Rencontres anarchistes de Porto Alegre - 1er au 5 février 2002 |
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Préambule Contribution de lOCL Compte-rendu Déclaration finale |
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PRÉAMBULE |
1) Introduction Chers camarades du mouvement libertaire international: La Federation Anarchiste Gaúcha (FAG) veut exposer, à travers ce communiqué, des réflexions sur le caractère et les motivations du Forum social mondial ainsi que la volonté de la fédération de réunir les forces nécessaires pour coordonner une intervention anarchiste efficace durant la semaine où se déroulera ce forum, à Porto Alegre. Cette ville est aussi celle où se base principalement notre organisation et nous aimerions emmener des propositions pour la programmation d'une activité qui pourrait projeter les idées-force du socialisme libertaire au public mondial. On estime à environ 100 000 le nombre de participants qui vont venir ici en vue d'assister au Forum. Il est certain que cette circonstance nous offrira plusieurs possibilités d'action. Il faut mentionner qu'à la 1ere édition du FSM (2001)la FAG ainsi que d'autres organisations brésiliennes on pris une position très critique par rapport à cet événement Nous avions alors surtout dédié nos efforts à la propagande et à la coordination d'action directes avec d'autre groupes de gauche radicale. Nous avons participé directement à l'intervention du bloc anti-capitaliste qui a eu lieu au salon de l'Université Catholique, emplacement officiel des activités du Forum. Il y eu alors une déclaration collective qui a souligné l'incapacité de n'importe quel projet social-démocrate de gestion humaine du capital à solutionner les problèmes socio-économiques et environnementaux qui résultent des rapports de domination. Lorsqu'il en a été possible, nous avons organisé des débats dans un local public avec la participation de la Fédération Anarchiste Uruguayenne (FAU), de la Confédération Générale des travailleurs (CGT, Espagne) et des camarades des autres régions du Brésil. Il y eu une présence significative de gens intéressés par les sujets débattus. Au delà de tout cela, nous avons réalisé que le contexte qui a suscité le FSM pouvait être utilisé avec plus de force dans une perspective de propagation de l'anarchisme militant et des principes généraux de son projet révolutionnaire. Il est possible, à partir de conditions matérielles et politiques déterminées, de montrer à tous ces gens venus à Porto Alegre avec un esprit d'engagement personnel la vitalité de nos idées et des réalisations pratiques qui en sont inséparables. C'est peut-être une grande opportunité de faire voir l'anarchisme pour ce qu'il est vraiment, c'est-à-dire une alternative pour la lutte des classes opprimées contre la domination capitaliste, dans sa version mondialitaire-libérale ou Étatiste. Voilà les raisons que nous considérons suffisantes pour faire de ce communiqué le point de départ pour l'articulation d'une action collective internationale de la militance libertaire au FSM. 2) FSM - 2002: Les vieux projets de réforme d'un système inutile pour le peuple Le FSM est le produit d'un grand rassemblement de forces politiques, sociales et institutionnelles du monde entier, réunis dans une alliance de classe réunissant même certains businessmen soi-disant "progressistes".Ce grand pic-nic politico-social qui se réuni non par hasard dans une ville et un État du Brésil ayant une tradition de gouvernements du PT (parti des travailleurs), a selon ses organisateurs pour but de lutter contre le néo-libéralisme. À cause des signes évidents de la faiblesse du modèle néolibéral, les idéologues du FSM-2002 tentent difficilement d'arriver à la conclusion d'une coalition de classe internationale, ayant pour objectif de promouvoir un projet d'hégémonie mondial de la social-démocratie comme seule manière efficace de gérer le système, au moyen d'une "nouvelle rationalité administrative". Pour cela, le projet social-démocrate doit pouvoir démontrer qu'il est capable de produire le bien-être pour les secteurs sociaux directement victimes de l'oppression capitaliste. Quelle meilleure propagande de cette "capacité" qu'un capitalisme géré localement par un programme social-démocrate dans un pays du Sud et du tiers-monde? Le point de référence qu'ils tentent de construire de ce "capitalisme possible" est l'expérience des gouvernement du Front Populaire (sous le contrôle du PT) dans la ville de Porto Alegre et l'État de Rio Grande do Sul. La crédibilité de cette gestion humanitaire du capital permet à se projet d'étendre son influence à travers le monde: ce néo-réformisme s'impose désormais grâce à (et aux dépens de) la misère mondiale et des manifestations du mécontentement populaire qui en résulte. Le "rationalisme" revendiqué par le FSM depuis sa naissance se garde bien sûr le droit de ne pas y promouvoir l'action directe populaire contre les institutions économico-financières qui symbolisent l'exercice du pouvoir mondial. Le fait est que la dynamique conflictuelle qu'engendre cette méthode de manifester pourrait forcer les flics de l'État du PT à réprimer ses propres invités. L'année 2002 marque une conjoncture entre les élections nationales (présidentielles) et régionales (gouvernements d'État) et le PT y symbolise le projet de gouvernement que propose la gauche réformiste: contrôler la volatilité des capitaux financiers en spéculation dans les pays périphériques et faire de l'argent en prélevant un taux fixé par les gouvernements; politiques favorisants le capital productif national et les PME par un investissement direct des multinationales; maintient des services publiques qui ont survécu aux privatisations; récupération des politiques de souveraineté nationale par le rétablissement de l'équilibre entre les pouvoirs formels et par des mécanismes de consultation de la population; remanier les appareils répressifs afin de les intégrer à la vie communautaire et de les instruire en matière de droits humains; encouragement des secteurs de travail autonome. C'est à partir de ces grandes lignes maîtresses que doit se développer le modèle de l'"engagement capitaliste" qui sera présenté par la frange la plus "mûre' de la Gauche, consciente de ses responsabilités institutionnelles. L'annulation des dettes extérieures et intérieures qui ont rongent les finances des pays appauvris et qui cause l'aliénation sociale des richesses publiques produites par les travailleurs est un thème de plus en plus tabou chez les réformistes, car il menace en quelque sorte la confiance en leur aptitude à gouverner aux yeux des élites. Dans la dispute de présentations de projets politiques où le FSM tente de s'insérer et de faire entendre sa voix, le débat tourne autour des modèles de développement ou de conduites que doivent adopter les pouvoirs capitalistes pour parvenir au bien-être général. Les institutions capitalistes sont donc acceptées comme étant des acteurs parmi les autres sans qu'il y ait de remise en question des rapports de dominance qui les ont créé. L'objectif est donc essentiellement de soigner plus efficacement la misère générée par le capitalisme sans en changer la nature cruelle.. Les 3 années de gouvernement PT dans l'État où nous vivons démontre en quoi la bonne volonté de la gauche modérée s'est transformée lorsqu'elle a du assumer la gestion du capital. Leur volonté politique s'est pliée à celle des forces plus puissantes qui contrôlent les institutions d'État jusqu'à ce qu'elle donne sa complète reddition au niveau idéologique. Les mesures sociales sont soumises aux mêmes limitations bureaucratiques. Les grosses compagnies ont toujours une influence considérable sur le pouvoir, les travailleurs des services publics (écoles, télé d'État) subissent les mêmes coupures de salaire qu'à l'époque de la droite. Les policiers sont toujours d'aussi bon protecteurs de la propriété privée lorsqu'il s'agit de réprimer les occupations du Mouvement des Sans-Terre (MST), le Mouvement des Sans-toit ou encore les jeunes. Il est aussi ridicule, soi dit en passant, d'entendre les flics répondre au téléphone en disant: "Gouvernement populaire et démocratique, bonjour?" Dans le scénario actuel de la mondialisation capitaliste, les chances d'un projet de développement national bourgeois, d'un pacte de collaboration de classes dans un pays déterminé ayant une souveraineté réelle sur ses politiques, sont quasiment nulles. L'intérêt des transnationales provenant de leurs installations productives dans tout les pays du monde à