Courant alternatif n°170 Mai 2007


  • SOMMAIRE
  • Edito p. 3
  • SOCIAL
  • A PSA Aulnay: augmentez les salaires, embauchez les interimaires. p.4
  • SANTE
  • La grippe aviaire, une guerre au peuple de la terre (suite). p.6
  • AGRICULTURE
  • Pays Basque : occupation contre les OGM. p.8
  • Retour sur les élections aux chambres d'agriculture. p.10
  • REPRESSION
  • Prces contre Indymedia Lille p.11
  • A lire
  • Camping Libertaire été 2007. p.12
  • Salut Mark! p.14
  • ROMS
  • Moins que rien... la situation des Roms en france. p.15
  • BIG BROTHER
  • Pourquoi l'inserm a-t-elle besoin d'étudiants cobayes? p.18
  • Rubrique BIG BROTHER
  • POINT DE VUE
  • La centralité du travail en question. p.21
  • Brèves

  • EDITO
    Vivement après-demain

    Au vu des résultats du premier tour de l'élection présidentielle qui vient d'avoir lieu en France, quelques constatations s'imposent : - Le nombre important des inscriptions sur les listes électorales qui ont eu lieu à la fin de 2006 (les nouveaux électeurs représentant près de 10 % des inscrits) et la participation record à ce scrutin. Le discours culpabilisant rabâché depuis cinq ans par toutes les institutions (politiques, médiatiques, syndicales, associatives…) concernant la présence de Le Pen au second tour en 2002 a porté ses fruits : les “ coupables ” d'avoir voté pour lui alors ont “ mieux ” voté (d'autant qu'il y avait l'intox d'un possible remake du processus), et le candidat FN a de ce fait perdu un million de voix que Sarkozy a récupéré en grande partie… logiquement, puisqu'il servait un plat très lepénien (hypernationalisme, immigration rendue responsable de tous les maux et mécontentements sociaux…). Une partie de l’électorat d'extrême droite en 2002 a ainsi voté “ utile ” en donnant sa voix à Sarko, tandis qu'une partie de l'électorat de gauche mais aussi d'extrême gauche votait selon la même logique en donnant la sienne à Ségo, en dépit de son positionnement fort peu socialiste. Ce phénomène du vote “ utile ” n'a pourtant pas changé fondamentalement la donne, car Le Pen n’aura jamais été autant le moteur, la référence et l’élément dynamique de la campagne qui s'est déroulée : sa conception du monde a été comme une carotte devant tous les lapins du concours… lui-même tenant la canne quelques pas derrière. C’est ainsi que Sarkozy en a remis une louche sur l’identité nationale et l’immigration pendant que Royal en appelait au drapeau bleu blanc rouge et au rôle éducatif de l’armée pour les jeunes délinquants dans les quartiers ; “ travail famille patrie ” ont été les valeurs les mieux partagées par les deux candidats qualifiés pour le second tour. Et le vote “ utile ” va fonctionner à plein là encore, avec à l'extrême gauche nombre d'électeurs et électrices qui voteront Ségo (éventuellement une pince à linge sur le nez) pour ne pas voir élue la (seconde) bête noire Sarko. Cela même si, sur la question des “ sans-papiers ”, la position de “ Ségolène ” ne diffère ni d'un Sarkozy ni d'un Bayrou : pas de régularisation massive, que du “ cas par cas ”. Le PS n’est pas porteur de la moindre promesse – s'il en faisait une, il ne la tiendrait d'ailleurs, on le sait, que devant la mobilisation des sans-papiers et de leurs soutiens ;
    - La personnalisation de cette élection, où le “ look ” est devenu central et le programme politique accessoire. A la sortie des urnes, 41 % des personnes interrogées par l'institut de sondages IPSOS ont déclaré que l’une des deux principales raisons de leur vote se rangeait dans la catégorie : “ Il m’inspire confiance. ” La jeunesse, le dynamisme et le franc-parler branché d’un Besancenot doivent expliquer pour une bonne part qu’il ait pu distancer largement ses collègues se situant dans le même créneau. A. Laguiller, quant à elle, a perdu plus d’un million de voix en cinq ans ; Lutte ouvrière ayant considéré qu'elle avait payé le fait de ne pas avoir appelé à voter Chirac au second tour de 2002, “ Arlette ” a été la première, dimanche soir, à apporter son vote à Royal. D’après le même sondage, ces voix perdues se seraient portées majoritairement sur Royal (vote “ utile ”), mais aussi sur Bayrou et… Sarkozy, bien plus que sur Besancenot ! Et dire qu’il y a cinq ans LO voulait construire un nouveau parti révolutionnaire en s’appuyant sur son audience électorale (1,6 million d’électeurs en 2002) ! Pour tenter de revenir sur le terrain institutionnel, LO est en train de programmer une jeune femme travailleuse. Tout dans l'image d’un produit à vendre sur le marché ;
    - Les “ petits ” candidats de gauche ont singé les grands en avançant des revendications “ concrètes ”, c'est-à-dire acceptables par le capitalisme. On a même entendu “ le facteur ” parler d’un Parlement composé de tous les“ représentants ” de la société : femmes, immigrés, travailleurs, jeunes des quartiers. La “ République ” et sa démocratie représentative ont de plus en plus de défenseurs à l’extrême gauche. A force de participer aux institutions, les trotskistes se sont intégrés et désintégrés. Quant à la mouvance altermondialiste et citoyenniste, elle n’a pas pu capitaliser la dynamique créée à partir du “ non ” de gauche au récent référendum sur la Constitution européenne. Cela peut s’expliquer par le vote “ utile ”, mais aussi par le fait que cette dynamique n’a concerné en définitive qu’une majorité de militant-e-s qui s'est bouffé le nez, les comités n’ayant plus que les élections, la représentation, comme objectif ;
    - Si la question sociale a été évoquée comme jamais ( le chômage et le pouvoir d’achat étant les deux thèmes qui comptaient le plus pour l'électorat), aucun des problèmes sociaux ne sera évidemment résolu par le vainqueur du second tour, quel qu'il soit. En effet, la profession de foi de “ Ségo ” pour le 21 avril mettait au premier plan la valeur “ travail ”, comme son “ adversaire ” ; ensuite venait l'aide aux PME et PMI, puis tout un discours “ gagnant-gagnant ” et “ donnant-donnant ” pour méritant-e-s destiné à prouver la capacité de la candidate PS à gérer le système capitaliste. Le moyen et le grand patronat sont donc les grands vainqueurs du premier tour, à tel point que Laurence Parisot ne donne aucune consigne de vote pour le 6 mai. Pas besoin, en effet : quel que soit le vainqueur, les charges patronales vont encore baisser ; la précarité des salarié-e-s va encore augmenter ; la transformation, et non la disparition, des conditions d’exploitation du travail humain va se poursuivre…

