Courant alternatif hors-série n°6 - 3e trimestre 2001

SOMMAIRE
Édito p.3
– Le chemin se trace en marchant ! p. 4
– La voie étroite d'une convergence nécessaire p. 5 à 15
– Unité pour un mouvement libertaire : lecture critique p.16-17
– Quelle unité des révolutionnaires ? p.18 à 20
– À propos de la lutte des classes et des racines du mouvement anarchiste p.21 à 24
– Ni plate-forme, ni synthèse p.25-26
– Anarchiste et franc-maçon ? p.27-28
– La question coloniale p.29 à 31
– Unité dans les luttes ? p.32
– Appel pour une solidarité internationale libertaire p.33 à 36

ÉDITO
En janvier 2001, les éditions du Monde libertaire et les éditions Alternative libertaire (Belgique) publiaient une brochure intitulée : Unité Pour un mouvement libertaire, signée Jean-Marc Raynaud avec la complicité de Roger Noël dit Babar. Ce texte était l’occasion de sortir des archives un document datant de 1934, « La synthèse anarchiste » selon Voline.

Le 22 mars suivant, les deux auteurs, rejoints par un troisième camarade, J.-C., rendaient public pour signatures individuelles ou collectives un second texte Unité ! Appel pour un mouvement libertaire, annonçant une première rencontre entre signataires pour les 13 et 14 octobre 2001, dans la perspective « d’une initiative pour la tenue des états généraux du mouvement libertaire ».

Fin Août, l’Appel comptait près de 400 signataires issus de la militance anarchiste francophone, dont une centaine devraient se rencontrer à Niort cet automne.

Ce type d’initiative est récurrent dans le milieu anarchiste. Les personnes au fait de l’histoire des quarante dernières années de ce courant politique auront en mémoire La Lettre au mouvement anarchiste international de l’UGAC (Union des groupes anarchistes communistes) en 1966, ou plus récemment l’Appel pour une Alternative libertaire, initié par l’Union des travailleurs communistes libertaires en 1990. Textes qui à leur manière proposaient également des débats en vue de regroupement pour gagner en cohésion politique et en efficacité.

La particularité de l’Appel 2001 est qu’il émane non pas d’une tendance communiste libertaire, ou révolutionnaire, mais de militants de la Fédération anarchiste francophone, plutôt partisans d’une stratégie de synthèse organisationnelle, et qui, jusqu’ici, nous avaient habitué à une défense inconditionnelle de la Fédération Anarchiste, considérée comme LA structure anarchiste, centre de gravité d'une « mouvance » jugée peu significative et parfois méprisée.

Cet appel paraît également dans une période de redynamisation des luttes politiques et sociales à l’échelle nationale et internationale, dans lesquelles des anarchistes sont présents, et tirent même certains succès, au moins médiatiques. Cependant, il est vrai que ce succès d’image est générateur de frustrations, au moins à l’échelle du mouvement anarchiste hexagonal : l’incohérence de l’intervention des différentes structures se réclamant de l’anarchisme lors des manifestations contre le sommet européen de Nice en est une illustration éloquente. A l’échelle internationale, les regroupements et les restructurations sont également à l’ordre du jour, et l’Espagne ou l’Amérique du Nord nous fournissent des pistes intéressantes.

Le mouvement anarchiste en France est pour sa part composé d’un nombre conséquent d’organisations politiques et syndicales, de groupe locaux, d’associations, d’individualités, qui successivement et en fonction des événements se trouvent en positions phares ou en retrait, travaillent ensemble ou séparément, de concert ou en concurrence, plus ou moins à la recherche d’une hégémonie organisationnelle sur « le mouvement », ce qui se traduit généralement par d’avantage d’inertie que de dynamique.

L’intérêt de « l’Appel » est donc de proposer un questionnement à l’ensemble du courant anarchiste, qui peut éventuellement conduire vers une pratique d’échanges et de débats qui fait cruellement défaut à tout ce petit monde.

Cependant, la bonne volonté affichée ne doit pas conduire à une fausse naïveté, et nous faire prendre les vessies de l’unité pour les lanternes de la révolution sociale. Il existe, entre tous ceux et toutes celles, structures ou individus, qui se réfèrent à l’anarchisme, des clivages fondamentaux qui structurent l’histoire comme l’état actuel du courant anarchiste, et qui déterminent des conceptions radicalement opposées, théoriquement et pratiquement, de l’anarchisme. Et l’abandon de l’idée même de révolution, perceptible dans la dynamique en cours ainsi que dans certains articles publiés récemment à Lyon ou ailleurs, n’est ni des moindres, ni anodine.

Il est donc nécessaire de questionner ces clivages si l’on souhaite qu’un débat réel s’instaure et que des pratiques communes émergent, de façon à ne pas vivre sur l’illusion d’une possible unité de l’ensemble des libertaires, dont on ne tarderait pas à constater qu’il s’agit de l’union impossible de la carpe et du lapin.

Ce numéro hors série de Courant Alternatif se propose de contribuer à ce questionnement, en livrant un certain nombre d’éléments historiques et contemporains, théoriques et pratiques, qui fondent les lignes de fractures qui traversent « le » mouvement, sans prétendre retracer son histoire complète. Seuls ont été pris, à des périodes différentes, quelques exemples qui nous ont paru illustrer nos remarques précédentes. On pourrait en citer d'autres aussi importants et aussi éclairants à nos yeux. En revanche ce numéro reste très hexagonal ce qui est une lacune, que nous comblerons peut-être lors d’une prochaine livraison.

Mais il propose également un certain nombre de pistes de travail possibles pour tous ceux et toutes celles qui, comme nous, tentent de réduire cette fracture pour aller toujours plus loin sur les chemins d’une révolution communiste et libertaire.

OCL, le 3 octobre 2001


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