mené à une dépendance sans précédents entre les nations (surtout celles du sud). D'autre part les décisions des institutions économiques multilatérales (OMC, G8, etc), au service des intérêts corporatifs, priment de plus en plus sur la souveraineté des États. Les cas les plus problématiques, soit les pays les plus réticents à cette nouvelle donne, peuvent toujours être tassés par les appareils militaires U.S. ou autres sous le couvert de la lutte à la drogue, de l'anti-terrorisme ou de l'aide humanitaire. Telle est la situation, grosso modo, qui pousse le FSM à se réunir. Les élections brésiliennes de 2002 seront déterminante dans la forme que prendra le discours réformiste des partis engagés dans le processus électoral de la démocratie bourgeoise. La participation des mouvements sociaux à ce jeux électoral se fera très certainement dans les limites du projet social-démocrate. Ce projet, qui annule l'indépendance des classes opprimées et de leurs organisations en fonction des plans du gouvernement, ne vise pour gagner qu'un élargissement de sa base électorale. Cela le dispense de considérer le niveau de conscience de lutte de la population, condition indispensable pour un changement réel et profond de la société. Il est possible qu'un quelconque mouvement social avec une grande capacité d'action puisse questionner ces propositions, mais l'intégration des mouvement à l'appareil d'État est encore très forte dans Rio Grande do Sul, du à l'histoire de la gauche brésilienne et aux mécanismes efficaces de dépendances qui sont créés pour maintenir les mouvements sociaux sous contrôle de l'État. 3 - Propositions pour une intervention anarchiste internationale Camarades, comme nous vous l'avons dit, nous croyons que le Forum social mondial 2002 est une circonstance appropriée pour véhiculer les idées-force de l'anarchisme militant, confrontées au processus de mondialisation capitaliste. Nous voulons faire une invitation aux organisations qui ont l'intention de venir à Porto Alegre du 31 janvier au 5 février prochain à s'ajouter à la programmation des Journées Anarchistes que nous organisons. Il s'agit d'un événement parallèle au FSM, visant à l'organisation d'activités, d'expositions, de débats, de théâtre, de concerts etc. destinés au public qui passera par ici. L'organisation du FSM se divise entre les conférences officielles des délégués (en avant-midi), les débats organisés par les groupes syndicaux et politiques (en après-midi) et les débats populaires et ateliers avec invités (l'après-midi). Le premier jour sera consacré à la Grande Marche des participants. Puisque les conférences unidirectionnelles des réformistes ne nous intéressent pas, nous avons toutes les avant-midi de libres pour réaliser nos activités à saveur anarchiste (sauf le premier jour). Lors de réunions tenues en septembre 2002, nous avons discuter avec des camarades de la FAU (Uruguay), des collectifs Luta Libertaria (Sao Paulo) Ruptura (Rio de Janeiro) et de la Fédération anarchiste Cabocla du Para afin de coordonner nos forces en vue de notre objectif. Nous avons décidés de nous diriger vers les anarchistes organisés ou non, les groupes, syndicats, journaux etc, au Brésil et dans le monde à partir de ce communiqué afin de mesurer les possibilités d'amplifier les forces grâce à l'adhésion de plus d'organisations et de militants libertaires. Il y a une grande quantité de travail à faire qui nécessite des appuis, que ce soit pour convoquer des groupes, pour la communication, l'aide et le soutient dans l'organisation des Journées Anarchistes. Il nous faut de l'équipement sonore, des outils de propagande, des lieux physiques, de la bouffe et du logement, en espérant pouvoir réduire le plus possible les coûts. Comme la FAG est basée à Porto Alegre, il lui sera possible de subvenir à certains de ces besoins Voici ci-dessous une liste de nos suggestions pour les Journées. Nous espérons recevoir des contributions ainsi que les sujets sur lesquels les organisations aimeraient faire des présentations plus approfondies. La seule bataille perdue d'avance est celle que l'on ne fait pas!!! Santé et Anarchie! Secrétariat général de la FAG |
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CONTRIBUTION DE LOCL |
Message de lOrganisation comuniste libertaire pour les rencontres anarchistes de Porto Alegre Tout dabord, nous tenons à féliciter les camarades brésiliens davoir organisé ces rencontres pour tenter de dépasser les simples échanges par courrier (bien sûr nécessaires mais forcément limitatifs pour instaurer un nécessaire débat entre les différentes composantes libertaires au niveau international). Ces rencontres de Porto Allegre font écho à dautres rencontres européennes (passée comme les 15, 16 septembre dernier à Zurich en Suisse, ou bien à venir à lété 2002). Le besoin danalyser la situation à un niveau international est plus que jamais nécessaire pour résister et riposter aux offensives capitalistes globales qui conditionnent les conditions de lutte locales. Au vu des évènements récents en Argentine, il est important que les libertaires établissent des contacts suivis entre eux pour pouvoir soutenir et relayer les initiatives populaires éventuelles allant dans le sens de lautonomie daction à la base. Ces rencontres libertaires internationales de Porto Allegre seront loccasion de tenter de dégager les caractéristiques actuelles des mouvements sociaux qui se font jour. Dans quelle mesure les revendications actuelles des mouvements sociaux vont-elles vers une autonomie croissante de la base ( face au Capital et à lEtat) ? Renforcent-elles au contraire lEtat en le plaçant dans un rôle central d arbitre entre Capital et Prolétariat ? Les revendications des mouvements sociaux peuvent-elles éviter la récupération et le renforcement de la dynamique capitaliste ? Peuvent-elles déboucher sur des perspectives croissantes dautonomie et de mode de vie alternatif ? Nous ne pouvons que saluer lanalyse faite par les camarades brésiliens de la sphère social-démocrate, créée autour du PT, qui ne peut à terme que générer échecs et démobilisation des prolétaires. Cette néo-social-démocratie, qui tente de se reconstituer aujourdhui à léchelle internationale ( en condamnant demblée toute perspective révolutionnaire libertaire à une future impasse léniniste) a la capacité médiatique de se présenter comme la nouvelle, seule et unique résistance à la logique capitaliste. LHistoire a démontré au contraire que la social-démocratie, dans ses versions légale et putschiste, finit toujours par remettre le capitalisme à lordre du jour des priorités, au nom des intérêts des prolétaires bien sûr. LOrganisation Communiste Libertaire souhaite aux camarades rassemblés à Porto Allegre des échanges fructueux et riches, pour pouvoir lancer ou renforcer les futures initiatives de lutte. Salutations communistes libertaires. |
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COMPTE-RENDU DES JOURNÉES ANARCHISTES |
Du 31 janvier au 5 février se sont déroulées les journées anarchistes contre la globalisation capitaliste à Porto Alegre à l'initiative de quatre collectifs ou organisations du Brésil (Federação Anarquista Gaúcha du Rio Grande do Sul, du Collectif Luta Libertária de São Paulo, du Laboratório de Estudos Libertários de Rio de Janeiro et de la Federação Anarquista Cabocla du Pará) ainsi que la Federación Anarquista Uruguaya. Organisées pendant le Forum Social Mondial et dans la même ville de Porto Alegre, cette initiative se plaçait clairement en opposition à l'opération politique social-démocrate du FSM. Dans le texte d'appel aux Journées Anarchistes contre la globalisation capitaliste, le ton était donné : "Le FSM est le produit d'un grand rassemblement de forces politiques, sociales et institutionnelles du monde entier, réunis dans une alliance de classe réunissant même certains businessmen soi-disant "progressistes". Ce grand ensemble de forces politico-sociales qui se réunit non par hasard dans une ville et un État du Brésil ayant une tradition de gouvernements du PT (parti des travailleurs), a selon ses organisateurs pour but de mener une lutte "propositive" contre le néo-libéralisme. À cause des signes évidents de lépuisement du modèle néolibéral, les idéologues du FSM-2002 tentent difficilement de parvenir à une monstrueuse coalition de classe au niveau international, avec pour objectif stratégique de promouvoir un projet d'hégémonie mondial de la social-démocratie comme seule manière efficace de gérer le système, au moyen d'une "nouvelle rationalité administrative". Pour