Courant alternatif hors-série n°4 - 2e trimestre 2000 |
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SOMMAIRE |
Pourquoi sopposer au nucléaire p. 3 Des déchets pour toujours p. 4 Implications économiques, sociales et politiques p. 5/6/7 Expérimentation de larme nucléaire p. 8 Le CEA, sa raison dêtre p. 9/10 Historique du mouvement antinucléaire (part. 1) p. 11/12 La lutte à Golfech p. 13/14/15 La lutte à Chooz p. 16 à 19 La Hague antinucléaire p. 20/21 La lutte à Plogoff p. 22/23/24 Historique du mouvement antinucléaire (part. 2) p. 25/26/27 Lécologie pour un capitalisme pur et sûr p. 28/29/30 La sécurité nucléaire et laccident majeur p. 30/31/32 |
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POURQUOI SOPPOSER AU NUCLÉAIRE |
Nous faisons tout ce que nous pouvons pour prévenir laccident grave, nous espérons ne pas en avoir, mais nous ne pouvons pas garantir quil ne se produira pas. On ne peut exclure que dans les dix ou vingt ans à venir un accident civil grave se produise dans lune de nos installations (Inspecteur général pour la sûreté à EDF au colloque Nucléaire, Santé, Sécurité, 1988, Montauban). Dans les années 50 le nucléaire civil était présenté comme parfaitement sûr, sans déchets et pouvant fournir une énergie à tout jamais abondante. A partir de 1974, date de laccélération du programme nucléaire français, on nous affirmait que cette technologie était parfaitement maîtrisée et quun accident grave nétait pas possible. EDF garantissait une absolue sécurité grâce à un système de défense sans faille constitué de trois barrières entre le combustible et lenvironnement... ce qui revenait implicitement à reconnaître la possibilité daccident. Nous nagions en pleine euphorie scientiste : envolées à tout jamais lidée selon laquelle lémancipation des êtres humains ne pourra venir que deux mêmes par un changement dorganisation sociale, économique et politique ! Le bonheur sera luvre de la science qui résoudra tous nos problèmes. Ce discours était porté par la quasi totalité du corps scientifique, de la communauté médicale, de la classe politique. Ceux qui doutaient et qui critiquaient, les antinucléaires de la première heure, les sceptiques de la science et du développement, étaient marginalisés et pris en tenaille entre une pensée occidentale arrogante et dominatrice, et le stalinisme qui, sur ces questions, ne se distinguait en rien de la pensée quasi unique de lépoque. Rompre avec le scientisme A en croire les apôtres de la science, ceux qui craignent aujourdhui le nucléaire sont les mêmes que ceux qui craignaient le chemin de fer au XIXe siècle. Il y aurait toujours, selon eux, une partie frileuse de la population qui, accrochée au passé par peur de la modernité, serait toujours encline à propager un catastrophisme infondé. Pourtant, sachant que dans le monde moderne, les découvertes scientifiques ne se traduisent par des applications technologiques et techniques que si elles servent au développement du capitalisme ; et que le capitalisme a toujours apporté destructions, guerres et écrasement des individus, il nous semble que nous serions en droit de manifester quelque méfiance à lencontre des mises en uvre de nouvelles techniques réalisées au nom de la modernité et du progrès. Mais surtout, il ny a rien de commun entre un chemin de fer et une centrale ou une bombe nucléaire. Dans le premier cas, comme dans celui de la plupart des innovations technologiques du monde moderne, sur terre, sur mer, dans lair, un dysfonctionnement, une erreur ou un accident nentraînent la mort que de quelques centaines, au plus, de personnes. Dans le cas dun accident nucléaire, ce sont plusieurs dizaines de milliers de personnes qui laissent leur peau dans linstant ou dans les années qui suivent. Dans le premier cas, une fois laccident passé, les traces sont effaçables alors que dans le second ce sont des régions entières qui se retrouvent contaminées et cest donc la vie même sur la planète qui est ainsi menacée. Dans le premier cas on peut théoriquement revenir plus ou moins en arrière si on estime que telle ou telle technologie est trop dangereuse ou inadaptée. Les traces de son passé existeront certes : modification du paysage et du mode de vie, maladies, structure sociale, mais rien dabsolument irréversible. Dans le cas du nucléaire, il restera pour des centaines de milliers dannées, des zones contaminées et des milliers de tonnes de déchets stockées ici ou là : il ny a donc pas de réversibilité ! La différence entre le nucléaire et les autres technologies apparues depuis deux siècles nest pas question de degré, mais bien de nature. Nous sommes dans le qualitatif, pas dans le quantitatif ! Pour une sortie immédiate du nucléaire Certains, dans les sphères gouvernementales, tentent de passer pour des critiques réalistes du nucléaire. Ils parlent