Courant alternatif no 163 Novembre 2006 | ||||||
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SOMMAIRE | ||||||
Edito p. 3 IMMIGRATION Médecins étrangers, une immigration"choisie" p.4 NUCLEAIRE En sortir avant la catastrophe p.6 POLITIQUE (RAILLERIE) Voter Ségo contre Sarko? Et puis quoi encore!p.7 IMMIGRATION Pas de trie parmi les sans-papiers p.11 Rubrique Big Brother p.12 Suspension de peine de nouveau refusée à Nathalie Menigon p.13 POINT DE VUE La faillite de l'école... et sa nécessité p.14 SANS FRONTIERE Gaza comme laboratoire. La grande Expérimentation. p.16 Irak: Une déclaration de guerre contre les paysans p.18 Saccage de la nature en Islande: Une lutte à dimension universelle p.21 LIVRES p.32 |
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EDITO | ||||||
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ON SE BAT À OAXACA… Au sud du Mexique côté Pacifique, dans la ville et l'Etat d'Oaxaca, un mouvement social, lancé depuis le 15 mai dernier par un rassemblement d'instituteurs contre la vie chère et pour des moyens, s'est transformé le 14 juin face à une répression, sanglante et sournoise, en une mobilisation permanente de toutes les composantes populaires de l'Etat. Ainsi s'est instaurée une Assemblée Populaire du Peuple d'Oaxaca (APPO), qui court-circuite les institutions et demande la destitution du gouverneur. Contre Ulises Ruiz , gouverneur P.R.I. (1), contre la police, les paramilitaires et les notables, l'APPO réussit à administrer de fait les affaires publiques, malgré d'incessantes manœuvres de déstabilisation (2). Si les médias internationaux ont surtout évoqué l'élection présidentielle de l'Etat fédéral mexicain, le 2 juillet, puis les mobilisations populaires dans la capitale Mexico contre les irrégularités d'un scrutin donnant la victoire par 0,6 % des voix au candidat de droite du PAN, ces mêmes médias - le Monde en tête - ont simplement ignoré ou vaguement évoqué un corporatisme enseignant rétrograde et démagogue qui, au moyen d'une grève irresponsable et d'un campement permanent sur la place centrale, le zocallo, mettait en danger l'essor du tourisme de luxe dans la ville d'Oaxaca … Le PRD, la gauche mexicaine et ses intellectuels, mobilisés derrière Obrador pour la course au pouvoir fédéral, ont été à la hauteur de ce que leurs homologues français seraient capables, dans une telle situation (voir p.7 les intentions de S. Royal, probable candidate de la gauche française aux prochaines élections). Le PRD s'était déjà illustré contre le mouvement zapatiste, dans l'État voisin du Chiapas, et avait voté pour la contre-réforme indigène niant les accords de San Andres… La Commune d'Oaxaca a lancé un appel à la population mexicaine pour venir la soutenir contre l'encerclement militaire et policier, ainsi qu'une marche vers Mexico pour obtenir l'audience et le soutien populaires extérieurs. Maintenant la crise se noue : reprise du travail des enseignants après la satisfaction de toutes leurs revendications et un vote disputé (à 60 % pour la reprise) le 26 octobre; division interne à l'APPO entre la « gauche » traditionnelle -partis, syndicats, associations - et la base de la population qui ne veut pas d'un retour à « la normale »; préparatifs militaires du pouvoir fédéral qui refuse toujours la destitution du gouverneur Ruiz ; raids meurtriers de paramilitaires (3)… L'APPO organise son congrés constituant les 10, 11,12 novembre avec des commissions thématiques préparatoires pour un nouveau contrat social… Comment le pouvoir fédéral, qui va introniser le nouveau président le 30 novembre, peut-il tolérer une telle divagation d'une partie de son territoire, à 500 kms de la capitale, avec un siège gouvernemental et des commissariats vides, des institutions squattées par des commissions populaires.. ? Pour amener le peuple à la raison, il faut plus qu'un simple encerclement ( voir La grande expérience p.14 sur les Palestiniens de Gaza). Tout comme la Commune coréenne de Kwangju (Courant Alternatif 162 d'octobre dernier) en 1980, la Commune d'Oaxaca est inconciliable avec l'Etat central qui a d'autres projets pour le sud du Mexique. Et pas des moindres ! Le plan Puebla Panama pour l'isthme de Tehuantepec - alternative au canal de Panama, saturé, par la création d'un couloir d'autoroutes, oléoducs, gazoducs et de voies ferrées reliant le Pacifique et le Golfe du Mexique - intéresse les capitaux mexicain et internationaux. Des gisements de pétrole ont été décelés dans plusieurs pays de l'Amérique Centrale, les ressources minières sous les forêts du sud mexicain et guatemaltèque seraient considérables, cette région constituerait un véritable pactole potentiel... Tout comme en Irak et en Islande (voir dans ce CA p.18 la législation irakienne pour briser la paysannerie et p.21 le barrage pharaonique de Karhanjukar), le Capital va projeter sur une région du globe jusque là ignorée - par lui ! - ses capacités de destruction de l'existant et ses objectifs de rendement financier. Seul détail les communautés indigènes, qui vivent encore sur le territoire des états du sud mexicain, fonctionnent depuis toujours sur un autre mode collectif et politique que celui prôné par la Couronne espagnole, puis par l'Etat fédéral (la population d'Oaxaca est indienne à 70 %, ce qui explique un peu cette capacité politique d'auto organisation qui n'apparaît pas du néant…). Difficile de leur acheter leurs terres, incarnant pour elles un mode d'existence collective inaliénable. Militairement l'Etat a les moyens de balayer ces gêneurs vivant là depuis plus de mille ans ; et les troubles d'Oaxaca pourraient motiver l'utilisation de la manière forte, l'instauration de l'état d'urgence… Mais politiquement, le consensus minimum nécessaire peut-il être obtenu ? La violence politique, très courante au Mexique, peut-elle être utilisée à grande échelle sans être contre-productive, et inaugurer en retour une instabilité inattendue et prolongée, néfaste au business? La gauche mexicaine, accrochée au « credo du développement », fut-il durable, et à la gestion des institutions, est probablement prête à collaborer au sale boulot au nom des intérêts supérieurs de la Nation, si sa clientèle électorale ne renâcle pas trop. Les débats qui ont lieu dans l'APPO, et l'échec électoral du PRD mi-octobre dans le Tabasco (Etat voisin,sur le golfe du Mexique) inciteront peut-être la « société civile », éternel godillot des politiciens de gauche, à refuser la logique capitaliste du développement et à joindre ses forces à la base de la population, avançant sans faiblir d'autres perspectives. Il est plus probable que le recours, s'il y a, viendra des populations pauvres des Etats voisins. Les prochaines semaines Oaxaca sera peut-être la ville où un autre futur s'esquissera. Par contre celui-ci ne sortira pas des urnes, ni en mai ni plus tard Nantes le 28/10/06 1)Le Parti Révolutionnaire Institutionnel domine la vie politique mexicaine depuis 80 ans. Son monopole est contesté par le PAN - Parti d'Action Nationale -, nouveau parti de droite dont fait partie Vincente Fox ( actuel président du Mexique qui intronisera son successeur Calderon du PAN le 30 novembre) et par le PRD - Parti de la Révolution Démocratique - , principal parti de gauche ( ?), dont le candidat à la présidentielle de 2006 et ancien maire de Mexico Manuel Lopez Obrador refuse toujours sa défaite. 2)Le journal CQFD dans ses n° 37 et 38, de septembre et octobre derniers, rend compte de façon détaillée de ce processus. Les sites internet Acrimed et surtout RISAL (http://risal.collectif.net) ont mis en ligne, en reprenant certaines traductions, de nombreux textes. 3)Des blessés et des morts - dont un membre d'Indymédia USA - vendredi 27 octobre après plusieurs attaques contre des lieux occupés: voir Indymédia Paris |