    Notre dernière grande constatation est une confirmation : tout l’échiquier politicien continue de se déplacer vers la droite (la caricature étant la candidate PC qui bannit le terme “ communiste ” de son vocabulaire). A part chez les réacs, les aigris… qui représentent tout de même au moins 45 % des votants, cette campagne électorale, même si elle a intéressé, n’a pas fait naître beaucoup d’illusions. Il faut dire qu’elle était triste, et porteuse d’aucun rêve pour le lendemain. On a voté massivement (voir le faible taux d'abstention) contre le méchant, et bien plus rarement pour un programme politique annonçant un avenir meilleur. Pour motiver le vote Royal, certains n’hésitent pas à brandir l’étendard de l’antifascisme – ces mêmes “ antifascistes ”, défenseurs de la République, avaient appelé à voter Chirac au second tour en 2002, tout en sachant pourtant que ce dernier avait dans ses valises un certain Sarkozy.
    Avec Sarkozy à la présidence, ce sera aussi dur qu’aujourd’hui (car il est au pouvoir depuis cinq ans déjà) pour les sans-papiers, les précaires, les exploité-e-s, les jeunes… Nous en prendrons plein la gueule, mais en gardant l’espoir que naissent des mouvements sociaux d’envergure. Avec Royal, la forme de gouvernement sera très certainement moins brutale (dans un premier temps…), mais le contenu sera le même ! Tout est affaire de pédagogie ! Elue, Royal pourra très certainement compter sur la docilité de beaucoup de structures institutionnelles, dont les grandes centrales syndicales. Cela nous rappellera la “ gauche plurielle ” de 1997- 2002 (moins d’un tiers des votants en 2007)… qui glissera vers le centre.

    Ne pensez-vous pas que la vraie vie sociale et politique est ailleurs ?
    Nous n’aurons que ce que nous prendrons par nos luttes collectives, en rejetant tous les modèles de ce monde pourri. Un autre futur est possible ! La politique, la vraie, c’est dans la rue, les lieux de travail, les quartiers… qu’elle se fait quotidiennement, et non dans l’isoloir de leurs machines à… sous !
    OCL Reims


    “ Augmentez les salaires, embauchez les intérimaires ! ” : A PSA Aulnay comme ailleurs, “ la force des travailleurs c’est la grève ”
    Le 28 février, des travailleurs et des travailleuses de l’usine Citroën d’Aulnay-sous-Bois (93) se sont mis en grève. Ils réclamaient 300 euros d’augmentation, l’embauche des intérimaires, un salaire minimum à 1500 euros ainsi que la retraite à 55 ans et le paiement des jours de grève. S’ajoutaient aussi quelques revendications spécifiques aux conditions de travail. Si la direction avait cédé sur les revendications, ça aurait été un précédent majeur pour tous les travailleurs de France et les luttes à suivre. Toutefois cette grève de six semaines n’est pas un échec mais un premier pas fondamental dans notre conflit face au capital.

    La considération à l'égard de tous les disparus et de leurs proches rend indécente la volonté de donner une échelle de valeur associée à la puissance dévastatrice de ces drames. La catastrophe d'AZF reste certes tragique mais néanmoins relative sur le plan des dégâts physiques, moraux et environnementaux. Ils sont incomparables aux effets destructeurs, permanents, mondiaux, de la société capitaliste, de la société militaro-industrielle, aux effets dévastateurs de l'exploitation de l'homme, du vivant et de la planète. Ces deux derniers siècles, l'activité industrielle dite en situation d'exploitation normale compte à son actif un lot trop important de pertes humaines. Devons-nous rappeler à la mémoire collective toutes les morts, tous ces cancers et autres maladies environnementales, toutes ces nécroses radio-induites ou induites par la chimie ? Tous les décès dus à l'amiante, à l'exploitation du charbon ou de l'uranium … Toutes les proies de la production guerrière, des armes explosives, des gaz de combat et du mortel phosgène, fabriqués à Toulouse. Tous les sacrifiés sur l'autel du profit.