cela, le projet social-démocrate doit pouvoir démontrer qu'il est capable de produire le bien-être pour les secteurs sociaux directement victimes de l'oppression capitaliste. Quelle meilleure propagande de cette "capacité" qu'un capitalisme géré localement par un programme social-démocrate dans un pays du Sud et du tiers-monde? La référence qu'ils tentent de bâtir autour de ce "capitalisme possible" est l'expérience des gouvernements du Front Populaire (sous le contrôle du PT) dans la ville de Porto Alegre et l'État de Rio Grande do Sul en conformité avec dautres expressions de "gestion humanitaire du capital" au niveau mondial. De cette manière, se mettent en place les relations internationales à lintérieur dun Front pour limplantation de ce nouveau projet : lavènement dun néo-réformisme qui sétend au prix de la misère du tiers-monde et des légitimes manifestations de mécontentement populaire qui en résultent. Ce "rationalisme" revendiqué par le FSM depuis sa naissance se garde bien sûr le droit de ne pas y promouvoir l'action directe populaire contre les institutions économico-financières qui symbolisent l'exercice centralisé du pouvoir mondial. Le fait est que la dynamique conflictuelle qu'engendreraient ces méthodes de manifester pourrait mettre le gouvernement de Front Populaire dans la situation critique de devoir faire intervenir son appareil policier contre ses propres invités. L'année 2002 se situe dans une conjoncture dominée par les élections nationales (présidentielles) et le Rio Grande do Sul ainsi que Porto Alegre symbolisent le projet de gouvernement que propose la gauche réformiste : - contrôler la volatilité des capitaux financiers en spéculation dans les pays périphériques et faire de l'argent en prélevant un taux fixé par les gouvernements; - politiques favorisants le capital productif national et les PME par un investissement direct des multinationales; - maintient des services publics qui ont survécu aux privatisations; - récupération des politiques de souveraineté nationale par le rétablissement de l'équilibre entre les pouvoirs formels et les mécanismes de consultation de la population; - remanier les appareils répressifs afin de les intégrer à la vie communautaire et de les instruire en matière de droits humains; - encouragement des secteurs de travail autonome. C'est à partir de ces grandes lignes maîtresses que doit se développer le modèle de développement capitaliste qui constitue la proposition dune gauche "plus mûre", consciente de ses responsabilités institutionnelles. L'annulation des dettes externes et internes qui rongent les finances des pays appauvris et qui cause l'aliénation sociale des richesses publiques produites par les travailleurs est un thème de plus en plus tabou chez les réformistes, car il menace la gouvernabilité (conditions pour gouverner), une valeur en hausse chez ces messieurs. Dans la dispute entre les différents projets politiques pour la société, et parmi ceux dans lesquels le FSM tente de s'insérer et de faire entendre sa voix, le débat est centré autour des modèles de développement ou de conduites que doivent adopter les pouvoirs capitalistes pour parvenir au bien-être général. Les institutions capitalistes sont donc acceptées comme telles, les rapports de domination qui les ont créés ne sont pas remis en question et la misère et de la soumission qui alimente le système sont lobjet de palliatifs qui jamais ne modifient son essence cruelle. Les 3 années de gouvernement PT dans l'État où nous vivons démontre en quoi la bonne volonté de la gauche réformiste s'est transformée lorsqu'elle a du assumer la gestion de lappareil dEtat. Leur volonté politique s'est pliée à la puissante force de conservation qui structure ces institutions d'État impliquant les contenus dune reddition idéologique complète. Les mesures sociales sont soumises aux mêmes limitations bureaucratiques. Les grandes compagnies ont toujours une influence considérable sur la politique intérieure. Les travailleurs des services publics (écoles, télé d'État) subissent les mêmes blocages de salaires qu'à l'époque de la droite, comme par exemple les fonctionnaires et les professeurs de lenseignement public qui constituent un élément fondamental de la base sociale du nouveau gouvernement. Les policiers sont toujours d'aussi bons protecteurs de la propriété privée lorsqu'il s'agit de réprimer les occupations du Mouvement des Sans Terre (MST), le Mouvement des Sans Toit ou encore les jeunes. Il est aussi ridicule, soi dit en passant, d'entendre les flics répondre au téléphone en disant: "Gouvernement populaire et démocratique, bonjour?" Dans le scénario actuel de la globalisation capitaliste, les possibilités d'un projet de développement national bourgeois, d'un pacte de collaboration de classes dans un pays déterminé parvenant à assurer une souveraineté réelle sur ses politiques, sont quasiment nulles. Les intérêts des transnationales provenant de leurs installations productives ou de leurs investissements financiers dans tous les pays du monde ont engendré une relation de dépendance sans précédents entre les nations (surtout celles du sud). D'autre part les institutions multinationales de la politique économico-financière (OMC, G8, etc.), véritables appareils administratifs au service des intérêts des grandes compagnies et de la politique impérialiste dun groupe réduit dEtats, constituent les pouvoirs de fait avec une incidence décisive sur les politiques nationales des États. La situation se fait plus problématique encore avec les menaces dintervention du gigantesque appareil militaire commandé par les Etats-Unis et ses alliés, sous le couvert de la lutte du "bien" contre le "mal", du combat contre la drogue, de lutte contre le terrorisme ou de l'aide humanitaire. Telle est la situation, grosso modo, qui entoure le Forum Social Mondial et qui déterminera ses activités. Les élections brésiliennes de 2002 seront déterminantes dans la définition des positions politiques des partis engagés dans le processus électoral de la démocratie bourgeoise. La participation des mouvements sociaux (organisations de classe, mouvements populaires) à ce jeu électoral se fera très certainement dans les limites du projet social-démocrate. Ce projet, qui tire un trait sur l'indépendance des classes opprimées et de leurs organisations en fonction des plans du gouvernement, ne vise qu'un élargissement de sa base électorale. Cela le dispense de prendre en compte le niveau de conscience et les revendications de la population, condition indispensable pour un changement réel et profond de la société. Il est possible qu'un mouvement social quelconque doté dune grande capacité d'action puisse questionner ces propositions, mais l'intégration des mouvements à l'appareil d'État est encore très forte dans le Rio Grande do Sul de part l'histoire de la gauche brésilienne et à cause des mécanismes efficaces de dépendances qui sont créés pour maintenir les mouvements sociaux sous contrôle de l'État." La rencontre de l'anarchisme organisé Ces Journées étaient organisées autour d'un certain nombre d'interventions préparées qui se sont succédées à la tribune. Chacune d'entre elles était suivie d'un débat ou de questions émanant d'une salle trop petite et archicomble où se pressaient entre 150 et 200 personnes. Il ne s'agissait bien évidemment pas de chercher à rivaliser avec le FSM mais de saisir cette occasion pour donner une première expression publique à l'anarchisme militant, de présenter la vitalité de ses idées, de son projet politique et de ses "réalisations pratiques qui lui sont inséparables" : donner à connaître "l'anarchisme pour ce qu'il est vraiment, c'est-à-dire une alternative pour la lutte des classes opprimées contre la domination capitaliste, dans ses versions globalisatrices libérale ou étatistes". L'autre enjeu était de resserrer les liens entre les différentes organisations libertaires se situant dans une démarche similaire : la construction d'un anarchisme organisé, présent dans les luttes sociales et inséré dans les mouvements de base et organisations populaires de la société brésilienne dans une conjoncture où la social-démocratie (le Parti des Travailleurs) est en bonne position pour remporter les élections présidentielles d'octobre prochain. De ce point de vue, le pari a été largement gagné : outre les collectifs et organisations invitants, les journées ont pu compter sur la présence de 22 collectifs, mouvements, centre d'études de São Paulo, Rio de Janeiro, Bahia, Minas Gerais, Pernanbuco, Goiana, Maranhao, Rio