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MEDECINS ETRANGERS , UNE IMMIGRATION "CHOISIE" |
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Depuis plusieurs années, les « médecins étrangers », multiplient leurs actions pour dénoncer la ségrégation et la précarité de leurs situations. L'INPADHUE (Inter syndicale Nationale des Praticiens à Diplômes hors Union européenne) a relancé par des actions, dont une grève, en Juillet 2006 le désir d'en finir avec la situation de ségrégation et de précarité qu'ils ou elles subissent. Officialiser leur statut. Quelques 6 000 médecins étrangers sont recensés par la DHOS (Direction de l'Hospitalisation et de l'Organisation des Soins). Recensement qui pourrait s'élargir car, comme le précise le vice président de leur association : «…ce chiffre est approximatif car beaucoup d'hôpitaux ne déclarent pas leurs médecins étrangers ». Précaires, incertains sur leur devenir, ceux-ci sont pourtant indispensables pour la bonne continuité des soins dans les hôpitaux publics. Ces milliers de médecins titulaires de diplômes acquis hors Union Européenne, exercent dans les hôpitaux sans avoir une autorisation de pratiquer la médecine. Situation vécue par certains depuis de nombreuses années alors qu'ils ont fondé une famille, résident en France et ont acquis la nationalité française. Leur mouvement de cet été n'est qu'une tentative de plus pour faire cesser leur situation de ségrégation et de précarité. C'est dans les années 90 que la France fera massivement appel à eux pour compenser le manque de personnel médical. Sont considérés comme personnels médicaux : les chirurgiens, les médecins les anesthésistes, … les autres personnels de l'hôpital, infirmières, aides soignantes, kinés… sont classés comme non médicaux. Face aux effets négatifs du « numerus clausus » qui limite le nombre d'étudiants en médecine et donc de futurs praticiens, ils seront donc recrutés de façon dérogatoire au Maghreb, en Afrique ou Moyen Orient. Ils seront ainsi embauchés sous contrats mais rémunérés entre 30% à 50% de moins que leurs confrères français. Ils pallient aux médecins dans les disciplines sinistrées ou dans les hôpitaux périphériques peu attractifs, voire dans des zones géographiques désertées par leurs homologues français. Il s'agit ni plus ni moins d'une immigration choisie, haut de gamme, déjà appliquée, avant sa remise au goût du jour par le candidat Sarkozy. Ces médecins, sur la base d'un diplôme non reconnu en France, exercent donc sans avoir d'autorisation officielle d'exercer. Ils pratiquent leur art dans les hôpitaux, depuis de nombreuses années, en toute illégalité selon la loi et pour certains en travailleurs clandestins, au su et vu de tous, mais non déclarés administrativement . Ils ne peuvent donc ni s'installer dans le secteur libéral, ni dans le secteur privé, ni ne peuvent s'inscrire au conseil de l'ordre des médecins français. Pourtant, parmi eux, nombre ont la nationalité française, se sont mariés ou ont des enfants nés en France… Le ministère les chiffre à 7000 officiellement ; 4000 seraient en formation et devraient rentrer dans leurs pays à la fin de leur cursus. Restent 3000 qui exercent en tant « qu'attachés » associés ou « assistants » associés sans bénéficier du statut de praticien adjoint contractuel. Or si depuis 1995, 10 000 médecins étrangers ont été régularisés par l'obtention d'un concours, leur nombre ne faiblit pas année après année, alors qu'une loi de 1999 sur la CMU (Couverture Maladie Universelle de la SECU) interdit aux directeurs d'hôpitaux d'en recruter. En 2005, le gouvernement a organisé une nouvelle procédure d'autorisation, à savoir un concours ouvert aux médecins diplômés hors Union Européenne. Cette procédure a été dénoncée par l'INPADHUE qui remet en cause la notion de concours et préfère : « l'instauration d'une voie spécifique sur la base de la validation des acquis de l'expérience ». Une règle : 20 ans d'Hypocrisie. Le gouvernement justifie cette application d'un « concours » comme une exigence de qualité de soins. Une hypocrisie si l'on sait que depuis de nombreuses années, nombre d'attachés ou d'assistants sont partie-prenante d'équipes médicales, couverts par les patrons de services de soins. Ce concours répond plus aux blocages et réactions corporatistes du corps médical français, via leur ordre des médecins, leurs syndicats : l'INPH (Inter syndicale nationale des praticiens hospitaliers) ou encore la CMH (Coordination des médecins hospitaliers) qui s'opposent à leur régularisation sans concours. Pourtant, ce même gouvernement reconnaît que la modalité proposée «…n'est pas adaptée dans sa forme aux médecins ayant des années d'expérience professionnelle ». Pourtant, tout ce beau monde s'accommode fort bien de cette main d'œuvre « haut de gamme » indispensable qui assume les gardes naturellement sous payées que les praticiens français dédaignent ( week-end ou périodes d'été) et qui maintient la continuité des soins sur tout le territoire.. Main d'œuvre étrangère sans laquelle des secteurs de soins hospitaliers, voire des hôpitaux périphériques ne pourraient pas fonctionner et auraient mis la clef sous la porte. Ce que résume le président de la fédération des praticiens régularisés : « Si la démographie médicale avait été bien faite dans les années 80, moi venant de l'étranger, je n'aurais pas pu travailler. Si certains n'ont toujours pas d'autorisation d'exercice, c'est aussi parce qu'ils ne coûtent pas cher. Il faut faire cesser cette hypocrisie ». Et pour cause, payés à moindre coût que leurs collègues français, ils sont nommés par leur chef de service et par la direction de l'hôpital. Leur diplôme est reconnu scientifiquement équivalent à celui de leurs confrères nationaux. Ils exercent depuis deux, cinq, voir plus de quinze ans en France souvent dans des spécialités. Ils occupent des responsabilités cliniques. Ils encadrent et forment les internes français. Ont effectué plus de cinquante millions d'actes de médecin ( diagnostiques, traitements, interventions…) facturés par les hôpitaux comme pour les autres praticiens. Cette situation inique dont les pouvoirs publics portent la responsabilité perdure depuis 25 ans. Depuis ces décennies, l'état a organisé et géré la ségrégation, et l'exploitation de cette immigration haut de gamme extra européenne. Depuis ces années il bafoue ses propres valeurs républicaines d'égalité. Le gouvernement, son administration et le conseil de l'ordre ont la responsabilité de cette discrimination, de ce non état de droit. Mais, ils ne font que perpétuer la pratique de leurs prédécesseurs. Souvenons-nous qu'en décembre 2000, c'est sous la régence de la gauche plurielle, où E. Guigou et B. Kouchner siégeaient aux ministère et secrétariat de la Santé et de la Solidarité, que ces médecins étrangers dénonçaient déjà, par un mouvement de grève de la faim, leur situation. C'est aussi, en février 2000 que « d'obscurs fonctionnaires » du ministère de la Santé prenaient la décision de réduire leurs primes de garde d'un tiers. Mesure qui frappait les diplômés hors communauté européenne mais ne concernait ni les Canadiens, ni les Autrichiens pour ne citer que ceux-là.