    Droit des victimes ou victimes du droit ?

    Le contrôle des réactions populaires, des turbulences sociales est la condition sine qua non d'une bonne gestion de catastrophe. Une politique fondée sur deux logiques complémentaires : l'usage du bâton, l'occupation militaire préventive de la zone touchée, la chape de plomb de la désinformation, l'individualisation, le traitement psychologique de la colère, la main-mise des organisations politiques citoyennistes sur la lutte des populations … et l'utilisation de la carotte, sous forme de compassion/compensations pécuniaires.
    Hormis pour les Toulousains qui l'ont vécu dans leur chair, une fois médiatisée, cette explosion n'est plus apparue que comme un sujet d'actualité, un événement spectaculaire alimentant la causerie ; une nouvelle source d'angoisse et de charité, un objet de consommation télévisuelle. De la violence, du sang, des larmes, des lamentations, du recueillement et des prières, de la haine, du désir de vengeance, une foule de questions, de suspicions … de mises en accusation réclamant la mise en pâture de boucs émissaires. De la matière première vivante, du justiciable, coupable ou même pas, pain béni quotidien des administrations vampires, des organes répressifs de l'Etat, de la Justice en particulier. L'indépendante Justice des hommes, celle qui juge en toute intégrité et condamne en notre nom, au nom du peuple et des victimes en particulier. L'état de victime estampillée donnant droit à une légitimité pour régler des comptes … mais attention, pas de vindicte rageuse, non, plutôt de la sacro-sainte justice se posant en rempart, en arbitre. N'acceptant de mécontentement que de la part de victimes reconnues. Des associations de victimes en colère réclamant justice. Des associations au pouvoir renforcé, agréées par l'Etat, qui seules peuvent prétendre à la légitimité institutionnelle pour déposer une plainte recevable, qui seules ont accès aux dossiers. Finalement des associations gestionnaires et garantes du bon déroulement des mécanismes judiciaires institués. Des associations qui confinent le règlement du conflit au cadre fixé par la Loi.
    Peut-être parce que cette explosion était, elle aussi, tout à fait légale. Le risque n'était-il pas connu, contrôlé, légiféré, inévitable et accepté ? Tous les Toulousains vous l'auraient dit : "un jour ça va péter".
    N'est-il pas incohérent de faire appel à la justice pour déterminer si cette explosion fut un traumatisme légal ou pas ? Pourquoi semble-t-il si vital de pointer du doigt un suspect ? Pour l'exemple, pour que finalement il soit reconnu responsable mais pas coupable d'un système d'exploitation dangereux mais légal ?
    Quoiqu'il en soit, les victimes associées font donc appel à la justice pour régler leurs dédommagements, pour les assurances mais aussi et surtout pour châtier un coupable. La punition infligée serait expiatoire pour l'accusé. On suppose que pour les plaignants, le jugement rendu prend une dimension rédemptrice et les soulage de la douleur ressentie, leur apporte une reconnaissance officielle. Ils savent pourtant que jamais les représailles ne répareront le tympan crevé ni ne ramènera à la vie la personne perdue.
    La justice évalue donc la gravité des faits pour punir le coupable et indemniser la victime selon des codes en vigueur. En fonction des situations, elle regroupe ou isole les accusés. Elle fait de même pour les victimes.

    Désigner des coupables pour protéger les responsables

    PSA Aulnay


    A Aulnay, on assemble des voitures (la C2 et la C3) avec des pièces fabriquées par les différents sous traitants. Avec ses 3400 ouvriers, l’usine est de taille moyenne (par rapport aux 10000 de Citroën Rennes ou de Peugeot Poissy). Grâce aux grandes qualités de management de la direction ( !) et surtout aux conditions particulières d’exploitation des travailleurs, l’usine est la 2ème plus rentable du groupe PSA (+ 25% de productivité en 20 ans). Bien que la plupart des salariés de la boîte ne gagnent que 1000 à 1500 euros net, le groupe, lui, dégage d’énormes bénéfices (plus de 9 Milliards cumulés ces dernières années, affirme un membre du comité de grève).
    Le site est en lointaine banlieue, dans une zone industrielle isolée de toute forme de vie. D’après un camarade de l’usine, “ près de 22000 jeunes sont passés sur les chaînes de fabrication de l’usine d’Aulnay et c’est avec un certain cynisme qu’une DRH de l’usine avait prétendu que l’entreprise avait écumé la totalité de la jeunesse du 93 ”… Ici, la CGT est majoritaire. Ce syndicat n’a pas signé l’accord de négociation à la rentrée (augmentation de 1.6% du salaire, soit 26 euros brut !!) contrairement aux autres syndicats. Notons que dans cette boîte, c’est FO qui fait office de syndicat des patrons, ceux-ci ayant carrément osé s’opposer au mouvement de grève. Il y a aussi quelques adhérents à SUD. Des camarades communistes et libertaires sont présents dans l’usine. Ce site de production a un passif en matière de luttes sociales. Mais, au fur et à mesure que les anciens militants partaient en retraite, la conscience de la lutte s’est difficilement transmise. La boîte a connu une longue période de 20 ans sans lutte sociale (1).
    La lutte a cependant repris en 2004, chez certains sous traitants pour des augmentations de salaire. La direction a tout fait pour réprimer ces mouvements sociaux : harcèlements, menaces, licenciements, embauche de jaunes ou agression furent de mise. A Citroën Aulnay, il y a eu une grève victorieuse en 2005, pour le paiement des jours de chômage technique. Lors de cette lutte, un comité de grève s’était déjà mis en place.