même dabandonner le tout-nucléaire, de diversifier, etc. En fait il sagirait de ramener la part du nucléaire dans la production de lélectricité aux environs de... 60 %, à lhorizon 2020 ! Réponse dérisoire aux problèmes monstrueux que pose cette source dénergie. Dautres se battent pour une sortie progressive du nucléaire avec loption dun non-renouvellement du parc, mais sans arrêt immédiat de celui qui fonctionne à lheure actuelle. Autrement dit, au mieux, vingt années pendant lesquelles planeront des dangers réels et reconnus de catastrophe, et saccumuleront des déchets que nul se sait ni décontaminer ni stocker. Or larrêt immédiat est possible techniquement sans baisse du niveau de confort ni suppression demplois. Mais de toutes les manières, y aurait-il des modifications de nos habitudes consuméristes, et des suppressions demplois (après tout, si ces suppressions apparaissent comme catastrophiques, cest bien parce que les richesses sont inégalement partagées !), quil ny aurait pas une minute à hésiter face aux dangers autrement plus graves, immédiats et pour léternité, que cette industrie nous fait courir. Et puis, soyons clairs, la baisse absolument indispensable de la consommation énergétique dans les pays du Nord nest nullement de nature à entraîner un retour à la bougie. On peut vivre mieux en consommant moins et mieux. Seulement voilà, les intérêts liés au nucléaire sont puissants, et leurs relais politiques si nombreux que seul un mouvement denvergure pourrait résister. Face à cela, les simples mouvements dopinion et les lamentables palinodies politiciennes sont impuissants. Miser sur cela, comme le font les Verts, ne fait que retarder la construction dun tel mouvement. Il ne faut pas perdre de vue que le nucléaire est le pur produit dun système économique. Et probablement lun de ses produits les plus pervers puisque, même en cas de Révolution (la bonne, la plus idyllique !), la nouvelle société hériterait, et pour longtemps, des déchets, des terres et des mers stérilisées et contaminées, des modifications génétiques, etc. Quoi quil arrive, le nucléaire restera un élément essentiel des conditions dune reproduction possible dune société basée sur lexploitation, la domination, et la prépondérance du travail intellectuel. Même dans le cas improbable où ils cesseraient à court terme, les programmes nucléaires auront, en quelque cinquante années, diminué les chances de réussite de létablissement dune société communiste. En ce sens, le nucléaire nest pas quune aberration, et ceux qui veulent le cantonner sur ce terrain se privent, et privent les autres, des moyens de comprendre ses causes, sa fonction et ses origines. Ils privent également la lutte antinucléaire de la possibilité de mener de front deux objectifs vitaux pour qui veut changer la société : faire cesser les programmes nucléaires, bien sûr, et permettre une meilleure compréhension des mécanismes de la société pour que les combats menés ne restent pas lettre morte. Que proposons-nous ? Nous sommes entrés dans une nouvelle période où le choix du créneau nucléaire pose à ses promoteurs de sérieux problèmes. Le lobby nucléaire se prépare à renouveler le parc actuel, dans un environnement plus défavorable que par le passé : nombre dEtats ont abandonné (ou sapprêtent à le faire) cette source dénergie ; la multiplication des incidents oblige EDF à une gymnastique de la transparence qui trompe de moins en moins de monde ; Lenlisement de la question du retraitement comme de celle des déchets fait mauvais effet. Mais ils ne lâcheront rien, soyons en certains, si un mouvement social ne crée pas un rapport de forces suffisant. Malgré trente ans de mouvements dopposition, le plus souvent locaux, la filière nucléaire sest développée ! Néanmoins, ce sont bien des mouvements massifs de population, qui ont fait, parfois, reculer la Marche de la France en Bretagne (où lEtat ne peut toujours pas implanter une centrale ! Aujourdhui, ce sont encore des mouvements de population locale qui font ou feront la fête à lANDRA lorsquelle tentera de sonder tel ou tel sous-sol. A nous dagir en leur sein pour que ce soit la globalité du nucléaire et de ses causes qui soit remis en question, et non tel ou tel aspect partiel. Il est regrettable que certains aient la mémoire courte. En effet, lorsque la droite était au pouvoir (avant 1981), le P.S., dans lopposition, se prétendait antinucléaire. Venu aux affaires, son rôle était de gérer le système capitaliste, ce qui signifiait quil navait pas dautre choix que de céder aux diktats des nucléocrates. Cest ce qui sest passé, avec tous les dénis que cela suppose, mais qui ne sont finalement pas des trahisons, car quand on choisit de gérer les affaires au niveau de lEtat, il ne faut pas sattendre à autre chose. |
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