(Arrêté du 27 01 2000. Arrêté xénophobe vite retiré ). Epoque où B. Debré, chef de service à l'hôpital Cochin et grand ami de la Chiraquie, fustigeait la gauche au gouvernement et la ministre GUIGOU, dans une lettre de solidarité aux médecins étrangers, alors en grève de la faim, adressée à ses confrères nationaux.. N'oublions pas que quelques années auparavant, campagne électorale oblige, L. Jospin lui-même s'était engagé lors de la présidentielle de 1995 à « redonner la plénitude des droits à ces médecins et à reconnaître officiellement leur travail ». Hélas, les gouvernements ont prorogé ces statuts spéciaux comme les examens et concours. Système de barrières, d'embûches et véritable course d'obstacles afin d'empêcher la mise à égalité de ces médecins avec leurs homologues français. Statuts spéciaux en contradiction avec l'article 372 du code de la santé. L'état français refuse d'appliquer la jurisprudence européenne (Haîm/ hocsman) qui oblige un gouvernement ou un pays à prendre en compte tous les diplômes, l'expérience, hors ou dans l'espace européen et à faire la comparaison avec les exigences de compétence pour l'exercice des autres médecins dans le pays d'accueil. Certes, Jospin n'a pas été élu ! Jospin et la gauche ont été virés. Chirac et l'UMP ont pris la relève et, B. Debré est sans doute retourné dans son service d'urologie de l'hôpital Cochin, laissant ainsi ses amis au pouvoir proroger encore, pour des raisons économiques et de nécessités politiques, la situation de ségrégation, de précarité et d'exploitation de ces médecins à diplômes étrangers. Peu après ce mouvement, le 13 juillet 06 X. Bertrand, ministre de la santé, promettait qu'une « solution législative » serait apportée dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Le mode d'emploi de ces médecins extra-communautaire préfigure-t-il ce que sera le schéma d'une immigration choisie annoncée par le présidentiable SARKOZY ? L'on voit déjà l'usage d'une immigration « des élites » diplômée, jetable, utilisée comme variable économique dans le cadre de l'offensive libérale du capital, pour restructurer à moindre coût le secteur de l'hôpital public. La solution « législative » apportée par le ministre (quelques régularisations de plus car nécessaires) devra s'inscrire dans l'ensemble des mesures d'économies à faire dans ce domaine. Comme pour les autres luttes de l'immigration, la réponse apportée sera à hauteur du rapport de force de leur mouvement, de la lutte menée et des solidarités trouvées parmi leurs confrères par les contradictions soulevées dans ce milieu. Les hôpitaux sont dans la course aux économies : fermetures des petites structures, de lits et, diminution de l'offre de soins, emplois précaires grandissants, sous-traitance et privatisations de service. Par ailleurs, c'est la mise en place de la nouvelle gouvernance, des budgets fixés sur la tarification des actes effectués…etc. bref, l'hôpital devient une entreprise à gérer comme toutes les autres. Dans ce contexte, les personnels médicaux et non médicaux ( 70% de la masse salariale) deviennent la variable d'ajustement en utilisant les premiers à moindre coût et en sabrant dans les effectifs des seconds, mais en exploitant tout le monde. A cela, ajoutons l'insuffisance du nombre de médecin libéraux : 4 422 communes sont concernées et menacées. La densité médicale chutera de 335 médecins pour 100 000 habitants en 2002 à 283 vers les années 2020. D'autant qu'est posé dans le même temps le problème de l'inégale répartition géographique de ces mêmes médecins libéraux. Aucun doute qu'une telle situation favorisera une solution « législative » pour cette main d'œuvre précaire et sous payée qui convient aux besoins des managers du capital. Mais la solution à leur problème dépend aussi de l'équilibre trouvé aux contradictions posées dans la classe dominante elle même. Les managers les plus libéraux prônent l'officialisation et la plénitude du droit des médecins extra-communautaires d'exercer à l'égal de leurs confrères français et, la réserve, voire le refus d'une autre partie de praticiens français corporatistes craignant pour leur statut et autres privilèges. Les différentes régulations obéissent à cet équilibre menacé aujourd'hui par un afflux de médecins diplômés de l'Est de l'Union Européenne, tels les médecins hongrois qui à diplômes équivalents gagnent dix fois plus à l'Ouest que dans leur pays, qu'ils désertent laissant derrière eux les mêmes problèmes de pénurie de praticiens. MZ. Caen le 15 10 2006 D'où viennent -ils ? 30,7 % du Maghreb 13,7 % d'Europe (hors U.E) 12,3 % d'Afrique 6,9 % d'Asie 5,1 % d'Amérique du Sud 19 % divers pays |
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VOTER SEGO CONTRE SARKO? ET PUIS QUOI ENCORE! | ||||||
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Après « Chirac plutôt que Le Pen », voici que se profile à l'horizon de la prochaine présidentielle française « Ségolène plutôt que Sarkozy »… Quels que soient les arguments avancés pour nous inciter à ce « bon choix » - ceux fondés sur la « moins pire » des candidatures, pour éviter à tout prix la « pire », étant sans doute les plus courants dans les milieux d'extrême gauche ou même libertaires -, pas question de marcher dans un remake de la combine visant à nous faire défendre la « démocratie » contre le « fascisme » ! Voici plus de six mois que les médias nous bassinent avec le « phénomène Ségolène » ; la popularité de ladite est allée crescendo largement grâce à eux, la mettant dans les sondages au second tour de 2007 en tête devant n'importe quel concurrent. Cela nous promet bien du plaisir pour les semaines à venir* : pas fini de bouffer les Ségo-Sarko qu'on nous sert déjà à la louche, sur tous les terrains et dans toutes les tenues, étant donné qu'ils se suivent à la plage comme à l'étranger ou dans les régions. Du bon usage de l'antifascisme… La « bataille » finale entre la PS et le UMP, si elle a lieu, aura sans doute un caractère moins « dramatique » que celle de 2002 entre l'escroc-mais-défenseur-de-nos-institutions Chirac et l'immonde-salaud Le Pen, puisque les deux candidats en lice s'affichent « démocrates ». Mais Le Pen a-t-il jamais prôné ouvertement un changement de régime ; et quelle différence y a-t-il entre Sarkozy et lui, au fond, sinon que la valorisation par le premier du cadre républicain existant et sa place à la tête d'un parti dominant lui permettent de faire passer plus facilement que le second dans la société française les mêmes idées sécuritaires ? Idem pour « Ségolène », allègrement dans le sillage de l'actuel ministre de l'Intérieur sur de telles idées : si son appartenance politique et son sexe sont présentés par ses partisan-e-s comme les garanties d'un avenir meilleur que ne l'est le présent avec lui, la bouffonnerie du propos saute au nez dès qu'on se penche sur la réalité de son « socialisme » et de son « féminisme ». Et on touche là à l'aberration d'un système où des candidat-e-s prétendant vouloir en éliminer un autre pour le danger « fasciste » qu'il représente ne voient rien de plus payant que de reprendre à leur compte ce qui fait son succès… En effet, ayant tous deux tiré les leçons de la coupure entre les élites et le peuple, rendue criante notamment par le « non » au référendum, Ségo et Sarko s'efforcent d'offrir une triple proximité : langagière, avec le désir d'user d'un vocabulaire compréhensible par l'électorat ; physique, en se mettant en scène au milieu des gens ; thématique, autour de l'autorité ou du pouvoir d'achat. Ce faisant, ils pénètrent dans le camp l'un de l'autre : lui avec la fin de la double peine ou la « discrimination positive », elle avec la nation et la sécurité. Au final, c'est dans l'électorat de Le Pen qu'ils obtiennent leurs meilleurs scores (les propositions de Royal sur la délinquance y