    La sous-traitance et l’intérim Une des difficultés majeures pour les luttes dans le secteur automobile est que la production est parcellisée et les travailleurs sont atomisés.
    D’une part, l’usine mère ne fait plus que de l’assemblage, la fabrication étant assurée par des boîtes de sous traitance (souvent des entreprises revendues par le groupe PSA). Lorsque les ouvriers de la sous traitance réclament une augmentation de salaire, leur direction leur fait comprendre que l’entreprise est elle-même sous la pression de PSA (alors que PSA intervient dans les négociations salariales). Réciproquement, PSA fait pression sur le facteur travail en fixant elle-même les tarifs auxquels elle paye les sous traitants. Ainsi elle ne s’embarrasse pas avec des syndicats plus puissants, des DP, des conventions collectives et surtout de la menace que représentent beaucoup de travailleurs réunis sur le même site.
    L’autre conséquence est évidement que les travailleurs sont une nouvelle fois divisés (entre différentes entreprises, entre différents statuts) alors qu’ils participent tous à la même production et surtout, à la même plus value pour les actionnaires.
    Le recours à des travailleurs intérimaires est aussi un avantage majeur pour Citroën. En effet, le facteur travail devient beaucoup plus “ flexible ”, modulable. Ils sont de plus en plus nombreux à ne jamais être embauché. Cela divise une nouvelle fois les travailleurs entre ceux et celles qui restent dans la boîte et les autres qui n’ont pas forcement la sensation d’avoir des raisons de lutter puisqu’ils peuvent penser, par exemple, qu’ils ne bénéficieront pas des avantages obtenus. Cela est à mettre en rapport avec les conditions de précarité que peuvent connaître les intérimaires, ce qui les freine pour lutter : perte de salaire, peur de ne pas être repris, d‘être grilleé auprès de son agence, etc.

    Le début de la grève Chez le sous-traitant MAGNETO, les ouvriers ont obtenu 100 euro d’augmentation ainsi que 5 jours de congés supplémentaires et l’embauche de 10 des 40 intérimaires de l’atelier, en 3 jours de grève seulement fin février ! C‘est certainement grâce au tract, informant de cette victoire, distribué par les militants CGT, que des ouvriers de l’équipe du matin ont débrayé à Aulnay.
    “ Une dizaine de salariés circulaient sur les lignes de montages pour faire sortir leurs camarades, on comptait vers 17 heures 200 ouvriers de fabrication en grève dont des moniteurs et des intérimaires Puis ce fut au tour de l’équipe de nuit de se mettre en grève avant de voir le lendemain l’équipe du matin rentrer dans la danse. La production de C2 C3 était alors complètement arrêtée”, raconte un membre du comité de grève. C’est grâce à des débrayages spontanés qu’a pu démarrer la lutte. Les acquis de la grève de 2005 ont permis au mouvement de se structurer et s’organiser rapidement. La direction n’a pas attendu pour mettre en place la répression, en faisant surtout pression sur les non titulaires. Ajoutons que l’inspection du travail a condamné la boîte pour avoir embauché illégalement des intérimaires pendant la grève. Aussi, ils ont fait venir des jaunes depuis d’autres sites, en leur proposant un peu d’argent…

    Le déroulement de la lutte Deux fois par jour, une centaine de personne se réunissait en comité de grève et les décisions étaient ensuite votées en AG. Environ 500 personnes ont participé activement à la grève. Les autres salariés étaient nombreux à soutenir le mouvement : débrayages de 2H, signature de pétitions, don à la caisse de grève, etc. pour plus de mille d’entre eux. Les grévistes ont rapidement voulu populariser le mouvement. Ils ont diffé des tracts dans d’autres usines du groupe, manifesté avec d’autres grévistes ou devant le siège de PSA, etc. Ils ont aussi accueilli la “ bravitude ” des candidats au spectacle électoral venus les visiter (ou leur faire la leçon, comme Ségo !). L’intersyndicale a soutenu le mouvement. Le Grand patron de la CGT est venu les voir avec un petit chèque de 10000 _. La caisse de grève a été alimentée par les collectes de soutien et des dons de la part de certaines d’Unions Locales. Le Conseil Général de Seine St Denis a voté une aide 20000 euros aux grévistes (2) et plusieurs mairies PC ont aussi apporté un soutien financier. Cette aide à caractère politique n’aurait probablement pas eu lieu en dehors du contexte de la chasse aux voix ou si la grève n’avait pas plu aux bureaucrates réformistes du PC. Il y a eu des débrayages sur plusieurs sites (3), notamment chez Lear qui fabrique les sièges. Les voitures étaient donc montées à Aulnay…sans les sièges ! Finalement, la reprise du travail a été votée durant la sixième semaine de grève. Le rapport de force n’augmentait plus et la fiche de paye de mars commençait à être dure à digérer. Toute fois cette grève n’est pas une défaite, c’est un premier pas. Les ouvriers de l’usine ont appris à s’organiser, à mieux se connaître et on acquis une bonne expérience.