Grande do Sul Dans un pays grand comme un continent (les camarades de la FACA du Pará ont mis 3 jours pour venir) cette initiative a permis la rencontre, des échanges plus directs, des débats plus étroits entres militant-e-s ne se connaissant le plus souvent que par l'échange des journaux et bulletins publiés. Dans le public, une majorité de jeunes, des personnes venues du FSM, des curieux sont également passés ainsi que quelques journalistes dont certains ont relayé (un tout petit peu) l'information dans la presse locale. Enfin, ces journées ont pu compter sur la présence de militants d'Argentine, Uruguay, Bolivie, Chili, USA, Canada, Espagne, France, Suède, Suisse. Ces journées ont été un réel succès tant par la qualité des interventions que par l'affluence, au-delà même de ce qu'avait prévu et espéré les camarades de la FAG et tenant compte du fait que de nombreux groupes et collectifs du Brésil mais aussi de Bolivie, du Chili, du Pérou n'ont venir pour des raisons économiques évidentes, un long déplacement en bus pouvant largement dépasser le montant d'un voire de deux mois de salaire. Autre élément notable : ces journées ont été un véritable succès du point de vue de la cohérence entre les différentes interventions. Si les réalités sociales sont encore distinctes d'un pays ou d'une région à l'autre, les préoccupations des libertaires qui se sont retrouvés à Porto Alegre sont parfaitement identiques : une très forte insertion sociale déterminant une capacité à définir des priorités, la volonté de construire une alternative sociale, la recherche d'une adéquation entre les formes de lutte, les modes d'organisation des mouvements de résistance populaire et un projet libertaire conçu et vécu comme absolument nécessaire face à la faillite de tous les autres modèles. Car les modèles, ce sont surtout les secteurs de la population en lutte qui les inventent : comités de quartier, athénées, mouvement pour le logement, organisations de chômeurs, syndicats des travailleurs de la rue, mouvements d'éducation populaire, coopératives Bien sûr, les militant-e-s ont un rôle à jouer, en essayant de renforcer l'autonomie des mouvements, en défendant le fédéralisme et la solidarité horizontale comme mode de construction et de coordination, en suscitant et renforçant les liens direct de mouvements à mouvements, en se battant contre les tentatives de récupération ou d'instrumentalisation de la part des partis politiques interclassistes et/ou de type social-démocrates, en luttant pour qu'une "volonté anarchiste insérée socialement et organisée avec les critères adéquats à la réalité (ait) la force de dynamiser le potentiel d'auto-organisation et la conscience socialiste nécessaire pour rompre avec le système capitaliste" . En rejetant les dogmes et les schémas inadaptés et en essayant d'inventer de nouvelles méthodologies de travail et d'organisation en adéquation avec la situation concrète. Cette cohérence chez les libertaires d'Amérique Latine rencontrés à Porto Alegre, qu'ils soient d'Argentine, d'Uruguay, de Bolivie ou du Brésil, on la retrouve également dans la priorité donnée à l'intervention dans les quartiers populaires, dans les lieux de résidence, sur le territoire, dans le cadre d'un travail à long terme qui allie revendications, luttes collectives et resocialisation. Cette option prend une importance grandissante à mesure que se développe l'économie informelle, le sous-emploi et le chômage et que se réduit la part relative des centres de la production classique (industrielle, urbaine ). Dans ce travail de quartier, dans les favelas, les villas, dans les zones péri-urbaines, difficile de passer sous silence l'importance accordée à l'expression culturelle, au travail de récuparation de l'identité, aux interventions théâtrales, au chant, à la musique, à la danse comme vecteurs de la reconstruction d'une subjectivité collective populaire (de classe et enracinée dans une histoire faite de génocide, de pillage, d'esclavage, de deracinement) et "marqueurs" supplémentaires d'une socialité et d'une autonomie territoriale symbolique. Comme le disait un camarade de Quilombo Libertario (Bolivie), "Aujourd'hui, parler de classe opprimée, ce n'est pas parler d'un sujet ou d'un ouvrier, c'est parler d'un spectre de sujets qui subissent la domination du système capitaliste. Ces sujets ne sont plus concentrés dans les grandes mines ou les usines mais dans les communautés de la périphérie, dans les tribus indigènes, dans les rues vendant de l'artisanat ou des marchandises de contrebande, enfin, dans des lieux les plus divers, fragmentés et dispersés. Il est nécessaire que l'anarchisme organisé développe de nouvelles méthodes d'organisation et d'action, y compris en apprenant avec le peuple comment on doit organiser la lutte". Aujourd'hui, le mouvement libertaire est dans un processus de développement et de construction dans la plupart des Etats de la fédération brésilienne, avec de jeunes organisations ou collectifs en pleine croissance et avec énormément de perspectives. Prenant acte de cette nouvelle situation, les différents groupes et organisations brésiliennes présentes à Porto Alegre ont confirmé le projet d'organiser des rencontres anarchistes au mois de mai prochain à Belem (Pará) où seront débattues en priorité les stratégies du courant libertaire organisé dans les mouvements sociaux. L'idée d'une rencontre des organisations libertaires à l'échelle de toute l'Amérique latine est également en discussion. Pour des raisons économiques évidentes (ne pas multiplier les déplacements coûteux), cette rencontre continentale pourrait se concrétiser dans le cadre d'un congrès international anarchiste à Porto Alegre au cours de l'années 2003. A suivre Les Journées : essai de compte-rendu Le premier jour était dédié à la présentation des différentes organisations et collectifs ayant pris l'initiative de ces journées. Le cadre général fut rappelé ("Le projet socialiste libertaire face aux structures de la domination mondiale, construction d'un monde socialiste et libertaire, expression des pratiques de résistance à la domination capitaliste") ainsi que le contexte (Forum social mondial comme opération politique social-démocrate, interclassiste et institutionnelle, opération médiatique en vue des prochaines élections, en France et au Brésil). Déclaration d'ouverture (extraits) : " Pour nous, les circonstances historiques de ces Journées anarchistes dans ce pays où nous vivons ne peuvent être meilleures pour approfondir la réflexion sur les expériences de lutte et les organisations populaires auxquelles nous participons. Un débat d'idées et sur les pratiques aujourd'hui dans un processus d'accumulation à travers l'action d'un anarchisme engagé dans la problématique réelle des opprimés et qui de plus devra faire face au défi complexe de la construction d'une société dans laquelle l'égalité, la liberté et la solidarité et les paroles de Durruti "nous portons un monde dans nos curs" deviennent réalité. Par leur radicalité ou le caractère moralement le plus correct de nos discours, les idéologies révolutionnaires, dans lesquelles nous incluons les idées libertaires, qui pour une bonne part vivent en ce moment un processus d'adaptation à la situation historique présente peuvent ne pas entrer en concordance suffisante avec la sensibilité populaire. Ceci nous oblige à un travail politique qui soit compréhensible dans la pratique, dans la lutte sociale avec les plus opprimés, à être présents dans leur quotidienneté afin d'obtenir non seulement la reconnaissance de nos valeurs mais aussi pour que se développe une volonté révolutionnaire. Dans le moment même où nous réalisons ces Journées anarchistes, un ensemble de forces interclassistes convoquées par la gauche réformiste mondiale, essaie de recueillir les revendications les plus urgentes des expériences des mouvements populaires pour les ajouter à leur programme électoral. Cette stratégie de gauche aspire à une réforme "humanisante" du système à partir d'une réarticulation de l'appareil d'Etat avec la société civile. Un ensemble d'idée-force de l'anarchisme est aujourd'hui mis en pratique par diverses expériences construites par les mouvements populaires partout dans le monde. Malgré tout, il ne fait aucun doute que le processus révolutionnaire ne s'accomplira nulle part de manière mécaniste même s'il existe une force sociale consciente qui aspire aux objectifs de la révolution sociale. Beaucoup de ce qui est considéré comme authentiquement révolutionnaire dans les pratiques