sont selon les sondages plébiscités à plus de 80 %). Certes, à l'approche du scrutin, « Ségolène » met en sourdine et/ou un bémol à certaines de ses positions connues. Ainsi, elle déclarait (Le Monde, 12/5/05) : « Ce n'est être ni homophobe ni réactionnaire que d'estimer que des opinions réservées sur le mariage homosexuel sont légitimes et respectables (…). S'il s'agit d'une confusion des repères et d'une provocation injustifiée des convictions familiales et religieuses, non ». Elle dit à présent préférer juste l'« union » au « mariage » pour ne pas bousculer les repères traditionnels, car « la famille, c'est un père et une mère » (Le Parisien, 23/2/06). Elle a dans le même temps voté au dernier congrès PS la motion Hollande pour le mariage et le droit à l'adoption des couples homos, sans faire de pub autour, autrement qu'auprès des intéressé-e-s. Mais si elle lance encore quelques petites phrases qualifiées par la presse de « provocatrices » - par exemple, après la proposition de supprimer la carte scolaire « pour arrêter les hypocrisies : il n'y a plus de mixité sociale », celle de créer des jurys populaires pour juger les élu-e-s -, elle a jusqu'ici réalisé le parcours presque sans faute de la dame souriante, au-dessus des passions comme des basses attaques puisqu'elle vise à incarner la France. Répugnant visiblement aux confrontations directes (tels les débats internes du PS) qu'elle considère comme autant de pièges, elle cherche en effet toujours à négocier les conditions de s'exprimer posément sans avoir à débattre ; elle a fait le tour des fédérations en usant de ce mode, au grand dam de ses adversaires, et le camp de DSK a dénoncé à juste titre son contournement du vote des militant-e-s pour s'imposer par les sondages et les médias. Cette répugnance explique sans doute sa réaction exceptionnellement agressive contre la jeune militante qui l'interrogeait en réunion publique, cet été, sur sa critique des 35 heures : au lieu de répondre à sa question, elle l'a accusée d'être instrumentalisée par l'homme assis à son côté ! Mais même cette attitude ne lui a pas forcément nui : faire montre d'autorité face à une écervelée, manipulée ou non, n'est pas mal vu à droite… ou même à gauche, et peut passer autant pour un simple accès d'humeur que pour un pétage de plomb révélateur d'une certaine paranoïa. On pourrait arguer que la politicienne Royal ne fait pas davantage que les autres politicien-ne-s : elle se vend en usant de ses atouts, en calculant au plus rentable ; que le choix du « moins pire » est de toute façon, peut-être ou sans doute, le plus fréquent dans une élection. Mais, d'une part, un certain nombre de nos proches ou prétendu-e-s tel-le-s sont susceptibles de nous refaire bientôt le coup du « fascisme », comme en 2002, en allant mettre un bulletin dans l'urne ou même en appelant à le faire ; d'autre part, la démarche sera pour eux-elles plus facile, ou moins désagréable, que précédemment étant donné que Royal est… une femme, et étiquetée socialiste, donc susceptible de susciter en eux-elles quelques illusions « malgré tout », parce que, entend-on déjà ici ou là, aucune candidate ne s'est encore trouvée en situation de gouverner dans l'hexagone. … mais plus encore de l'antisexisme Voilà bien le genre d'illusions à dénoncer : Royal serait mieux « parce que » femme ? Et pourquoi donc ? Depuis quand s'intéresse-t-elle à la condition des femmes, d'ailleurs ? On est passé de ses déclarations genre : « Si l'égalité n'est pas encore acquise, les valeurs féminines n'ont plus honte de s'affirmer. Le désir d'enfant a remplacé l'IVG et la morale du libre choix supplante l'égalitarisme obsessionnel » (Le Monde du 10/3/90), où elle enterrait les féministes ringardes au profit des « femmes battantes », à l'affirmation, par les chantres de son comité de soutien « Femmes d'avenir », de son féminisme à tout crin. Pourtant, de son action précédente au gouvernement, hormis la décision d'autoriser la délivrance de la pilule du lendemain dans les établissements scolaires du second degré, on ne lui connaît guère qu'une mesure de congé parental pour les… pères. Or, aujourd'hui, non seulement elle utilise à fond le mot « femme » comme argument électoral, pour se poser en victime (on l'attaque parce qu'elle est une femme…), mais elle use de sa féminité comme aucune autre candidate à la présidence. Et ça risque de payer : beaucoup de femmes et même d'hommes, de la gauche à la droite modérées, effrayés par les prises de position virulentes d'un macho « facho », c'est-à-dire ultrasécuritaire, peuvent leur préférer le ferme mais courtois discours d'une sécuritaire se parant de « féminisme ». Pourquoi pas donner sa chance à une femme, pour « changer », nous disent par exemple les frères Cohn-Bendit, appelant à choisir celle-ci afin de lutter « contre le machisme ». On croit rêver ! Bien sûr que certains adversaires de Royal - en particulier au PS, jusqu'à présent - sont capables et font preuve de sexisme en mettant en doute sa compétence voire son intelligence, ou en pointant son autoritarisme et son arrivisme. A la vérité, elle n'est ni plus « incompétente » ou plus bête, ni plus dictatoriale ou plus opportuniste que la plupart de ses collègues. Elle a la formation requise (sciences éco, sciences-po, ENA…) et une pratique d'élue (dans les instances régionales et gouvernementales) ; surtout, comme n'importe quel-le responsable politique, elle possède tout un staff qui planche activement pour elle… et si elle était à l'Elysée elle serait moins encore « perdue », parmi sa foule de conseiller-ère-s ! Le gag, par rapport aux attaques de ce genre dont elle fait l'objet, étant que d'après un sondage (BVA/Les Echos du 10/10/06) elle est jugée plus crédible que ses deux rivaux sur tous les sujets économiques (défense du pouvoir d'achat, création d'emplois…) ! Quant à son caractère, elle a prouvé sans mal qu'elle en avait en traînant son père en justice pour son refus de subvenir aux besoins de sa famille ; et quant à son ambition forcenée, elle avoue paraît-il sans complexe avoir pour modèle de référence… Jeanne d'Arc (Challenge du 12/4/06 - encore un bon point aux yeux de l'extrême droite). Cependant, une forte personnalité et un ego surdimensionné sont les conditions sine qua non pour réussir en politique, on le sait, et lequel de ces messieurs n'a pas les dents qui rayent le parquet pour arriver à ses fins ? Mais si pareilles critiques ne tiennent pas, la manip médiatique qui fait hurler les concurrents socialistes de Royal n'en demeure pas moins vrai, puisque son actuel succès tient sans doute au moins autant à l'efficacité de sa campagne publicitaire qu'à l'expression de ses convictions en matière économique et politique et en sa capacité à les défendre - donc à la forme plus qu'au fond ; du spectacle et de la « communication », une agitation tout aussi people que celle de… Sarkozy, là aussi. On l'a dit, Royal a surtout jeté jusqu'ici, en direction (au moins) de la droite, quelques formules propres à lui plaire, mais qui, parce qu'elles hérissaient le poil de pas mal de ses « camarades », ont entraîné une rapide pondération de son compagnon Hollande, au nom du parti, tandis qu'elle-même se mettait en mode silence. Et quand elle ne veut pas répondre à une question, « Ségolène » a plein de ressources, depuis « Chaque chose en son temps » (sur l'immigration), « J'ai besoin de réfléchir à un sujet aussi important » (sur l'international), « Il faut arrêter de parler de ce qui va mal » (sur la Corse), « Mon opinion est celle du peuple français » (sur l'élargissement de l'Europe à la