haut niveau sur les Réseaux de Transport Transeuropéens'. Aujourd'hui, Mr Van miert est membre du conseil d'administration du groupe Vivendi Universal pour le compte duquel il dirige : Agfa-Gevaert NV , Mortsel / Anglo American plc , Londres / De Persgroep , Asse / DHV Holding BV , Amersfoort / Royal Philips Electronics NV , Amsterdam etc.

Site de la direction générale de l'énergie et des transports de la commission européenne :
' http://ec.europa.eu/comm/ten/transport/maps/axes_fr.htm
concernant les autoroutes de la mer : consulter la brochure en version PDF : '
http://ec.europa.eu/comm/transport/intermodality/motorways_sea/doc/2006_motorways_sea_brochure_fr.pdf

(3) : La mer Baltique, l'Europe de l'Ouest: (océan Atlantique - mer du Nord/mer d'Irlande), l'Europe du Sud-Ouest: (mer Méditerranée occidentale), et l'Europe du Sud-Est: (mer Ionienne, Adriatique et Méditerranée orientale).

(4) :D'après la DATAR, le transport maritime international est responsable de 2 % des émissions de CO2 mondiales, contre 17 % pour la route. Sur une liaison européenne, la navigation à courte distance est 2,5 fois moins polluante en terme d'émissions de CO2 que l'option routière.

(5) : 'Les handicaps des ports français' in : http://www.ac-nancy metz.fr/enseign/
TransportsLP/PDF/atouts%20ports%20fran%E7ais.pdf

(6) : Un 'roulier' est un navire utilisé pour transporter entre autres, des véhicules, chargés grâce à une ou plusieurs rampes d'accès. On les dénomme aussi 'Ro-Ro', de l'anglais Roll-On, Roll-Off signifiant littéralement "Roule dedans, roule dehors", pour faire la distinction avec les navires cargo habituels où les produits sont chargés à la verticale par des grues. in http://fr.wikipedia.org/wiki/Roulier

(7) : 'Le capital tend nécessairement à circuler sans temps de circulation' K.Marx in : 'Capitalisme et rapport au temps'. Essai sur la chronophobie du capital. 2004.
http://www.revue-interrogations.org/article.php?article=14

(8) : 'Les formes nouvelles de la production matérielle, soulignait Marx, se développent par la guerre avant de se développer dans la production en temps de paix'. in Karl Korsch : La guerre et la révolution. ed Ab Irato.

(9) : http://www.bgv-france.com/images/Brochure-BGV-Militaire-vf.pdf

(10) : Le projet SEABUS-HYDAER - http://ec.europa.eu/research/rtdinfsup/fr/highway.htm

(11) : 'Les problèmes liés à la vitesse sur les NGV', Mémoire de fin d'études DESMM 1998-1999 par Gregory Le Rouillé Extrait article Infocéan Septembre 1997 dans rapport FASS WP1 23/11/98

(12) : ibid.

(13) : L'échangeur est appelé 'HUB-Port'. C'est une plate-forme de correspondance (en anglais hub, litt. moyeu) adaptée d' un concept développé dans les années 1980 et destiné à remplir les vols des compagnies aériennes. L'effet est renforcé par des décollages par vague.

(14) : Le 29 juin 2005, un accord a été signé à la chambre de commerce et d'industrie de Boulogne sur Mer associant les ports de Vigo et Sheerness aux ports de Boulogne sur Mer, Drammen et Santander pour le lancement du concept de hub-port au départ du port français.