    Les enseignements de la grève Un des points forts de cette grève est que les obstacles à la lutte de classe tendent à être combattus. La lutte a dépassé un enjeu purement économique et d’entreprise pour arriver à des revendications de classe et sur la base d’une lutte pour le secteur en entier. La revendication des 300 euros rejoint la volonté des 1500 euros du SMIC. Pour cela, les politiques ne valent rien : d’abord, ils ne promettent le SMIC que dans plusieurs années (avec l’inflation) alors que seule la lutte permettrait de l’obtenir tout de suite. Aussi, cette revendication n’est en rien extraordinaire mais est simplement une nécessité exprimée par les conditions de vie de la “ la France qui travaille ” trop !
    L’autre obstacle qui tend à être surmonté est celui de la division des travailleurs. Ce mouvement est une grande avancée puisqu’il a fait naître une solidarité entre les salariés de Aulnay et ceux des autres entreprises de PSA et des sous traitants. On a vu qu’il peut y avoir des solidarités et des luttes menées collectivement entre précaires et titulaires et, surtout, que leurs intérêts sont convergents.
    Les grévistes ont aussi participé au fait qu’il puisse renaître un front de classe, unissant les travailleurs de tous les secteurs, pour être plus fort face aux intérêts capitalistes. Ils ont manifesté avec d’autres secteurs en lutte, on popularisé leur lutte auprès des habitants de la région. Le problème fondamental dans cette grève n’est pas tant que les salariés de l’usine solidaires de la grève n’aient pu (ou osé ?) rejoindre le mouvement. Plutôt, il faut voir qu’aucune forme d’organisation des travailleurs du pays n’a été là pour appeler et faire naître une grève, dans d’autres entreprises, dans tous les secteurs, afin que ces revendications, qui concernent toute la classe ouvrière, puissent être satisfaites. Ce n’est pas être utopiste ou gauchiste que de poser cette question car c’est bien cela le fond du problème : les travailleurs n’ont pas encore aujourd’hui les moyens d’inverser globalement le rapport de force.

    Les questions politiques Les premiers syndicalistes de la CGT ou les militants des IWW (4), au début du siècle dernier, se posaient la question de comment dépasser le syndicalisme de métier (de corporation) pour favoriser l’organisation de tous les travailleurs. Aujourd’hui, il nous faut notamment poser la question de comment dépasser le syndicalisme d’entreprise pour réunir les travailleurs d’une même production (salariés ou non de l’entreprise donneuse d’ordre, titulaires ou non, etc.) et créer la solidarité entre les travailleurs en lutte dans tous les secteurs. Et cela, aucun parti politique ni aucune fédération syndicale n’envisage concrètement de le faire.
    Finalement, ce mouvement social n’a fait qu’aborder brièvement ces questions politiques. A priori, les liens créés, avec le comité de grève notamment, vont permettre de construire le rapport de force quotidien à PSA Aulnay. Mais il aurait aussi fallu que les solidarités construites avec des salariés d’autres entreprises puissent être maintenues.
    Enfin, on aurait pu espérer que les grévistes aient remis en cause leur travail lui-même : est t il vraiment envisageable de réclamer que la production automobile puisse continuer, avec tous les désastres qu’elle engendre : pollution, défiguration des villes et des campagnes, désastre social, etc. ? Malheureusement, pour le moment, la majorité des travailleurs a surtout une chose en tête : finir le mois sans trop creuser son découvert…

    Seba, OCL Paris le 26 avril

    Un site Web sur la grève avec un Forum, http://phoenixx1.free.fr, est à visiter impérativement !
    Sources : L’Huma, le figaro, le parisien, Nouvel Obs.com, indymedia et discussions avec des travailleurs d’Aulnay.

    (1) “ Il y a eu une grande grève en 1982, où les travailleurs immigrés avaient gagné la “ dignité ” et le droit de se syndiquer à la CGT et non au syndicat maison, puis en 1984 face aux licenciements ” (L‘Huma.).
    (2) La droite et la direction s’en sont offusquées mais aucun d’eux n’a rappelé les 269 millions d’euros offerts à PSA…par la région Île de France !
    (3) Lear à Lagny-le-Sec, quatre jours de gève ; Gefco à Survilllers, trois semaines ; Lajous, deux jours de grève ; Seidoux.
    (4) Industrial Workers of the World. Ils avaient pour slogan : “ ONE BIG UNION OF ALL THE WORKERS ”

    Pays Basque : Occupation contre les OGM
    Le Collectif anti-OGM du Pays Basque s'est créé récemment, le 10 mars dernier, peu de temps avant les semis de maïs (qui commencent en avril). Son premier but, dans l'urgence, était d'informer au plus vite les paysans et les consommateurs afin d'empêcher une coopérative agricole, Lur Berri, – le plus petit groupe parmi les gros, situé à Aicirits près de Saint-Palais (Pays Basque intérieur) –, de vendre et de collecter du maïs transgénique à quelques dizaines d'agriculteurs locaux qui en auraient fait la demande, comme elle l'avait annoncé fin février, pour la mise en culture de quelque 500 hectares de maïs.