Turquie)… jusqu'à sa « réflexion d'une mère » qui se refuse à instrumentaliser les « questions de société » pour faire « dans le coup » (sur le mariage des couples homos) - et là, elle ne manque vraiment pas d'air, la super-spécialiste de tels sujets ! Enfin, l'ultime recours, quasi imparable en ces temps de parité (de façade) obligatoire : « Poseriez-vous la même question à un homme ? » Double profit de telles opérations : il en reste toujours quelque chose dans les têtes, et en même temps c'est pas le PS qui l'a dit et puis elle était pas officiellement en campagne, alors… Toute la panoplie du socialisme « moderne »… Pour notre part, ce n'est sûrement pas sur l'aptitude de S. Royal à gouverner ni sur son absence de positions qu'on lui portera la critique et la combattra, mais sur sa pensée même. Car des idées solidement ancrées, elle en a dans bien d'autres domaines que la vie quotidienne, et certaines de ces petites phrases que l'on nous présente si facilement comme une « dérive » préélectorale populiste en sont le reflet direct. Les calculs opportunistes qu'il y a évidemment chez la candidate PS résident donc en fait surtout dans sa prudente réserve là où elle sait qu'elle a intérêt à ne pas trop s'avancer pour l'heure : en résumé, son blairisme (voir encadré), mélange de libéralisme sur le plan économique et de conservatisme sur le plan social. Favorable à la croissance, « Ségolène » a vigoureusement défendu le « oui » au traité constitutionnel européen ; elle estime qu'« il peut y avoir dans la libre concurrence des facteurs de progrès si elle est corrigée énergiquement dans ses effets pervers et régulée pour être mise au service du progrès », et que c'est la « mission de la gauche ». Après quoi, à qui lui parle de la situation économique catastrophique des smicards et autres précaires, elle propose… des « cours particuliers gratuits » pour leurs enfants - rien contre la précarité, le surendettement, la spéculation immobilière, la hausse des impôts locaux ou du prix du gaz… Par ailleurs, Royal, qui mène comme Sarkozy une campagne « à l'américaine » (grâce à son bras droit Nathalie Restoin, directrice générale du groupe publicitaire Ogilvy qui bosse pour Nestlé and Co.), est plus encore que lui appréciée du gouvernement Bush : c'est la candidate à défendre, pour son fervent atlantisme. Voir, pendant l'intervention d'Israël au Liban cet été, sa réflexion qualifiée à tort de « bévue » sur Clinton, à qui on devrait faire appel pour « renouer le fil du dialogue ». Voir aussi sa faible participation aux grandes manœuvres du PS pour s'attacher la communauté arménienne, à propos de l'élargissement européen à la Turquie - un élargissement souhaité par les Etats-Unis pour rapprocher l'Union européenne de l'OTAN. Bien sûr, lorsqu'on pense à Sarko, on peut éprouver quelque jouissance à l'idée qu'il se prenne une grosse claque, même juste électorale… Mais qui, parmi les gens s'affirmant révolutionnaires, pourrait se satisfaire également d'avoir contribué, par son vote, à la victoire d'une concurrente défendant le même programme sécuritaire et libéral, à l'enrobage près ? Se consoler vraiment avec cet enrobage plus soft, ce « politiquement correct » de la candidature Royal qui favorise l'absorption de l'amère pilule proposée dessous ? Le bouquet, c'est que « Ségolène » base son « autre façon de faire de la politique » (?) sur sa seule appartenance sexuelle (il est vrai que Chirac avait en 2002 promis de « faire du social » : tout est permis…) ; Mme Thatcher a pourtant montré en son temps ce qu'est capable de faire une femme, tout-comme-un-homme, en matière de répression… Mais, au fait, quand a-t-on entendu « Ségolène » se positionner autrement qu'en défenseuse de valeurs réacs ? Sur la famille, l'éducation, l'emploi ou la sécurité, les relents poujadistes de ses « messages aux citoyens experts » ne doivent pas trop la gêner. TRAVAIL:« Il est temps de redonner de la valeur au travail », « Il faut donner aux jeunes le sens de l'effort et de la réussite. » Si elle est comme les autres socialistes pour une hausse du SMIC, Royal ajoute que personne « ne doit être payé à ne rien faire ». Elle considère que le CDI n'est plus la norme (sur la question, les motions Hollande, Fabius et Aubry se rejoignent au PS : il faut que les jeunes commencent avec un CDD et une formation en alternance, situation qui peut durer jusqu'à cinq ans pour les emplois-jeunes, et ensuite on doit (?) leur faire un CDI). « Ségolène » n'a pas participé à la mobilisation contre le CPE : non seulement elle n'a jamais manifesté, à l'inverse d'autres leaders du PS, mais de plus elle était pour la suspension, pas pour le retrait du CPE. Et quand elle parle de « concilier performance économique et justice sociale » pour rompre le « déséquilibre ravageur » entre le capital et le travail, elle avoue qu'il s'agit là plus d'une « méthode » que d'un catalogue de propositions. Concernant les 35 heures, elle n'exclut pas de nouveaux assouplissements de la loi (Les Echos du 22/5/06) ; si les médias lui ont prêté une « critique de gauche » de la grande création socialiste, parce qu'elle a dit défendre les gens qui « ont souffert des 35 heures » en pointant « un spectaculaire assouplissement du temps de travail (…) et une flexibilité accrue » au bas de l'échelle des qualifications et des statuts, elle est en fait surtout pour que « ceux qui veulent travailler plus puissent le faire », comme cela arrange le patronat. Enfin, favorable à un syndicalisme de masse, elle propose de le créer par une « adhésion obligatoire au syndicat de son choix » qui laisse les Thibaud pantois (Les Echos du 18/5/06). FAMILLE: La lutte contre la précarité doit permettre de mieux se consacrer à la famille et d'« éduquer correctement les enfants ». La ministre déléguée (de 1997 à 2000) à l'Enseignement scolaire Royal a fait campagne pour durcir les sanctions contre les pédophiles (en renforçant l'obligation de signalement et imposant que les fonctionnaires mis en examen soient suspendus et non simplement mutés) ; elle a lancé à la rentrée 1998 une expérimentation, qui a tourné court, d'internats à la campagne pour ados des villes perturbateurs ; elle a intimé aux juges d'« écouter la parole des enfants » pendant l'affaire Outreau. Elle dit, le 31 mai à Bondy, vouloir « recadrer » les délinquants et « remettre au carré » les familles par une « reprise en main lourde », avec placement d'office, au niveau du collège, des élèves « qui font la loi et pourrissent la totalité d'un établissement scolaire » dans des « internats-relais » ; puis, à partir de 16 ans, dans « des établissements à encadrement militaire » au premier acte de délinquance, pour compenser l'« erreur » d'avoir supprimé le service militaire. Elle se vante d'avoir fait intégrer dans le projet PS pour 2007, pour la première fois dans un texte socialiste, la mise sous tutelle des allocations familiales, décidée par les juges quand les jeunes ne remplissent pas leurs « obligations scolaires ». En 1998 et 2001, Act-Up a dénoncé les préjugés puritains de la ministre déléguée à la Famille et à l'Enfance Royal, sous la présidence Jospin, et la censure qu'elle a exercée contre des campagnes de prévention du sida dans les écoles et collèges, sous prétexte que la présentation trop crue des diverses sexualités incitait à la débauche. PATRIE: Sur les thèmes de la nation et de la République, Royal s'est montrée le 29 septembre aussi inspirée que Sarkozy. « Plus les insécurités quotidiennes et sociales et les précarités gagnent du terrain, plus les Français ont mal à la France ; et plus ils s'inquiètent de la pérennité de la nation, moins ils sont portés à la vouloir généreuse avec les siens et hospitalière avec les autres. (…) Le drapeau tricolore et la Sécurité sociale, l'emblème de la République et les outils de solidarité, voilà ce qui cimente en premier lieu l'appartenance commune », etc. … et presque autant d'habits que dans la garde-robe de Barbie ! Pour faire passer le « renouveau de la politique », la candidate socialiste privilégie, dans son jeu de cartes, celle de la dame, et l'utilise comme si elle était l'unique femme à être en lice. Et ses partisan-e-s ainsi qu'une bonne part des médias s'ingénient à nous convaincre qu'il n'y a en effet qu'elle, alors que de plus en plus de femmes sont désireuses de s'essayer aux plus « hautes fonctions » partout dans le monde et que la France ne fait pas exception. Sur tout l'éventail partidaire, on trouve des figures féminines briguant la présidence de la République - même si c'est un gros morceau, pas évident à faire digérer par l'électorat français. Mais si, pour 2007, les candidates ne manquent pas - M.