SOS ISLANDE: Appel pour un rassemblement international en Islande contre les barrages

Ce qui est en train de se dérouler en Islande illustre encore une fois le cynisme du capitaliste. Il fallait une belle addition d'esprits particulièrement tordus, de solides appétits financiers et une complicité perverse entre politiciens islandais et industriels américains pour imaginer un projet de "développement" aussi insensé : installer au fin fond du nord de la planète un gigantesque barrage hydroélectrique destiné à alimenter une usine de fabrication d'aluminium, dont le minerai viendra principalement de l'hémisphère sud, et qui sera ensuite de nouveau redistribué vers les consommateurs du sud. Ce qui se passe sur cette île perdue de l'Atlantique Nord est exemplaire à plusieurs titres des ravages et de l'impasse de notre modèle économique. Ce projet concentre ainsi à lui seul plusieurs monstruosités dont est coutumier le capital : sacrifice entier d'une région fragile et sauvage au nom du productivisme ; organisation de la production faisant totalement abstraction des distances, transportant des millions de tonnes de marchandise d'un bout à l'autre de la planète sans se soucier de la pollution engendrée ; importation d'ouvriers immigrés pour être exploités sur le chantier à des salaires et des normes sociales bien plus faibles que la main d'œuvre locale. La construction des barrages révèle enfin comment une des plus vieilles démocraties parlementaires, respectable et consensuelle, tombe le masque et défend avec acharnement les intérêts des plus puissants, en n'hésitant pas à bafouer ses propres principes. Ces thèmes seront développés dans un prochain article qui fera également le bilan des mobilisations qui se dérouleront cet été. En attendant, le texte qui suit est tiré du site internet animé par la poignée de militants islandais mobilisés contre les barrages et l'industrie lourde : www.savingiceland.org
Tonio,
Paris, le 27 juin 2006

Les highlands de l'Islande du nord, où se situe le glacier Vatnajökull, sont la dernière grande région vraiment sauvage en Europe occidentale. Actuellement plusieurs multinationales cherchent à exploiter le potentiel hydro-éléctrique au cœur même de cette zone jusque-là immaculée. Elles travaillent à de grands projets industriels concentrés essentiellement sur la production d'aluminium. Ces entreprises, avec le soutien actif du gouvernement islandais, sont sur le point de provoquer une catastrophe environnementale d’une ampleur sans précédent. Une série de barrages gigantesques sont déjà en pleine construction à Kárahnjukar, dans le nord-est du pays. L’électricité produite est destinée uniquement à un énorme fondeur d'aluminium. Pas un kilowatt de l'électricité produite par les barrages ne sera utilisé pour l’alimentation domestique. La seule soi-disante “raison économique” de ces barrages est donc l’alimentation en électricité d’une usine d’aluminium appartenant à ALCOA (gérant américain de fabrication d'aluminium) qui doit être construite dans le fjord de Reydarfjördur pour être opérationnelle dès 2007.

Quelques-unes des régions qui seront en conséquence inondées par le réservoir creusé par les barrages sont protégées non seulement par la loi islandaise, mais aussi par les lois internationales. Toutes ces régions d'une beauté stupéfiante seront sacrifiées pour le seul profit de quelques entreprises. Parmi ces régions, il faut malheureusement compter Kringilsárrani, au pied du grand glacier (Vatnajökull) : c’est un paysage de mousse fleurie, domaine des rennes et d’espèces d'oiseaux protégées. D'autres sociétés multinationales s'intéressent à l'Islande. Ce qui n´est guère étonnant, étant données les recommandations du ministre de l'Industrie, Madame Valgerdur Sverrisdóttir : "L’Islande," a-t-elle déclaré, "est le meilleur petit secret de l'industrie aluminium mondiale”. Les entreprises d’aluminium sont évidemment candidates à l’exploitation d’une usine alimentée par une énergie bon marché. Plusieurs régions sont menacées par des projets à venir : comme, par exemple, Thjorsarver, entre les deux glaciers Hofsjökull et Vatnajökull. ALCOA projette déjà une seconde usine dans le Nord du pays, et ALCAN et Century ont d’ors et déjà reçu le feu vert pour élargir les installations qu’elles exploitent déjà dans le Sud-Ouest de l’Islande. Century souhaite construire une deuxième usine près de Keflavik, à Helguvik. En plus de tout cela, R&D Carbon Ltd. viennent d’obtenir l’autorisation d’un projet hautement polluant d’usine de pile à combustible à Katanes, dans la région de Hvalfjördur, près de Reykjavik. Les scientifiques ont alerté la population de Reykjavik des conséquences dramatiques de ces décisions : si ces projets sont menés à terme, ils prédisent que la baie de Flaxafloi, où se trouve Reykjavik, la capitale de l’Islande, "est condamnée à devenir rapidement la zone d’Europe du Nord la plus sérieusement polluée." Toutes les entreprises citées ici sont connues pour leurs condamnations diverses et nombreuses, dans le monde entier, pour infractions contre les lois sur l’environnement. Elles se sont rendues coupables de dommages et désastres naturels pour lesquels elles sont toujours poursuivies.
L´importance écologique, botanique, géologique et biologique de ces endroits a été démontrée par des scientifiques du monde entier.