    L es semenciers se sont engouffrés, sans attendre, dans les ouvertures à la commercialisa tion des OGM, assorties d'un bouclier total qui les dédouane de toute responsabilité de dissémination, que leur offrent les décrets gouvernementaux, passés en force et de façon très discrète, le 19 mars, sans qu'il y ait eu le moindre débat parlementaire. Ils se sont aussitôt empressés de faire une publicité tapageuse et mensongère en faveur des plantes génétiquement modifiées. La coopérative Euralis en Béarn (contre laquelle ont eu lieu des manifestations anti-OGM le 10 mars à Lescar et le 31 mars à Pau) et celle de Maïsadour dans les Landes sont évidemment dans la même logique. Quant à l'Association Générale des Producteurs de Maïs, elle annonce, très satisfaite, que 30 000 à 50 000hectares - 5000 ha en 2006- (sur 32 millions d'hectares de surface agricole française) pourraient être concernés par des plants de maïs OGM cette année.

    La création du Collectif anti-OGM du Pays Basque a été impulsée par les paysans d'ELB (syndicat paysan basque lié à la confédération paysanne) et de B.L.E (qui regroupe les paysans pratiquant l'agriculture biologique au Pays Basque) ainsi que par des participants au Forum social dont les ateliers et les débats se sont tenus en février dans les locaux d' EHLB (= Chambre d'agriculture du Pays Basque, mise en place de façon autogérée depuis près de 2 ans, en dépit de l'hostilité des pouvoirs politiques et syndicaux – FDSEA – du Département et de l'Etat). Outre la critique fondamentale qu'ils font du système capitaliste qui cherche à prendre le contrôle du vivant et à mener la guerre alimentaire sur l'ensemble de la planète par multinationales de semenciers interposées ("Culture transgénique = culture totalitaire"), les paysans mobilisés ont perçu comme une véritable provocation l'annonce de la commercialisation de maïs OGM par Lur Berri et par les autres groupes aquitains. Ils refusent de voir anéantis, à cause de la contamination génétique inéluctable de leurs cultures et de leurs élevages par le maïs Bt, les efforts qu'ils ont fournis sans relâche depuis 30 ans pour aller à l'encontre de l'agro-industrie-business : 3000 d'entre eux (60% des exploitations) au Pays Basque sont engagés dans des démarches de qualité (produits fermiers, produits labellisés AOC, agriculture biologique, tous sous signes officiels de qualité sans OGM). Des personnes de divers horizons et toutes motivées pour une même cause, à savoir l'opposition à la commercialisation de semences génétiquement modifiées, les ont rejoints dans leur démarche. Ainsi, ce sont deux cents personnes qui ont investi les locaux du groupe Lur Berri, le vendredi 13 avril.

    L'occupation de la coopérative a duré 6 jours et 5 nuits (sans cependant s'étendre aux bureaux, gardés par des vigiles avec chiens). Plus de 2000 personnes y ont participé d'une manière ou d'une autre. De nombreux maires sont venus sur place ; des représentants de partis, de syndicats, d'associations sont venus s'exprimer ; les candidats à la présidentielle (excepté Sarkozy), tous sollicités, se sont empressés de soutenir l'action ( ce qui a scandalisé le président de la coopérative : "Qu'un possible futur président considère comme légitime une action illégale me paraît anormal", ainsi que celui de la Chambre d'agriculture de Pau – FDSEA : "Ce qui se passe à Lur Berri est à la limite d'une expression démocratique et rationnelle.
    C'est presque du chantage, de la prise d'otages" et se sont prononcés pour un moratoire immédiat des cultures génétiquement modifiées ; Voynet en personne a fait un grand détour par la petite commune d'Aicirits…Des assemblées générales quotidiennes et ouvertes à tous ont réuni jusqu'à 600 personnes. Le seul incident à signaler a été une tentative du directeur de Lur Berri d'intimider les occupants, en se servant des vigiles escortés de molosses ; tentative dont le seul résultat a été un afflux plus important d'occupants. Le 17 avril, les responsables de la coopérative déposaient une plainte pour occupation illégale. Mais le camp n'a été levé que lorsque les occupants ont obtenu, le 19 avril, un compromis : un engagement écrit du président de Lur Berri qu'aucune semence ne serait vendue jusqu'au 7 mai, lendemain du second tour des élections présidentielles.
    Il faut dire que la période électorale a servi de caisse de résonance à ce conflit, en lui donnant une couverture médiatique et une dimension hexagonale qu'il n'aurait sans doute pas eues autrement. Mais l'action audacieuse de l'occupation, son caractère populaire et massif, a aussi contribué à donner un écho supplémentaire au combat contre les OGM, au-delà du Pays Basque.