-G. Buffet, A. Laguiller, D. Voynet… M. Alliot-Marie -, aucune ne se sert de son sexe d'une façon aussi limite putassière que « Ségolène » (à noter d'ailleurs que si elle a porté plainte avec une rare promptitude après s'être fait entarter, elle a laissé tomber les poursuites contre VSD ou Le Parisien pour leur publication de photos « non autorisées » la montrant en maillot de bain l'été dernier). Elle la joue femme-femme, sourire Gibbs scotché au visage, à la recherche de compliments sur sa silhouette comme sur son look… revu pour l'occasion, puisqu'elle a délaissé sa tenue catho intégriste de naguère au profit d'un style bourge classique avec un rien de fantaisie décontractée. Le BCBG de gôche. Et elle nous le sert avec un sacré numéro d'actrice, puisqu'elle réussit à mélanger plusieurs registres, et à apparaître tour à tour en femme séduisante et séductrice presque à la portée de tout le monde, en dirigeante à l'allure de patronne, en mère de famille tellement préoccupée par « ceux qui souffrent » ou en militante socialiste authentique. Or, parce que M.-G. Buffet remarque à juste titre : « La bonne question à se poser pour savoir si c'est une bonne candidate n'est pas celle de son sexe, mais quel projet elle défend », ou que M. Aubry souligne que la présidence de la République n'est pas affaire de mensurations, les deux vilaines se font traiter de « sexistes » par les pro-Ségo. On re-croit rêver ! « Ségolène » montre une parfaite maîtrise du Net, avec son « forum participatif » - autant que des médias, c'est dire. Image de la femme moderne s'adressant aux internautes forcément aussi modernes, à travers sa campagne « Désirs d'avenir ». Car il y a l'enjeu des 60 000 nouveaux adhérents au PS : d'après un questionnaire qu'a envoyé ce parti par Internet, ce sont surtout des hommes, quadras, avec pour moitié un bac + 3, donc bien la clientèle classes moyennes, consommatrices et communiquantes à se laisser attirer par son chant. Ils-elles n'avaient, à 90 %, jamais adhéré à un parti ; l'ont fait, aux deux tiers, pour « peser sur le choix du candidat PS » ; se positionnent en supporteur-rice-s désireux-ses de nouveauté bien plus qu'en militant-e-s… et raisonnent semble-t-il souvent en politique comme des tambours, à coups de slogans publicitaires. Ces nouveaux arrivants ont créé beaucoup d'animation au sein du parti, où on les a fortement incités à se faire vite connaître d'une fédération afin de pouvoir choisir le-la candidat-e à la présidentielle en novembre, tout en appréhendant ce qui va sortir de leurs chapeaux. Mais S. Royal, qui a de nombreuses cordes à son arc, tient aussi le discours de la ménagère recommandant une réduction du train de vie de l'Etat, notamment par une « vraie décentralisation », contre le gaspillage ; de la mère soutenant sa famille et le peuple contre les politiciens (!), en accusant ces derniers de pratiquer la langue de bois - comme si elle-même faisait plus concret et clair avec ses formules attrape-tout et jargonnantes type « expertise citoyenne ». Elle a tout un vocabulaire moralisateur (ce qui est « bon » et « bien ») sur la politique, la défense du citoyen… et elle a récemment volé au secours des opprimés avec un « ordre juste » qui constitue le thème central de l'encyclique de Benoït XVI diffusée voici quelques semaines. Enfin, tout en se démarquant sans cesse de son parti (là encore comme Sarkozy), elle se présente en militante socialiste quand ça l'arrange. L'appareil du PS la gêne, mais elle ne peut s'en passer. Alors, aux débats internes qui se déroulent, elle force le trait de son discours à gauche, contre les « capitalistes » et les « banques », pour essayer de séduire la vieille garde et le camp du « non » au référendum - sans revenir en quoi que ce soit sur les idées sécuritaires et le « refus de l'assistanat » formulés à l'intention de la frange des classes moyennes qui connaît ou craint aujourd'hui un déclassement économique et culturel. En conclusion, quelles que soient les forces en présence, on ne se laissera pas piéger par une alternative se résumant à élire « la » femme plutôt que n'importe quel homme, la « gauche » plutôt que la droite. Rien à fiche d'avoir pour « Président » une « Présidente » dans ce système capitaliste et patriarcal ! Et tant pis si, en ne votant ni « Ségo » ni « Sarko », les uns se feront traiter de « machos » et les autres de « traîtresses » : nous ne sommes pas du même monde et nous ne voulons pas du leur. Vanina * Si par quelque hasard extraordinaire, vu la tournure des événements, Mme Royal n'obtenait pas l'investiture du PS, ce texte aurait au moins servi de défouloir contre la ségolémania galopante. Du blairisme au « budget participatif » en Poitou-Charentes S. Royal reprend dans une large mesure les idées préconisées par un courant politique allant de Clinton à Blair. Le blairisme a selon elle été « caricaturé en France », et elle loue les mesures prises par le Premier ministre anglais concernant l'emploi des jeunes, qui sont fondées sur une flexibilité accrue. Rappelons que, pour Blair, la lutte des classes est dépassée, et il s'agit de ramener la social-démocratie à la réalité du présent : le citoyen doit être désormais à même de décider de sa vie en société et d'assumer ses responsabilités grâce à un nouveau « partenariat » avec l'Etat, chargé d'apporter des garanties et non plus de chercher à régler tous les problèmes, selon les vieux préceptes de la social-démocratie. Cette life politics propose d'« élaborer la politique ensemble », en partant des problèmes du quotidien et en brisant - symboliquement - la distance entre celui qui sait et celui qui doit savoir, sur l'argument que chaque citoyen est porteur d'une vérité, d'un fragment d'expérience et de savoir. Elle rejoint par là la philosophie des blogs, où la connaissance de chacun-e est communiquée aux autres… et elle a débouché en Grande-Bretagne sur une concentration du pouvoir sans précédent entre les mains de Blair. En France, on a vu « Ségolène » (prétendre) confier aux internautes de son site « Désirs d'avenir » le soin de lui rédiger un programme. Elle pratique aussi dans sa campagne une technique politique appelée « triangulation politique », mise en œuvre par Clinton avant d'être reprise par Blair, et selon laquelle la droite étant politiquement et sociologiquement plus forte que la gauche sur certains sujets, la gauche ne peut arriver au pouvoir en ignorant ou attaquant frontalement les valeurs de cette droite ; mieux vaut donc s'approprier certaines de ses thématiques, et conquérir