Le peuple islandais n'a jamais été consulté, car ce n’est pas le style du gouvernement habitué à être brusque et arrogant.

Pourtant, une grande partie de la nation ne veut pas sacrifier la beauté et la pureté du pays pour le seul profit des multinationales.

Un sondage réalisé au mois de mars 2005 a montré qu’environ 50% de la population islandaise considère que le projet Kárahnjúkar est une énorme erreur. Ce projet fut décidé par le précédent gouvernement (composé des deux même partis politiques que le gouvernement actuel) nonobstant les recommandations des scientifiques dont les rapports furent ignorés alors qu’ils mettaient en garde contre l’instabilité géologique du lieu : la zone est en effet au-dessus et voisine de plusieurs volcans actifs, et l’activité sismique y est intense. Le gouvernement islandais n’a reculé devant rien pour parvenir à ses fins, s’autorisant même les menaces physiques et le harcèlement professionnel contre ceux qui s’opposaient à sa politique en matière d’énergie : les écologistes islandais, entre autres, livrent donc une bataille qui s’annonce longue et difficile.

La Haute Cour de Justice d’Islande a rendu un arrêt en juin 2005 invalidant le permis de construire de l’usine ALCOA, dans la mesure où cette entreprise n’avait pas procédé à l’évaluation obligatoire des conséquences environnementales de leur projet ; et pourtant, la construction continue comme si rien ne s’était passé. Preuve qu’il y a bel et bien quelque chose de pourri dans la République Aluminiumienne d’Islande ! En hâte, ALCOA a cependant mis au point un document rempli de phrases vides et écrit dans une langue de bois annonçant que "les moyens de contrôle de la pollution les plus modernes seront utilisés…" On contrôlera la pollution, on ne l’empêchera pas ! Nous avons désormais l’habitude de ce type de double langage de la part d’ALCOA et de Landsvirkjun, l’EDF islandaise, qui lui offre le projet. Les gens sont de moins en moins dupes de leurs manœuvres.

La crise bancaire actuelle que traverse l’Islande n’est pas sans rapport avec ce monumental projet.

En effet, le projet, réalisé par Landsvirkjun, l’EDF islandaise, a exigé un prêt énorme que l’Etat islandais s’est engagé à garantir. L’expression "problème Kárahnjúkar" est désormais courante en Islande, car les gens perdent de plus en plus leur emploi dans tout le pays à cause du développement incontrôlé de l’économie de la petite Islande, développement artificiellement gonflé par le projet Kárahnjúkar. De nombreuses entreprises islandaises d’import-export ont fait faillite et d’autres sont contraintes de délocaliser leur activité à cause de la surévaluation artificielle actuelle de la monnaie islandaise. L’inflation est par ailleurs très importante sans que le gouvernement parvienne à la maîtriser, essentiellement à cause de l’emballement croissant de ses projets financièrement incontrôlés d’industrie lourde. La récente crise bancaire fut prédite par de nombreux économistes opposés au projet, parmi lesquels des experts consultés par le précédent gouvernement qui ignora leur mise en garde. La communauté internationale a depuis donné raison aux experts et tort au gouvernement.