menées avec les opprimées peut être annulé et résorbé comme pur facteur conflictuel à l'intérieur du système. Seule une volonté anarchiste insérée socialement et organisée avec les critères adéquats à la réalité aura la force de dynamiser le potentiel d'auto-organisation et la conscience socialiste nécessaire pour rompre avec le système capitaliste". Puis fut donné à connaître les différentes organisations présentes ainsi que la liste de celles qui, n'ayant pu faire le déplacement, avaient envoyé des messages de solidarité. Cette première matinée se conclut par la présentation d'une pièce de théâtre à fort contenu social par des membres de la FAG. 2ème jour : Exposition littéraire Cette matinée fut consacrée à la présentation de deux livres, le premier traitant de l'organisation, avec essentiellement des textes de Bakounine et de Nestor Makhno, le second présenté par son auteur s'intitulant "Pouvoir et domination". Pour le camarade du collectif Luta Libertária de São Paulo ce premier livre vise à répondre à la méconnaissance des expériences historiques et des propositions de certains anarchistes sur la question de l'organisation. Ces documents et ces propositions, qu'il convient de replacer dans leurs contextes historiques respectifs, sont donc utiles en premier lieu pour ceux et celles qui sont aujourd'hui intéressés par un anarchisme intervenant dans les luttes populaires de manière organisée. Les positions de Bakounine sont peu connues et souvent travesties par certains extraits décontextualisés de ses écrits donnant à croire qu'il défendait des idées individualistes. Le camarade a insisté sur le fait qu'il faut toujours prendre les affirmations et certitudes du passé (et les erreurs) comme des références et jamais comme des dogmes pour les anarchistes. Dans son livre, Pouvoir et domination, Fabio Lopez définit ces concept dans une perspective de l'anarchisme militant et dans une situation post-révolutionnaire. Pour lui, dans une telle société, il y aura toujours des conflits d'intérêts qui s'opposeront en permanence. Une société sans conflit où nous serions tous des amis, cette société libertaire dont nous parlons et qui nous fait tant rêver, n'existera jamais. Il y a un "faux consensus" entre les anarchistes, comme si nous étions un ensemble homogène et harmonieux alors que dans la pratique il existe des milliers de groupes, tendances qui s'affrontent continuellement. Il y a des projets de société différents et aussi des divergences sur la manière de mener un processus de transformation sociale. Logiquement, les plus organisées, les mieux préparés théoriquement et avec une pratique sociale plus enracinée seront ceux qui parviendront à convaincre plus de gens pour ce projet et ceci s'appelle pouvoir. Ceux qui ne parviendront pas à convaincre devront passer à la résistance et mieux s'organiser pour faire valoir leur projet, si tant est qu'ils en aient un. Le pouvoir du capitalisme se base sur le triptyque exploitation-domination-oppression. Le pouvoir anarchiste s'articule sur l'association-participation-autogestion. Bien que complètement opposé et différent du pouvoir capitaliste, il ne cesse pour autant d'être un pouvoir. Ce fut sans doute un des exposés les plus riches du point de vue de la réflexion : les idées étaient argumentées, un vrai travail a été mené sur les concepts, les déconstruisant et les reformulant et au passage pulvérisant quelques dogmes ou postures idéalistes (le non-pouvoir) chères au milieu anarchiste. Cet exposé a été critiqué par quelques personnes mais a été vécu comme salutaire par la plupart des présents (beaucoup prenaient des notes !) : il concluait sur la nécessité d'une plus grande rigueur dans la définition et l'utilisation de concepts qui sont souvent très vagues (pouvoir, domination, classes sociales, organisation, liberté, individu, collectif ), qui fonctionnent comme des dogmes et donc ne sont pas des outils efficients dans la lutte, dans la pratique quotidienne et l'articulation de celle-ci avec la définition et l'enracinement d'un projet d'émancipation sociale. 3ème jour : Le projet libertaire face aux structures de la domination mondiale Pour commencer, intervention d'Augusto, du Laboratoire d'Etudes Libertaires, qui tire un bilan des expériences du socialisme autoritaire, en particulier la révolution russe lui opposant le socialisme libertaire. Rappel en particulier de l'expérience historique de la Mackhnovitchina et de la position critique que les anarchistes ont toujours eu sur le modèle Etat/parti unique auquel ils ont toujours opposé la continuité des conseils populaires (soviet) et la pluralité des organisations partidaires. Rappel a été fait qu'ils furent assassinés par l'armée commandée par Trotsky pour s'être rebellés contre la dictature bolchevique et qu'il a manqué aux anarchistes une meilleure organisation pour lutter contre les projets d'Etat totalitaire. Intervention ensuite de Juan Carlos Mechoso, de la Federación Anarquista Uruguaya sur le projet libertaire dans la conjoncture actuelle. Il a particulièrement insisté sur un problème majeur que nous rencontrons dans les mouvements sociaux comme dans l'ensemble du peuple : la fragmentation, l'individualisme dans lequel le système cherche à condamner les plus pauvres. Cette fragmentation est l'outil qui permet d'éviter que se réalise l'articulation populaire. Nous observons que dans les quartiers périphériques, les gens sont de plus en plus enfermés dans leurs maisons, atomisés, isolés, séparés les uns des autres. Cela montre la nécessité de revitaliser la vie en commun, en ouvrant des espaces solidaires de production du politique, du social, culturels, économiques etc. pour rendre possible la reconstitution d'un tissus social entre les opprimés. En priorité donc, travailler à une réactivation du sentiment collectif et une information sur les expériences de lutte. En Uruguay, les camarades de la FAU construisent des athénées qui sont des lieux où les habitants des communautés (quartiers) se retrouvent, s'articulent et développent leur luttes. Si le travail syndical continue d'être important, les camarades de la FAU animent une tendance classiste à l'intérieur du PIT-CNT (syndicat unique regroupant toutes les sensibilités de gauche), le travail sur les quartiers acquiert une importance décisive à mesure que se développe le chômage et le sous-emploi. Au cours de son intervention, Juan Carlos fit allusion à la violence révolutionnaire, rappelant que la FAU avait eu une expérience particulière, douloureuse et nécessaire, de celle-ci dans un contexte donné et selon une méthodologie/tactique qui se différenciait des stratégies "foquistes", avant-gardistes et substitutistes alors à l'uvre dans la plupart des pays d'Amérique latine et notamment en Uruguay (Tupamaros). Si la violence révolutionnaire ne doit pas être écartée comme méthode de lutte, celle-ci doit être minutieusement évaluée et intimement lié à de larges mouvements de résistance sociale, dans les syndicats, les quartiers, dans des moments précis où elle est comprise par une grande partie des opprimés c'est-à-dire s'articulant avec des rapports de force réels, comme forme d'appui et de soutien à des luttes et non en se substituant à elles. Juan Carlos a conclu son intervention sur la nécessité d'un anarchisme organisé, ouvert, non dogmatique mais avec des positions révolutionnaires fermes, inséré socialement dans les luttes et doté d'une stratégie et d'un projet clairs et intelligibles par le plus grand nombre. Les organisations anarchistes qui se situent dans cette perspective n'ont pas besoin d'être d'accord sur tout mais ils est nécessaire qu'elles partagent l'essentiel afin de pouvoir travailler ensemble de manière solidaire et coordonées dans chaque pays et au niveau international. Intervention d'Alexande Medeiros (de la FAG) sur le thème "Stratégie de la terreur dans un monde en crise" au cours duquel il a abordé les différents aspects, militaires, impérialistes, économique (exclusion sociale, précarisation ), le racisme, les relations de genre. Le camarade de la FAG, fait remarquer que si la terreur et la violence sont exercés par les Etats à un niveau macro-social, elles sont également présentes dans tout ce qui nous environne, le micro-social de la famille, du travail, le quotidien de nos relations interpersonnelles. Alexandre fit également la critique de la fausse conception marxiste selon laquelle la société évoluera "naturellement" vers la révolution. Aujourd'hui nous savons que la révolution est un processus et pas seulement