à droite un espace auquel on donnera une allure de gauche. D'où les recettes ségoliennes contre l'insécurité et autres… Quant à la « démocratie participative », si branchée puisque lancée via Internet, si on nous la présente souvent comme émanant de Porto Alegre, on en retrouve également trace dans le blairisme. S. Royal se vante de l'appliquer en Poitou-Charentes pour « concerter » élèves et professeurs sur le budget des lycées. En vérité, on fait croire à ceux-ci qu'ils ont un pouvoir de décision alors que c'est la présidente de région, surnommée Zapaterreur ou Egolène pour ses évidentes dispositions à déléguer un tel pouvoir, qui tranche sur tout. Elle n'en propose pas moins, comme « remède à la crise du politique », de généraliser cette « démocratie » à travers la décentralisation dans les régions, où les « citoyens experts » seraient consultés au niveau local - et non national - sans pouvoir davantage décider de quoi que ce soit. Dans le Poitou-Charentes, Royal a donné priorité à l'environnement et à l'éducation ; cependant, la droite a beau jeu de dire que ces deux secteurs bénéficiaient d'un financement équivalent avant sa présidence. Quant à ses autres innovations, elles se réduisent fréquemment à des effets d'annonce. La « gratuité des livres scolaires » se traduit par des chèques-livres de 70 euros, alors qu'ils valent près du double et que le département de l'Indre voisine, de droite, les offre réellement depuis des années ; la paire de charentaises qui devait être fournie aux internes en début d'année pour relancer cette industrie n'a toujours pas atteint leurs orteils ; le « ter à 1 euro » a duré le temps de la pub faite dessus. En revanche, si les plans de licenciement qui se multiplient dans les entreprises de la région (lingerie Aubade, surgelés Marie…), et auxquels « Ségolène » déclare s'opposer, seront peut-être suspendus quelques mois en raison de leur malencontreuse coïncidence avec la présidentielle, le personnel menacé ne se fait guère d'illusions sur leur caractère effectif.
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SACCAGE DE LA NATURE EN ISLANDE : UNE LUTTE A DIMENSION UNIVERSELLE |
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Depuis 3 ans le plus gros barrage hydroélectrique d'Europe est en construction en Islande, au cœur d'une des dernières régions sauvages du continent. L'énergie qui sera produite à partir de 2007 ne sert en rien à satisfaire une consommation locale d'électricité. Elle sera entièrement engloutie par une fonderie d'aluminium du géant américain ALCOA. |
(voir également les articles parus dans CA n° 161 et 152) Le 28 septembre dernier, le barrage de Kárahnjúkar a lentement commencé à se remplir grâce aux eaux tumultueuses de la rivière glacière Jökulsá á Dal. Les ingénieurs ont décidé de procéder au remplissage par paliers successifs pour comprimer progressivement les couches géologiques, en raison de la fragilité du sous-sol de la région parsemée de fissures et de roches instables. A moins de 100km, se trouve une des zones volcaniques les plus actives d'Islande… Selon des géologues indépendants, il n'est d'ailleurs pas impossible que ce barrage soit un fiasco complet en raison de la sensibilité de ce sous-sol qui pourrait compromettre l'imperméabilité du bassin. Le barrage pourrait se révéler être une véritable passoire ! Malgré tout, les sommes investies et les enjeux économiques colossaux sont plus forts que les arguments de quelques scientifiques isolés. Le rouleau compresseur de la raison d'Etat a de nouveau montré son visage à la fin du mois d'août lorsqu'il est apparu que l'ancien ministre de l'industrie et du commerce avait volontairement dissimulé au parlement l'existence d'un rapport scientifique alertant sur l'existence de failles volcaniques actives dans la région de Kárahnjúkar. Les plus grosses manifestations de l'histoire du pays La veille de la fermeture des vannes du barrage, d'énormes manifestations se sont déroulées dans les principales villes d'islande. Près de 15000 personnes se trouvaient dans les rues de Reykjavik pour affirmer leur opposition à ce projet mégalomane. Pour une population totale de 300000 habitants, cela équivaudrait à une manifestation de 3 millions de personnes en France ! L'opposition contre le barrage n'a donc cessé de grandir au fil des mois. Les campements internationaux qui se sont tenus dans les environs du barrage pendant les étés 2005 et 2006 auront certainement contribué à réveiller la population islandaise sur le carnage qui est en train de se dérouler sur son territoire. Cette année, les actions ont commencé le 21 juillet par une grande chaîne humaine de 150 personnes sur le site même de la construction du barrage. Elles se sont poursuivies jusqu'à la fin du mois d'août en utilisant comme base arrière le campement autogéré qui s'est organisé au cœur de la région montagneuse subissant les infrastructures. Le pari n'était pas évident à tenir avec les conditions d'isolement que cela impliquait : la première route était située à 20km et la première localité où se ravitailler se trouvait à plus de 100 km. Malgré tout, plus de 200 personnes se sont succédées au campement qui, pendant la première semaine, s'est tenu sous un soleil de plomb (près de 20°C à l'ombre !). La majorité des militants présents était constituée par des écologistes d'Europe du Nord : Grande Bretagne, Pays Bas, Belgique, Danemark, Allemagne… Les islandais se trouvant finalement en minorité, les assemblées générales quotidiennes se déroulaient en anglais pour organiser la vie du camp et les actions d'opposition au barrage. Ces manifestations ont pris la forme d'actions directes non violentes essentiellement concentrées sur le blocage des différents chantiers. Plusieurs d'entre elles ont permis de stopper symboliquement pendant quelques heures l'activité des ouvriers du site de Kárahnjúkar. Mais d'autres sites moins connus ont aussi été visés de manière à révéler l'ampleur gigantesque du projet qui réunit en réseau 4 autres barrages plus petits. Le chantier de construction de la fonderie d'aluminium qui réquisitionnera la totalité de l'énergie hydroélectrique a également été complètement bloqué pendant 8 heures par des militants qui avaient escaladé les grues. A chaque fois, ces actions se sont déroulées dans des conditions particulièrement difficiles, la localisation des cibles nécessitant parfois d'effectuer des randonnées de 1 à 2 journées en terrain difficile (montagnes, déserts, marais, …) avant de pourvoir atteindre le but. La faible implication des écologistes islandais a malheureusement beaucoup désavantagé les opérations menées dans le cadre de ce campement international. D'abord parce que la méconnaissance du terrain par les militants étrangers a sans doute conduit à faire des erreurs d'organisation, en particulier sur la première action où personne ne savait quel était le pont stratégique qu'il fallait bloquer. Ensuite, parce que cela a donné une connotation marginale à la mobilisation. Cela fut particulièrement criant vers la fin du mois d'août, quand il ne restait qu'une poignée de militants anglais lancée à corps perdu dans des actions de plus en plus radicales et isolées. Les médias islandais n'ont d'ailleurs pas manqué de mettre en avant cette marginalité sur le ton : "Ce ne sont quand même pas ces quelques étrangers qui vont nous donner des leçons d'environnement". La répression policière n'a pas non plus raté l'occasion de frapper, d'autant plus vigoureusement que les militants visés étaient relativement déconnectés de la population islandaise. Avant de relancer l'organisation