Si le gouvernement fit la sourde oreille aux recommandations des experts en économie d’une part, il refusa aussi surtout d’écouter les géologues islandais et américains qui le mirent en garde contre le choix du lieu d’implantation des barrages. Certains rapports furent même falsifiés dans le dos de leurs auteurs afin de manipuler les différentes commissions. Ce que les géologues pointaient, c’était, entre autres dangers, le risque très important que l’énorme masse d’eau du bassin de rétention, par son poids, engendre de nombreuses fissures supplémentaires dans la croûte instable de la zone. La conséquence, c’est que les barrages ne pourront sans doute jamais produire toute l’électricité attendue. L’ironie, c’est que l’un des arguments principaux en faveur des barrages consiste à dire que l’hydroélectricité est une énergie propre. Or, les réservoirs vont engloutir une végétation qui va pourrir et contribuer, dans une large mesure, à l’émission de gaz à effets de serre. Des études récentes ont montré que les usines hydroélectriques produisent une quantité importante de CO2 et de méthane – certaines produisent même plus de gaz à effet de serre que les usines fonctionnant avec l’énergie fossile. Le risque est plus important encore : les réservoirs d’eau risquent de ne pas offrir longtemps de matière première pour produire de l’énergie, car à cause des sédiments charriés par l’eau des rivières glacières, les bassins ne tarderont pas à être plein d’une boue inutile et néfaste dans un barrage. De plus, le niveau sans cesse variable des bassins laissera souvent s’échapper des grandes quantités de limon, provoquant des tempêtes de poussière tandis que le sevrage d’eau d’une partie de la région accélèrera le phénomène de désertification et d’érosion qui condamne à terme une partie de la végétation des régions tout autour. Il va de soi, en outre, qu’en privant le milieu marin du limon apporté normalement par les rivières glacières, on menace à moyen terme les ressources de la pêche islandaise, qui est l’une des industries les plus importantes de l’île.

Les conséquences de ces barrages sont donc sans nombre et toutes désastreuses écologiquement, géologiquement, socialement et économiquement.

Le projet Kárahnjúkar est déjà très en retard. Et les experts s’accordent à reconnaître que 90% des dommages irréversibles pour l’environnement seront provoquées par l’engloutissement sous les eaux de la région au moment de l’immersion. Or, plus la construction des barrages et des tunnels prend de temps, plus nous disposons de temps pour tenter de l’arrêter.
Nos revendications sont les suivantes :
L’arrêt immédiat de la construction des barrages de Kárahnjúkar.
Une enquête sur la manière dont la recherche scientifique a été détournée et sur la manière dont les décisions furent prises de manière autocratique.
Une publication de tous les projets d’industrie lourde en cours afin qu’une consultation de la population soit conduite à propos du patrimoine national

Il faut ici mentionner le sort fait aux ouvriers d’Impregilo, le maître d’œuvre italien du projet Kárahnjúkar : ils travaillent dans des conditions d’hygiène et de danger inadmissibles dans un pays développé. Les syndicats islandais n’ont cessé depuis le début du chantier de dénoncer ces conditions de travail scandaleuses. Or, Impregilo a été autorisé à enfreindre la loi. Rappelons que les ouvriers de ce chantier sont majoritairement étrangers, notamment portugais et chinois, qu’ils ne connaissent donc pas ou peu leurs droits, la langue et les règles de sécurité du pays. En faisant venir ces ouvriers de l’étranger, le gouvernement accepte que soit remis en cause les conventions sociales qui assurent la paix sociale dans ce pays depuis son indépendance. L’argument principal en faveur de la construction de l’usine d’aluminium était de créer des emplois dans l’Est du pays afin d’endiguer l’exode massif de l’Est vers Reykjavik. Or, 80% des employés y sont et y seront étrangers : plutôt que de développer l’emploi dans l’est, le gouvernement encourage une immigration incontrôlée et mal accueillie qui sème les germes d’un racisme et d’une xénophobie à venir. L’exode continue et l’Est se peuple d’étrangers exploités.