    Au cours de cette action, un certain nombre d'objectifs a été atteint : l'information sur les OGM a été très intense et très large pendant cette semaine d'occupation, et elle se poursuivra ; la politique de Lur Berri, qui s'affiche volontiers au service de tous les paysans et de la production agricole de qualité, a révélé sa véritable politique et a été dénoncée pour ce qu'elle est : au service des firmes multinationales agrochimiques ; un collectif de 23 avocats s'est d'ores et déjà constitué, à la demande des paysans anti-OGM, prêt à agir bénévolement dans les dossiers juridiques de contamination par les cultures transgéniques. Plus de 60 maires et conseillers généraux du Pays Basque ont signé une motion demandant l'adoption d'un moratoire au gouvernement.

    Cependant la conclusion de cette action n'est pas vécue comme une victoire de la part du Collectif et des participants à l'occupation, mais comme une première étape, positive mais largement insuffisante. Le "mini-moratoire" obtenu jusqu'au 7 mai est en effet bien court, et bien faible est l'espoir de voir le futur chef d'Etat décréter un véritable moratoire, comme le demandent le Collectif et plusieurs associations, et qui plus est qu'il le décrète immédiatement (avant les semis 2007 ou en exigeant rapidement leur arrachage). De plus, bien d'autres coopératives sont impliquées dans la vente de semences OGM et le groupe américain Monsanto lui-même a une usine implantée à Peyrehorade, au sud des Landes, donc aux portes du Pays basque…
    Aussi d'autres actions sont-elles en discussion et en préparation, et le Collectif du Pays Basque compte développer et renforcer ses liens avec les autres Collectifs qui mènent des actions similaires. Il affiche sa volonté de mobiliser tous les moyens pour arrêter la poignée d'industriels qui tentent d'imposer les OGM à l'ensemble de la société.

    Site du Collectif : http://eh.anti-ogm.org
    Kristine, Pays Basque,
    le 24 avril 2007


    MOINS QUE RIEN... la situation des Roms en France.
    La situation des Roms est un excellent vecteur pour envisager le traitement politique et institutionnel des minorités, mais aussi les législations concernant les personnes non sédentaires. Elle montre comment la société et l'Etat considèrent ceux et celles qui ne rentrent définitivement pas dans ses cases... Entretien1 avec Vincent membre du groupe libertaire Spartacus (OCL) et militant associatif à Argenteuil.

    Egregore : On voulait faire cette émission depuis longtemps, mais une malheureuse opportunité nous donne l'occasion de traiter ce sujet. En effet lors de la publication de la loi sur la prévention de la délinquance un décret concernant les gens du voyage a été ajouté. Désormais les préfets vont pouvoir, sur demande du maire, virer les gens du voyage sans décision de justice. Est-ce que tu peux nous en dire un peu plus ?

    Vincent : En fait il s'agit d'une loi qui a pour base le texte rédigé par une commission en 2002 et présidée par le président du groupe Accord Arcade, c'est à dire une énorme chaîne d'hôtels.

    Egregore : On les connaît surtout (en dehors de l'exploitation des gens qui y bossent) pour le rôle qu'ils jouent dans les expulsions de sans papiers

    Vincent : A la lecture des motifs de la loi on s'aperçoit que les motivations principales résident dans le fait que je cite “ la loi du 5 juillet 2000 bien que juridiquement efficace ne permet pas aux maires d'agir suffisamment rapidement [en effet] la lourdeur de la procédure résulte notamment de la nécessité d'intermédiaire pour obtenir l'ordonnance de référé qui permettra l'expulsion des gens entrés illégalement sur le territoire de la commune ” mais dans les faits les flics appliquent déjà ce décret. La loi nous est présentée comme une avancée car elle est supposée comporter deux aspects un positif (la construction d'aire de stationnement) un négatif (l'expulsion). Mais, généralement, les zones d'accueil n'existent et quand on interroge les flics sur la présence de ces aires ils répondent qu'elles sont en cours de construction. Résultat on se retrouve avec des groupes de familles qui zonent de terrains en terrains et donc d'expulsion en expulsion ce qui, outre les condition de vie épouvantables qu'on peut imaginer, empêche la scolarisation des enfants.

    Egregore : Concrètement c'est quoi le quotidien des “ gens du voyage ” en France ?

    Vincent : Bah le quotidien c'est d'être chassé de terrains en terrains, de chercher des terrains pour s'installer ou d'accepter les terrains proposés par les mairies, mais la plupart du temps ces zones se trouvent dans les endroits les plus pourris de la ville, par exemple à Argenteuil c'est à côté de la déchetterie. Le quotidien c'est aussi pour les enfants l'impossibilité d'être scolarisés, il existe normalement une “ école du voyage ” qui fait de la sensibilisation à la scolarisation et qui prend la forme de visites d'un camion deux fois par semaine, mais c'est complètement inefficace. De plus ce rôle est assuré par des associations catho, comme souvent ce qui a trait à la condition des gens du voyage, et plus particulièrement par des associations en relation avec l'Opus Dei. La structure officielle qui est issue des religieux, c'est l'ADVOG, en réalité il s'agit d'une usine à gaz qui vit de subventions et qui ne fait rien de concret, la très faible présence de Roms a l'intérieur le démontre bien. Il existe d'autres choses : il y a une commission CNT gens du voyage ou l'Association Esmeralda, mais les plus intéressantes ce sont des petites assos qui fonctionnent avec de petits groupes et qui essaient de se retrouver autour de luttes concrètes ou en cas de coup dur...