l'insurrection d'une journée. Un processus long et qui exige un travail quotidien et continue et non quelque chose qui adviendra spontanément selon la conception évolutionniste de Darwin qui inspira fortement Marx. 4ème jour : Pratiques de résistance à la globalisation capitaliste Apoyo Mutuo (Etat espagnol) Après avoir rappelé l'origine des protestations et des mobilisations anti-globalisation, Jose Mari du réseau Apoyo Mutuo est longuement intervenu sur la nécessité d'étudier le processus de la globalisation lui-même afin de lui trouver des réponses adéquates. Il ne s'agit pas seulement d'une globalisation économique, celle-ci existe depuis longtemps et le capitalisme, notamment les multinationales et les banques ne connaissent pas les frontières. L'étape actuelle du capitalisme est tout au plus marquée par une accélération d'un processus qui vient de loin. La globalisation est surtout un processus beaucoup plus global qui touche tous les aspects de la vie, dans ce que nous faisons, lisons, écrivons, regardons (médias). Il a une incidence sur les corps (génome), dans ce que nous mangeons (transgénique), où que nous soyons et où nous allons (immigration, déterritorialisation, fragmentation spaciale, sociale, temporelle ). Avec la globalisation, nous subissons une oppression et un contrôle plus totalitaire que jamais. Face à cela, la camarade d'Apoyo Mutuo a expliqué comment se sont exprimées les formes de rébellion. La mise en place des réseaux, des mouvements, des collectifs de résistance, notamment les marches européennes contre le chômage, la présence des libertaires dans ces processus et dans l'apparition d'un "bloc rouge et noir" lors des manifestations internationales, réseaux qui ont convergé dans ce qu'on appelle le mouvement anti-globalisation au sein duquel l'anarchisme doit se situer comme une alternative politique concrète. L'anarchisme en s'appuyant en particulier sur l'apport de l'anarcho-syndicalisme qui en Espagne ne se limitait pas aux seules luttes d'entreprises, prend en compte la lutte contre la xénophobie, la lutte aux coté des sans-papiers, des sans-toits et cherche à regrouper les travailleurs fixes avec les chômeurs, les précaires, les intérimaires. Il faut bien prendre conscience que la configuration sociale aujourd'hui n'est plus du tout la même qu'il y a 50 ou même 20 ans. Le sujet historique protagoniste des luttes contre le capitalisme globalisé n'est plus la classe ouvrière mais l'ensemble des personnes habitant sur un territoire donné (ce qu'on appelle improprement les citoyens). Les luttes se mènent sur des quartiers, dans des villes, dans les campagnes, et ceci sur tous les aspects de la domination. A la globalisation capitaliste, nous ne devons pas opposer un contre-globalisation libertaire mais uvrer à l'organisation de communautés réelles luttant pour une plus grande autonomie sociale et politique. Pour terminer, Jose Mari a évoqué quelle devrait être l'intervention des anarchistes aujourd'hui : elle passe nécessairement par la création d'un mouvement qui parvienne à être reconnu par la société, par la participation aux luttes sociales en même temps que se créé de l'"alternativité", c'est-à-dire des espaces de vie parallèles, des expériences concrètes qui avancent dans la voie d'un changement radical du système actuel. Organisation Socialiste Libertaire (Buenos Aires) Leo de l'OSL de Buenos Aires est tout d'abord revenu sur les événements eux-mêmes : le caractère tout à fait spontané des journées du 19 et 20 décembre, la répression, l'explosion simultanée de deux réalités : les pauvres, les chômeurs d'un coté, la classe moyenne de l'autre, l'occupation de la place de Mai (symbole du pouvoir), le rejet de l'ensemble de la classe politique, l'absence totale des organisations politiques ou syndicales dans ces affrontements. Pour les camarades de l'OSL, les événements de décembre sont un moment charnière et il convient de les évaluer de manière critique, avec ses aspects positifs (mobilisation massive face à la répression et à l'état de siège, chute de deux gouvernements successifs, une première dans l'histoire argentine) mais aussi ses limites : le déclencheur a été le "corralito" qui empêchait les classes moyennes de retirer leur argent placé en banque. Limite également dans le fait que jusqu'à présent dans les interrogations, les débats, les mots d'ordre, s'il y a bien rejet d'un modèle et des élites politico-économiques (politiciens, banquiers, membres de la Cour suprême ), il y a peu de choses qui expriment une réflexion ou une aspiration à une nouvelle société basée sur de nouvelles valeurs. Les assemblées de quartier qui se sont multipliées (surtout dans Buenos Aires Capitale Fédérale) sont des espaces d'auto-expression très intéressants dans lesquels les militants politiques (et donc aussi ceux qui se réfèrent à l'anarchisme organisé) peuvent intervenir et toucher beaucoup plus de monde qu'auparavant afin de faire connaître leurs propositions et leur projet. Quant aux mouvements des travailleurs au chômage, ils sont actuellement la principale force populaire organisée mais ils sont minés et extrêmement divisés par des enjeux de pouvoir. Néanmoins, il existe une volonté d'autonomie, d'organisation à la base et de coordination horizontale très intéressante de la part des secteurs les plus avancés, notamment dans la banlieue sud de Buenos Aires (coordination Anibal Verón) mais aussi dans l'intérieur du pays. Le camarade de l'OSL fit remarquer que le mouvement libertaire en Argentine dispose de forces très limitées et fragmentées. L'OSL n'existe que sur Buenos Aires et dans sa forme actuelle depuis seulement 3 ans. Ils sont encore dans un processus d'insertion sociale (mouvement piquetero , assemblées de quartier, syndicats...). Ils participent également à un collectif contre la répression sociale qui pour eux est un axe fondamental : dans le grand Buenos Aires, au cours de l'années 2001, plusieurs centaines de jeunes ont été abattus par la police qui applique une politique du "gatillo fácil" (gâchette facile). Pour les camarades, il s'agit d'une politique délibérée de nettoyage social menée par les autorités politiques. Cette lutte anti-répressive est menée dans le but de donner un caractère politique à cette pratique de meutres en série et de mobiliser les familles et les proches des victimes qui appartiennent globalement aux mêmes couches sociales susceptibles de se retrouver dans les mouvements de piqueteros. Pour les camarades de l'OSL, la situation est très favorable au développement d'un courant libertaire organisé mais il ne faut pas taire ou sous-estimer les difficultés liées à la dispersion des forces, même à Buenos Aires et au faible poids des anarchistes révolutionnaires dans la conjoncture actuelle de l'Argentine. Quilombo Libertario (Santa Cruz de la Sierra Bolivie) L'intervention des camarades boliviens prit la forme d'un rapport historique sur les luttes sociales de ce pays et des éléments d'appréciation sur la conjoncture actuelle. Pour résumer, la Bolivie vit actuellement dans une troisième phase : celle d'un Etat néo-libéral démocratique (après l'Etat colonial et l'Etat minier) marqué par deux traits principaux : d'un coté l'émergence d'une nouvelle droite, modernisatrice, néo-libérale, "démocratique-électoraliste", de l'autre un processus rapide de déprolétarisation (et dépolitisation) issue de la crise internationale de l'étain et de la fermeture des mines. Longtemps, les mineurs ont constitué la colonne vertébrale du mouvement ouvrier bolivien organisé dans la Centrale Ouvrière de Bolivie (COB). Issus des communautés paysannes et indigènes, les mineurs conservaient les éléments culturels qui ont longtemps favorisé des formes de démocratie de base et dont les contenus allaient bien au-delà des revendications strictes du syndicalisme traditionnel. La COB se battait pour un changement de l'ordre social et sociétal : le socialisme. Le soulèvement des masses a été constitutif de la mémoire collective populaire tout au long de l'époque contemporaine de la Bolivie : grèves générales, blocages des routes et en particulier des camions, lutte anti-dictature, moments presque insurrectionnels avec menaces de tout faire sauter (les mineurs disposaient abondamment de dynamite et n'hésitaient pas à s'en servir pour mieux se faire entendre). Cette force des mineurs ira en s'amenuisant à mesure que les mines fermeront. Dans le processus actuel de déprolétarisation et dépolitisation, les mythes, les croyances, les références très fortes à la grève générale, à l'invincibilité