Les Islandais sont prêts à livrer bataille pour de nombreuses années, mais un soutien international, une pression de l’étranger sont d’une importance capitale dans un tel combat. ALCOA a payé pour siéger au comité américain du World Wide Fund for Nature. Cela explique en partie la faiblesse de l’écho rencontré par notre cause. La menace qui pèse sur la nature islandaise n’est pas une affaire seulement intérieure : la pollution ne connaît pas de frontière. Le patrimoine naturel islandais appartient au patrimoine naturel de l’humanité, c’est donc l’humanité qui doit le défendre lorsqu’il est menacé, surtout lorsqu’il l’est au seul profit d’intérêts privés.

La mobilisation internationale de l’an passé stimula énormément notre combat (voir également CA n°152 ; octobre 2005), c’est pourquoi nous espérons que la participation à la manifestation de juillet 2006 rassemblera encore plus de monde. Le rassemblement contre le projet Kárahnjúkar a réuni l’an passé des sympathisants du monde entier. Ils vinrent de Grande-Bretagne, d’Espagne, d’Autriche, d’Euskal Herria, de Suède, de Belgique, du Canada, d’Italie, de France, d’Allemagne, de Pologne, du Luxembourg et des Etats-Unis. Malheureusement, encore trop peu d’Islandais se joignirent au camp, l’opposition et la manifestation n’étant pas traditionnellement dans la mentalité islandaise. Cette mobilisation internationale fait néanmoins bouger les choses. Grâce à la mobilisation de 2005, le public islandais pu enfin être informé des conséquences réelles du projet Kárahnjúkar sur l’économie, l’environnement et le peuplement du pays : le journal principal, Morgunbladid, est traditionnellement très proche des partis au gouvernement et répugne à donner la parole aux experts en économie opposés au projet et aux scientifiques qui prédisent les conséquences les plus funestes. En réponse à cette prise de conscience, la mairie de Reykjavik qui détient 45% de Landsvirkjun, l’EDF islandaise, a finalement voté en janvier 2006 un décret s’opposant à la poursuite de la destruction de Thjórsárver, dans l’Ouest. Cela contraignit ALCAN à renoncer à exiger de l’électricité en provenance de Thjórsárver et Landsvirkjun à abandonner son projet pour le site Ramsár.

Le rassemblement de 2006 aura lieu dans une zone à proximité de Kárahnjúkar et incarnera la lutte contre l’écocide géant en cours sur l’île. Il est organisé par l’association "Íslandsvinir" (les amis de l’Islande). Le but de ce rassemblement est d’assurer une opposition non-violente à la destruction de la nature islandaise et de ses ressources naturelles, d’informer le public des enjeux de ce plan général de développement de l’île dont nous avons fait état ici. Le rassemblement proposera de nombreux événements artistiques et politiques afin de donner un écho important au combat. Comme en janvier 2006 où les principaux groupes de variété islandaise, dont Sigur Ros et Björk, avaient participé à un concert de soutien au combat à Reykjavik, les groupes islandais les plus célèbres apporteront leur soutien actif et artistique. L’Islande est le dernier endroit d’Europe où il est possible de trouver une nature sauvage, immaculée et magique. Nous devrions la protéger et l’admirer et non la détruire. Nous ne pouvons pas nous permettre de laisser quelques uns détruire ces trésors de manière irréversible pour leurs petits profits.

LE PROJET KÁRAHNJÚKAR DOIT ÊTRE ARRÊTE AU PLUS VITE !!!

ALCOA DOIT ÊTRE EMPÊCHE DE NUIRE !!!

METTONS UN TERME A L’INDUSTRIE LOURDE SUR L’ÎLE !!!