    Egregore : Il y a des luttes à Montreuil je crois avec la constitution d'une coordination...

    Vincent : oui c'était très intéressant mais le problème à été l'arrivée de RomEurope . Outre le fait qu’ils ont voulu négocier avec Sarkozy et qu'il n'y ait pas de tsiganes à l'intérieur, ils affichent la volonté de séparer les problèmes et notamment de traiter à part Roms manouches et Roms roumains.

    Egregore : Justement est-ce que tu peux nous parler plus de ce qu'on nomme un peu faussement “ gens du voyages ”, quels sont les peuples qui font partie de cet ensemble ?

    Vincent : Eh bien gens du voyage pour moi, cela ne signifie rien, si tu prends le train, tu voyages, t'es un gens du voyage... Bon, à l'origine il y a un ou deux peuples qui sont partis d'Inde il y a 1000 ans, et qui se sont déplacés dans toute l'Europe. Ainsi ils ont traversé tout l'espace européen mais aussi son histoire, ils n'ont pas vécu en dehors des sociétés et des cultures qu'ils ont rencontrées mais ils les ont intégrées. Par exemple il y le cas des Yénishes, les tsiganes allemands, que je connais puisque moi je suis manouche allemand ; le peuple yénishe c'est un peuple qui s'est constitué avec des rescapés des révoltes luthériennes, des tsiganes et des juifs qui fuyaient les pogroms et qui se sont réfugiés dans les forêts ; on a donc à la fois un peuple qui est juif et tsigane... Tu vois donc que l'histoire du peuple tsigane est particulièrement riche et... complexe, alors pour moi cette notion gens du voyage c'est un terme fourre tout qui permet de pas s'occuper d'eux et de les laisser dans le non droit, comme celui de la scolarisation normalement obligatoire des mômes. En fait les Roms n'ont le droit qu'à la répression. Cette répression est alliée a un anti tsiganisme primaire mais très bien installé. De même qu’ il est impossible de raisonner un antisémite il est impossible de faire tomber les clichés sur les tsiganes telle l'équation tsiganes=voleurs. Ce racisme est institutionnalisé ; il a été à l’œuvre de Vichy dans le traitement des Roms enfermés dans des camps et déportés. Ces camps ont continué de fonctionner jusqu'en 1947. il n'y a d'ailleurs très peu de travail de mémoire là-dessus. Le racisme se manifeste aujourd'hui dans les pays de l'Est où par exemple en Roumanie ont lieu des pogroms très violents. Mais il y a plein de préjugés ici aussi et même dans les réseaux militants. Le résultat c'est que les violences policières sont fréquentes et pas souvent dénoncées, en somme ça paraît normal de taper sur les Roms. Il y a aussi les manouches et les Yéniches qui sont allemands, des gitans espagnols, des tsiganes des mondes ibériques et d'Afrique du nord qui se sont retrouvés en Camargue, mais tu as des groupes qui ne sont pas forcement tsiganes mais qui voyageaient et vice et versa, comme les forains par exemple. Bref tu vois gens du voyage c'est un peu tout ce monde là.

    Egregore : Est ce que tu peux nous parler un petit peu du carnet de circulation ?

    Vincent : Le carnet de circulation c'est un truc qui s'est mis en place avant la guerre de 14/18, comme le carnet anthropométrique, tous les mois il fallait aller pointer à la gendarmerie, c'est ce j'appelle moi le fichier gitan, ce livret a été décrété illégal par la justice européenne.

    Egregore : Il va certainement y avoir une continuité de cet état d'esprit avec les Roms de Bulgarie et de Roumanie qui vont entrer dans l'Europe, on va certainement utiliser la biométrie, normalement ils devraient pouvoir circuler librement dans l'espace Shengen comme n'importe quel citoyen européen, mais dans les expulsions de Sarkozy, ont s'aperçoit qu'il représentent plus de 20% des reconduites à la frontière.

    Vincent : On a affaire à ce genre de cas ici à Argenteuil, ces expulsions créent des situations effroyables puisque les sans papiers conservant une grande partie de leur famille en France font tout ce qu'il peuvent pour revenir. Alors quand ils reviennent ils n'ont plus rien du tout et ils sont obligés de travailler au noir ; en fait on se rend compte que c’est tout l'arsenal juridique qui crée la situation de non droit. Il existe ainsi toute une espèce de sous classe ouvrière qui se tape les métiers les plus durs comme par hasard (trimardeurs du nucléaires, bâtiment, saisonniers).

    Egregore : Mais normalement selon la loi les étrangers de nationalités bulgare et roumaine peuvent avoir leur autorisation de travail vu qu'ils sont européens, non ? Mais il doit falloir à ce moment-là un sacré rapport de force ?

    Vincent : Non ce qu'il faut c'est des gens qui puissent leur filer un coup de main et alors à ce moment là on peut obtenir des trucs. Ce qu'il faut c'est créer des principes de solidarité réelle avec eux. Mais malheureusement il y a peu de gens qui ont une action concrète. Il suffirait juste de redécouvrir la solidarité par ce que la solidarité ça fait tout, et puis avec la solidarité on pourrait peut être faire même la révolution. (à suivre...)

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