de l'organisation ouvrière et à l'inéluctabilité du socialisme s'écroulent en même temps que les mineurs, issus des campagnes, doivent se "repaysanner" à partir de 1985 sous la pression d'un nouveau modèle économique. Ce changement affecte en premier lieu la configuration institutionnelle de l'Etat (passage d'une tendance "militariste" à une forme plus "libérale démocratique") mais aussi et surtout la structure sociale du pays : destructuration issue de l'altération de sa position dans la sphère productive : chômage, sous-emploi, émigration, développement du commerce informel et des travailleurs "indépendants". Dans ce contexte, les vieux acteurs de la gauche traditionnelle se retrouvent marginalisés, enfermés dans leurs dogmes et incapables de comprendre la réalité des mouvements sociaux actuels. Car les luttes sociales n'ont pas disparu, au contraire. Elles se sont simplement déplacées dans une nouvelle configuration territoriale avec de nouveaux acteurs : les paysans et les communautés indigènes (60% de la population qui maintiennent leurs traits ancestraux, en particulier leur lien presque sacré avec la terre et/ou territoire originel). La revendication de la terre est la principale exigence de ces peuples face à l'Etat "blanc-métis", exigence qui prend des traits différents, et parfois antagoniques, selon les organisations indigènes représentatives des différents espaces géographiques (Hautes Terres / Basses Terres). Ces luttes pour la terre sont de deux natures : - celles liées à l'héritage colonial : expansion du grand latifundio avec technologie moderne, main d'uvre peu nombreuse, conditions de travail extrêmement dures ayant pour conséquence la localisation forcée des paysans dans les zones les plus marginales, les moins productives et sans aucune assistance de la part de l'Etat. - celles menées par les cocaleros (producteurs de coca) dans la région du Chapare, qui sont des anciens mineurs "relocalisés") et qui se battent pour défendre cette culture. Les luttes populaires de Bolivie sont marquées par les luttes pour la terre et prennent des formes extrêmement dures : blocages massifs des routes, marches au siège du gouvernement, manifestations armées et soulèvements de caractère semi-insurrectionnels. Les autres acteurs principaux des luttes actuelles sont les travailleurs "informels", au noir, les travailleurs de la rue (vendeurs ambulants ), petits commerçants Enfin, sur des questions affectant toute la population d'une zone considérée, tout le monde se mobilise, y compris la bourgeoisie locale : cas de la lutte contre la privatisation de l'eau dans la région de Cochabamba, qui a vu un soulèvement généralisé de toutes les catégories, avec batailles de rue, barricades, affrontements armés Le mouvement libertaire a eu une longue histoire, depuis le début du XXème siècle. Son existence publique s'éteindra dans les années cinquante mais les idées libertaires garderont une grande influence dans le mouvement ouvrier et dans la COB qui reprendra quelques-uns uns des thèmes fondamentaux de l'orientation libertaire : démocratie directe, fédéralisme, autonomie syndicale vis-à-vis des partis, de l'Etat ou de la tutelle des intellectuels "extra-ouvriers". Influence libertaire que l'on retrouvera dans les modes d'action des mineurs : action directe, grèves "dures", mobilisation contre la dictature sous le mot d'ordre "Tout le pouvoir à la COB" et qui culminera avec l'Alliance Ouvriers-Paysans et une mobilisation de masse paralysant le pays et l'encerclement de la ville de La Paz. Cette présence libertaire s'exprimera aussi par une forme organisée, le Groupe de Travail Syndical animé par des militants dont certains joueront un rôle de premier plan (Victor López, Liber Forti), en particulier dans la mise en place d'un réseau de radios minières indépendantes (vingt ans avant les "radios libres" !) et des expériences de travail théâtral (Nuevos Horizontes). Aujourd'hui, le mouvement libertaire renaît en Bolivie, avec de nouveaux acteurs, souvent jeunes. Certains proviennent de la musique hard-core ou punk, d'autres sont insérés dans des mouvements culturels, la paysannerie des vallées ou de la plaine orientale, le mouvement ouvrier et étudiant, les mouvements féministes. A La Paz, Cochabamba, Sucre (Jeunesses Libertaires), Santa Cruz de la Sierra (Quilombo Libertario), Tajira et jusqu'à Potosí et Oruro. La plupart de ces groupes sont reliés dans un Réseau de Liaison Anarchiste de caractère ouvert et pluraliste, respectant les particularités d'insertion et les nuances idéologiques mais permettant une solidarité réciproque pour essayer de dépasser les distances géographiques et les limites économiques. 5è jour : Brésil, expériences de lutte et organisations populaires Cette matinée était consacrée à l'exposition des interventions menées par les camarades brésiliens organisateurs des rencontres. La Federação Anarquista Cabocla (FACA) de Belem, Pará. Le camarade Fabiano est tout d'abord intervenu pour expliquer le travail de récupération de l'identité culturelle spécifique de cette région amazonienne, mélange de populations indiennes et noires. Cabocla est le terme désignant cette identité. Les camarades de la FACA développent des activités communautaires avec les paysans et dans les quartiers les plus pauvres. Ils disposent d'une radio. Ils développent un travail spécifique en direction des adolescents très marqués par les problèmes générés par une violence très très forte : ce travail est réalisé avec du théâtre, de la poésie, de la littérature, de la musique. Avec des étudiants, ils essaient de mettre en place une université populaire dans les quartiers pauvres de la périphérie de Belem. Ils y développent des luttes locales en créant des comités pour l'eau, l'électricité, les transports. Dans le milieu étudiant, ils participent aux travaux de deux collectifs, le NUARA (Noyau de soutien à la réforme agraire) et le NUARU (pour la réforme urbaine), qui depuis une problématique de réflexion sur la socialisation de la connaissance académique regroupe des étudiants qui veulent intervenir aux côtés des paysans sans terre (MST) et des mouvements urbains de la périphérie. Les camarades ont souligné le peu de moyens dont ils disposent (pour du matériel de radio par exemple) et les difficultés pour nouer des contact dans l'intérieur du pays à cause des difficultés pour se déplacer. Le collectif Luta Libertária de São Paulo situe sa principale insertion sociale dans Resistência Popular un courant social qui agit dans six quartiers différents de la périphérie pauliste. Ce travail est centré sur l'organisation des habitants autour de revendications concrètes (eau, électricité ) mais aussi pour développer leurs propres espaces d'expression, comme par exemple, des radios communautaires. Ils cherchent à travailler avec des étudiants qui ont optés pour privilégier une interventions en directions des classes opprimées. Il s'agit essentiellement d'un travail d'éducation populaire mais basé sur l'échange réciproque et la mise en commun d'un savoir : les étudiants font partager leurs connaissances et les mettent au service des habitants mais ils viennent aussi apprendre auprès des habitants. Les camarades sont très impliqués dans une lutte très importante à São Paulo, l'occupation d'un terrain urbain par 1200 familles, lutte très dure et compliquée mais très intéressante qui est menée en relation étroite avec le MST et d'autres mouvements urbains. Dans ce type de lutte, la participation d'étudiants en architecture se fait par un travail en relation avec les habitants autour de l'élaboration de projets de construction urbaine sur le terrain occupé, avec discussions à tous les niveaux sur les besoins, en particulier en matière d'équipements collectifs mais aussi le type d'habitat. Les camarades de Luta Libertária interviennent aussi dans certaines favelas dans des conditions très dures à cause des problèmes de drogue et de violence. Les interventions se font en directions des jeunes, lycéens, adolescents Actuellement, ils travaillent à la reconstruction d'un local. Au-delà des perspectives dans chacune de leurs interventions et au sein de Resistência Popular, ils ont le projet de se transformer en organisation spécifique anarchiste, avec local, bibliothèque Laboratório de Estudos Libertários de Rio de Janeiro (LEL). Ce collectif de propagande anarchiste est né de la pratique militante à l'intérieur de mouvements populaires comme les sans toits, le mouvement étudiant et le mouvement communautaire. Il édite une revue Ruptura qui