Empêchons le gouvernement islandais et les industriels d’Alcoa de détruire le dernier espace de nature sauvage au profit d’une usine d’aluminium. Le projet de barrage de Kárahnjúkar dans les montagnes islandaises est déjà bien avancé, mais il peut encore être arrêté. Comment pouvez-vous aider ? Joignez-vous à nous sur le site du barrage et rendez visible votre opposition à la catastrophe environnementale qu’il représente. Le rassemblement commence le 21 juillet 2006. Pour tout contact ou pour manifester son soutien : www.savingiceland.org
Si vous avez envie de nous aider vous pouvez :
* assister au camp international aux environs de Kárahnjukar cet été, 2006.
* faire un don pour l'approvisionnement du camp, pour l’équipement/provisions (voire le 'wish list') ou bien par des dons d´argent (ce que vous pouvez faire en ligne)
Adresse électronique: savingiceland@riseup.net





Quelques informations supplémentaires (voir également CA n°152 – octobre 2005 disponible sur ce site)

Le gouvernement actuel en Islande, faisant peu de cas de la préservation de la nature, favorable à l´industrie lourde distribue une énergie électrique à très bas prix afin d’attirer des investisseurs étrangers. Ainsi, l´entreprise nationale d’énergie, Landsvirkjun, fait actuellement construire à Karahnjukar à l´Est de l´île, par son maître d’œuvre Impregilo, une entreprise italienne, un gigantesque barrage, à Karahnjúkar : il aura 193 mètres de haut et le réservoir d´eau de Halsalon couvrira un espace de 57 km2. Ce barrage est destiné exclusivement à l´alimentation d´une immense usine d´aluminium (d´un coût de 1,2 milliard de dollars et produisant 322.000 tonnes d´aluminium par an) que l´entreprise américaine ALCOA est en train de construire dans un des fjords de l´Est. On prévoit d´ailleurs de construire plusieurs autres centrales d’hydroélectricité et plusieurs autres usines d’aluminium : les projets ne manquent donc pas. Il est vrai que les sources d´énergies potentiellement utilisables en Islande sont considérables, mais il faut savoir comment cette capacité est évaluée et à quel prix.
Le domaine des highlands n´est pas entièrement désertique, comme certains veulent nous le faire croire. Dans l´Est justement, où l´on construit la centrale de Karahnjukar, la végétation s´étend du pied du glacier jusqu´à la mer, ce qui est rare en Islande ; de vastes étendues de verdure et de végétation seront inondées avec la construction de la centrale électrique. Et ce qui ne disparaîtra pas sous l´eau sera détruit par l´érosion éolienne. La rivière glaciaire charrie des tonnes et des tonnes de sable très fin et, après la formation du lac nécessaire à la station hydroélectrique, ce sable fin ira s´amasser sur les bords du lac ; le vent l’emportera avec lui et détruira avec de vastes étendues de verdure situées à l’extérieur de la zone. De même, une soixantaine de chutes d´eau et des terrains où se rassemblent des nombreux troupeaux de rennes et où nichent les oies à bec court vont être submergés. Cette région est située sur une ceinture volcanique encore active et témoigne d´une activité géologique unique comportant encore des marques de formation de la terre par la glace et le feu.
Le 1er août 2001, l´Agence nationale de la planification d´Islande qui conseille les autorités en matière de développement urbain, économique et technologique a prononcé son verdict : « les conséquences à moyen et à long terme du barrage sur l´écosystème islandais sont telles que nous désapprouvons le projet de construction. » Or, le rapport est resté lettre morte car le 20 décembre 2001, la ministre de l´Environnement approuvait le début des travaux.
En outre, la fonderie d’aluminium qui devra être mise en marche en 2007 n'a toujours pas reçu de permis de construire. Mais comme le projet est considéré comme acquis par les autorités qui ont réussi à l’imposer ainsi à une partie de l’opinion publique, cette absence de permis de construire n’empêche pas les travaux d´infrastructure d’être déjà largement avancés.
La construction de la centrale hydroélectrique à Karahnjukar est une catastrophe écologique sans précédent dans l'Occident.


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