de nouveaux campements l'été prochain, il faudra donc sans doute s'interroger pourquoi une partie - même infime - des 15000 personnes qui défilaient dans les rues de Reykjavik le 27 septembre n'était pas présente cet été à Kárahnjúkar. Une critique inévitable de l'industrialisation La lutte contre les barrages hydroélectriques en Islande porte avant tout la critique de l'industrie lourde et, même au-delà, du développement capitaliste. Ce projet faramineux, comme bien d'autres sur la planète, concentre à lui seul une multitude de contradictions inhérentes à l'économie moderne. Pour ce qui est de l'environnement, nous avions détaillé dans l'article paru cet été dans Courant Alternatif le saccage irrémédiable de l'une des dernières régions sauvages d'Europe. Revenons sur cette notion de développement, car justement le gouvernement islandais c'est beaucoup servi de cet argument pour justifier la construction du barrage et de la fonderie. Ces infrastructures sont censées remédier à l'exode des habitants de l'Est de l'Islande par la création de plusieurs centaines d'emplois directs. Ce chantage à l'emploi est un grand classique de toutes les implantations d'industries polluantes. Le nombre d'emplois promis et l'argent injecté sont d'ailleurs souvent proportionnels à la quantité et à la dangerosité des cochonneries qui seront balancées dans la nature. En l'occurrence, cet argument a du mal à convaincre, notamment parce que le pays compte moins de 4% de chômage, mais surtout parce que, pour l'instant, la quasi-totalité des ouvriers travaillant sur les chantiers ont été importés de l'étranger. Au début de l'année 2006 sur les 1485 employés, seulement 298 étaient islandais, soit 20%. Ainsi donc, même au fin fond du grand Nord arctique, le capitalisme reproduit les mêmes schémas d'exploitation de la main d'œuvre. Imprégilo, la société de BTP italienne qui construit le principal barrage a trouvé plus rentable de faire venir des immigrés pour travailler sur un chantier en activité 24h/24h tous les jours de l'année, même par -20°C au dessous de zéro au milieu de l'hiver. La complicité du gouvernement islandais a bien entendu autorisé à les payer bien en dessous du salaire minimum national. Pour le recrutement, Imprégilo est notamment aller se servir en Pologne et en Chine où ils construisent le monumental barrage des Trois Gorges. Depuis l'arrivée de ces ouvriers immigrés, plusieurs affaires ont mis à jour le classique tandem "exploitation-racisme". Les contremaîtres ont eu pour consigne d'interdire aux employés polonais et islandais de parler entre eux. Selon les syndicats islandais, des punitions et châtiments corporels ont même été utilisés à l'encontre de ceux qui ne seraient pas assez performants ou qui endommageraient du matériel. Vieux fondement de la xénophobie, l'exploitation des Hommes est d'autant plus efficace lorsqu'elle s'exerce à l'encontre de personnes que l'on méprise ou que l'on déteste. Le barrage de Kárahnjúkar est aussi le symbole d'une monstrueuse aberration. L'ensemble de l'électricité produite sera réquisitionné pour être revendue par Landsvirkjun (EDF islandaise) pour un tarif gardé secret, mais néanmoins très concurrentiel, à une usine d'aluminium de l'entreprise américaine ALCOA, en cours d'installation dans un splendide fjord de la côte Est. Pour autant, l'Islande ne possède pas la moindre trace de bauxite, qui sert de base à la fabrication d'aluminium par un processus d'électrolyse extrêmement gourmand en électricité. C'est bien là le seul atout de ce pays : fournir une énergie bon marché. La matière première devra donc venir des principaux gisements situés dans l'hémisphère sud, notamment en Australie. Les 320000 tonnes de production annuelle d'aluminium ne serviront bien sûr pas non plus à alimenter le marché local et seront donc réexportées à travers la planète. Pour résumer, voici le tableau : des millions de tonnes de matière première ou de produits finis qui se baladent à travers les océans, d'un bout à l'autre de la planète, uniquement pour bénéficier de conditions locales de transformation plus avantageuses. Il y a de quoi s'interroger sur la santé mentale des dirigeants qui ont organisé un tel processus de production ! Pourtant, non ; ceux-ci obéissent bien évidemment à d'autres logiques, qui sont parfaitement rationnelles en termes de compétitivité et de bénéfices. Du haut de leurs gratte-ciels de verre et d'acier, il est très facile pour eux de déplacer, d'un simple clic de souris, les centres de production, au grè des tarifs pratiqués sur l'ensemble du globe. Le développement effréné des transports facilite cette logique d'abolition des distances. L'exemple de Kárahnjúkar montre également que la main d'œuvre humaine bon marché n'est pas plus difficile à transférer sur les lieux de production. Produire ? Pour qui et pour quoi ? Dans cette histoire, qui a son mot à dire ? Certainement pas les aborigènes d'Australie - ou d'autres pays - qui subissent les mines de bauxites. Certainement pas non plus les islandais qui subissent les barrages et les usines de transformation. Comme nous avons pu nous rendre compte, la démocratie islandaise - un des plus vieux systèmes parlementaires du monde dont l'origine remonte à l'arrivée des vikings au alentour de l'an mille - a fait peu de cas de l'opinion de ces citoyens et a préféré remplir les poches de quelques-uns de ses entrepreneurs. Alors, qui a décidé que la planète avait un besoin criant d'aluminium nécessitant tous ces sacrifices et ce gaspillage écologique ? A-t-on aperçu des manifestations de consommateurs réclamant ardemment de l'aluminium pour tous et à bon marché ? Bien sûr que non, puisque personne sur cette terre n'a ressenti la moindre carence par rapport à un besoin qui n'existe pas. Ce besoin, les dirigeants d'ALCOA et consort se débrouilleront pour le créer avec l'aide de leurs amis du marketing et de la communication. Le noeud du problème est là ; tant que les quelques capitalistes, alliés aux politiciens qui dirigent le monde, imposeront leur choix de production, nous serons toujours les dindons de la farce à tous les niveaux : exploitation de notre travail, destruction de notre environnement, accompagné d'un renforcement de la coercition pour limiter les oppositions. Cette critique du système économique est commune à bien des domaines de production. Au cours des rassemblements de cet été, il a par exemple été fait allusion à la lutte des habitants d'une vallée du pays basque contre la construction du barrage d'Itoïz. Cette retenue d'eau, qui a été conçue pour alimenter l'agriculture maraîchère et fruitière intensive du sud de l'Espagne reproduit les mêmes phénomènes : dégradation de l'environnement, transport aberrant de marchandise (l'eau) sur des centaines de kilomètre, surexploitation de la main d'œuvre immigrée… Tous cela pour vendre des tomates et des fraises à toutes les saisons. Pour finir, ce qui se déroule en Islande ressemble à cette expérience scientifique consistant à rassembler dans un environnement stérile les ingrédients nécessaires à l'apparition de la vie, pour étudier les conditions de son développement. Ici, tous les ingrédients du développement capitaliste sont réunis sur une île isolée et relativement vierge de toute expérience similaire. Que voit-on apparaître ? Encore et toujours les mêmes tares congénitales de ce système économique : exploitation, racisme, pollution, saccage écologique, perversion des traditions démocratiques, renforcements de la répression… CQFD. Tonio OCL Paris, le 27 octobre 2006
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