est né d'un besoin de clarifier les idées politiques et dont l'objectif est d'être un outil théorique qui réponde aux nécessités des collectifs ou individus anarchistes insérés ou en recherche d'insertion dans le processus de pouvoir populaire. La plupart de ses membres font également partie du mouvement Resistência Popular, courant politico-social ouvert, pluraliste, anticapitaliste et de base. Comme les autres organisations, ils privilégient le travail de quartier. Ils interviennent actuellement dans quatre favelas différentes au sein d'un Front d'éducation populaire, avec un effort particulier sur la question de la drogue. Ils ont développé une méthode pratique d'alphabétisation des adultes qui a donné de bons résultats et qui permet d'ouvrir des perspectives de discussions plus politiques dans ces quartiers périphériques. Le camarade du LEL souligne la difficulté de pénétrer dans certains quartiers : il est absolument nécessaire de rejoindre une entité qui soit légitime aux yeux de la communauté afin d'éviter les problèmes avec les trafiquants. Le LEL publie également un bulletin ("Libera amor mio") qui est un espace de débat, d'expression et de formation politique pour l'anarchisme organisé à Rio de Janeiro. Petit bulletin photocopié au départ, il prend progressivement la forme d'un journal, avec plusieurs centaines de lecteurs. La forme-collectif du LEL est actuellement dans une phase transitoire : des débats sont en cours avec d'autres personnes sur Rio sur la question de l'organisation spécifique. La Federação Anarquista Gaúcha. Le camarade Gaucho a exposé le travail réalisé à Gravatai (30 km de Porto Alegre) avec les recollecteurs de déchets recyclables qu'ils ont organisé en coopérative afin de vendre à meilleur prix la matière récupérée auprès des entreprises qui les achètent. Ce travail a pris la forme concrète de la construction d'un galpão (sorte de hangar) sur un terrain occupé. Ce local sert également à développer un travail d'organisation sociale avec les voisins qui occupent illégalement le même terrain : bibliothèque, cantine pour enfants, espace réunion ouvert aux habitants (bientôt doivent commencer des réunions de femmes de ce quartier). Les mobilisations sociales qu'ils impulsent se construisent autour de luttes collectives pour l'eau, l'électricité. Suite à l'incendie partiel de ce local, ils en ont obtenus un nouveau mais à 15 km de là ; ils doivent donc se battre maintenant pour résoudre le problème du transport. L'ancien local sera reconstruit avec l'aide de militants des Sans Toit qui travaillent ou travaillaient dans le bâtiment. Ce nouveau projet nécessite des moyens et c'est pour cela qu'une solidarité financière se met en place par l'intermédiaire du réseau SIL (Solidarité Internationale Libertaire). Ils sont également en relation étroite avec le MST de cette zone à la fois pour le projet de restaurant pour enfants (fourniture de surplus de denrées) et pour une lutte d'ensemble contre un projet d'autoroute dont le tracé prévu passe sur le terrain occupé. Le mouvement des "Catadores de material reciclável" se développe au niveau national. Il y a actuellement 52 coopératives locales et une fédération nationale existe depuis peu : à son premier congrès, 1600 délégués étaient représentés. Ce mouvement se développe et s'enracine avec beaucoup de perspectives : formation des travailleurs (pour le tri des matières notamment), mise en place de postes de récupération intermédiaires, liaison de plus en plus étroite avec d'autres mouvements populaires : le MST, les mouvements urbains. Dans le Rio Grande do Sul, le travail de mobilisation et d'auto-organisation mené par les militants anarchistes est reconnu et c'est un militant de la FAG qui a été élu au secrétariat de la fédération de cet Etat, ce qui déplaît fortement au PT qui cherche par tous les moyens à prendre le contrôle de ces coopératives. La FAG intervient également à Alegrete où se maintient l'occupation d'un terrain par 500 familles commencée il y a plusieurs années. Cette occupation se déroule avec des critères communautaires basés sur la solidarité et la prise de décisions collectives. Dans le milieu étudiant, les camarades de la FAG interviennent dans une structure de soutien aux luttes sociales à travers un collectif pour l'université populaire qui mène un travail de socialisation du savoir en direction des organisations populaires. Dans cette optique, des militant-e-s de la FAG ont impulsé la création d'un relais local du CMI (Centre des médias indépendants). Internet étant peu utilisé par les habitants, le CMI Porto Alegre va centrer son travail sur d'autres supports comme la radio ou la vidéo afin que la contre-information sur les luttes soit fournie en priorité à ceux et celles qui sont susceptibles de les mener. Ces journées se sont terminées par la lecture d'une déclaration finale rédigée par les 5 organisations et collectifs à l'initiative de ces Journées anarchistes. Puis, les participant-e-s ont eu droit à un moment musical. Tout d'abord avec un groupe improvisé pendant les Journées formé de camarades du Mato Grosso, de Rio de Janeiro et du Rio Grande do Sul : musiques et chants de luttes latino-américaines et aussi de la révolution espagnole. Puis, un copain des Etats-Unis a interprété quelques unes de ses chansons écrites à l'occasion des manifs anti-globalisation. Enfin, le groupe Antitese Social de Caxias (région de Porto Alegre) a joué ses propres compositions et tout ceci se termina, repris en chur par toute la salle, par l'inévitable "A las barricadas" Jeff Paris, le 27 février Étaient présents aux Journées Anarchistes des déléguéEs ou membres des organisations suivantes : Brésil Coletivo Luta Libertária (SP), Laboratório de Estudos Libertários (RJ), LibeLuta (SC), Coletivo Domingos Passos (RJ), Federação Anarquista Cabocla (PA), Construção Libertária Goiana (GO), Espaço Socialista do ABC (SP), Mov. Autogestionário (GO), Reunião de Indiv. do Mov. Anarq. (RS), Assoc.Cultural Quilombo Cecília (BA), Centro de Estudos Arte e Educação Libertária (RS), Proj. Imprensa Anarq. Verbavolant (PE), União Libertária do Maranhão (MA), Mov. Humanista pela Cid. Pop. (RS), Guerreiros por Princípios (RS), CCL (MG), MAP (BA), Alimente (PR), Proj. Aprendendo e Ensinando Cult. Pop. (RS), Núcleo Anti-Capit. (RS), JULI (RS), CELIP (RJ), Resist. Popular (RJ), Resist. Popular (SP), CMI (RJ), OPL (BA), MPA (DF). Amérique Latine et reste du monde |
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DÉCLARATION FINALE |
Cela fait des années que le modèle dit "néo-libéral" en a fini avec les intérêts et les conquêtes de notre peuple sans en avoir peine. Un modèle inséré dans un système de domination qui génère chaque fois plus de misère pour engraisser une minorité privilégiée. Nous traversons un moment où le gendarme du monde, l'impérialisme global nord-américain et ses associés, ont augmenté les moyens de répression au niveau mondial rendant compatibles avec sa stratégie monstrueuse les pratiques politiques et circulation de symboles qui la justifie, comme les bombardements en Afghanistan ayant suivi l'attaque des tours jumelles. En manque d'ennemis, les États-Unis se sont restructurés grâce à leur nouvelle guerre au "terrorisme", idéologie justifiant un interventionnisme accru dans les zones qui les intéressent, pour des raisons politiques, stratégiques ou économiques. Ils mettent dans le même panier de la lutte antiterroriste les interventions militaires en Irak et les accords du type "Plan Colombie". Dans ce contexte, l'état d'Israël durcit sa politique agressive contre le combatif peuple palestinien. Invasion de territoires et bain de sang en sont les conséquences. En divers points du monde, des peuples organisent la lutte. Au Nord, des multitudes gagnent les rues répudiant le néolibéralisme et la globalisation comme dans le cas des manifestions combatives de Seattle, Québec, Davos, Göteborg et Gênes. Alors qu'en Amérique Latine sévissaient différentes conditions socio-éconmomiques, les peuples d'Équateur, du Pérou, de Bolivie et d'Argentine ont presque simultanément livré un dur combat, souvent de manière désespérée, afin de rompre ce cycle de misère et de brutale injustice qui les emprisonnent. Cet étape du capitalisme laisse derrière elle la formule, en rien généreuse, de l'État-Providence. Cela provoque des changements d'ordre divers. Certaines régulations sont tombées en chemin et plusieurs conquêtes résultant de la lutte des peuples ont été rapidement démantelées.
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